Synthèse
des travaux en ateliers |
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SYNTHESE DE L'ATELIER TERRITOIRES ET CITOYENNETE
LOCALE
La problématique posée par Stéphane Martayan, animateur
de l'atelier, est la suivante : comment les nouveaux outils électroniques
peuvent améliorer le lien social, accroître la participation
au sein de la communauté, le mieux être ensemble, la vie dans
la cité ?
Plus précisément, la problématique est déclinée
en trois points :
- Comment les réseaux peuvent-ils être instruments de renouveau
de la citoyenneté ?
- Comment transforment-ils les rapports à la communauté territoriale
?
- Comment transforment-ils les rapports entre les différents acteurs
au sein même de la communauté locale, territoriale ?
Comme le rappelle Emmanuel Evenno, les nouvelles technologies de l'information
et de la communication, en abolissant les contraintes de la distance, en
recomposant les rapports spatiaux, aménent à reconsidérer
la question du territoire. Situé paradoxalement entre le global et
le local, la question est de savoir où se niche le territoire ?
Les NTIC interrogent parallélement la question de la citoyenneté.
L'idée de citoyenneté, liée à celle de république,
s'est solidifiée à la fin du 18ème et s'est construite
par rapport à une identité territoriale nationale forte. Les
TIC, transgressant les frontières (nationales, linguistiques, culturelles),
n'assiste-t'on pas à la revanche d'une citoyenneté locale
contre une citoyenneté nationale ?
Une très grande diversité d'expériences est présentée
dans l'atelier, s'attachant au territoire à des niveaux différents
:
- région comme la région Nord-pas de Calais
- grandes villes comme Bologne, Strasbourg, Zagreb
- petites villes comme Parthenay
- expériences de quartier, comme celles menées à Pantin
(Réseau à Pantin), à Aubervilliers (Le Métafort)...
Les expériences sont portées par des acteurs différents
: acteurs publics (municipalités, région), associations comme
l'association Siner'J, le réseau à Pantin, le CICV...
D'autres projets visent plutôt l'échange d'expériences,
la mise en commun du savoir grace notamment à l'utilisation d'Internet,
concernant le développement local (initiatives de l'AEIDL concernant
le développement rural, d'Horizon local en ce qui concerne le développement
local) ou les projets de villes numérisées (initiative de
l'Association des villes numérisées).
S'il existe toujours, à l'origine des différents projets concernant
un territoire, une volonté politique pour que se développent
les technologies de l'information et de la communication (TIC) dans une
perspective citoyenne, le contexte peut-être très différent.
On peut avoir un très fort choix politique porté par un contexte
favorable à la solidarité, la participation et la démocratie,
ou au contraire un contexte beaucoup plus rétif où les TIC
ne sont pas perçues comme un enjeu de citoyenneté par les
services municipaux, ni par le corps social, du fait de la culture hiérarchique
traditionnelle de la ville.
La perspective dans laquelle s'inscrit le développement de projets
de ville ou plus généralement de territoire numérisé
peut être très différente et plus ou moins ambitieuse.
Il peut s'agir comme à Strasbourg de retrouver un principe de ville
communicatrice, ne plus parler de quartier sensible, difficile. Internet
comme le tramway deviennent des moyens au service de cette communication
et du décloisonnement des quartiers difficiles. Internet est
conçu par ailleurs comme un outil au service de l'éducation
populaire.
Le projet peut s'inscrire dans une perspective globale et dans une optique
de développement local. C'est le cas à Parthenay ou le projet
de ville numérisée prolonge la politique de développement
local menée depuis les années quatre vingt : celle-ci repose
sur le pari de l'initiative locale et la création d'une dynamique
reposant sur l'usager. L'objectif du projet Irisi de son côté
est de savoir dans quelle mesure la société de l'information
peut être un outil de développement régional. Sa problématique
est axée sur la façon dont la société de l'information
peut faire l'objet de nouveaux usages, de nouvelles appropriations par l'ensemble
des citoyens de la Région, dans la logique de la politique régionale
du Nord-Pas-de-Calais à savoir la volonté de développer,
d'asseoir le développement durable. Tous les participants mettent
en évidence le lien dynamique qui peut véritablement exister
entre TIC et démocratie.
L'interactivité est au coeur de la démocratie, parce qu'elle
permet des discussions, des échanges, des dialogues. Les TIC permettent
l'accés à un savoir local, de s'intéresser à
des problèmes locaux, tout en s'affranchissant des contraintes physiques
(SSG 3). Elles font naître une véritable aspiration de la société
civile à un débat citoyen plus fort. Elles offrent de nouvelles
possibilités pour les associations. Elles permettent non seulement
de connecter les associations entre elles, mais aussi le partage d'informations,
le rapatriement en local d'informations, le développement d'argumentaires
(G6). Elles offrent le réel (Antoine Moreau, Réseau à
Pantin). Les NTI apportent une transparence et modifient le rapport au pouvoir
entre celui qui sait et celui qui ne sait pas. Elles offrent des opportunités
nouvelles pour les minorités qui avant ne pouvaient s'exprimer. Comme
cherche à l'illustrer l'expérience du Métafort, les
NTI parce qu'elles sont en réseau, interactives, incitent au croisement
des compétences diverses, notamment des compétences classiques
d'entreprises, mais aussi celles des artistes et surtout celles des acteurs
sociaux, anticipant par là même les lieux de production de
demain.
Mais l'usage des TI dans une perspective citoyenne implique certaines précautions.
Si le réseau peut devenir le miroir de la Communauté réelle,
la question de la lisibilité de l'information sur le réseau
se pose. La chose la plus importante est de garantir la pluralité
de présences et de contenus. Seule la présence effective de
nombreux acteurs offre une richesse partagée, un apprentissage possible,
sinon l'accés à l'information et au réseau reste élitaire.
La protection du lien social implique une vigilance citoyenne. Il s'agit
de s'assurer de l'accés généralisé au savoir
et au débat notamment municipal, de l'équilibre des points
de vue sur ces réseaux dans une logique d'échange de savoirs.
Pourtant comme le montre l'étude de l'Université de Namur,
l'utilisation d'Internet dans une perspective de développement de
la citoyenneté est encore très rare, les communes utilisent
le plus fréquemment Internet comme vitrine permettant de faire la
promotion de la commune et il y a dans les sites de communes encore très
peu d'interactivité (forum, hébergement). très concrétement,
la démocratie en ligne est encore une exception, plutôt une
promesse pour l'avenir.
En fait les participants insistent tous sur l'absence de déterminisme
de l'outil. L'outil offre des opportunités complémentaires
à l'exercice de la démocratie, les TI agissent comme un facilitateur
de rénovation citoyenne. Mais les véritables opportunités
viendront plus d'opportunités culturelles et sociales que de l'outil
lui-même.
Fondamentalement, la question véritable c'est de donner du sens au
local, d'inventer le local. Cela passe par une conscience collective permettant
aux gens de se placer au sein de leur univers local.
Mais pour donner sens à la société de l'information,
il s'agit d'abord d'insister sur les pratiques de vie. Il ne suffit pas
de prévoir des plans, programmes, pour qu'aussitôt émergent
des usages, il faut écouter les pratiques de vie, les pratiques d'appropriation
des outils jusque dans leurs formes de détournement, les respecter.
Les habitants doivent dés lors rester les premiers interprétes
de leur ville. Un des facteurs clé à cet effet est d'encourager
la créativité des gens et de faire confiance aux initiatives
citoyennes. L'important est de favoriser les projets allant dans le sens
d'une appropriation des TIC par les personnes, une mise en relation des
personnes dans le sens d'une citoyenneté active. Il faut parier sur
les réseaux d'acteurs : chercher à établir des réseaux
d'acteurs et structurer les réseaux qui existent déjà,
compter sur les liens, les réseaux solidaires, le déjà
là. Il faut créer de nouveaux espaces politiques d'échange
entre les personnes. Dans le cadre d'Irisi a été lancé
un débat public sur la question des enjeux, des potentialités,
des risques de la société de l'information. Avec les NTIC,
on ne sait pas à l'avance ce qu'on va faire, et pour cela un des
critères de succés c'est la participation, c'est dans les
groupes qu'on fait des propositions, qu'on construit avec les acteurs. Si
ça avance c'est que de nouvelles demandes apparaissent. Les NTIC
permettent de construire en marchant...
Le rôle des municipalités, associations... est dés lors
d'écouter les propositions, catalyser, intervenir sur des réseaux
mêlés, structurer des réseaux d'acteurs déjà
identifiés, faire émerger des porteurs de projets et aider
les personnes à réaliser leur projet, à trouver les
ressources pour les mettre en place. Les agents de la collectivité
locale jouent un rôle d'intermédiaire entre la collectivité/citoyens,
un rôle de médiateur et de facilitateur. Le travail se fait
en spiral : expérimenter, évaluer, diffuser.
La problématique est posée alors de l'articulation entre les
différents niveaux politiques, les associations de citoyens, les
collectivités locales, les associations de communes et le niveau
régional pour répondre à la question politique de la
régulation en matière de SI°. Rôle des élus
: anticiper et accompagner le changement en prenant en compte les impacts
des TI sur le plan du territoire urbain ou rural. Rôle très
important des Collectivités territoriales. Les élus doivent
travailler sous forme de plates-formes de coordination
L'évaluation des initiatives a fait apparaître un certain nombre
de problématiques et de lacunes à combler pour l'avenir :
- le problème de la multiplication et de la réappropriation
des expériences. Ce qui met l'accent sur la nécessité
de l'échange d'expériences et l'interpellation des décideurs
en faveur d'un choix clair de société
- l'absence de l'Etat national, dans son rôle d'accompagnement des
expériences, de démultiplication des initiatives, d'évaluation
des projets
- les problèmes d'éducation concernant la maîtrise des
outils, afin d'apprendre à apprendre et retraiter les contenus
- les problèmes d'équité au niveau de l'aménagement
du territoire, étant donné que les structurations naturelles
se font au niveau des noeuds, des points de communication (la majorité
des petites villes n'ont pas de serveur)
- une question restée en suspens : l'évaluation des expériences
sur le pouvoir local et le développement local (G4).
Territoires et citoyenneté locale
Pour lancer le débat, des thèmes ont été proposés
par Emmanuel Eveno.
Nous en soulignons quelques-uns(Bertolt
BRECHT, «Théorie de la radio» (1932) in Sur le cinéma,
Cahiers de l'Arche, Paris, 1980). En suite à ces interrogations,
Eric Langevin fait un résumé des débats.
Il y a une certaine spécificité française mais
aussi largement européenne, à poser le débat autour
d'Internet et des autoroutes de l'information en termes de citoyenneté.
Dés lors, ce prétendu retard «français»,
peut s'entendre d'une toute autre façon. On peut considérer
que l'Internet, qui est une architecture de réseau et surtout un
protocole de transfert d'informations, est bien davantage calqué
sur une culture étasunienne et à certains égards
anglo-saxonne de l'échange et de la communication. Elle refléte
certes des modes de socialité et de citoyenneté, mais qui
sont de cette origine et qui posent certains problèmes de transposition
dans d'autres contextes culturels et dans d'autres langues.
Le moteur du changement n'est pas uniquement et loin s'en faut dans
la technique, mais aussi sûrement dans le social. Le changement
social de ces dernières décennies, la crise industrielle,
la crise de l'emploi, l'urbanisation et la suburbanisation croissantes,
l'élévation des niveaux de vie, le consumérismeŠ
portent en germe le développement d'une économie de services,
d'une économie des loisirs et du temps libre, d'une économie
du savoirŠ et, précisément, dans ce contexte, il est plus
aisé d'imaginer l'intérêt que peuvent avoir les TIC.
Le développement incontrôlé des TIC dans la vie
de la Cité peut être source de nombreux problèmes
(surcoûts dans l'accés à des services, exclusion sociale
supplémentaireŠ) comme de nombreux intérêts (facilitation
des relations avec l'Administration, accés au savoir, dynamisation
de la vie locale, catalyseur de créativités de tous ordres,
participation active aux débats d'intérêts locauxŠ).
Le mythe de la démocratie électronique directe comme celui
de dictature technologique doivent s'effacer au profit d'une concertation
citoyenne capable d'orienter un projet collectif autour de ces technologies.
Le contexte local apparaît fondamental ; il fournit un socle
légitime à des expériences inédites en matière
d'usages des technologies innovantes. La notion de société
comme celle de citoyenneté se nourrissent du rapport au territoire.
La mondialisation de l'économie n'est pas la mondialisation des
sociétés. C'est aussi en cela qu'il convient toujours de
distinguer le consommateur (l'homo economicus) du citoyen (l'homo communicans).
Territoire, lien contractuel, frontière, unification, normalisation
se présentent comme des éléments constitutifs de
la citoyenneté. Mais aujourd'hui cette construction n'est-elle
pas remise en cause par ce qui se passe autour des NTIC ?
Emmanuel EVENO
Le développement durable de la société doit permettre
aux citoyens de subvenir à leurs besoins aujourd'hui et demain. Trop
peu d'éléments laissent augurer d'un tel développement.
Il nous faudrait considérer les problèmes économiques,
environnementaux et sociaux actuels, nés des incohérences
décisionnelles aux niveaux tant national qu'international. Pour rendre
possible un développement durable de la société, il
est nécessaire d'appréhender la complexité des relations
existantes entre le local et le global, et donc de promouvoir une approche
locale du développement trop longtemps négligée. Les
NTCI, fortement connotées de globalité, peuvent paradoxalement
être un des outils permettant cette évolution.
La notion de développement local peut être définie comme
la prise en compte, dans un projet de développement infra régional,
des dimensions économiques, sociales, environnementales et de leurs
interactions sur ce territoire. Un projet de développement local
implique donc la participation des différents acteurs économiques,
institutionnels, sociaux et des citoyens.
Les acteurs du développement local sont confrontés au cloisonnement
existant entre ces champs, et à la passivité des acteurs concernés.
Ce constat refléte notamment la rupture des liens sociaux. En réaction,
des tendances communautaires se font jour qui loin de promouvoir une citoyenneté
active, s'engagent dans une intolérance dangereuse à long
terme.
L'enjeu est donc de renouer des liens de solidarité, de catalyser
les potentialités de chacun1, d'engager des démarches actives
de participation et de responsabilisation des citoyens, de renouer le développement
avec son territoire, son histoire, sa culture tout en l'ouvrant vers l'extérieur.
La mise en ¦uvre de telles démarches requiert la capitalisation
des expériences locales de développement comme des connaissances
et énergies éparses. Leur succés dépend du partage
et de la mise à disposition de ce savoir. Nous pouvons gager que
de ce travail de nouvelles idées politiques émergeront.
Quel peut être le rôle des NTCI face à cet enjeu ? Pour
certains, les NTCI tendent à escamoter espace et territoire2 et semblent
faire la part belle à l'individualisme à outrance et aux communautarismes
divers. Mais elles sont aussi un outil de capitalisation de l'information,
de communication et de mise en réseau au service des acteurs locaux
du développement.
Les NTCI peuvent devenir une force de renouveau de la citoyenneté.
En effet, elles font naître une aspiration de la société
à un débat citoyen et incitent par leur construction en réseau
et leur interactivité à un croisement des compétences3.
Les enjeux sont donc géographiques : désenclaver les territoires
isolés. Ils sont sociaux et économiques : démocratiser
l'accés et l'utilisation des NTCI.
Au niveau local, les NTCI peuvent offrir aux initiatives locales de se fédérer,
d'être promues et transférées vers d'autres territoires.
Elles offrent au citoyen les moyens de se former, de s'informer et de prendre
part activement au développement et aux échanges d'expériences.
Elles offrent aux collectivités locales un moyen de se désenclaver
à travers les contacts nationaux et internationaux qu'elles facilitent.
Elles permettent enfin aux nouveaux modes d'organisation qui s'inventent
dans ces espaces locaux4 d'être connus et reproduits.
Mais le développement et l'appropriation citoyenne des TIC ne peut
se faire sans une active volonté politique locale et nationale. L'utilisation
de ces nouvelles technologies doit se greffer sur une dynamique sociale
et économique favorable et constituer un moyen d'optimiser des initiatives
émergentes.
Le politique a donc une importante responsabilité, au niveau national
en mettant en place les infrastructures nécessaires à un développement
équitable des TIC sur le territoire. Il doit aussi s'efforcer de
proposer des moyens d'accompagner les expériences locales, de les
démultiplier et de les évaluer. Au niveau local, le politique
doit renforcer son rôle de catalyseur, d'éducateur, de médiateur
et d'accoucheur (maïeutique)5 afin de proposer à chacun d'être
sensibilisé, d'être formé et de s'approprier ce nouvel
outil. Il doit enfin offrir des espaces de participation directe et interactive
avec le citoyen. L'utilisation des NTCI pour le développement d'initiatives
locales constitue un véritable défi puisqu'elle implique tous
les domaines du développement et ce, aux niveaux local et global.
Les NTCI représentent un moyen de mieux appréhender la complexité
des interactions existantes entre ces différents niveaux. Enfin,
elles sont sans doute un élément susceptible de mener au développement
durable pour lequel Pierre Calame affirme qu'il nous faut simultanément
penser et agir localement et globalement.
Eric LANGEVIN
SYNTHESE DE L'ATELIER EDUCATION
Les constats:
L'éducation est un continent en soi. Lors
de l'atelier, un nombre impressionnant de constats ont été
énoncés, qui touchaient à des domaines aussi variés
que les nouvelles pratiques pédagogiques, le rôle et la
formation de l'enseignant, la question des coûts et des partenariats
privé/public, l'autonomie de l'enfant ou encore celui du clivage
inforiche infopauvre. Il est évident que sur une aprés
midi, seules des pistes de solutions pouvaient être ébauchées.
C'est finalement le rôle de ce colloque, que de lancer le processus
de réflexion et que celui ci doit déboucher sur une capitalisation
et un continuum.
Responsabilité et partenariat
Principe de base : les stratégies gagnant
gagnant entre systéme public et privé ne peuvent exister
que s'il y a respect des champs de compétences des uns et des
autres. Les projets pédagogiques sont du ressort du système
d'enseignement en place et ne peuvent en aucun cas être traités
par les entreprises privées. Celles ci ont par contre une légitimité
forte en ce qui concerne l'ingénierie.
- Proposition 1: pour que les projets de partenariat
soient efficients, un cadre méthodologique précis (convention,
transparence, cahier des charges, domaine de responsabilité)
doit être élaboré en amont. Les critères
de succés sont : répondre aux enjeux de service universel,
adapter l'offre technologique à la demande et permettre aux
groupes d'avoir des retours sur investissement.
- Proposition 2 : Pour toute création de contenu,
un véritable processus d'évaluation doit être
mis en place. Cela suppose une validation par différents acteurs
: enseignants, pouvoirs publics, associations, personnes extérieures
et entreprises productrices.
- Proposition 3 : Pour éviter les risques liés
à l'apparition des push technologies (explorer 4 par exemple),
l'éducation nationale doit offrir une vitrine labellisée
(browser, educasource)
Les nouvelles potentialités pédagogiques
Principes de base : aucun déterminisme lié
aux NTIC, notamment quant aux évolutions pédagogiques
et à la lutte contre les inégalités scolaires et
sociales.
Articulation entre auto-organisation pour les acteurs et politique publique.
Il faut intégrer le débat sur les NTIC dans une dimension
plus transversale intégrant les enjeux politiques, culturels
et éducatifs.
- Proposition 1 : Pas de mise à disposition
de l'outil sans qu'il soit porté par un véritable projet
d'enseignant ou d'établissement.
- Proposition 2: Encouragement à la mutualisation
des savoirs, compétences et expériences. Pour cela,
création d'un espace communautaire fonctionnant sur le principe
d'un réseau ouvert sans contrainte hiérarchique, dans
le cadre de la circonscription pédagogique ouvert sur le quartier
et la communauté locale élargi aux autres écoles.
- Proposition 3: Mise à disposition de personnes
et centres de ressource appartenant ou non à l'institution
de l'éducation nationale (validation)
- Proposition 4 : Encouragement à l'utilisation
d'outils favorisant des pratiques innovantes (ex des arbres de connaissance
pour les enfants, outil de formation de formateurs encourageant une
pédagogie centrée sur l'apprenant)
Acquisition des savoirs
L'éducation est un continent en soi. Lors
de l'atelier consacré aux acquisitions de savoirs, de nombreux
constats ont été émis touchant des domaines aussi
variés que les nouvelles pratiques pédagogiques, le rôle
et la formation de l'enseignant, la question des coûts et des
partenariats privé/public, l'autonomie de l'enfant ou encore
le clivage info-riches/info-pauvres. Franck Sérusclat a ouvert
les travaux et Pierre Valois tire les enseignements des débats.
La question est simple, le défi immense : comment affronter avec
confiance le XXIème siécle avec des enseignements fondés
sur des contenus datant du XIXème siécle et sur une vision
dépassée des sciences ? Saurons-nous former nos enfants
à imaginer l'avenir et à affronter le réel, sans
les enfermer dans des illusions rassurantes de l'abstrait ?
Certes, de tous temps, les outils pour acquérir les savoirs se
sont révélés déterminants dans cette acquisition.
L'imprimerie et le livre surtout ont été facteurs de manières
d'apprendre. Aujourd'hui, l'ordinateur, les Cédéroms et
les réseaux bouleversent nos modes d'acquisition.
De nouveaux outil
L'ordinateur uni - ou multimédia - assure
la fonction d'un «super» stylo. Il permet non seulement de
créer une page à l'écriture esthétiquement
parfaite, mais également de travailler le contenu de celle-ci
par le biais de sa fonction traitement de texte. Des logiciels permettent
l'autocorrection et l'acquisition d'une autonomie dans le travail, ainsi
que la disparition du sentiment de peur de la faute et de honte.
La production de cédéroms éducatifs en France prend
une importance considérable et s'adresse aux éléves
dés le plus jeune âge. Ils constituent une manière
différente d'acquérir des savoirs de façon interactive
selon son rythme, ses centres d'intérêts, le cheminement
propre de sa pensée, sans pour autant que disparaissent le livre
et sa lecture.
Enfin, les réseaux apportent au lieu et à l'heure propices
une multiplicité d'informations. La numérisation des fonds
documentaires les plus riches et leur mise en réseaux permettra
à tous d'accomplir un parcours d'apprentissage personnalisé
et égalitaire indépendant de la bibliothéque de
l'école fréquentée, ou de la proximité avec
un centre documentaire. Ils permettent une communication visuelle, sonore
et textuelle appelée à prendre de l'importance.
Egalité d'accès et Egalité d'usage
Ces nouveaux outils provoquent l'émergence
de nouvelles méthodes d'acquisition des savoirs face auxquelles
tous les citoyens doivent être dans une situation d'égalité
: mais quelles méthodes, quelles initiatives pour réussir
cette égalité ?
Les éléves doivent trouver des heures de formation au
maniement de ces outils. Mais à partir de quelle classe ? Maternelle
et primaire ou seulement au niveau du collége aprés les
premières années d'un enseignement plus «classique»
?
L'apprentissage à l'école doit compenser l'inégalité
d'équipement des ménages. Suffirait-il dans un premier
temps de banaliser l'objet en le rendant accessible à tous (ordinateur
de fond de classe ou dans des salles à part), sans obligation
de s'en servir ? Faut-il un ordinateur par éléve comme
chacun a son stylo ? Comment faut-il ordonner la progressivité
de l'apprentissage depuis l'école maternelle ? Peut-on prendre
exemple sur celui qui conduit peu à peu à la maîtrise
de l'écrit, de la lecture ? Est-ce un facteur d'aide aux «handicapés
de l'illettrisme, aux découragés de l'écriture
à la plume» ?
L'utilisation du réseau exige un savoir trier, analyser, comparer,
choisir et comprendre ce que l'on y trouve, comme on a appris à
le faire pour la lecture. Mais quelle importance accorder à l'image
et comment en comprendre, en déceler la vérité
ou le trucage ?
Autant de questions dont la plupart demeurent sans réponse ;
Il convient de s'y pencher sans tarder tout en assurant parallèlement
l'acquisition d'un usage familier de l'outil. Et pour ce faire, deux
préalables s'imposent : équiper les écoles (et,
dans ce domaine, les collectivités locales ont un rôle
important à jouer) ; former les enseignants. Ces deux exigences
ne peuvent en aucun cas être dissociées.
Vers une nouvelle pédagogie ?
L'acquisition des savoirs se faisant en utilisant
l'ordinateur, faut-il inventer une nouvelle pédagogie ? Le cours
magistral où le professeur délivre son savoir face aux
éléves reste-t-il adapté aux moyens offerts par
les TIC ? Ne faut-il pas quitter le système de la «pensée
unique», défini comme celui où l'enseignant détient
le savoir, l'apprenant étant chargé de le recevoir, l'organisation
et l'institution étant responsable de la gestion et du maintien
d'un tel système ? L'approche pédagogique doit-elle être
davantage centrée sur l'apprenant, plutôt que sur l'enseignant
? L'ordinateur permettant le travail collectif, d'une classe à
une autre, d'un pays à un autre, d'une langue à une autre,
la pluridisciplinarité ne devient-elle pas une pratique pédagogique
supérieure à l'enseignement découpé en disciplines
?
Solidarité contre individualisme
Face aux technologies informationnelles de la communication,
le sentiment dominant est du même ordre que celui formulé
par Bertholt Brecht en regard de la radio il y a quelques décennies
: « La radio pourrait être le plus formidable appareil de
communication pour la vie publique, si elle savait non seulement émettre,
mais recevoir, non seulement faire écouter l'auditeur, mais le
faire parler, ne pas l'isoler, mais le mettre en relation avec les autres.
Il faudrait alors que la radio, abandonnant son activité de fournisseur,
organise cet approvisionnement par les auditeurs eux-mêmes. [
] Et si jamais vous trouvez cela utopique, demandez-vous pourquoi c'est
utopique. ».
Pour la radio, comme pour l'ensemble des nouveaux moyens de communication
et d'information, ce sont les entreprises privées qui se sont
emparées des contenants et des contenus et par ce fait même
des auditeurs, les cantonnant dans un rôle de spectateurs-auditeurs
passifs. Or, aujourd'hui, les possibilités cybernétiques
semblent nous permettre de croire en une réelle appropriation
par une partie de la société du rôle d'émetteur
et de pourvoyeurs de contenus. Mais nous créons actuellement
des besoins qu'il sera difficile de ne pas monnayer dans quelques années
sinon quelques mois. Alors, de nouveaux clivages sociaux sont susceptibles
d'apparaître entre ceux qui utiliseront les nouvelles techniques
et ceux qui resteront à l'écart. Dans ce contexte, il
devient urgent d'affirmer que ces technologies doivent être appréhendées
comme des services essentiels. Aujourd'hui, la fabrication d'un produit
est totalement segmentée ; il risque d'en être de même
avec la possibilité réelle de faire sens, de formuler
l'information. Comment se feront les interconnexions essentielles pour
obtenir une vue panoramique de l'information nécessaire dans
un univers où les parasites ne cessent de se faire entendre ?
Est-ce-que l'espace communicationnel, actuellement en pleine expansion,
deviendra un immense centre d'achat planétaire ou y aura-t-il
place pour une agora d'individus et de collectifs qui donneront du sens
à la présence de l'homme sur terre sans approche mercantile
? Les débats de Parthenay ont souligné deux objectifs
: préserver la démocratie par un large accés aux
contenus proposés et approfondir la question des usages possibles
des NTI au service de l'homme en identifiant clairement leurs limites.
Car on peut toujours affirmer que l'accés aux nouvelles technologies
sera le fer de lance d'un renouveau citoyen, encore faut-il que cet
accés soit rendu possible par l'entremise de formateurs qui ne
craignent pas de remettre en question leur pédagogie. Ainsi l'appropriation
semble passer par l'école ; nous nous sommes donc retrouvés
en présence d'un postulat républicain. Que faire avec
ceux et celles qui hors des murs du savoir existent et cherchent à
donner un sens à leur existence ? La multiplication de lieux
d'accés gratuits au cyberespace devient actuellement un enjeu
important. En présumant que l'outil n'est qu'un moyen et non
une fin. Dans cet esprit, à un moment où le social semble
miné par l'économique, où le marché semble
être le seul référent possible, il faut surtout
éviter le repli individuel et solitaire. Il faut réintroduire
un discours misant plus sur la solidarité que sur l'individualisme.
Tout en menant une action politique à long terme s'inscrivant
en faux face au poids de l'idéologie dominante qui affirme de
plus en clairement qu'il est nécessaire dans un univers concurrentiel
qu'il y ait des perdants et des exclus. Il nous faut inventer des espoirs
nous permettant de nous projeter dans l'avenir.
Frank SERUSCLAT et Pierre VALOIS
SYNTHESE DE L'ATELIER TRAVAIL
Deux thèmes
sont abordés dans l'atelier, qui font l'objet de deux parties distinctes
:
I - La rénovation du travail
La logique structurante de l'outil
Les outils ont une logique structurante qui peut avoir en retour des conséquences
sur l'organisation du travail.
Une grille de lecture commune se dégage :
- les TIC conduisent à des transformations des rapports espace-temps
- chaque technologie ne peut être considérée isolément,
les technologies de l'information et de la communication (TIC) font systèmes
entre elles
- les réseaux numériques ne sont pas nouveaux en eux-même,
ce qui est nouveau c'est leur caractère non propriétaire
- ces réseaux technologiques viennent s'insérer dans deux
autres réseaux : les réseaux logistiques et les réseaux
sociaux
Des distinctions doivent être faites, selon :
- le type d'organisation : organisation contrainte ou organisation des
usagers en fonction de leur propre marge de manoeuvre
- le type d'échange (échanges de tête à tête,
sous forme de listes, collectifs simultanés, collectifs différés
sous forme de news et de BdD)
- les types de messages transmis : messages parlés, textes parlés,
textes écrits, images, données
- le type d'environnement : homogéne ou hétérogéne
Les TIC apportent en elles-m'mes des éléments positifs et
d'autres négatifs vis à vis de l'organisation du travail.
Parmi les vertus des TIC, on peut compter :
- la possibilité pour tous d'avoir la même information, au
même moment partout dans le monde
- la possibilité du différé et de l'interactif
- la possibilité de faire face à tous les décalages
horaires
- l'abolition des contraintes de lieux
- la réduction des coûts de transmission de l'information
et de communication en raison des tarifications avantageuses.
Mais ces mêmes vertus, engendrent en même temps des défauts
et des contraintes :
- une saturation par l'information peut résulter d'une diffusion
systématique de l'information par le biais de la messagerie
- le différé pose le problème de l'absence de réponse
au message
- l'interactibité peut être une contrainte insupportable,
car elle laisse peu de temps pour réagir et réfléchir
- les repères traditionnels du travail sont bouleversés,
dans la mesure où les frontières entre les temps et les
espaces du travail, de la formation et de la vie privée sont abolis.
Quatre problèmes organisationnels se posent:
- la fiabilité des systèmes qui devient primordiale dans
les systèmes de communication - la construction des listes de destinataires
: à partir du moment où la circulation de l'information
est facilitée, la question de la détermination des destinataires
devient un grand révélateur de l'organisation de demain
- l'organisation concréte du poste de travail du récepteur
de l'e-mail pour faire face à la surabondance des messages
- le problème renouvelé de la confidentialité, non
seulement dans les relations externes mais aussi dans les relations à
l'intérieur de l'organisation.
Dans le discours il est dit que l'entreprise performante de demain sera
celle qui saura organiser ses réseaux d'informations sur de nouvelles
base et qui aura une compétence pour traiter convenablement ces
informations, dans la pratique l'organisation du travail est un jeu à
huit acteurs, et toutes les combinaisons sont possibles.
A la suite de l'introduction, un débat s'engage entre les participants,
dont nous retraçons les principales étapes.
La transformation de l'organisation du travail en pratique
Le démarrage des débats du point de vue des technologies
est problématique. Le problème posé au prime abord
est de savoir comment les gens ont accés à ces TIC. Il faut
partir de la réalité des entreprises dans le pays, sinon
on ne peut mesurer les enjeux, ni la manière dont les choses vont
évoluer dans le long terme.
Un participant fait état du peu d'impact sur l'organisation du
travail de l'introduction des TIC sur un monde totalement réfractaire
à ces échanges, l'administration, qui est cloisonnée
à la fois verticalement (les services ne communiquent pas entre
eux) et horizontalement (les hiérarchies ne communiquent pas avec
les services de terrain, les chefs avec les subordonnées). Dans
une administration équipée comme le Ministère des
Finances, on s'aperçoit que l'équipement est sous-utilisé,
parce que très peu de gens savent s'en servir, ont acquis le savoir-faire
nécessaire pour naviguer dans un nouveau mode d'expression.
D'un côté, on essaie de maintenir l'organisation et d'absorber
les nouveaux outils en modifiant le moins possible l'organisation, notamment
en ce qui concerne le secrétariat. Dans l'administration classique
on garde la secrétaire, car il existe des enjeux de pouvoir. Dans
la petite entreprise, très souvent, le secrétariat n'existe
plus, souvent il n'y a même plus d'accueil, on a intégré
la technique et modifié l'organisation du travail en conséquence.
Une des conséquences la plus visible de l'informatisation sur le
travail est la suppression d'une couche sociale : celle des sténodactylos,
soit deux cent à trois cent mille personnes. Cependant si on a
plus besoin de dactylos, on a besoin de personnes qui soient capables
de traiter de l'information, de la mettre à jour, de la trier,
de définir la communication, de bien mettre en page une page html
: de nouvelles fonctions apparaissent.
Au delà, de la suppression d'une ou deux catégories socio-professionnelles,
les changements sont beaucoup plus profonds, car ils concernent directement
le pouvoir et les modes d'exercice du pouvoir. Dans ce mouvement, une
autre catégorie socio-professionnelle va disparaître, celle
du petit chef.
Il semble qu'il y ait besoin de davantage d'autonomie, de confiance en
soi, pour décider d'envoyer ou de traiter un message. Mais la question
véritable n'est pas d'ordre technique, mais reléve de l'organisation
du travail. Si on peut constater très souvent un impact très
fort de la messagerie ou de l'Internet sur les modes organisationnels,
les outils constituent en fait plus un alibi pour examiner d'autres modes
de fonctionnement du travail.
Une autre conséquence de l'usage des TIC est l'abolissement des
frontières entre le temps de travail et la vie privée. Le
système professionnel est très souvent doublé par
un système personnel et le travail sur les problèmes professionnels
est poursuivi le soir. Si l'aménagement du temps de travail/temps
privé est possible, il faut détruire certains mythes, notamment
la généralisation du télétravail comme alternative
à l'exode rural. Si le télétravail s'avère
néanmoins possible, il ne peut y avoir rupture physique totale
avec le milieu du travail. Le gros des échanges se fait par mail
pour le travail, mais les contacts physiques sont indispensables par le
moyen de réunions périodiques, informelles, ce qui suppose
un fort esprit d'équipe.
La question de la hiérarchie
Traditionnellement le pouvoir est lié à la détention
et la rétention de l'information, la hiérarchie possédait
l'information écrite et la distribuait à son gré.
Parce que l'information est censée être distribuée
à tout le monde, l'idée souvent avancée est que le
mode d'organisation hiérarchique traditionnel va disparaître
pour être remplacé, de plus en plus, par un mode de gestion
par projet.
Assiste-t'on à un écrasement des hiérarchies, à
une disparition des hiérarchies ou encore à l'apparition
de nouvelles hiérarchies ?
On s'aperçoit, notamment dans le domaine de l'industrie automobile,
que l'informatique et le juste à temps ont accéléré
considérablement le processus de travail des petites et des grandes
sociétés, or ce processus d'accélération a
complétement changé l'organisation des entreprises, qui
sont beaucoup moins hiérarchisées et dont la hiérarchie
est beaucoup moins structurée.
Dans une organisation très stratifiée telle que la Commission
européenne, le réseau permet aux fonctionnaires une consultation
directe et plus aisée des collégues de même niveau
hiérarchique, autorisant par là une responsabilisation et
une prise de pouvoir par les fonctionnaires eux-même sans passer
par la hiérarchie.
On constate cependant que se mettent en place, par l'usage des messageries,
des formes subtiles de hiérarchie, un système de représentation
du pouvoir, qui peut être observé concrétement. Quelqu'un
qui a du pouvoir fixe la liste de ses destinataires en fonction de l'importance
qu'ils ont au niveau du processus de décision ou des pôles
d'expertises. Par l'en-tête de chaque message on a une représentation
du niveau hiérarchique de chaque personne. Par ailleurs, le message
envoyé a très souvent un caractère injonctif, ne
serait-ce que par le fait qu'un message peut-être diffusé
à un très grand nombre de personnes qui sont dés
lors informées.
Un participant défend l'idée que les réseaux remettent
en cause la hiérarchie traditionnelle basée sur l'âge.
Plus on était vieux, plus on était censé acquérir
de l'expérience, plus on pouvait monter.
Aujourd'hui de plus en plus l'organisation est basée sur le good-up
: on doit avoir une expertise forte, mise en oeuvre dans le cadre d'une
gestion de projets. Le problème de l'abondance des messages est
due notamment au fait que deux organisations essaient de coexister : une
organisation restant basée sur une logique politique et administrative,
une organisation basée sur une capacité à faire.
L'envoi massif de messages répond à une logique politique
alors que la pertinence des messages exigerait qu'ils soient plus sélectifs.
Globalement on tend vers une très forte auto-régulation,
de plus en plus de messages pertinents arrivent dans les boîtes
aux lettres et les gens sont de plus en plus à même de discriminer
le type de messages avec des fonctions pour information, pour action ou
pour décision. Les outils de travail coopératif ou de groupeware
jouent un rôle assez structurant dans cette optique.
Mais d'autres personnes insistent sur l'erreur qu'il y a à défendre
la primauté de l'expert vis à vis du chef expérimenté.
Ce qui fait le chef, c'est sa capacité à avoir une vision
stratégique d'expérience, à savoir éliminer
l'information inutile. Or tout le problème posé par Internet
est justement la capacité à éliminer le bruit informationnel
et à sélectionner l'information de façon stratégique.
La génération actuelle de responsables n'a pas été
formée pour faire le travail d'élimination du bruit informationnel,
donc les nouvelles générations sont amenées à
exercer une fonction qu'elles ne devraient pas exercer. Les gens jeunes,
dynamiques et branchés ont en effet une expertise extraordinaire,
et estiment avoir par là même un peu plus de pouvoir.
Or la définition même de l'expert c'est d'avoir beaucoup
de savoirs dans un domaine et avec une vision étroite, mais d'avoir
peu de vision stratégique y compris dans l'univers qui est le sien.
On reste toujours dans l'idée traditionnelle du pouvoir lié
à la détention ou la rétention d'informations, le
changement de pouvoir qui va intervenir sera beaucoup plus lié
à une compétence d'analyse, de synthése et de rediffusion
de l'information. C'est là où se jouera le vrai pouvoir.
La logique économique : où en est-on du modéle taylorien
?
Sur le plan de la responsabilité, les réseaux ont créé
un apport considérable en autonomie, en capacité d'organisation
et de décision. Mais cette autonomie est limitée. Il faut
voir de quoi on parle quand on parle de pouvoir ; les gens fonctionnent
dans une organisation d'abord selon des critères de productivité
et d'efficacité ; le gain en autonomie et en responsabilité
ne conduisent pas à un gain en pouvoir réel qui reste aux
mains du patron, détenteur du pouvoir économique.
Il ne faut pas non plus oublier, dans le contexte de la mondialisation,
les gens du back-office souvent délocalisés à Taïwan
ou ailleurs (par opposition au front-office) qui ont accés au réseau
de manière totalement déterminée en entrant de l'information
en série (annuaires, catalogues...) ; quelle part à la décision
peuvent-ils avoir ?
Les demandes des clients vont toujours dans le sens d'un accroissement
de la productivité. Or quand il y a productivité, il y a
mesure de la productivité.
D'une certaine manière, les affirmations de Wiener selon lequel
l'avénement de la société industrielle, conduisant
à accepter les conditions de la productivité, oblige à
un travail d'esclave, est encore vraie.
Les outils cybernétiques, dont la finalité première
est la décentralisation des tâches dans une perspective fonctionnaliste
et l'automation, s'inscrivent dans cette perspective. On s'aperçoit
de même que les NTCI n'ont souvent pas du tout le même impact
pour les salariés que pour les cadres. Alors que les cadres et
les gens hors hiérarchie sont souvent dans un statut privilégié,
dans le même temps on assiste à une surtaylorisation de la
chaîne de travail dont les salariés font souvent les frais.
On constate le plus souvent trois phases dans la vie des gens travaillant
avec les grands réseaux: 1 - L'expérimentation
suscitant beaucoup d'enthousiasme de tous les acteurs qui partagent une
utopie et ont pour objectif d'aller au delà des barrières
hiérarchiques
2 - Une crise systématique, une angine informationnelle, quelques
années aprés, qui peut prendre de multiples formes : ambouteillage
informationnel, jalousie de pouvoir...
3 - La restructuration qui constitue une remise en forme des éléments
de pouvoir. Celle-ci peut mettre en scéne différents scénarios
: abandon pur et simple, adaptations mineures, mais presque systématiquement
taylorisation, qui se traduit notamment par une mesure de la productivité,
un comptage des messages.
C'est souvent là, la forme la plus avancée du travail en
réseau. En fait tous les possibles imaginables existent d'organisation
du travail à partir des réseaux, de la plus agréable
à la plus productiviste. Le problème n'est pas tant les
TIC que de savoir ce que l'on en fait.
Un intervenant souligne que les techniques ne déterminent rien,
mais rendent possible certaines choses en fonction des objectifs, notamment,
en ce qui concerne l'utilisation du logiciel Ginco concernant les arbres
de connaissance, l'intercompréhension réciproque des rôles
de chacun. Si on donne les moyens aux personnes de se repérer à
partir de leurs compétences, d'avoir une représentation
de son rôle et de celui des autres, les TI peuvent rendre possible
une organisation plus apprenante. En ce qui concerne la référence
au modéle taylorien, beaucoup d'entreprises se rendent compte qu'il
n'est plus possible d'avoir une organisation aussi figée, aussi
hiérarchisée, ne serait-ce que parce que l'entreprise doit
sans-cesse s'adapter vis à vis du marché. Mais par contre
elle continue à utiliser des repères appartenant au modéle
taylorien : des références au métier, aux tâches,
postes. Les nouveaux instruments permettent eux de partir des ressources
humaines.
Il est vrai qu'on assiste à une restitution de la chaîne
de production par le biais de l'outil Internet notamment, les contrôles
de qualité étant très renforcés par exemple,
si on veut obtenir des résultats dans un contexte de travail à
distance, mais cette chaîne de production ne correspond pas à
la même vision que celle de Taylor. Les compétences des gens
sont des polycompétences (les gens doivent savoir faire plusieurs
choses), liées à une chaîne de savoirs.
Une autre contrainte économique qui joue cette fois-ci dans les
relations externes des entreprises est la concurrence. On rencontre des
freins dans l'application des TIC vers les PME-PMI, car très rapidement
on touche le pouvoir. Une PME ayant accés au réseau va non
seulement avoir accés à des informations mais va devoir
en mettre. Or elle aura tendance à en mettre très peu, du
fait des problèmes de concurrence sur une même localité
; par contre elle sera moins réticente pour coopérer avec
des entreprises situées à l'étranger par exemple
avec laquelle elle n'entre pas en concurrence directe.
Pour dépasser les limites actuelles
En ce qui concerne les relations externes, la première étape
de la mise en réseau est la valorisation de la proximité.
Pour cela, il faut d'abord que les gens apprennent à se connaître.
Il y a des domaines ou les entreprises entrent en concurrence directe
où il ne peut y avoir de rapprochement possible, mais en général,
la concurrence est plus internationale que locale et même dans les
domaines où on est concurrent, il y a des possibilités de
travailler ensemble. La proximité géographique est porteuse
de valeur ajoutée. Il faut essayer d'identifier les compétences
distinctives des structures avec lesquelles on est amené à
collaborer et travailler sur elles.
En ce qui concerne l'organisation interne du travail, un participant souligne
le fait que le problème fondamental n'a rien à voir avec
les technologies de l'information et est presque philosophique. Il s'agit
de savoir si l'individu se soumet aux contraintes extérieures et
se définit vis à vis d'elles. Les systèmes sont hiérarchisés,
parce que la contrainte est patronale et vient du marché, toute
personne à l'intérieur du système tend à intégrer
ces contraintes et est en situation de soumission vis à vis de
l'extérieur. Si on construit une entreprise dans l'autre sens par
l'auto-organisation des individus, qui connaissent les contraintes, intégrent
des informations plus importantes, se vivent et s'organisent en réseau
les uns par rapport aux autres pour diminuer les effets de contrainte,
le problème peut être différent. La conduite de l'entreprise
repose sur un système d'évaluation par le bas dans lequel
les demandeurs deviennent en situation de chef d'orchestre et l'orientation
des salariés est beaucoup plus vers la recherche de la pérennité,
que vers la rentabilité à court terme.
Ce modéle n'apparaît cependant pas généralisable,
tant que n'existe pas une garantie minimum d'allocation universelle permettant
à chacun de travailler dans des activités diverses en valorisant
ses propres compétences, tout en dépassant la contrainte
monétaire.
Pour dépasser les contraintes de l'outil mis au service d'une logique
purement productiviste, il importe d'affirmer un certains nombre de valeurs
et de dimensions pour la pensée et l'action :
- Réaffirmer que l'on n'adapte pas l'homme à un outil, mais
que l'on doit partir de la l'organisationnel, de la question humaine,
des rapports collectifs
- Résister à une surtaylorisation (notamment en développant
la polyvalence des gens, leur permettant une mobilité accrue) et
à une mondialisation économique et financière
- Conserver et encourager le lien social, notamment en multipliant les
lieux de rencontre
- Révolutionner notre rapport humain et notre mode culturel en
allant vers plus de partage
- Expliciter les régles du jeu des nouveaux outils pour un usage
conscient de ces derniers.
II - Le travail
Les TI permettant de manipuler
des signes, et notamment des signes de commandes, un constat s'impose
aujourd'hui : nos outils de production vont diminuer considérablement,
massivement la part de l'intervention humaine dans les biens et les services.
Le train de productivité du travail dans le secteur industriel
est supérieur à 10 % et, comme dans le secteur agricole,
il n'y aura bientôt pratiquement plus personne dans le secteur industriel.
Une bonne partie des relations de service est basée sur la manipulation
de signes et reléve de cette même industrialisation. Les
nouvelles technologies de l'information vont faire naître des emplois,
mais en aucun cas dans de telles proportions.
L'emploi résulte du rapport de vitesse entre le développement
des services utilisant les technologies et les gains de productivité
existant dans l'ensemble d'une activité sur un territoire donné.
Le problème se pose de la localisation des activités sur
l'ensemble de la planéte et du rapport entre le capital et le travail.
Dans la transformation des rapports de force aujourd'hui, celui qui gagne
sur le marché est celui qui joue au mieux avec les facteurs de
production les plus mobiles. Aujourd'hui c'est le travail qui est le moins
mobile, sauf à admettre la flexibilité maximale.
Il ne faut pas sombrer dans un pessimisme radical, mais explorer les possibles.
Les politiques publiques sont sollicitées pour favoriser les initiatives
locales créatrices d'emplois, défendre un salaire minimum
garanti, donnant la liberté au bénéficiaire pour
utiliser ses ressources de façon créative, diminuer le temps
de travail afin de libérer du temps pour la formation professionnelle
continue et pour la création, dans le même sens réutiliser
le loisir des jeunes et des personnes âgées.
Il s'agit par ailleurs de développer les pratiques sociales innovantes,
développer de nouveaux métiers et revisiter d'anciens métiers.
Il faut conserver le patrimoine social européen et défendre
une citoyenneté non seulement civile, mais aussi économique
et sociale, reconstruire des droits et des devoirs adaptés aux
nouvelles formes de travail, redéfinir ce qu'est la richesse car
la conception économique ne suffit plus.
Alain D'IRIBARNE
SYNTHESE DE L'ATELIER MONDE ET RESEAUX DE CITOYENNETE
1. Qu'est-ce qu'être citoyen dans le monde d'aujourd'hui ?
Il importe de poser un diagnostic sur l'état actuel de la citoyenneté
avant d'entreprendre une discussion sur le rôle que peuvent jouer
les NTI dans son renforcement.
Dans le contexte actuel marqué par la mondialisation et les échanges
de toutes sortes entre cultures, la notion de citoyenneté apparaît
éminemment relative. Sur le plan culturel, elle varie selon que
l'on privilégie l'individuel ou l'appartenance à la collectivité.
Sur le plan géopolitique, ses connotations et sa résonance
varient selon que l'on considère son spectre d'action : local,
national ou international. Etre citoyen pourrait se définir par
la capacité de prendre la parole . On ne naît pas
citoyen ; on le devient à travers une recherche délibérée
et consciente d'informations permettant de fonder ses choix politiques
et de développer une pratique civique. Au demeurant, il est difficile,
et sans doute vain, de donner une définition théorique du
terme bien que l'on s'accorde pour dire qu'elle est la responsabilisation
de l'individu vis-à-vis de la collectivité ; mieux vaut
se pencher sur la pratique citoyenne.
Or on observe qu'elle est en crise là même où elle
semble être un acquis historique, et qu'il existe presque partout
une démobilisation tant vis-à-vis des politiques que de
la politique. On observe aussi, et cela est plutôt encourageant,
une certaine aspiration à davantage de pratique citoyenne mais
il semble qu'il s'agisse davantage d'une demande implicite que d'une démarche
explicite.
Paradoxalement, on peut penser que les institutions et attitudes culturelles
de certaines sociétés du Sud, (l'Afrique en est un exemple)
sont plus propices que celles du Nord à la pratique citoyenne du
fait de l'existence de réseaux sociaux et économique de
solidarité.
2. Comment caractériser le nouveau paradigme de la citoyenneté
recouvrant le local et le global ?
La globalisation a tendance à évacuer la notion de citoyenneté
en mettant de l'avant uniquement une logique économique. Il est
donc essentiel d'inventer un nouveau paradigme qui prenne en compte les
réalités économiques certes, mais aussi sociales
et culturelles issues de la globalisation. L'objectif consiste à
dégager une notion et à définir une pratique qui
soit partagée et transculturelle.
3. En quoi les NTI peuvent-elles être des instruments au service
de cette citoyenneté-là ?
Les NTI ne sont par elles-mêmes pas la réponse au problème
de la citoyenneté mais un outil qui peut la favoriser ; elles ne
sont pas créatrices de synergies en elles-mêmes mais peuvent
renforcer ce qui existe déjà.
Il faut se garder d'une vision utopiste du rôle que les NTI sont
appelées à jouer dans l'évolution des pratiques citoyennes
comme dans la vie de chacun et bien mesurer la charge de mythe et de fausses
informations qui circulent à leur sujet.
Les NTI présentent aussi de nombreux risques, notamment le renforcement
des cloisonnements et des clanismes de toute nature. Par ailleurs, l'actuelle
prépondérance des intérêts économiques
dans le développement des usages laisse peu de marge de manoeuvre
pour l'extension d'usages sociaux allant à l'encontre de cette
logique.
Le bilan des NTI fait apparaître que leur intérêt fondamental
réside dans le potentiel de changement qu'elles sont susceptibles
d'activer. En tant qu'outil de responsabilisation, leur caractère
interactif permet une véritable participation de tous les acteurs
sociaux, indépendamment des facteurs limitatifs traditionnels (physiques,
géographiques, etc.).
4. Quelles sont les conditions du succés de l'action ?
Pour que les NTI servent à la maturation de la pratique citoyenne
les conditions suivantes sont requises :
- privilégier une démarche d'appropriation ;
- développer la formation et l'éducation tant sur la citoyenneté
dans toutes ses dimensions que sur le rôle des média ;
- entamer la démarche par une analyse approfondie des besoins en
impliquant l'ensemble des acteurs et non seulement les usagers ;
- partir d'un projet et développer une organisation stable avant
que les NTIC puissent apporter un support utile ;
- inscrire le projet dans la durée ;
- prendre en compte à la fois les contenants et les contenus ;
- appliquer des critères d'évaluation objectifs et précis
;
- inclure la médiation comme un accompagnement et non pas comme
un écran entre les clers et les citoyens ;
- partager les expériences ;
- adopter une approche multiculturelle ce qui exige plus qu'une simple
traduction linguistique mais une réelle volonté d'écoute
et de compréhension des autres ;
- prendre en compte tous les outils des NTI, électroniques ou non
parmi lesquels l'internet n'est qu'une option parmi d'autres ;
- créer des espaces de négociation auxquels tous les acteurs
concernés participeront sur la base d'un cadre déontologique
commun spécifiant les critères et les priorités d'action.
Il importe de bâtir la négociation sur un projet concret,
d'établir un agenda à court, moyen et long termes et d'expliciter
les contraintes liées aux termes mêmes de la négociation
afin de bien maîtriser les données de l'exercice.
Monde et réseaux de citoyenneté
Si la nouvelle mondialisation «globalisante» exige de redéfinir
une nouvelle citoyenneté plurielle, pluraliste et responsable,
et de refonder la démocratie sur des pratiques participatives et
cosmopolites du local au mondial, cela ne pourra se faire par les nouvelles
technologies médiatiques, mais seulement avec elles. C'est bien
là l'essentiel des conclusions que l'on retiendra des rencontres
de Parthenay. En d'autres termes, il faut se garder de se laisser enfermer
dans une «citoyenneté médiatique».
Arriver à une telle conclusion fait preuve d'une grande maturité
dans la réflexion qui anime les différents acteurs de la
société civile sur les NTIC et leurs possibles usages. Qu'on
y parvienne dans des rencontres qui se déroulent dans une ville
«numérisée» qui est l'une des expériences-phare
pour la France et l'Europe, est encore plus significatif.
Cela démontre, en tout cas, que le discours encore très
prégnant du «merveilleux monde des communications» peut
être facilement défait par les pratiques citoyennes des NTIC.
L'approche instrumentale, techniciste et économiciste qui impose
aujourd'hui ce discours aimerait nous faire passer l'interactivité
technique pour de l'interaction sociale, le simple branchement aux réseaux
pour de la participation citoyenne, l'accés plus facile aux banques
de données pour l'accés à la connaissance et les
nouveaux usagers de ces nouveaux médias pour des acteurs sociaux
qui exercent leur responsabilité civique en exerçant leur
libre choix de consommateur.
On retrouve cette même maturité dans un bon nombre des rencontres
qui se multiplient sur les divers continents, amenant des acteurs sociaux
de différents horizons de la société civile à
échanger leurs idées autant que leurs pratiques des nouveaux
médias.
La plupart de ces rencontres sont d'emblée transnationales (régionales,
continentales, internationales) par leurs thématiques et leurs
participants. Elles sont souvent des occasions de réunion de ces
nouvelles fédérations transnationales, «réseaux
de réseaux» et autres «plate-formes» qui se sont
constituées dans les dernières années. Ces nouvelles
fédérations de réseaux tels le «G8» créé
fin 1995 en Amérique Latine ou la «Plate-forme de Londres»
de 1996, regroupent des intervenants déjà constitués
en réseaux internationaux depuis plusieurs années. Réseaux
de praticiens de la radio, de la télévision et de l'informatique,
réseaux de chercheurs, de lobbyistes, de formateurs, de forums
de citoyens, etc. Elles se donnent un calendrier d'actions communes qui
couvrent tous les champs représentés par la pratique des
réseaux membres et qui, surtout, débouchent toutes sur une
intervention dans l'aréne politique au plan local autant que national
et international.
Il est sans doute prématuré de parler, comme certains n'hésitent
pas à le faire, de «nouveau mouvement social» qui prendrait
bientôt les dimensions des mouvements féministe, pacifiste
ou environnemental. Cette convergence de mobilisations pour la démocratisation
de la communication n'en reste pas moins impressionnante par son ampleur,
ses développements rapides et les bases d'agenda politique qu'elle
avance.
Il est certes rassurant de voir que les sociétés civiles
commencent à s'organiser au plan international pour démocratiser
la communication. Il faut cependant en prendre la mesure en essayant de
voir comment les réflexions et stratégies peuvent se traduire
en actes qui ne les contredisent pas, et s'articuler entre elles pour
former un véritable contre-projet aux fameuses autoroutes de l'information,
décidément trop bien balisées vers la démocratie.
Ce mouvement en devenir fait en effet face au danger de voir se diluer
ses objectifs dans la complaisance et l'autosatisfaction autant que dans
une institutionnalisation trop rapide de ses propositions. Il s'agit donc
d'être vigilants et autocritiques.
L'exemple de l'évolution des radios et télévisions
communautaires depuis les années 1970 est déjà riche
en enseignements sur les impasses auxquelles peut mener l'institutionnalisation
de l'accés et de la participation aux médias. Qu'elles soient
nommées «libres», «populaires», «communautaires»,
«canaux ouverts» ou «d'accés public», ces organisations,
quand elles sont reconnues et institutionnalisées dans un cadre
juridique, peuvent tuer dans l'¦uf la démocratisation de la
communication et la créativité de la société
civile.
Le premier danger est celui de «Babelisation» par lequel chaque
communauté (ou groupe culturel) exerce certes son droit d'expression
en faisant et diffusant ses propres programmes, mais finit par ne parler
que d'elle-même et pour elle-même. Le résultat en est
que certaines radios ou télévisions «d'accés
public» basé sur le principe de la liberté d'expression
ne sont que la juxtaposition de voix et «canaux» autoréférencés
dont la somme ne fait pas sens.
L'autre danger est celui de «Ghettoïsation» du local ou
du communautaire. Donner les moyens techniques et assurer par un cadre
légal la possibilité de faire de la télévision
communautaire aboutit en effet souvent à confiner les associations
de la société civile aux problématiques locales et,
trop souvent, à se contenter de programmes de piétre qualité.
Pire encore, cela aboutit en général à éloigner
les artisans de ce tiers secteur médiatique de toute tentative
d'influer sur l'ensemble des institutions médiatiques et les politiques
de communication. C'est l'impasse à laquelle a mené la reconnaissance
juridique formelle du secteur social des médias à côté
des secteurs privés et étatiques dans des pays comme le
Canada ou, de façon moindre cependant, la Belgique ou les Pays-Bas.
Babelisation ou ghettoïsation, le dénominateur commun est
de se laisser enfermer dans des «espaces médiatiques»
qui ne sont plus représentatifs de la vie démocratique des
espaces publics d'une part, et n'ont plus aucune prise sur l'espace politique
de l'autre. Car enfin, démocratiser la communication ne pourra
se faire que par un double processus de démocratisation, qui consiste
d'une part à créer des espaces publics autonomes au sein
de la société civile où puissent s'exprimer les pratiques
démocratiques qui pourront enrichir et influencer l'ensemble de
la société, et d'autre part à démocratiser
les institutions et les pratiques dans la sphère plus proprement
politique. Garantir cette double démocratisation dans le cas des
communications exige non seulement un environnement technologique adéquat
et un cadre juridico-légal, mais aussi des mesures dans les domaines
politique et culturel qui garantissent le maintien du processus par une
culture vivante de la citoyenneté, dans laquelle «l'éducation
aux médias» est un des chapitres de l'éducation citoyenne.
Ce qu'aura réaffirmé Parthenay III est finalement qu'une
appropriation sociale des nouvelles technologies médiatiques n'a
de sens que si elle s'inscrit dans un processus de réinvention
perpétuelle de la démocratie. Beau programme.
Alain AMBROSI
A PROPOS DE LA PRESENCE ARTISTIQUE
*TRANS EUROPE HALLES est un réseau de
lieux culturels multidisciplinaires, nés d'initiatives citoyennes,
installés dans des friches (industrielles pour la plupart), dédiés
aux territoires en émergence de la création contemporaine
sous toutes ses formes et aux pratiques culturelles contemporaines des
jeunes : assistance à des projets portés par des jeunes,
services aux associations ou aux personnes, salles de concerts, locaux
de répétition, ateliers d'artistes, espaces d'expositions,
cirque, théâtre, danse, ateliers video ou d'initiation aux
technologies informationelles, fanzinothèques, salles d'enregistrement
son et/ou images, bars/restaurants, cybercafés...
Ces espaces dans leur mode de fonctionnement et de communication cherchent
à encourager la professionnalisation des jeunes artistes et l'esprit
d'initiative et de créativité des jeunes (notamment par
la rencontre avec des artistes, par la mise en place de leur propre projet,
par l'accés aux nouvelles technologies de plus en plus présentes
dans les nouvelles créations et modes de communication).
Très vite les organisateurs de ces centres ont compris l'importance
pour chacun d'eux de rencontrer des expériences de sensibilité
différente et d'établir entre eux la permanence d'une relation
interactive en réseau.
Ces centres en réseau ont engagé un processus de mise en
dialogue des artistes et de la jeunesse avec des intellectuels, des citoyens
actifs, des décideurs sur les thèmes majeurs de notre société
à l'aube du XXIème siécle : le travail/emploi, les
technologies informationnelles, la mondialisation, les conflits.
C'est dans le cadre de ce processus -appelé Le Projet Phoenix-
que Trans Europe Halles organise une présence artistique lors des
journées de Parthenay.
Parallèlement à la présentation d'un certain nombre
d'oeuvres artistiques, le café-philo cherchera à
contribuer à un état des lieux des pratiques artistiques
utilisant les nouvelles technologies et à un débat sur ce
que ces outils peuvent entraîner comme changement pour l'ensemble
des pratiques artistiques. En effet, l'utilisation de ces technologies
par le milieu artistique soulève un certain nombre d'interrogations,
notamment sur la place que ces dernières peuvent prendre.
Des artistes mais aussi des acteurs du secteur culturel comme Niels Aziosmanoff
(Art 3000), Pierre Bongiovanni (CICV Montbéliard), Pascal Santoni
(Métafort d'Aubervilliers), Pierre-Sylvain Roos (Generation Chaos)
seront présents et contribueront à nourrir le débat.
Certains membres de Trans Europe Halles ont par ailleurs joué un
rôle actif dans la mise en place de la programmation artistique
comme le Confort Moderne (Poitiers, France) ; d'autres centres seront
également présents comme la Friche la Belle de Mai (Marseille,
France) ou le Bloom (Mezzago, Italie).
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