Usage et appropriation des outils numériques au sein de l’Alliance

L’usage des outils de communication est lié aux possibilités qu’ils offrent à une communauté donnée de réaliser avec plus ou moins d’efficacité le projet qu’elle se donne. D’une manière générale, l’information n’a pas une valeur en elle-même, mais dans un contexte d’usage lié à un projet. Il est rare que l’information se bonifie au séjour d’une bonne cave ou d’un coffre fort exotique. Par contre, sa manipulation de manière organisée et coordonnée (y compris sa rétention) au sein d’une communauté permet de produire des effets “ intelligents ” au sein du groupe d’utilisateurs comme sur la société dans son ensemble. L’usage des outils numériques offre alors, des possibilités d’organisation des collectifs et d’action qui ne demandent qu’à être explorées.

Les outils numériques font l’objet de la construction de systèmes de communication et de coopération originaux propres à l’Alliance. Ces systèmes participent à une démarche volontaire visant à développer l’intelligence collective au sein de l’Alliance. L’approche de Vecam consiste à tenter de comprendre l’épaisseur sociale et relationnelle qui est constitutive de la conception et de l’usage d’une technique. L’histoire des techniques a montré qu’il peut y avoir des différences importantes entre ces deux moments de vie d’une technique donnée. C’est aussi de comprendre comment les caractéristiques même de la technique influent sur la façon dont les humains font liens entre eux en s’en servant.

Dans une institution donnée, pour nous ici l’Alliance, l’observation des usages des outils de communication, fait apparaître ce que nous proposons d’appeler un “ dispositif socio-technique de coopération ” - ou plus simplement “ dispositif ”. Lorsque, au cours du temps, les formes d’usage se stabilisent, on pourra alors parler de “ technologie de la coopération ”. C’est ce chemin, tel qu’il s’est produit dans l’histoire de l’Alliance que nous tentons d’explorer dans la suite de l’enquête.

3.1. Les outils numériques utilisés dans le cadre de l’Alliance La lecture historique de l’usage des outils numériques (ou leur absence) qu’il nous a été donnée de faire précédemment montre que l’appropriation sociale des TIC par l’Alliance est un processus qui met en jeu de manière massive et complexe l’usage de technologies numériques différentes parfois associées entres elles. Tout au long de ces années, les outils numériques utilisés dans le cadre de l’Alliance ont été essentiellement :
- Le courrier électronique
- Les listes de discussions
- Les outils de traduction automatique
- Les bases de données : de fiche d’expériences, de fiches documentaires et d’annuaire
- Les sites web
- les cd-rom Les outils numériques tels que les sites internet de publication, la vidéo, l’agenda, l’analyse sémantique, ou encore la cartographie, sont encore en devenir, soit encore à l’état d’expérimentation, soit simplement à l’horizon.

Cette liste se caractérise aussi par l’absence des outils d’écriture individuelle et collective, wiki, weblogs, fils RSS, et les outils de communication synchrone : téléphonie via IP, chat, visioconférence . L’absence de ces derniers est pour le moins surprenante dans le contexte de l’Alliance qui consacre une partie très importante aux déplacements des personnes. Mais bien plus qu’une simple équation financière, c’est peut être dans la prédominance de la culture de l’écrit au sein l’Alliance qu’il faudrait rechercher les explications de ce phénomène.

Les outils utilisés au sein de l’Alliance sont majoritairement des média d’échange et de stockage de l’information. Ils permettent de transmettre de l’information de “ un ” vers “ plusieurs ” et de “ plusieurs ” vers “ plusieurs ”. Ils permettent aussi de favoriser la conservation de mémoire importante, mémoire de la vie du (des) collectif(s) de l’Alliance et mémoire des contenus collectés et produits ensemble. En revanche, les outils faisant appel aux artefacts, c’est-à-dire ceux qui permettent aux personnes d’interagir individuellement sur un objet commun semblent absents de la panoplie des outils de l’Alliance. 3.2. L’émergence de dispositifs socio-techniques de communication au sein de l’Alliance. La construction de systèmes de communication et de coopération originaux au sein de l’Alliance relève d’un processus complexe L’histoire fine de la mise en place de chacun d’eux mériterait une étude propre. Elle a été seulement explorée dans ce travail. En revanche, on essaiera ici, par leur mise en regard, de dégager des éléments communs et de proposer une évaluation d’ensemble de leur pertinence dans la dernière partie.

Dispositifs socio-techniques de coopération : définition Le dispositif est à penser comme un processus orienté par une intention partagée par un collectif. Dans notre cas, on peut distinguer différents niveaux de collectifs : l’Alliance, les chantiers, les équipes telles que l’EIF et l’EIFE et même pendant un temps, l’équipe de facilitation.Les dispositifs socio-techniques élaborés par l’Alliance pourraient se caractériser par :
-  Un acteur collectif qui le met en œuvre.
-  Un ou plusieurs objectifs.
-  Une animation ou intervention humaine volontaire, sur l’usage des outils, sur les contenus, sur les relations
-  Un ou des outils numériques utilisés avec des caractéristiques techniques précises. En général, comme on le verra par la suite, le dispositif socio-technique fait appel à plusieurs outils numériques. C’est bien ce qui rend complexe l’analyse de l’appropriation des TIC. On pourrait certainement distinguer dans les outils numériques utilisés par l’utilisateur du dispositif socio-technique de ceux utilisés par les animateurs qui seront souvent cachés.
-  Des règles de fonctionnement du groupe. Elles peuvent être explicites ou implicites.
-  L’organisation du groupe, la répartition des tâches, des rôles. Cette liste de caractéristiques est très sommaire. Elle pourra être valablement complété par d’autres études de cas.

Posté le 27 décembre 2004

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