L’évolution des termes « gouvernance en réseau » ou « gouvernance électronique » doit être considérée au croisement de deux tendances majeures : la gouvernance et la révolution de l’information. La question de la « gouvernance » n’est pas récente. Selon le Concise Oxford Dictionary (9e édition), le terme anglais governance est tiré d’un mot grec, kuberna, qui signifie guider. Les premiers essais de sciences politiques classiques sur ce thème évoquaient le concept de « gouvernabilité », qui posait la suprématie du droit comme essentielle au développement [1].

Une prise de conscience qui précède la technologie

Toutefois, le concept a commencé à prendre un sens propre avec l’interaction de trois acteurs de la période d’après-guerre : l’État, le marché et la société civile. Un quart de siècle après la Guerre Froide, le sentiment était largement répandu que le marché seul ne pouvait assurer la croissance et que l’État avait certainement un rôle à jouer. En Occident, John Maynard Keynes apporta une justification théorique à la manipulation des signaux des prix par l’État et aux tentatives de celui-ci pour enrayer le chômage et la baisse de l’activité industrielle et commerciale. Les États socialistes mirent en place et renforcèrent des systèmes de planification centralisée. Dans le Tiers-Monde, l’État régnait aussi en maître, comme planificateur, moteur, promoteur et directeur de l’effort accéléré de développement. En conséquence, les États ne devaient plus uniquement tenir un rôle essentiel, mais ils créaient aussi leurs propres entreprises. Or, comment arriver à concilier activité commerciale et objectifs sociaux, tout en rivalisant avec ses concurrents économiques sur un pied d’égalité? C’est ainsi que la corruption et les pertes des entreprises se répandirent. Dans de nombreux pays dotés d’un système fiscal primaire, les pertes étaient supportées en premier lieu par les pauvres. Cette situation provoqua mécontentement et désillusion quant aux politiques interventionnistes et suscita une demande pour la privatisation, qui écarta l’État de son rôle central. Toutefois, le secteur privé seul ne pouvait réfléchir aux questions de distribution qui entraînèrent en premier lieu un réexamen du développement en tant que croissance économique. L’incapacité des gains économiques à produire des niveaux acceptables de redistribution, de réduction de la pauvreté et de libertés politiques alerta la société civile [2].

De toute évidence, la « gouvernance » commença à s’immiscer dans le discours sur le développement vers la fin des années quatre-vingts. Le Rapport Mondial sur le Développement Humain de 1991 [3] admet que la liberté et la démocratie, bien que ce ne soit pas une condition obligatoire, sont complètement compatibles avec la croissance et le développement. Le « développement international » ne s’attache plus à la « croissance économique » des années cinquante (décennies de Développement de l’ONU) mais à un « développement humain durable », qui cherche à faire accepter l’importance des personnes et de la nature par l’État, le marché et la société civile. Le mouvement écologiste a sommé la « gouvernance » de traiter les programmes de développement d’une manière holistique : c’est-à-dire d’y inclure non seulement le secteur concerné en premier lieu et les autres parties prenantes évidentes, mais aussi les secteurs et parties prenantes concernés dans d’autres domaines. Il a donc fallu redéfinir l’intérêt public en incluant la nature comme un participant à part entière.

La mondialisation influe sur les discussions concernant les systèmes de régulation dans la mesure où, en théorie, les gouvernements devaient offrir l’égalité des chances aux différents acteurs de manière à produire une situation de gagnant-gagnant. On peut définir cette idée par les « acteurs » et les « institutions ». Les acteurs cherchent à obtenir un maximum de pouvoir ¬discrétionnaire, alors que les institutions régulent le comportement de ces acteurs. À partir de quel point cette régulation se transforme-t-elle en « intervention »? Il s’agit là d’un tout autre débat, mais qui débouche sur le concept « d’interaction » - un concept emprunté généreusement dans la définition de la gouvernance en réseau.

L’émergence des nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC), a aussi eu une influence marquée sur le développement de la gouvernance en réseau. Pour la première fois depuis deux siècles [4], les TIC ont remplacé deux éléments de base de la production - le « travail » et le « capital » - par l’« information » et le « savoir ». L’arrivée d’Internet a eu des conséquences identiques à celle de l’avènement de l’imprimerie au 15e siècle, et ce nouvel outil influence la capacité à communiquer, partager, distribuer, échanger, formaliser, utiliser et mettre en réseau des informations à une vitesse jusqu’alors inconnue. Selon la loi de Moore [5], la puissance de traitement des microprocesseurs est multipliée par deux tous les 18 mois pendant que le prix des ordinateurs baisse de 20-30% à qualité comparable. Cela signifie que les ordinateurs deviennent chaque fois un peu moins chers, plus puissants et ubiquitaires, rendant possible la régulation des réseaux et l’automatisation des services. D’un autre côté, le militantisme politique occupe aussi l’espace avec un nombre accru de groupes d’intérêt public, d’organisations et de communautés bénévoles qui font connaître leurs exigences et leurs activités à travers le réseau électronique.

Les principes wébériens de gouvernance bureaucratique [6] sont remplacés par les tendances de gouvernance horizontale, linéaire, dynamique et en réseau. La réforme et le développement de l’administration ont connu la GTQ (Gestion Totale de la Qualité, en anglais Total Quality Management ou TQM) [7] dans les années quatre-vingts, et la « ré-ingénierie et la réinvention du Gouvernement » dans les années quatre-vingt-dix. La gouvernance en réseau reflète ce processus de réinvention et de ré-ingénierie de la gouvernance et « vise à adapter l’administration au flux toujours croissant d’information : en accélérant le processus de prise de décision par l’optimisation des moyens, en donnant au mécanisme de prise de décision la capacité de s’autoréguler » [8]. Ainsi, la « Gouvernance » peut être définie, indépendamment de « l’acte de gouverner », comme la pratique qui vise à obtenir le consentement et la coopération des gouvernés. L’objectif concret de cette approche est de soutenir et simplifier la gouvernance pour toutes les parties : gouvernement, citoyens et entreprises.

Pour certains, ce mode de gouvernance en réseau « s’appuie sur des moyens électroniques pour soutenir et stimuler une bonne gouvernance  » [9]. Toutefois, la notion de « bonne » est toute relative et on observe de grandes variations entre la réalité et la pratique. Par exemple, le Dr. Thomas F. Gordon du « eGovernment Competence Center » estime que c’est la qualité et l’efficacité de toutes les phases du cycle de vie d’une législation que l’on retrouve dans la pertinence, la cohérence, la transparence et l’efficacité des transactions (du gouvernement). D’autre part, un « Rapport des Nations Unies de la Réunion du Groupe d’Experts Ad Hoc sur l’e-gouvernance et les Changements dans les Structures Administratives » suggère qu’une gouvernance en réseau représente un changement radical par rapport au gouvernement bureaucratique traditionnel, mais cela ne signifie par pour autant qu’elle favorise une bonne gouvernance. « [Elle peut] servir à renforcer, de manière maligne ou bénigne, des pratiques gouvernementales inefficaces et inefficientes existantes, ou bien introduire de nouvelles « manières de faire des affaires » qui concernent les acteurs du secteur privé avec peu de considération pour l’intérêt public ». [10]

L’émergence de guides et de principes d’action pour la gouvernance électronique

La gouvernance en réseau comme la gouvernance électronique sont des idées récentes qui se fondent sur le rejet d’une gouvernance bureaucratique ne tenant pas compte des exigences de la société du savoir, des réalités d’un monde plus complexe aux interconnections toujours plus nombreuses, de la nature interdisciplinaire des stratégies actuelles et des outils des TIC.

Toutefois, le réseau ne peut se ramener à un site web et à la numérisation du mécanisme de prestation des services. Il repose de toute évidence sur une définition plus large de l’engagement et de la profondeur des relations entre les citoyens et le gouvernement [11]. À cet égard, il y a une différence de sens entre gouvernance et gouvernement. La gouvernance désigne la manière ou le processus pour guider une société afin qu’elle réalise au mieux ses objectifs et ses intérêts, alors que le gouvernement est l’institution ou l’appareil pour y parvenir. En fait, le gouvernement est une (des nombreuses) manifestation(s) de la gouvernance.

Il est intéressant de noter que différents organismes internationaux désignent la gouvernance comme leur principal intérêt et objectif. Ils emploient alors couramment le terme de « e-gouvernance », c’est-à-dire gouvernance électronique.

Par exemple, les inquiétudes de la Banque Mondiale concernant la gouvernance portent uniquement sur sa contribution au développement social et économique par la libéralisation économique et structurelle. En conséquence, pour la Banque Mondiale, la gouvernance électronique implique l’utilisation des TIC pour changer la manière dont les citoyens et les entreprises interagissent avec le gouvernement, afin de permettre l’implication des citoyens dans le processus de prise de décision, un meilleur accès à l’information, une transparence accrue et le renforcement de la société civile [12].

Le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) rapproche le concept de gouvernance de celui de développement humain durable. Il considère la gouvernance électronique comme un processus pour « créer de la valeur publique grâce à l’usage des TIC modernes ». La valeur publique est définie comme une notion « ancrée dans les préférences des gens ». La gouvernance électronique se justifie si elle améliore la capacité de l’administration publique à augmenter la fourniture de valeur publique - le résultat d’une qualité de vie élevée. En ce qui concerne plus particulièrement les possibilités de « gouvernance », le rapport estime que la gouvernance électronique peut « donner aux personnes les moyens d’une participation réelle dans un processus politique inclusif capable de produire un consentement bien informé du public, base toujours plus répandue de la légitimité des gouvernements ». [13]

Les Cinq Principes de Base des Objectifs du Gouvernement Électronique selon l’ONU sont : [14]
1. Proposer des services répondant aux choix des citoyens.
2. Améliorer l’accessibilité du gouvernement et de ses services.
3. Promouvoir l’inclusion sociale.
4. Fournir des informations de manière responsable.
5. Utiliser les TI et les ressources humaines avec efficience et efficacité.

Le Comité de la Gestion Publique (PUMA) de l’Organisation pour la Coopération et le Développement Économique (OCDE) considère qu’une administration électronique en ligne et participative dépend de trois facteurs principaux : «  information, participation active et consultation » [15].

Le Gouvernement indien s’est inspiré du principe SMART pour exposer sa vision de la gouvernance électronique. Il s’agit « d’appliquer les TI au processus de fonctionnement du gouvernement dans le but d’établir une gouvernance simple, morale, responsable, réceptive et transparente (SMART, selon l’acronyme anglais)  » [16]. Cette vision a aidé l’Inde à définir des objectifs et des initiatives stratégiques supplémentaires en matière de gouvernance électronique.

Rogers W’O Okot-Uma du Secrétariat du Commonwealth à Londres pense que la gouvernance électronique cherche à créer des processus et des structures pour exploiter les potentialités des TIC à différents niveaux du gouvernement et du secteur public et au-delà [17].

Un gouvernement en réseau travaille en soumettant sa politique à la consultation dans un processus où les organisations interviennent comme co-producteurs, dans la prise de décision et l’application. Mais quel est donc ce réseau, qui se situe au cœur de ce type de gouvernance?

Le rapport des Nations Unies de 1994 offre une réponse intéressante en collationnant, à la suite de Jones, Hesterly et Borgatti [18], les diverses définitions de la notion de réseau dans le domaine de la gouvernance.

Jones, Hesterly et Borgatti (1997) définissent les réseaux comme des interactions systématiques «  entre des unités autonomes engagées dans la production de produits ou de services fondée sur des contrats implicites et sans limite de durée  » pour s’adapter à des contingences environnementales et pour coordonner et protéger les échanges.

Dubin et Aldrich (1993), et Kreiner et Schultz (1993) décrivent tous deux les réseaux comme « des schémas de collaboration entre les personnes et les organisations ».

Larson (1992) et Liebeskind, Oliver, Zucker et Brewer (1996) insistent sur l’aspect des échanges à long terme basés sur la confiance et des intérêts mutuels.

Powell (1990) ajoute que les réseaux sont basés sur les « échanges horizontaux ».

Grandori et Soda (1995) soulignent que «  les réseaux [établissent] des relations entre des parties pertinentes engagées dans des échanges mutuels ».

Gouvernance en réseau et administration électronique

D’un point de vue conceptuel, la gouvernance en réseau est à la fois proche et éloignée de l’administration électronique - une caractéristique qui semble perturber de nombreux analystes. La gouvernance en réseau insiste sur la souveraineté des unités (au sein de l’État) dont les interconnexions facilitent ou bloquent le fonctionnement du système dans sa globalité. L’administration électronique, telle qu’elle est pratiquée dans le monde actuel, n’insiste pas obligatoirement sur cette souveraineté et ne se concentre pas nécessairement sur l’interaction. Par exemple, une initiative de l’administration électronique peut donner l’occasion de télécharger des contenus développés par des organismes gouvernementaux, alors que la gouvernance en réseau incite les citoyens à se réunir et interagir pour permettre l’apprentissage, le débat et la participation à des questions de prise de décision. De manière pratique, c’est là tout l’intérêt du fonctionnement d’un réseau dans le cadre de la gouvernance.

La gouvernance en réseau peut constituer une forme d’administration électronique et elle peut ne pas englober toutes les formes avancées de technologies employées par la gouvernance électronique. Selon certains, le concept de gouvernement en réseau est complètement indépendant des TIC et il s’agit plutôt d’une nouvelle forme d’administration publique, avec un support technologique ou non.

L’administration électronique ne se préoccupe pas de trouver un accord ou un consensus mutuellement accepté, ou du moins elle laisse les institutions se charger du problème. Dans la gouvernance électronique, en revanche, l’objectif est de parvenir à un consensus dans la diversité. Cette tentative pour parvenir à un « savoir consensuel » peut favoriser le plus petit dénominateur commun comme résultat politique final. En outre, les réseaux ne rassemblent pas simplement les ressources, mais ils sont structurés de manière à tirer avantage du fait que chaque secteur impliqué apporte des ressources différentes dans la discussion. Il est aussi vrai que la recherche d’un consensus peut prendre du temps et coûter de l’argent, notamment dans un environnement conflictuel.

De nombreuses personnes avancent que la gouvernance électronique a pour vocation de rapprocher l’administration nationale, régionale et locale du grand public. Cela signifie que le gouvernement fournit des services aux citoyens, mais que l’on se préoccupe moins de savoir comment les citoyens participeront et prendront des décisions dans le processus démocratique. L’administration électronique promet une plus grande interaction avec les citoyens, mais la littérature sur l’administration électronique n’indique pas quand ni comment cela peut être possible. En fait, les gouvernements se concentrent avant tout sur la prestation électronique des services et cherchent à éviter les questions sujettes à controverse en rapport avec la gouvernance (comme la démocratie, la participation, l’égalité, etc.). Certains estiment aussi que le développement de l’administration électronique mènera inéluctablement à la démocratie électronique. Clift pense qu’à mesure que le gouvernement fournira des services en ligne, les citoyens souhaiteront de plus en plus utiliser les différents outils de la démocratie électronique. En réalité, le fait que le Gouvernement lance des activités en ligne avec les citoyens n’enclenche pas nécessairement un mécanisme de démocratie électronique.

La gouvernance électronique, quand le terme désigne une « citoyenneté plus engagée et interactive », se rapproche de la notion de gouvernance en réseau. Mais le gouvernement ou les instances législatives, habituellement réticents au « changement », peuvent trouver difficile d’être le moteur de la transition. L’engagement, les changements d’attitude ou le leadership nécessaires soulèvent un débat sur la manière dont un gouvernement peut gérer cette situation. Le principal obstacle que les gouvernements rencontreront, sera de développer des moyens administratifs et un système de gestion satisfaisant, avec des moyens, un financement et du personnel adaptés [19]. Dans le cas où la gouvernance électronique ne sert pas des intérêts politiques personnels des principales parties prenantes, même si d’autres facteurs de succès sont réunis, on peut assister à une désaffection pour la politique. Néanmoins, dans un mode de gouvernance en réseau, l’État n’est qu’une organisation parmi d’autres (comme par exemple le secteur public et privé, la société civile, etc.) et toutes ces organisations agiront de manière complètement indépendante. Le rôle traditionnel des États se trouve alors limité à celui de suiveur ou d’intermédiaire.

Si la gouvernance électronique désigne un engagement accru des citoyens grâce aux outils numériques, il faut alors s’inquiéter de la « fracture numérique ». Les causes de la « fracture numérique » ne sont pas techniques mais socio-économiques. En conséquence, l’accès, la connexité, l’éducation, les compétences, les prix, etc., sont des questions intimement liées à celle de la gouvernance électronique. L’étude E-Governement at the Crossroads (UN World Public Sector Report 2003) suggère trois conditions préalables à la gouvernance électronique : un niveau minimum d’infrastructures technologiques, du capital humain, et la connectivité pour tous. « Le premier défi du gouvernement électronique pour le développement est donc de parvenir à réunir ces conditions » dit le rapport.

La gouvernance en réseau comme la gouvernance électronique désignent un processus et le sens de ces termes est certainement encore appelé à évoluer. Les pays doivent donc déterminer quelle direction leur convient le mieux et se placer dans un processus de « dialogue, apprentissage, amélioration des compétences et de facilitation » [20] - qui est une approche empirique. Le concept de la gouvernance en réseau est relativement récent et on ne peut évaluer sa dynamique sans une compréhension plus structurée. « Certains critiques comprennent à tort les réseaux comme de simples produits de la technocratie, alors que d’autres pourraient considérer naïvement les réseaux plurisectoriels comme la solution unique à tous les problèmes » [21].

La gouvernance électronique qui se repose trop sur les TIC, oublie souvent l’importance de la gouvernance dans la réalité. Comme le disait Richard Heeks, la gouvernance électronique peut s’avérer inutile si elle suggère, à tort, que la distribution des TIC est une fin en soi. Il est sans doute plus judicieux de parler de «  i-gouvernance » (gouvernance intégrée ou, peut-être, gouvernance intelligente), qui place la gouvernance au premier plan, et qui considère les TIC comme une partie des moyens pour réaliser ces objectifs au même titre que les gens, les processus et l’information.

La dimension « marché » de la gouvernance électronique se distingue clairement de sa dimension « politico-économique ». La Banque Mondiale, par exemple, encourage les gouvernements à « créer le cadre juridique et institutionnel pour la transparence, la prévisibilité, la compétence et la gestion du développement économique  ». L’argument est que, le marché constituant l’équilibre fondamental, il rectifiera avec le temps les problèmes de distribution inégale, tandis que le rôle du gouvernement consiste à fournir des conditions identiques pour tous sur le marché en libéralisant le cadre économique et institutionnel. Les exemples cités renvoient au développement des médias de communication électronique antérieurs (radio, télévision, etc.) et à d’autres types d’infrastructures comme le réseau électrique, le traitement des eaux usées, l’éducation publique, le service téléphonique, etc., qui ont bénéficié à toute la société.

Alors que, la dimension « politico-économique » de la gouvernance électronique renvoie à la question du développement humain durable, ce développement ne peut uniquement être un sous-produit ou un dérivé des seules réussites économiques. Une gouvernance saine, comme le dit le PNUD « vient à désigner un cadre de gestion publique basé sur la suprématie du droit, un système judiciaire équitable et efficace, et une large implication du peuple dans le processus consistant à gouverner et être gouverné » [22]. En conséquence, il s’agit d’un point de vue holistique qui cherche à intégrer les structures et activités organisationnelles des gouvernements centraux, régionaux et locaux, du parlement, du pouvoir judiciaire et des institutions, des organisations et des individus qui composent la société civile, le secteur privé et les manières dont toutes leurs actions influencent la politique publique pour le bien public.

De la gouvernance au partenariat multiacteurs

De toute évidence, la notion de « partenariat multiacteurs » ou de « réseau plurisectoriel » est un terme connexe. Le partenariat multiacteurs tient au fait que l’État seul ne peut prendre en charge les questions d’intérêt public. En conséquence, un processus peu réglementé, souple, de type ascendant et peu surveillé par le gouvernement, peut impliquer d’autres groupes (comme le secteur privé, la société civile, les ONG, les universitaires, etc.) porteurs d’une préoccupation légitime pour le bien commun et l’intérêt public.

En réalité, différents organismes internationaux ont déjà commencé à intégrer le principe de « partenariat multiacteurs » dans leurs processus de négociations et diplomatiques. Par exemple, la Déclaration de Genève (sur le SMSI) a introduit le principe de « partenariat multiacteurs » dans le processus du SMSI et cette nouvelle forme d’interaction entre différentes parties en présence devrait conduire à une meilleure efficacité et à de nouvelles innovations dans la diplomatie mondiale du 21e siècle en émergence. On utilise couramment le partenariat multiacteurs dans le cadre de la gouvernance en réseau. Les réseaux plurisectoriels établissent en effet des ponts au niveau transnational entre le secteur public (national, régional ou État, et gouvernements locaux ou encore groupes intergouvernementaux), le secteur privé et la société civile. D’une part, ils reflètent les rôles changeants et l’importance relative de chaque partie ; d’autre part ils réunissent divers groupes et ressources ; et enfin ils abordent des problèmes qu’aucun groupe ne peut résoudre seul [23].

Le terme de « démocratie en réseau » est aussi important. Dans son article « Open source democracy : how online democracy is changing offline politics  », [24] Douglas Rushkoff donnait une explication intéressante de la démocratie en réseau. Selon lui « L’ordre sous-jacent de systèmes apparemment chaotiques suggère que ces systèmes peuvent se comporter de telle manière que tous les membres en retirent un bénéfice, même sans une hiérarchie aux commandes. Les chercheurs emploient le terme « émergence » pour décrire l’auto-organisation naturelle d’une communauté. L’organisation étonnante d’une fourmilière « émerge » de manière ascendante, dans la manifestation des instincts évolués de chaque fourmi. D’un certain point de vue, il n’y a aucune organisation ¬puisqu’il n’y a pas de bureaucratie centrale. Le comportement collectif de la colonie est un phénomène émergent ». Pour Rushkoff, l’émergence d’une culture en réseau, accompagnée d’une connaissance des moyens de communication et d’une discussion ouverte, peut marquer le début d’un système politique plus réactif. Un réseau d’engagement des citoyens dans les affaires publiques se trouverait au cœur de ce système politique. L’auteur pense aussi que le mouvement des logiciels « open source » peut constituer un modèle pour un processus participatif à travers lequel la législation pourrait se produire dans une démocratie en réseau.

Quant à la démocratie électronique, elle porte plus sur l’aspect technologique de l’interaction. Steve Clift, stratégiste de la démocratie en ligne, décrit cette dernière comme « la manière dont on peut utiliser Internet pour améliorer nos processus démocratiques, fournir aux individus et aux communautés un plus grande nombre d’occasions d’interagir avec le gouvernement, et au gouvernement la possibilité de solliciter l’apport de la communauté » [25]. Le Centre International de la Télé-démocratie, situé en Écosse, s’intéresse à l’utilisation des TIC innovantes pour proposer des processus de prise de décision démocratiques améliorés, augmentant de cette manière la participation des citoyens par le biais de la consultation et de pétitions électroniques. Ake Gronlund, de l’université d’Umea en Suède, s’inquiète que les définitions de la démocratie électronique se concentrent souvent sur l’utilisation et les projets en matière de TIC plutôt que sur les processus démocratiques et l’innovation institutionnelle. Il affirme qu’il faudrait évaluer la démocratie électronique en terme des processus qui la caractérisent et non de l’étendue de l’utilisation des TIC.

Le terme « gouvernance » dépasse la signification collective de quelques concepts liés comme État, société, gouvernement, marché, bureaucratie, etc. Il inclue l’État, mais prend aussi en compte le rôle d’autres acteurs de la société. Si la « gouvernance électronique » est le déclencheur de ce processus, la « gouvernance en réseau » l’a probablement porté à un niveau où les organisations ne sont pas seulement connectées, mais où elles agissent en interdépendance dans la création d’un ensemble de processus de prise de décision.

20 février 2006

couverture du livre enjeux de mots Ce texte est extrait du livre Enjeux de mots : regards multiculturels sur les sociétés de l’information. Ce livre, coordonné par Alain Ambrosi, Valérie Peugeot et Daniel Pimienta a été publié le 5 novembre 2005 par C & F Éditions.

Le texte est sous licence Creative Commons paternité, pas d’utilisation commerciale.

La connaissance doit être offerte en libre-accès... Mais auteurs et éditeurs ont besoin d’une économie pour poursuive leur travail. Si vos moyens vous le permettent, n’hésitez pas à commander le livre en ligne (39 €)

Vendredi 23 mars2007 à 14.00 à l’UMLV-IFIS

Mots clés : conduite de projet – réseaux – technologies – travail collaboratif

Intervenants :Aurélie Nicolas, Anthony Delvigne, Guillaume Fabre,Benjamin Clavreul

Discutants :
- Christophe Freihuber, Développeur chez Pixmania, Créateur de la plateforme collaborative www.cyber-espace.net ;
- Arnaud Fontanes, Consultant senior, Associé chez Ethikonsulting, Spécialisé dans l’assistance à maîtrise d’ouvrage SIRH, dans la conduite du changement et l’animation d’équipe ;
- Patricia Rougeaux, chargée de mission TIC - Mairie de croissy /seine.

Si vous souhaitez y participer, envoyez vos coordonnées (nom, prénom, e-mail) à communication_mitic@yahoo.fr

Pour plus d’information, n’hésitez pas à consulter notre blog : http://mitic2006collter.over-blog.com/

Gouvernance électronique et en réseau 21 février 2006, par Michel Bauwens P2P en tant que nouvelle formation sociale

Ce qui me manque dans ce texte, c’est une attention plus specifique sur les nouveaux modes de gouvernance ’peer to peer’, par example comment le nouveau mode de ’production par des pairs’, comme dans les logiciels libres ou dans la production de connaissance collective par le web, se gouverne-t’il ?

Voici quelques numeros d’un bulletin de recherce consacre a ce theme

- http://integralvisioning.org/articl...
(peer communities and their governance)

- http://integralvisioning.org/articl...
(deliberative political practices)

- http://integralvisioning.org/articl...
(Economic governance in peer production)

Ces infos sont consolider dans le Wiki de la Fondation for Peer to Peer Alternatives, voir http://www.p2pfoundation.net/index....

Michel Bauwens