Depuis le 15e siècle au moins, les propagandistes au service des États ou des entreprises emploient le terme « piraterie » pour diaboliser la saisie et la revente d’un bien privé. Plus récemment, l’emploi de ce terme a été étendu à la reproduction et à la distribution non autorisées de biens immatériels, que les « pirates » soient motivés ou non par le profit. La campagne de propagande orchestrée autour de la « piraterie » en ligne a remporté un grand succès. Il est toutefois rare qu’une enquête publique inclue une estimation de la menace que constitue, pour le savoir et la créativité, l’appropriation du patrimoine commun des connaissances par des multinationales privées. Dans notre définition de « piraterie », nous commencerons par retracer l’histoire juridique et populaire du terme, depuis les « pirates » des mers qui s’attaquaient aux monopoles du commerce maritime jusqu’aux « pirates » numériques actuels, qui copient, distribuent ou utilisent sans autorisation des matériels brevetés ou protégés par copyright. Nous évoquerons ensuite de quelle manière l’industrie utilise actuellement ce terme dans ses tentatives pour criminaliser le libre échange d’informations. Nous commencerons par nous intéresser au concept de « piraterie » tel qu’il est employé dans les discussions sur les matériels audiovisuels, les logiciels et les autres formes d’information numérique. Toutefois, nous souhaitons insister dès maintenant sur les liens qui existent entre la lutte pour la criminalisation des violations de la « propriété intellectuelle » dans le domaine du contenu numérique, et les luttes du même type se déroulant dans d’autres secteurs. La diffusion au niveau mondial du régime de la « propriété intellectuelle » (notamment les brevets) a une influence importante sur l’accès à des connaissances fondamentales en médecine, biotechnologie, agriculture, sciences, etc. Enfin, nous conclurons en nous intéressant à quelques solutions alternatives s’inscrivant dans un effort de sauvegarde de la valeur sociale du savoir.

Histoire du concept

Le terme moderne de « piraterie » est apparu au 15e siècle [1]. Il s’appliquait à l’origine aux individus sans patrie qui s’appropriaient les marchandises transportées en haute mer par des vaisseaux appartenant aux États ou bénéficiant du soutien de ceux-ci. Même si le terme tel qu’il est employé aujourd’hui se distingue nettement de son acception maritime, il conserve néanmoins quelques traces de son sens originel. L’ancien concept de piraterie maritime avait été en partie créé et diffusé par de puissantes entreprises privées, qui cherchaient à obtenir la protection juridique des États pour légitimer leurs propres intérêts matériels et monopoles commerciaux [2]. Ainsi, même à la grande époque de la piraterie en haute mer, l’emploi du terme était avant tout une question de point de vue [3]. Par exemple, le droit britannique faisait la distinction importante entre les « corsaires », qui étaient des vaisseaux ou des individus reconnus ou financés par un État européen quelconque, et les « pirates », qui étaient apatrides. Le concept de piraterie était si profondément ancré dans la présomption d’un droit à la domination commerciale que les navires européens se considéraient souvent autorisés à s’attaquer aux commerçants locaux. En d’autres termes, la seule différence entre un « pirate » et un « corsaire » était que ce dernier possédait une lettre d’un gouvernement l’autorisant à piller.

Aujourd’hui, la lutte contre la « piraterie » se déroule sur le terrain du savoir commercialisé, et le droit et la rhétorique de l’utilisation, de la distribution et de la production illégitimes de biens évoluent autour de politiques de plus en plus protectionnistes portant sur des biens intangibles, comme les marques commerciales, les brevets et le copyright. On retrouve des antécédents de ces politiques aux 16e et 17e siècles, quand les lois vénitiennes et anglaises accordaient des monopoles d’impression à certaines éditeurs, et établissaient de cette manière un contrôle direct de l’État (en d’autres termes, une censure). Au 19e siècle, le terme de « piraterie » fut de plus en plus appliqué aux éditeurs qui faisaient des copies de livres et les vendaient sans demander la permission aux auteurs, ni leur verser de droits d’auteur. À cette époque, de nombreuses discussions portaient sur la reproduction non autorisée des œuvres à l’étranger, en dehors de la juridiction des lois locales.

Au début de l’histoire des États-Unis, le Congrès américain reconnut le rôle que l’importation et la diffusion à grande échelle d’œuvres culturelles, artistiques et scientifiques étrangères pouvaient jouer dans la promotion de l’instruction et dans le « développement » économique, politique, social et culturel du pays. Ainsi, alors que le Copyright Act (loi sur le copyright) de 1790 offrait des protections limitées aux auteurs nationaux, l’Article 5 de cette loi stipulait que :

« ...rien dans la présente loi ne peut être interprété comme une interdiction à l’importation ou la vente, la réimpression ou la publication sur le territoire des États-Unis, de toute carte, dessin, livre ou livres, écrits, imprimés ou publiés par toute personne n’étant pas citoyenne des États-Unis, à l’étranger ou dans des endroits ne relevant pas de la juridiction des États-Unis. » [4]

En d’autres termes, les rédacteurs de la première loi américaine sur le copyright avaient compris que limiter la portée des droits de propriété sur le savoir privé, était dans l’intérêt public et national. De cette manière, les États-Unis choisirent de faire passer leur propre souveraineté avant les droits de propriété d’autres États et individus.

En effet, le « piratage » des livres et autres documents imprimés était répandu dans les états américains de l’époque coloniale [5]. Après l’Indépendance, les élites encouragèrent l’appropriation des travaux étrangers, au motif que cela incitait le public à se cultiver, tout en favorisant le développement de la littérature nationale et du secteur local de l’édition [6]. L’esprit même de la Clause de 1787 sur le Copyright de la Constitution américaine oblige le Congrès à trouver l’équilibre entre les intérêts financiers individuels des créateurs et l’intérêt supérieur du public à accéder à l’information [7]. Cette Clause est devenue la base juridique de l’usage équitable, c’est-à-dire le principe selon lequel les exceptions au copyright doivent être accordées à des fins de ¬critique, de parodie, de relation de nouvelles et d’éducation [8]. Les temps ont changé.

Vers la fin du 19e siècle, le développement de la loi internationale sur le copyright était bien engagé. En 1886, dix pays (sauf les États-Unis, qui ne signèrent qu’en 1988) étaient sur le point de signer ce que l’on a appelé la Convention de Berne. Cette Convention garantissait à tous les pays signataires un respect mutuel des lois nationales sur le copyright protégeant les œuvres littéraires, scientifiques et artistiques, et offrait des exceptions limitées pour les pays « en développement ». Au cours du siècle suivant, la Convention de Berne connut plusieurs révisions et rassembla un nombre croissant de signataires. En 1967, elle devint la pierre angulaire de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), une entité créée comme un organisme indépendant puis ensuite intégrée au système des Nations Unies pour surveiller, développer et promouvoir la « propriété intellectuelle » (copyright, brevets et marques commerciales).

Pendant ce temps, de nouvelles technologies comme le photocopieur, qui apparut sur le marché en 1949 et dont l’utilisation était largement répandue vers la fin des années soixante, transformèrent la « piraterie » des livres et des partitions musicales en un commerce international florissant. De même, vers la fin des années soixante, l’enregistrement sonore sur bande magnétique investit le secteur musical. Les cassettes rivalisèrent alors avec les disques vinyles comme forme standard de distribution, et les propagandistes de l’industrie commencèrent à appliquer le terme de « piraterie » à la reproduction illégale en masse des cassettes musicales destinées à la vente [9]. En 1971, le Sound Recording Act américain (loi sur les enregistrements sonores) instaura la protection des enregistrements sonores aux termes de la loi sur le copyright. Les années 1970 virent le développement et la diffusion des premiers magnétoscopes domestiques, et l’apparition des premières copies « pirates » de films commerciaux. En réaction à ces développements technologiques, les sociétés cinématographiques firent pression sur le Congrès pour qu’il prenne des mesures de protection contre les technologies de reproduction, et réclamèrent des amendes plus élevées pour les copies non autorisées. Les compagnies de disques tentèrent aussi de ralentir la mise sur le marché des technologies qu’elles considéraient comme dangereuses pour leur monopole de distribution. Mais malgré ses efforts, l’industrie fut en grande partie incapable de stopper le développement et la distribution des technologies de reproduction [10]. Toutefois, l’industrie audiovisuelle obtint du Congrès américain qu’il criminalise la « piraterie », et au cours des 30 à 40 dernières années, celui-ci a élargi à plusieurs reprises les définitions et augmenté les amendes pour violation du copyright. Le Copyright Act de 1976 étendit l’application de la loi à ceux qui n’avaient pas encore gagné de l’argent en violant la loi, mais qui auraient pu donner l’impression de chercher à en tirer un quelconque profit. Le Piracy and Counterfeiting Amendments Act (amendements sur la piraterie et la contrefaçon) de 1982 augmenta de manière significative les amendes en cas de violation du copyright d’œuvres audiovisuelles [11]. De même, en réponse au développement intense du secteur des logiciels des années quatre-vingts, celui-ci exigea que ses « biens » soient protégés. Ses efforts furent récompensés en 1992, année où la reproduction et la distribution non autorisées de logiciels à but lucratif furent à leur tour déclarées illégales [12].

Néanmoins, il y a très peu de temps encore, le terme de « piraterie » s’appliquait uniquement à la reproduction en masse et à but lucratif de copies matérielles de texte, de contenu audiovisuel et de logiciel (c’est-à-dire des copies réalisées sur des supports physiques comme le papier, une bande magnétique ou une disquette de plastique). Ce n’est qu’à partir de l’adoption à grande échelle des nouvelles technologies numériques et d’Internet à la fin des années quatre-vingt-dix que l’industrie commença à appliquer le terme de « piraterie » au libre échange de plus en plus courant de musique, et à désigner les individus qui participaient à cet échange d’informations sous le nom de « pirates ». Le Congrès lui emboîta le pas et malgré de vives protestations, 1997 vit l’adoption du No Electronic Theft (NET) Act (loi contre le vol électronique), qui criminalisait l’utilisation non autorisée d’une œuvre protégée par le copyright, indépendamment du but recherché. Le motif du profit n’étant plus considéré comme une caractéristique propre de la « piraterie », l’intention de partager librement une œuvre ne pouvait désormais plus échapper à la responsabilité pénale. Le Digital Millenium Copyright Act (DMCA, loi sur le copyright du millénaire numérique), promulgué en 1998 afin d’harmoniser la législation américaine sur la propriété intellectuelle avec les deux traités de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), à savoir le Traité sur le Droit d’Auteur de 1996 et le Traité sur les Interprétations et Exécutions de Phonogrammes de 1997, concrétisait à la fois les extensions mentionnées précédemment et limitait en plus le développement des technologies qui menaçaient de saper les systèmes de protection du copyright. Néanmoins, le libre échange de fichiers a explosé dans la conscience populaire en 1999, avec le service bien connu de partage de fichiers Napster.

L’histoire du copyright américain se développe avec en toile de fond le boom industriel de l’après Seconde Guerre Mondiale. Les processus de recherche, de production et de distribution résultant d’un complexe militaro-academico-industriel bien financé a procuré aux États-Unis un avantage économique croissant basé largement sur la production de nouvelles connaissances dans des secteurs essentiels (technologies médicales et scientifiques, pharmacie, chimie, électronique, informatique, etc.) Au cours des soixante dernières années, tout particulièrement, le gouvernement américain en est venu à considérer la production de savoir comme fondamentale pour sa croissance économique et sa sécurité nationale. Pendant la même période, la propriété du savoir passa des individus aux entreprises, et les entreprises connurent de plus en plus de succès dans leurs demandes de renforcement des protections des monopoles. La répartition du pouvoir politique et économique dans le monde d’après la Seconde Guerre Mondiale resta très inégal, et notamment dans les industries du savoir. Dans les années soixante-dix, les puissantes industries du savoir implantées aux États-Unis avaient réussi avec beaucoup de succès à intégrer leurs intérêts dans la politique étrangère américaine : la clause « Special 301  » du Trade Act (loi sur le commerce) de 1974 établit un mécanisme pour forcer les gouvernements étrangers à adhérer à la loi américaine sur le copyright et les brevets, en créant une liste qui classait les pays selon leur niveau de violation de la « propriété intellectuelle » (« PI »). Dans les années quatre-vingts, les États-Unis commencèrent sérieusement à exporter leur programme de « PI » par le biais d’accords commerciaux, faisant pression sur les pays pour qu’ils adoptent les normes et l’application américaines en matière de copyright et de brevets comme condition commerciale. Bien que la Convention de Berne et d’autres accords internationaux sur la « PI » prévoient des exceptions pour les pays les plus pauvres et leurs programmes de développement, les pays qui ne respectaient pas ou refusaient de respecter la loi américaine sur la « PI », ou profitaient pleinement des exceptions sur le dépôt de licence obligatoire [13] ou d’autres exceptions, furent de plus en plus appelés « pirates de la propriété intellectuelle ».

Pourtant, les années quatre-vingts marquèrent seulement le début des relations entre le droit commercial et la « PI ».

Déçus par l’incapacité des instances internationales existantes à obliger les pays à observer les lois sur la « PI », et surpassés en nombre dans des forums internationaux rassemblant des délégués d’anciens pays colonisés nouvellement indépendants (c’est-à-dire des organismes dépendant de l’ONU comme l’OMPI et l’UNESCO), les États-Unis mirent en place une stratégie pour déplacer la bataille sur la « PI » sur un autre terrain. Les industries du copyright (audiovisuel) en union avec des industries des brevets (chimie, pharmacie, et de plus en plus logiciels) se battirent pendant des décennies pour créer un régime mondial de « PI » fort. Après une âpre bataille au sein de l’OMPI (et en particulier entre les géants de l’industrie du savoir comme les États-Unis, le Japon, le Royaume-Uni et l’Allemagne face à la majorité des pays en développement), l’expansion du régime de « PI » dut se dérouler ailleurs. En 1996, le contenu et la volonté de la Convention de Berne et d’autres conventions sur le copyright, les brevets et les marques commerciales, furent largement supplantés par l’accord de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) relatif aux Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle relatifs au Commerce (ADPIC). L’Accord sur les ADPIC s’est révélé comme un outil très efficace pour obliger les pays en développement à adopter un système sur la « PI » proche de celui des États-Unis, peu importe que ce soit dans le meilleur intérêt ou non de leurs peuples, parce qu’un refus d’obtempérer les exposait à des sanctions. L’OMPI a assisté en spectatrice, mais elle demeure un acteur important de l’harmonisation internationale de la loi sur la « PI ».

Globalement, la campagne anti-« piraterie » à grande échelle sur le copyright et les brevets gagne rapidement du terrain, sans une participation large dans le débat et sans que le public ne soit informé des enjeux. Les gouvernements du Japon, de l’UE [14], de l’Australie et même de certains pays en développement [15] adoptent de plus en plus des arguments anti-piraterie à l’origine développés par les industries américaines. Le terme de « piraterie » n’est plus uniquement employé dans des négociations commerciales mondiales (OMC), régionales (ZLÉA) et bilatérales, mais il est aussi employé ailleurs par le gouvernement des États-Unis dans le cadre d’institutions multilatérales. Ceci est particulièrement vrai à l’OMPI, mais aussi à l’UNESCO et dans le processus du Sommet Mondial de la Société de l’Information (SMSI). Par exemple, la nécessité de combattre la « piraterie » en ligne (et le « cyberterrorisme ») est un point défendu par les États-Unis dans le SMSI ; tout comme à l’UNESCO pendant les négociations concernant l’avant-projet de Convention sur la Protection de la Diversité des Contenus Culturels et des Expressions Artistiques [16].

Un critère d’évaluation : l’accès au savoir

Si on ne les contrôle pas, les développements récents de la loi sur le copyright et les brevets qui élargissent la définition de la « piraterie » et augmentent les amendes encourues, risquent de porter un préjudice grave à l’usage loyal [17] et au domaine public, aux technologies et aux normes technologiques (par exemple, les exigences des DRM), à l’éducation, et aux biens communs de la connaissance. Un mouvement en pleine expansion considère le régime actuel de « propriété intellectuelle » comme une menace pour la démocratisation de l’éducation, la participation civique, la promotion de l’expression créative, et la protection du patrimoine commun des connaissances et de la créativité appartenant à l’humanité. Beaucoup avancent que le problème devrait être reconsidéré : plutôt que de se demander « pourquoi la piraterie est-elle mauvaise?  », il faudrait peut-être se demander « pourquoi la propriété intellectuelle est-elle mauvaise? ». Ce serait un euphémisme que d’affirmer que l’emploi actuel par l’industrie du terme « piraterie » est vivement contesté.

Les « industries du copyright » (notamment les secteurs de la musique, du cinéma et des logiciels) emploient le terme de piraterie dans un sens très large, englobant toute forme non autorisée de reproduction, distribution et utilisation de matériel protégé par le copyright, peu importe que cette reproduction soit faite : 1) par des professionnels, reproduisant et revendant des matériels à grande échelle et dans un but lucratif ; 2) par des prestataires de services qui hébergent des outils de partage de fichiers ; 3) par des individus qui utilisent les réseaux de partage des fichiers pour échanger gratuitement du matériel ; ou même 4) par des consommateurs qui involontairement commettent des actes de « piraterie » quand ils ne comprennent pas complètement les termes des licences des produits qu’ils ont achetés, et qui par exemple font quelques copies pour leur usage personnel ou celui de la famille [18]. Tous ces emplois du terme « piraterie », excepté le premier, constituent des extensions qu’il ne faut pas prendre à la légère. Influencés en grande partie par l’élargissement du terme par l’industrie, les législateurs ont commencé au cours de la dernière décennie à assimiler l’échange de contenu libre avec la revente de matériel sous copyright, à tel point que le partage de fichiers est presque devenu synonyme de « piraterie » [19].

La propagande de l’industrie (et de l’État) visant l’opinion publique au sujet de la « piraterie » se base sur plusieurs points essentiels : premièrement, elle met l’accent sur la vulnérabilité de l’artiste, du scientifique ou du programmeur, et sur le préjudice direct subi par les créateurs originaux victimes des « pirates » ; deuxièmement, elle prétend que sans les gains garantis par une politique forte en matière de « propriété intellectuelle » et l’application de celle-ci, la créativité s’épuisera faute d’incitations ; troisièmement, elle prétend que des réglementations faibles en matière de « propriété intellectuelle », particulièrement dans les pays en développement, empêcheront le « développement », priveront les artistes locaux de leurs moyens d’existence, freineront la croissance de l’industrie locale, et menaceront le savoir local. Alors que l’industrie finance des études coûteuses qui donnent des chiffres démesurément spéculatifs pour soutenir ces affirmations, les résultats sont problématiques et ne débouchent sur aucune ¬conclusion [20].

Même si l’on accepte les estimations des soi-disant pertes fournies par l’industrie, ces estimations passent toujours sous silence les relations d’exploitation qui lient les détenteurs des droits des entreprises et les producteurs originaux. Il n’est pas étonnant alors qu’il existe un débat interne à l’industrie qui se fragmente selon les positions dans la chaîne des biens de consommation. Créateurs, éditeurs, diffuseurs de radio ou de télévision, publicitaires, détaillants : tous défendent des intérêts différents. Et au sein de chaque catégorie, les intérêts varient également, comme par exemple entre les artistes vedettes et la grande majorité des autres artistes, entre les sociétés bien implantées et les nouvelles, entre les distributeurs ayant un modèle d’affaires basé sur la vente de produits médiatiques tangibles et les distributeurs de produits numériques. Toutefois, les créateurs se démarquent de plus en plus, et ils résistent aux mesures que l’industrie prend en leur nom contre la « piraterie ».

Il y a également une controverse quant à savoir si les profits tirés des brevets et du copyright sont des incitations fondamentales pour l’innovation. Dans une certaine mesure, le débat est largement dominé par la propagande qui évoque les ventes potentielles perdues (mais peut-on comparer une copie « piratée » avec une vente perdue?). Néanmoins, affirmer qu’accorder des bénéfices pécuniaires à des détenteurs de droits de « propriété » immatériels est la méthode la plus efficace pour encourager le travail immatériel, constitue avant tout un point de vue idéologique et non un fait économique avéré. L’étroit chemin économique sur lequel le débat avance, marginalise l’existence d’autres stratégies de soutien économique.

Il est extrêmement difficile d’évaluer l’étendue de la « piraterie » même si on se limite à la contrefaçon de masse de supports « matériels » (cassettes, CD, DVD). Quant à la « piraterie » en ligne, même l’industrie reconnaît que ses meilleures estimations sont aléatoires. Par exemple, au moment où nous écrivons cet article, les analystes du trafic sur Internet estiment qu’un tiers du trafic est constitué par des fichiers bittorrent [21]. La proportion de trafic bittorrent, constitué par le partage libre de fichiers de matériaux audiovisuels et de logiciels protégés par copyright, n’est pas connue, mais elle est vraisemblablemen très élevée. S’il est difficile d’estimer la quantité de fichiers échangés, il est encore plus difficile de départager les affirmations contradictoires sur les conséquences de la piraterie sur les ventes (est-ce que chaque fichier échangé représente réellement un article que quelqu’un aurait acheté?), sur le comportement des consommateurs (est-ce que l’échange fréquent de fichiers encourage les gens à écouter de la musique qu’ils n’auraient écoutée autrement, et finalement suscite de nouveaux achats?), et sur les moyens d’existence des artistes (est-ce que les musiciens y gagnent un plus grand nombre de fans, attirent plus de personnes lors de leurs concerts, et voient leurs ventes augmenter à cause du partage libre de fichiers?).

En ce qui concerne les logiciels, la « piraterie » à grande échelle pourrait à long terme aider à accroître les ventes, malgré des conséquences négatives à court terme. Ceci s’explique parce que la « piraterie » permet d’établir une incitation commerciale pour une future exploitation, et dans certains cas peut contribuer à une saturation quasi-monopolistique du marché (Microsoft). En effet, il s’agit d’un fait dont les cadres de Microsoft sont bien conscients, et qui n’est sans nul doute pas étranger au récent comportement « philanthropique » du géant des logiciels, particulièrement face à la « menace » des logiciels libres et à code source ouvert. Le partenariat de 1 milliard de dollars entre Microsoft et le Programme des Nations Unies pour le Développement, annoncé au cours du Forum Économique Mondial de 2004, constitue à cet égard un effort pour s’assurer une part de marché en forçant les utilisateurs des pays en développement à utiliser les produits Microsoft. Le but est que les « pertes » actuelles (le coût réel de la reproduction de logiciels est proche de zéro) soient compensées de nombreuses fois par des ventes sur de futurs marchés composés d’entreprises et de particuliers, une fois que ceux-ci seront verrouillés par la globalisation continue d’un régime de « PI » fort comme celui des États-Unis. Le même argument peut être appliqué à l’industrie audiovisuelle, dans la mesure où les produits « pirates » circulant dans les pays en développement permettent de créer une demande locale pour le contenu ainsi que pour des infrastructures de distribution et de consommation. Une fois la demande créée, l’incitation pour une législation plus forte sur la « PI  » et des mesures énergiques contre la « piraterie » vont se mettre en place, et l’industrie en retirera les bénéfices.

Au niveau international, l’industrie publie des chiffres pays par pays représentant une estimation des pertes dues à la piraterie chaque année, et elle les utilise pour faire pression sur les pays en développement lors des négociations commerciales [22]. Les groupes de l’industrie faisant pression au nom des géants du copyright et des brevets affirment au gouvernement américain que la future hégémonie économique américaine dépendra de plus en plus de la capacité des États-Unis à dominer l’économie du savoir [23]. Les recommandations des industries du copyright portant sur les négociations internationales sont généralement suivies, presque à la lettre, et les pays listés doivent changer leurs lois en matière de copyright et de brevets sous peine de s’exposer à des sanctions.

Pour résumer ce que nous avons dit jusqu’à présent : les monopoles limités sur le savoir protégés par les gouvernements avaient à l’origine pour vocation de promouvoir l’éducation, les arts et les sciences en établissant un équilibre entre un mécanisme d’incitation pour les créateurs originaux tout en accordant au public le droit d’accéder au savoir. Toutefois, de nos jours, ce ne sont plus les créateurs originaux qui détiennent les monopoles sur le savoir, mais les grandes entreprises ; les termes du copyright ont été prolongés jusqu’à presque un siècle après la mort de l’auteur [24] ; et les amendes pour violation sont plus élevées que jamais. La liste grandissante des « savoirs » protégés inclut même notre propre code génétique, voire des organismes vivants entiers. Le prix? Un dommage inestimable pour l’innovation, l’éducation, les arts, les sciences, le droit d’échanger librement des informations, et dans le cas des brevets sur les médicaments, des vies humaines [25].

Dans le contexte d’une répartition des richesses de plus en plus inégale, la hiérarchisation de l’accès au savoir au moyen de mécanismes commerciaux va encore marginaliser les plus démunis. Les pays en développement, soutenus par d’innombrables groupes de la « société civile », maintiennent que le paquet « PI » réunissant les marques commerciales, les brevets et le copyright, accordé par l’ADPIC, l’OMPI ou d’autres accords bilatéraux, est en réalité un moyen pour que les entreprises déjà dominantes étendent leurs monopoles régionaux et mondiaux. Par ailleurs, malgré un discours bien rôdé autour de la nécessité de combattre les formes de « piraterie » audiovisuelles et autres dans le monde en développement, de nombreuses personnes font remarquer que les véritables « pirates » dans les pays du Sud sont les biopirates : c’est-à-dire les entreprises pharmaceutiques et agricoles géantes du Nord qui s’emploient à faire breveter, entre autres « découvertes », des plantes et des souches de cultures médicinales, développées ¬depuis des milliers d’années par les peuples autochtones [26].

Reconquérir les biens communs de la connaissance

Beaucoup conviennent que le régime protectionniste actuel de copyright et de brevets est plus mauvais que bon. Certains pays en développement s’organisent pour s’assurer, dans la mesure où ils poursuivent certains objectifs communs, que le régime de « PI » tel qu’il est décrit dans le programme «  ADPIC-plus  » n’entraîne pas une trahison complète de leurs intérêts. Des bibliothécaires, scientifiques, artistes et autres, continuent de s’organiser pour promouvoir un large accès libre au savoir. Le partage de fichiers ne cesse de se développer malgré les procès intentés par l’industrie contre les utilisateurs finaux. D’un point de vue historique, au moins aux États-Unis, le Congrès et les tribunaux se sont montrés réticents à freiner complètement les progrès technologiques pour satisfaire les exigences de l’industrie [27] et certaines activités soi-disant « pirates » ont fini par le passé à acquérir une reconnaissance légale (par exemple, le mouvement des radios « pirates » aux États-Unis a débouché sur la légalisation des stations FM de Faible Puissance). Dans certains cas au moins, le domaine privé a pris le pas sur les intérêts de l’industrie [28]. En 2004, l’OMPI a été obligée par les pays en développement et sous la pression de la société civile, d’accepter de revoir ses activités par rapport aux Objectifs de Développement pour le Millénaire de l’ONU. Le Brésil a récemment adopté la licence Creative Commons comme licence par défaut pour les enregistrements musicaux et tous les organismes publics utilisent des logiciels à code source ouvert. Par ailleurs, de nombreux autres techniques, stratégies et mouvements alternatifs sont en train de se développer à l’intérieur et en marge du régime de propriété intellectuelle actuel.

Le programme de développement. Dans le cas des médicaments de base, une importante victoire au cours du cycle de l’OMC à Doha a instauré des exceptions à l’Accord sur les ADPIC, pour permettre d’appliquer, sous certaines conditions, la licence obligatoire des médicaments génériques. Les pays qui se sont battus pour l’exception de Doha font maintenant fortement pression pour réformer l’OMPI afin que la « PI » soit considérée comme un mécanisme parmi d’autres pour étendre les savoirs essentiels aux pays en développement, plutôt que comme une fin en soi. En outre, le Brésil, la Chine et une liste toujours plus longue de pays en développement tendent de plus en plus à adopter des logiciels à code source ouvert dans les organismes publics. Leurs arguments vont de la durabilité économique, compte tenu du coût élevé pour entretenir des logiciels propriétaires, à la sécurité. En termes de « biens » culturels, le Ministère brésilien de la Culture, dirigé par le musicien et militant pour la justice sociale Gilberto Gil, a récemment proposé d’adopter la licence de partage des conditions initiales à l’identique et sans utilisation commerciale Creative Commons pour les enregistrements musicaux, en argumentant que la disponibilité des biens créatifs communs est essentielle au travail créatif. En outre, certains pays en développement se sont récemment prononcés en faveur de l’instauration de mécanismes juridiques internationaux pour riposter contre la « biopiraterie » et protéger les populations autochtones de l’appropriation de leurs savoirs et leurs expressions créatives traditionnels par le biais de copyrights et de brevets non valables.

Traité sur lAccès aux Connaissances. En février 2005, une conférence importante organisée par le Consumer Project on Technology (CPTech), Third World Network (TWN) et l’International Federation of Library Associations (IFLA, fédération internationale des associations de bibliothèques) s’est tenue à Genève. Elle a réuni des groupes d’intérêt public, chercheurs, universitaires et diplomates pour discuter de la création d’un Traité sur l’Accès aux Connaissances, comme l’avaient à l’origine demandé l’Argentine et le Brésil dans leur proposition à l’OMPI d’un « Agenda pour le Développement  ». Cette conférence sur l’accès aux connaissances s’est concentrée sur l’organisation de stratégies et la création d’un moyen commun d’avancer : un traité qui établirait un meilleur équilibre entre les besoins en informations des différents publics et les intérêts privés des détenteurs des copyrights. Concrètement, le Traité sur l’Accès aux Connaissances pourrait comprendre des exceptions et des limitations aux brevets et au copyright dans des secteurs essentiels comme la santé publique et ¬l’éducation [29].

Mouvement des logiciels à code source ouvert/libres. La diffusion dans le monde entier du mouvement Free/Libre Open Source Software (F/LOSS) est l’un des ¬¬contre-exemples les plus marquants dans la croisade anti-« piraterie ». Des milliers de programmeurs consacrent une partie de leur temps à travailler sur des logiciels dotés d’un code source qui soit ouvert au public (Open Source), et dans de nombreux cas libres d’utilisation et faisant l’objet d’une licence permettant aux autres de les améliorer, mais seulement si leur travail reste lui aussi libre et à code source ouvert. Alors que le succès des logiciels libres grandit, les géants de l’industrie des logiciels réagissent en faisant de plus en plus pression pour le brevetage des logiciels, déjà courant aux États-Unis et à l’étude dans l’Union Européenne.

Partage de musique. De nombreux musiciens indépendants avancent que pour la grande majorité d’entre eux, qui vivent de concerts plutôt que de droits d’auteur sur les ventes d’enregistrements, la distribution gratuite de musique via les réseaux de partage de fichiers ne constitue pas une menace mais plutôt une forme de publicité gratuite et un moyen de conquérir de nouveaux fans. D’autres encouragent l’échange d’enregistrements musicaux sur le modèle des partagiciels, dans lequel la distribution est gratuite mais les fans sont incités à verser une petite somme directement à l’artiste si l’enregistrement leur a plu [30]. Puisque l’argent revient directement à l’artiste, ce système est plus avantageux pour celui-ci, même si un tout petit nombre de fans donnent de l’argent, puisque dans le modèle classique de l’industrie, la plus grosse partie du prix indiqué sur l’étiquette s’évapore le long d’une chaîne d’intermédiaires. Il ne s’agit pas là d’une attitude marginale : une étude récente de Pew Internet et American Life menée auprès de musiciens et d’artistes [31] a montré que, si les artistes ont des avis divergents concernant le partage de fichiers, la majorité d’entre eux (les 2/3) ne considèrent pas Internet comme une menace pour leur moyens d’existence, et une proportion significative a même le sentiment que le partage de fichiers a aidé leur carrière.

Réseaux Pair-à-Pair (P2P). La technologie P2P remplace le modèle centralisé, dans lequel l’information est stockée sur un serveur qui assure ensuite l’envoi des fichiers à chaque utilisateur, par un modèle en réseau dans lequel chaque utilisateur peut obtenir des informations mises en commun depuis les machines des autres utilisateurs du réseau. Ainsi, la largeur de bande est utilisée de manière optimale et les fichiers qui sont très demandés deviennent plus facilement téléchargeables (puisqu’il y a plus de copies disponibles et plus de machines les proposant). Malgré les efforts de l’industrie audiovisuelle pour assimiler le P2P à de la « piraterie », la technologie elle-même connaît une grande variété d’applications. Elle a par exemple permis la décentralisation des communications des communautés, des groupes d’intérêt, des campagnes, etc. Elle permet aux dissidents vivant dans des régimes répressifs de communiquer entre eux et avec le monde extérieur. Un nombre croissant d’individus s’engage dans ce que l’on appelle la « production entre pairs basée sur les connaissances communes  », dans laquelle la production de biens du savoir, de travaux artistiques et de services, se base sur des ressources du domaine public et est organisée par les pairs. Toutefois, la technologie P2P est légalement menacée par l’industrie : au moment où nous écrivons cet article, la Cour Suprême des États-Unis étudie la technologie P2P, pour déterminer si elle doit autoriser ou interdire son développement. Un grand nombre de groupes d’intérêt public se sont réunis pour défendre le P2P et encourager la Cour Suprême à examiner cette affaire à la lumière de l’affaire Betamax, qui établit que ce sont les utilisateurs, et non les technologies, qui violent le copyright [32]. En attendant, le nombre d’utilisateurs du P2P ne cesse d’augmenter.

Publication en accès ouvert. Les bases de données et les archives des revues scientifiques, auxquelles même de nombreuses universités des États-Unis n’ont pas les moyens de s’abonner, garantissent de manière presque certaine que les pays en développement n’ont pas un accès suffisant aux connaissances produites dans des environnements mieux financés. Cette grave inégalité empêche à la fois les pays en développement d’accéder aux connaissances qui peuvent être essentielles à l’amélioration des conditions chez eux, mais cela retarde aussi leur participation dans les recherches en cours et détermine des axes de recherche en fonction des priorités des pays riches [33]. Toutefois, il existe une solution  : la publication ouverte, c’est-à-dire la création d’articles de revues et d’autres documents disponibles en ligne pour un coût nul et sans restriction d’accès. Il existe de nombreux modèles sur la manière de financer la production et la révision par les pairs, et un nombre croissant d’agences et de fondations soit exigent, soit encouragement vivement un accès en ligne gratuit aux publications résultant des recherches qu’elles ont aidé à financer [34].

Licences alternatives. De nombreuses formes de licences alternatives apparaissent, comme les licences GPL (General Public License) sous lesquelles une grande partie du développement de logiciels F/LOSS se réalise ; le copyleft ; et les licences Creative Commons [35], de plus en plus populaires, et qui sont un moyen convivial de différencier les droits d’auteur, d’exploitation et de reproduction. Par exemple, la licence de partage des conditions initiales à l’identique et sans utilisation commerciale Creative Commons implique que n’importe qui peut utiliser librement l’œuvre sous licence, et peut y intégrer les résultats de son propre travail. Dans ce cas, la personne doit mentionner le nom de l’auteur de l’œuvre originale sous licence, et doit surtout déposer son travail sous licence selon les mêmes conditions. Le GPL, le copyleft et les licences Creative Commons contribuent à générer un domaine public solide.

L’avenir du savoir

Quel sera l’avenir du savoir? Le savoir, contrairement au travail ou à la terre, peut être copié à l’infini. Le dynamisme de la création dépend de sa capacité à être reproduite, et les lois basées sur le principe de rareté sont absurdes dans ce contexte. La « tragédie des biens communs », l’argument utilisé pour justifier le clôturage de la terre dans le but d’augmenter au maximum la production, ne s’applique pas au savoir. La privatisation du savoir ralentit l’innovation et la productivité. Alors que les intérêts des entreprises soutenues par les gouvernements ne cessent de prolonger les échéances de la propriété sur la créativité humaine, cette prolongation se fait aux dépens du domaine public. Dans ce cas, qui est le voleur dans la lutte pour le clôturage des savoirs communs? Cette lutte fait rage au niveau des institutions locales, nationales, régionales et mondiales, et c’est un débat que nous ne pouvons nous permettre d’ignorer.

Notes et références

[1] « [du grec] essayer, attaquer, assaillir. Cf. Fr Pirate (1448 dans Hatz-Darm), Es, Pt, It pirata, Nl piraat, All, Sv, Da pirat. 1. Personne qui vole et pille sur la mer, les voies navigables, etc., ou navigue dans ce but ; celui qui pratique la piraterie ; voleur des mers. 2. Transf. Vaisseau employé en piraterie ou dirigé par des pirates ; un bateau-pirate. 3. Quiconque erre au hasard dans le but de piller ; celui qui vole avec violence ; un maraudeur, pilleur, spoliateur. Aussi fig. 4. fig. a. Personne qui s’approprie ou recopie sans autorisation et pour son propre bénéfice, une œuvre littéraire, artistique, ou musicale, ou une idée ou invention d’un autre, ou, plus généralement, tout ce qu’il n’est pas autorisé ; spéc. Personne qui ne respecte pas le copyright d’un autre. b. Personne qui reçoit ou transmet des programmes de radio sans autorisation. L’usage courant concerne la radio transmission ». Oxford English Dictionary (1989). http://dictionary.oed.com/cgi/entry...

[2] Risso, Patricia (2001) : «  Cross-Cultural Perceptions of Piracy : Maritime Violence in the Western Indian Ocean and Persian Gulf Region during a Long Eighteenth Century, » Journal of World History - Volume 12, Number 2, Fall 2001, pp. 293-319. University of Hawai’i Press.

[3] Voir notamment l’exemple donné par Risso (2001) de Kanhoji au 17e siècle, « pirate » pour les Britanniques, ennemi de l’État Moghol, mais pour d’autres champion de la résistance indienne ; ou de Willaim Kidd, « pirate » aux yeux de la Compagnie des Indes Occidentales Britanniques, « corsaire » autoproclamé pour la couronne, et agresseur européen pour les Moghols

[4] Copyright Act of May 31, 1790, section 5. Voir Paltry, William F. (1994) : « Copyright Law and Practice. » The Bureau of National Affairs, Inc., 1994 : 33. http://digital-law-online.info/patr...

[5] «  La position des États-Unis contrastait avec celle de pays comme la France, où le Décret de Louis Napoléon de 1852 interdisait de copier des travaux nationaux ou étrangers. D’autres pays, victimes de la piraterie américaine, répliquèrent en refusant de reconnaître les copyrights américains. Malgré la pression de nombreux auteurs et célébrités des deux côtés de l’Atlantique, le statut américain du copyright ne permit pas une protection des travaux étrangers pendant un siècle entier. » Khan, B. Zorina (2002) : « Intellectual Property and Economic Development : Lessons from American and European History. » Commission on Intellectual Property Rights. http://www.iprcommission.org/papers...

[6] Ibid.

[7] Les applications originales du copyright protégeaient beaucoup plus les intérêts du public que les monopoles des détenteurs des droits. Vaidhyanathan, Siva (2001) : Copyrights and copywrongs : the rise of intellectual property and how it threatens creativity. New York : New York University Press. Boyle, James (2003) : « The second enclosure movement and the construction of the public domain. » Law and Contemporary Problems, January, 2003. http://www.law.duke.edu/journals/lc...

[8] Voir les pages sur le Copyright et l’Usage Equitable sur les site des bibliothèques de l’université de Stanford : http://fairuse.stanford.edu/index.html

[9] Chesterman, John, and Andy Libman (1988) : The Electronic pirates : DIY crime of the century. London : Comedia Books.

[10] Par exemple, « l’affaire Betamax » de 1984, dans laquelle la Cour Suprême des États-unis a confirmé le droit de Sony à vendre des magnétoscopes (décision de la Cour Suprême des États-unis dans Sony c. Universal Studios  : 464 U.S. 417, 104 S. Ct. 774, 78 L. Ed. 2D 574. http://www.eff.org/legal/cases/sony...

[11] Harvard Law Review (1999) : « The criminalization of copyright infringement in the digital era.  » Harvard Law Review, 112(7) : 1705-1722. Retrieved March 20, 2005 from Academic Universe/Lexis-Nexis database.

[12] Ibid.

[13] «  Une licence obligatoire est une licence autorisant à utiliser un brevet, un copyright, ou un autre type de droit exclusif que le détenteur est obligé de concéder à d’autres par le gouvernement. Exemples en droit des brevets : des licences obligatoires de brevet sont un assouplissement des exigences en matière de brevet imposées aux gouvernements lors de la 4e Conférence Ministérielle de l’Organisation Mondiale du Commerce en 2001, pour répondre aux besoins urgents de produits brevetés (comme des médicaments vitaux). Les gouvernements ont le droit de décider ce qui constitue une situation d’urgence dans leur pays. » http://en.wikipedia.org/wiki/Compul...

[14] Dans les pays riches, le terme « piraterie » appliqué au partage de fichiers par Internet a surtout été employé par l’industrie américaine et, par extension, par le gouvernement américain. Les pays de l’UE sont dans une certaine mesure divisés, avec d’une part un accord général sur le besoin de renforcer le régime de la « PI » mais d’autre part, une certaine résistance concernant certains aspects de la loi américaine sur la « PI ». Par exemple, une âpre bataille a fait rage en 2004/2005 dans l’UE concernant l’extension ou non des brevets aux logiciels. Le Parlement Européen a finalement décidé de rejet le dépôt de brevet pour les logiciels. Une Directive sur la Piraterie a été proposée.

[15] Par exemple, au cours des négociations à l’UNESCO, la délégation du Bénin a demandé qu’une mention de la piraterie soit incluse, expliquant que cela aiderait à protéger « les musiciens africains qui meurent de faim à cause de la piraterie ». La délégation du Kenya a eu la même position.Media Trade Monitor (2005). UNESCO intergovernmental session II, Fourth Day : Thursday, February 3, 2005. http://www.mediatrademonitor.org/no...

[16] Voir les positions de Département d’État américain sur le SMSI à http://www.state.gov/e/eb/cip/wsis/ et voir http://www.mediatrademonitor.org pour un récit détaillé des positions américaines sur la « piraterie » au cours des récentes négociations à l’UNESCO.

[17] « La notion d’usage équitable est un aspect de la loi américaine sur le copyright qui prévoit la citation licite et sans licence ou l’inclusion de contenu sous copyright dans l’œuvre d’un autre auteur sous certaines conditions particulières (...). L’usage équitable met une œuvre sous copyright à la disposition du public comme matière première sans qu’une autorisation ne soit nécessaire, tant que l’usage libre respecte la loi sur le copyright, que la Constitution américaine définit comme la promotion du “Progrès des Sciences et des Arts Utiles” (I.1.8), plutôt que comme l’application légale des revendications de non-respect. La doctrine tente de cette manière d’établir l’équilibre entre les intérêts des détenteurs du copyright et les avantages sociaux ou culturels découlant de la création et de la distribution des œuvres dérivées.  » http://en.wikipedia.org/wiki/Fair_use En Europe, le « droit à la copie privée », bien qu’il se base sur une approche juridique complètement différente, joue un rôle comparable dans la tentative de parvenir à un équilibre entre les intérêts des différentes parties.

[18] Voir, par exemple, les définitions actuelles de « piraterie » données par l’industrie des logiciels, du cinéma et du disque :Software and Information Industry Alliance (2005) : « What is Piracy? » SIAA. http://www.siia.net/piracy/whatis.asp ; Motion Picture Association of America (2005) : « Anti-Piracy. » MPAA. http://www.mpaa.org/anti-piracy/ ; Recording Industry Association of America (2005) : « Anti-Piracy. » RIAA. http://www.riaa.com/issues/piracy/d...

[19] En particulier, voir les discussions concernant le No Electronic Theft Act de 1997, qui criminalisait le partage de fichiers musicaux même à but non lucratif (Goldman, 2003) : « A Road to No Warez : The No Electronic Theft Act and Criminal Copyright Infringement. » Oregon Law Review, Vol. 82. http://ssrn.com/abstract=520122) ; et le Digital Millenium Copyright Act de 1998, qui « accorde aux détenteurs de la propriété intellectuelle le droit de supprimer l’usage équitable et les droits associés au public pour protéger un schéma de gestion des droits numériques commerciaux, et qui interfère avec le fonctionnement légitime des systèmes d’échange de fichier pair-à-pair. Le DMCA est probablement anticonstitutionnel » (Electronic Frontier Foundation, 2005 « Digital Millennium Copyright Act (DMCA) Archive. » http://www.eff.org/IP/DMCA/

[20] Selon certaines études (commandées par l’industrie), le partage de fichiers porterait atteinte aux ventes musicales. Pour une liste des liens vers des études (presque toutes soutenues par l’industrie), voir l’Observatoire Européen de l’Audiovisuel : «  Report and Studies of the Economic and Sociological Dimension of Peer-to-Peer.  » http://www.obs.coe.int/db/gavis/pir.... Toutefois, ce rapport est contredit par les études récentes qui montrent de manière claire que le partage des fichiers n’a pas d’impact statistique, voire encourage les ventes musicales, comme celle d’Oberholzer et Strumpf (2004) qui a trouvé que l’impact du partage de fichiers sur les ventes musicales était « statistiquement égal à zéro ». Oberholzer, Felix, and Koleman Strumpf (2004). « The Effect of Filesharing on Record Sales : an Empirical Analysis.  » http://www.unc.edu/ cigar/papers/Fi...

[21] Bittorrent est un programme de partage de fichiers pair-à-pair très populaire. http://www.bittorrent.com CacheLogic (2004). « The True Picture of Peer to Peer Filesharing. » CacheLogic. http://www.cachelogic.com/research/...

[22] Voir le site de l’Alliance Internationale pour la Propriété Intellectuelle (www.iipa.com) pour des estimations annuelles des « pertes dues à la piraterie », ainsi que sur la méthode utilisée pour « calculer » ces chiffres et les suggestions de la coalition de l’industrie à l’USTR (par exemple, « 2005 Special 301 Report on Global Copyright Protection and Enforcement. » IIPA. http://www.iipa.com/special301_TOCs... L’IIPA est une coalition de l’Association of American Publishers (AAP), Business Software Alliance (BSA), Entertainment Software Association (ESA), Independent Film & Television Alliance (I.F.T.A.), Motion Picture Association of America (MPAA), and the Recording Industry Association of America (RIAA).

[23] Le rapport annuel 2004 de l’Alliance Internationale pour la Propriété Intellectuelle (IIPA), intitulé «  Copyright Industries in the U.S. Economy, » fournit des chiffres indiquant l’importance de ces industries pour l’économie des États-Unis http://www.iipa.com/pdf/2004_SIWEK_.... Toutefois, l’IIPA ne s’arrête pas là : chaque année, elle présente ces chiffres ainsi que des recommandations aux représentants au commerce des États-Unis, pour la mise à jour annuelle de la liste « Special 301 ».

[24] En Europe, le délai est de 70 ans après la mort de l’auteur.

[25] Pour aller plus loin sur les coûts d’un régime maximaliste de copyright et de brevets, voir les travaux de Lawrence Lessig (The Future of Ideas : The Fate of the Commons in a Connected World. New York : Random House), Siva Vaidhyanathan (op. cit), Peter Drahos et John Braithwaite (Information Feudalism : Who Owns The Knowledge Economy? London : Earthscan. 2001), et James Boyle (op.cit.), entre autres.

[26] Par exemple, l’Inde s’est opposée au dépôt de brevet pour les plantes et d’autres organismes vivants, bien que l’Accord sur les ADPIC exige que les organismes vivants puissent faire l’objet de brevets (ce fut une question très controversée dans l’histoire du droit des brevets aux États-Unis). L’Inde a remporté une victoire au sein de l’Office Européen des Brevets contre une tentative du Ministère étatsunien de l’Agriculture et l’entreprise WR Grace de breveter le neem, utilisé depuis longtemps pour ses propriétés médicales et fongicides, et qui n’était en aucune manière une « découverte » de WR Grace ni du Ministère étatsunien de l’Agriculture. De plus en plus, on s’interroge sur les risques que le nouveau système de « PI » pose aux savoirs traditionnels de toutes sortes : sera-t-il possible de convaincre les pays que le même système de « PI » n’est pas nécessaire pour « protéger » les savoirs traditionnels? Les savoirs traditionnels pourront-ils rester dans le domaine public? Et quels sont les mécanismes qui permettraient aux savoirs traditionnels et publics de le rester, sans les exposer à la piraterie des entreprises? Quelques lectures intéressantes sur la biopiraterie : Merson J. «  Bio-prospecting or bio-piracy : intellectual property rights and biodiversity in a colonial and postcolonial context  » : Osiris. 2000 ; 15 : 282-96 Posey DA. « commodification of the sacred through intellectual property rights » J Ethnopharmacol. 2002 Nov ; 83(1-2):3-12 Timmermans K. « intellectual property rights and traditional medicine : policy dilemmas at the interface. » Soc Sci Med 2003 Aug ; 57(4):745-56

[27] Par exemple, en 1984, dans « l’affaire Betamax », la Cour Suprême a accordé le droit à Sony de vendre des magnétoscopes (décision de la Cour Suprême dans Sony c. Universal Studios 464 U.S. 417, 1984).

[28] Voir les archives sur l’affaire RIAA c Verizon : http://www.eff.org/legal/cases/RIAA...
[29] Pour des informations supplémentaires sur le Programme de Développement de l’OMPI, voir http://www.cptech.org/ip/wipo/genev... Pour des informations supplémentaires sur le Traité sur l’Accès aux Connaissances  : http://www.cptech.org/a2k/

[30] Des systèmes pour le paiement direct des musiciens par leurs fans sont actuellement activement à l’étude, que ce soit sur le terrain ou au niveau stratégique, par des artistes indépendants. Voir le Future of Music Coalition in the US : http://www.futureofmusic.org
[31] Pew Internet and American Life Project (2004) : « Artists, Musicians, and the Internet. » http://www.pewinternet.org/PPF/r/14...

[32] Pour des informations supplémentaires sur MGM c. Grokster, voir http://www.eff.org/IP/P2P/MGM_v_Gro...

[33] Voir le site de People’s Health Movement http://www.phmovement.org et de Médecins Sans Frontières http://www.msf.org pour de plus amples informations.

[34] Voir le site de la Public Library of Science : http://www.plos.org En théorie, on pourrait penser que toute recherche financée par des fonds publics appartient au domaine public. Suivant l’exemple du National Institute of Health (NIH, USA), de nombreux organismes publics du monde entier soutiennent le libre accès aux publications scientifiques.

[35] Creative Commons  : http://www.creativecommons.org Liang, Lawrence. « A Guide to Open Content Licenses », Media Design Research, PZI Rotterdam 2004, http://pzwart.wdka.hro.nl/mdr/resea... Critique of Creative Commons from Meta Mute : http://tinyurl.com/3pm2j

30 janvier 2006

couverture du livre enjeux de mots Ce texte est extrait du livre Enjeux de mots : regards multiculturels sur les sociétés de l’information. Ce livre, coordonné par Alain Ambrosi, Valérie Peugeot et Daniel Pimienta a été publié le 5 novembre 2005 par C & F Éditions.

Le texte est sous licence Creative Commons paternité, pas d’utilisation commerciale.

La connaissance doit être offerte en libre-accès... Mais auteurs et éditeurs ont besoin d’une économie pour poursuive leur travail. Si vos moyens vous le permettent, n’hésitez pas à commander le livre en ligne (39 €)

Vendredi 23 mars2007 à 14.00 à l’UMLV-IFIS

Mots clés : conduite de projet – réseaux – technologies – travail collaboratif

Intervenants :Aurélie Nicolas, Anthony Delvigne, Guillaume Fabre,Benjamin Clavreul

Discutants :
- Christophe Freihuber, Développeur chez Pixmania, Créateur de la plateforme collaborative www.cyber-espace.net ;
- Arnaud Fontanes, Consultant senior, Associé chez Ethikonsulting, Spécialisé dans l’assistance à maîtrise d’ouvrage SIRH, dans la conduite du changement et l’animation d’équipe ;
- Patricia Rougeaux, chargée de mission TIC - Mairie de croissy /seine.

Si vous souhaitez y participer, envoyez vos coordonnées (nom, prénom, e-mail) à communication_mitic@yahoo.fr

Pour plus d’information, n’hésitez pas à consulter notre blog : http://mitic2006collter.over-blog.com/