Présentation et contexte de l’étude.

1.1. Contexte.

L’Alliance pour un monde responsable et solidaire poursuit depuis sa création une dynamique de partage d’expériences, de construction de réseaux et de rédaction de propositions. Ce travail se caractérise par la diversité culturelle et linguistique des acteurs impliqués et leur éparpillement géographique, rendant ces tâches particulièrement complexes. L’Alliance a fait le choix de mobiliser des outils d’information et de communication numériques au service de cette dynamique, dans un souci permanent de respecter les différences culturelles et d’en tirer parti. En 2003, le besoin s’est fait sentir de faire une évaluation des outils de communication numériques de l’Alliance. A ce jour, il n’en existe aucun inventaire, ni analyse qui permettrait de comprendre la perception qu’en ont les utilisateurs, comment les membres de l’Alliance se sont appropriés ces outils et pour quels usages.

L’histoire de l’Alliance apparaît comme particulièrement riche dans le domaine de la communication. L’Alliance a produit une grande quantité de contenus en s’appuyant sur l’interaction entre ses membres. La communication est à la base de son projet qui vise le partage d’expériences, la construction de réseaux et la rédaction de propositions.

L’Alliance est un projet qui s’inscrit dans la longue durée et dans une géographie à l’échelle de la planète. Il regroupe un nombre de personnes important qui toutes n’ont pas les même usages, intérêts ressentiments vis à vis des TIC (Technologies de l’information et de la Communication). La question de l’usage des outils numériques ne domine pas, mais s’articule à un projet qui dépasse largement la question des TIC.

Dans le champ particulier de la communication numérique, l’Alliance semble adopter une posture de recherche et d’expérimentation technique aussi bien pour faciliter la communication entre ses membres que pour collecter et rendre accessibles les contenus produits. Cependant, les résultats obtenus de ces expérimentations apparaissent relativement peu lisibles à l’extérieur de l’Alliance. Les outils numériques ne sont bien souvent qu’une partie des outils de communication utilisés dans un groupe tel que l’Alliance en constitue. La rencontre physique, la correspondance épistolaire, la conversation téléphonique, l’édition, l’affichage, les échanges sous forme de conférences, d’assemblées, sont quelques exemples parmi les modes de communication entre les personnes qui illustrent la richesse et la diversité des possibilités dans ce domaine.

Pour les alliés, la notion même d’outil de communication est assez floue. Elle intègre aussi bien le courrier électronique, des forums basés sur des listes de discussion électroniques, que les pratiques de communication collectives comme l’animation de débats ou les démarches d’évaluation faisant appel au vote électronique.

Le travail de coopération de l’Alliance s’appuie sur le développement de technologies de communication avec la participation de ses membres. Ces expériences se basent autant sur l’organisation des humains que sur les outils techniques. Dans ce sens, les outils de communication ne sont pas sans interagir avec le fonctionnement de l’Alliance, son organisation et ses valeurs. Leur analyse permet d’identifier les facteurs favorables et les freins au travail de l’Alliance, et de dégager des perspectives pour l’avenir.

Le besoin de capitaliser sur ces expériences s’exprime au sein de l’Alliance. Il vise à améliorer l’adéquation entre les besoins et les réponses apportées, anticiper sur les usages futurs au sein de l’Alliance. Une telle capitalisation devrait aussi permettre de rendre disponible ces outils en dehors du contexte de l’Alliance ou pour les usages spécifiques de certains alliés.

1.2. Approche générale et méthode.

Les technologies de l’information et de la communication sont le fruit de l’interaction entre les outils, les techniques numériques en permanente évolution, et les groupes humains réunis autour de la résolution de leurs besoins. Dans le contexte de l’Alliance, cette interaction dépasse largement l’usage passif des TIC. La richesse des pratiques de communication au sein de l’Alliance relève d’une démarche d’appropriation sociale des technologies de l’information et de la communication. C’est pourquoi, au travers de cette étude, nous avons tenté d’identifier des éléments clefs du fonctionnement des collectifs avec le support des technologies numériques. Dans ce cadre, Vecam s’intéressera (et se limitera) aux outils de communication numériques sans perdre de vue leurs liens et leurs interactions avec les autres modes de communication.

Lorsqu’en 2003, la FPH (Fondation Charles Léopold Mayer) propose à Vecam de mener une analyse des outils de communication numérique utilisés dans le cadre de l’Alliance, cette proposition s’inscrit aussi dans une histoire de croisements et de collaborations. En participant activement à la création de Vecam, puis en apportant son soutien à différentes initiatives de notre association, la FPH a contribué à nourrir la réflexion sur les enjeux liés aux TIC. Elle a en particulier permis à Vecam de tisser des liens avec un grand nombre des acteurs sociaux mobilisés par ce sujet au sein de l’Alliance. Noue espérons que cette analyse pourra nourrir la réflexion sur le sens donné aux technologies de coopération actuellement en émergence.

L’objectif de cette étude est à la fois modeste et ambitieux. Modeste par le temps imparti, mais aussi par le champ couvert, celui de l’usage des TIC au sein de l’Alliance. Il ne s’agit nullement de refaire l’histoire de l’Alliance, seulement d’en pointer un aspect, celui des différentes manières par lesquelles a été conduite l’idée forte de “ mettre en réseaux ” les humains à travers la planète, en visant de plus à organiser la mémoire de leurs échanges, puis à en assurer une circulation, une mise à disposition à usage du plus grand nombre, dans la diversité de l’inter-culturalité chère à la Fondation.

L’ambition est due au fait que cette mise en réseau et cette mise en commun des idées ont constitué le fil rouge des efforts de construction de l’Expertise, avec un grand E, de la FPH. C’est donc sur une activité qui est en son cœur que nous allons nous déplacer pour rendre compte des avancées et, sans doute, de quelques limites rencontrées.

Un certain nombre de points découlent de ce qui vient d’être écrit ci-dessus.
- 1° Nous n’entrons pas dans l’analyse des contenus, mais nous nous centrerons sur des points essentiels de méthodes
- 2° L’histoire des dix dernières années à laquelle nous nous intéressons n’est pas celle, principalement, des phases et événements structurant le projet collectif d’ensemble, mais celle de la double ambition de la mise en réseaux et de la mise en forme des échanges, ce qui est a proprement parler l’élaboration d’une connaissance collective, et au delà, d’un “ savoir ” validé. Ainsi par exemple, le processus de l’Assemblée de Lille ne sera pas analysé en tant que tel - ceci a été fait amplement par ailleurs-, mais comme un des moments, parmi d’autres, de construction du double mouvement ci-dessus.
- 3°Nous n’allons pas pour autant nous laisser emporter par une dérive technicienne. On sait de mieux en mieux, grâce aux nombreuses réflexions surgies à propos d’Internet qu’il est nécessaire de penser ensemble les outils techniques, les procédures qui leur sont constitutives (se servir d’une liste structure un certain nombre de caractéristiques de la communication), et les autres “ procédures ” qui relèvent de l’organisation des collectifs comme par exemple, une animation bien construite pour un forum.
- 4° On ne se limitera pas aux usages d’Internet, car ce formidable medium vient s’inscrire dans tout un ensemble de moyens de communication électroniques. Cependant, la période sous revue est tellement marquée par le surgissement de ce “ réseau de réseaux ” - rappelons que l’accélération spectaculaire du nombre de connexions ne date que de début 1996- qu’on peut dire qu’il a donné corps à l’ambition de mise en réseaux de manière insoupçonnée auparavant.

Nous avons procédé par interviews des acteurs de cette “ histoire dans l’histoire ”, en leur demandant, après avoir rappelé les grands traits de leur itinéraire personnel (dont les circonstances de la rencontre avec l’Alliance), de nous décrire les différents aspects du ou des projets dans le(s)quel(s) ils ont été impliqués ; en dernier lieu de nous dire quels enseignements ils tirent de cette expérience, pour l’Alliance et plus largement...Car, c’est bien de l’itinéraire de l’Alliance dont nous traitons. Même si nous gardons en tête que nous tentons de dresser un bilan à la demande de la FPH, en donnant, en terminant, quelques éclairages perspectifs pour cette dernière.

1.3. Actions réalisées pour mener à bien ce projet.

Pour conduire ce travail d’analyse de l’appropriation des TIC de l’Alliance, nous avons donc choisi de rencontrer un nombre restreint d’acteurs de cette histoire. Ces rencontres s’étalent dans le temps entre le mois de janvier et le mois de septembre 2003. La plupart se déroulent en région parisienne et en France.

En premier lieu, il convient de remercier toutes ces personnes pour leur accueil et leur disponibilité. Ces interlocuteurs ont été choisis au sein d’une liste plus large des personnes qui se sont impliquées autour des problématiques de communication entre les membres de l’Alliance et de développement d’outils numériques. Une première série de personnes, déjà bien connues de Vecam, ont été rencontrées. Ces entretiens nous permettent de roder la démarche et le principe du questionnaire et de l’interview. Dans un second temps et après une concertation avec Gustavo Marin notre interlocuteur, une seconde série d’interviews à permis de compléter ce travail. Ces personnes nouvelles sont aussi souvent les plus anciennement investies dans la dynamique de l’Alliance.

Ces rencontres sont conduites sur la base d’un questionnaire qui permet à chacun de situer son histoire commune avec l’Alliance et de décrire les outils utilisés et les interactions entre les personnes et les projets. Le récit historique des événements permet de resituer les personnes et les techniques dans leur contexte. La procédure d’interview vise à collecter auprès de ces acteurs leur perception de ce qu’ils pensent avoir apporté et retiré de leur participation à l’Alliance, et ce qu’ils pensent que la dynamique de l’Alliance a apporté au développement des TIC en général. Il s’agit de dégager avec eux les perspectives d’innovation sociales lié au développement des outils de communication. L’enquête visant donc à rechercher comment des outils de communication (plus ou moins interactifs et participatifs) ont été utilisés, expérimentés, au cours de l’histoire de l’Alliance.

Ce travail est complété par l’exploration des textes écrits sur le sujet par les membres de l’Alliance pour comprendre les modalités d’appropriation des TIC. Au sein de l’Alliance, la question de la communication a fait l’objet d’une réflexion continue dont il reste des traces dans les nombreux documents qui traitent de l’organisation de l’Alliance . Ces sources complètent l’histoire de la mise en place des outils de communication dans l’Alliance que transmettent les personnes interviewées. Celle-ci est pleine d’enseignements sur les pratiques de communication de l’Alliance et les dynamiques qui sous-tendent le développement de technologies de coopération au sein d’un groupe de personnes.

Enfin, cette étude se concentre ensuite sur l’évaluation des outils de communication et de l’interaction des personnes à l’aide des outils numériques pour comprendre les communautés de personnes et leurs besoins d’outils de coopération. C’est pourquoi, pour conduire cette analyse, nous avons emprunté à l’équipe Tech-CICO de l’Université Technologique de Troyes, le système d’interprétation OSIR. Le travail de cette équipe prend sa source dans le domaine de la gestion des connaissances, ainsi que des technologies de la coopération correspondantes. Il nous permettra de tenter une interprétation de la situation rencontrée par l’Alliance jusqu’à aujourd’hui.

1.4. Limite de l’exercice.

Cette étude, réalisée à partir d’un historique que nous espérerons relativement objectif, tente d’explorer les méthodes, les outils de mise en communication et en coopération des personnes, de structuration de la mémoire de l’Alliance. La rédaction du chapitre qui suit, en particulier, s’appuie sur les extraits du site Web de l’Alliance, mis à jour début 2002, sur les documents accessibles et sur les témoignages recueillis. Le travail sur la mémoire vise à mettre en relief les modes et les dispositifs de communication au sein de l’Alliance. Elle vise à mieux comprendre comment les outils peuvent devenir des technologies de communication ou de coopération. Elle est donc limitée à un certain nombre d’outils qu’on espère être représentatifs de l’expérience de l’Alliance et significatifs pour son avenir.

Posté le 27 décembre 2004

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