Synthèse des travaux en ateliers


SYNTHESE DE L'ATELIER TERRITOIRES ET CITOYENNETE LOCALE

La problématique posée par Stéphane Martayan, animateur de l'atelier, est la suivante : comment les nouveaux outils électroniques peuvent améliorer le lien social, accroître la participation au sein de la communauté, le mieux être ensemble, la vie dans la cité ?

Plus précisément, la problématique est déclinée en trois points :
- Comment les réseaux peuvent-ils être instruments de renouveau de la citoyenneté ?
- Comment transforment-ils les rapports à la communauté territoriale ?
- Comment transforment-ils les rapports entre les différents acteurs au sein même de la communauté locale, territoriale ?

Comme le rappelle Emmanuel Evenno, les nouvelles technologies de l'information et de la communication, en abolissant les contraintes de la distance, en recomposant les rapports spatiaux, aménent à reconsidérer la question du territoire. Situé paradoxalement entre le global et le local, la question est de savoir où se niche le territoire ?
Les NTIC interrogent parallélement la question de la citoyenneté. L'idée de citoyenneté, liée à celle de république, s'est solidifiée à la fin du 18ème et s'est construite par rapport à une identité territoriale nationale forte. Les TIC, transgressant les frontières (nationales, linguistiques, culturelles), n'assiste-t'on pas à la revanche d'une citoyenneté locale contre une citoyenneté nationale ?

Une très grande diversité d'expériences est présentée dans l'atelier, s'attachant au territoire à des niveaux différents :
- région comme la région Nord-pas de Calais
- grandes villes comme Bologne, Strasbourg, Zagreb
- petites villes comme Parthenay
- expériences de quartier, comme celles menées à Pantin (Réseau à Pantin), à Aubervilliers (Le Métafort)...

Les expériences sont portées par des acteurs différents : acteurs publics (municipalités, région), associations comme l'association Siner'J, le réseau à Pantin, le CICV...
D'autres projets visent plutôt l'échange d'expériences, la mise en commun du savoir grace notamment à l'utilisation d'Internet, concernant le développement local (initiatives de l'AEIDL concernant le développement rural, d'Horizon local en ce qui concerne le développement local) ou les projets de villes numérisées (initiative de l'Association des villes numérisées).
S'il existe toujours, à l'origine des différents projets concernant un territoire, une volonté politique pour que se développent les technologies de l'information et de la communication (TIC) dans une perspective citoyenne, le contexte peut-être très différent. On peut avoir un très fort choix politique porté par un contexte favorable à la solidarité, la participation et la démocratie, ou au contraire un contexte beaucoup plus rétif où les TIC ne sont pas perçues comme un enjeu de citoyenneté par les services municipaux, ni par le corps social, du fait de la culture hiérarchique traditionnelle de la ville.

La perspective dans laquelle s'inscrit le développement de projets de ville ou plus généralement de territoire numérisé peut être très différente et plus ou moins ambitieuse. Il peut s'agir comme à Strasbourg de retrouver un principe de ville communicatrice, ne plus parler de quartier sensible, difficile. Internet comme le tramway deviennent des moyens au service de cette communication et du décloisonnement des quartiers difficiles. Internet est conçu par ailleurs comme un outil au service de l'éducation populaire.

Le projet peut s'inscrire dans une perspective globale et dans une optique de développement local. C'est le cas à Parthenay ou le projet de ville numérisée prolonge la politique de développement local menée depuis les années quatre vingt : celle-ci repose sur le pari de l'initiative locale et la création d'une dynamique reposant sur l'usager. L'objectif du projet Irisi de son côté est de savoir dans quelle mesure la société de l'information peut être un outil de développement régional. Sa problématique est axée sur la façon dont la société de l'information peut faire l'objet de nouveaux usages, de nouvelles appropriations par l'ensemble des citoyens de la Région, dans la logique de la politique régionale du Nord-Pas-de-Calais à savoir la volonté de développer, d'asseoir le développement durable. Tous les participants mettent en évidence le lien dynamique qui peut véritablement exister entre TIC et démocratie.

L'interactivité est au coeur de la démocratie, parce qu'elle permet des discussions, des échanges, des dialogues. Les TIC permettent l'accés à un savoir local, de s'intéresser à des problèmes locaux, tout en s'affranchissant des contraintes physiques (SSG 3). Elles font naître une véritable aspiration de la société civile à un débat citoyen plus fort. Elles offrent de nouvelles possibilités pour les associations. Elles permettent non seulement de connecter les associations entre elles, mais aussi le partage d'informations, le rapatriement en local d'informations, le développement d'argumentaires (G6). Elles offrent le réel (Antoine Moreau, Réseau à Pantin). Les NTI apportent une transparence et modifient le rapport au pouvoir entre celui qui sait et celui qui ne sait pas. Elles offrent des opportunités nouvelles pour les minorités qui avant ne pouvaient s'exprimer. Comme cherche à l'illustrer l'expérience du Métafort, les NTI parce qu'elles sont en réseau, interactives, incitent au croisement des compétences diverses, notamment des compétences classiques d'entreprises, mais aussi celles des artistes et surtout celles des acteurs sociaux, anticipant par là même les lieux de production de demain.

Mais l'usage des TI dans une perspective citoyenne implique certaines précautions. Si le réseau peut devenir le miroir de la Communauté réelle, la question de la lisibilité de l'information sur le réseau se pose. La chose la plus importante est de garantir la pluralité de présences et de contenus. Seule la présence effective de nombreux acteurs offre une richesse partagée, un apprentissage possible, sinon l'accés à l'information et au réseau reste élitaire. La protection du lien social implique une vigilance citoyenne. Il s'agit de s'assurer de l'accés généralisé au savoir et au débat notamment municipal, de l'équilibre des points de vue sur ces réseaux dans une logique d'échange de savoirs.

Pourtant comme le montre l'étude de l'Université de Namur, l'utilisation d'Internet dans une perspective de développement de la citoyenneté est encore très rare, les communes utilisent le plus fréquemment Internet comme vitrine permettant de faire la promotion de la commune et il y a dans les sites de communes encore très peu d'interactivité (forum, hébergement). très concrétement, la démocratie en ligne est encore une exception, plutôt une promesse pour l'avenir.

En fait les participants insistent tous sur l'absence de déterminisme de l'outil. L'outil offre des opportunités complémentaires à l'exercice de la démocratie, les TI agissent comme un facilitateur de rénovation citoyenne. Mais les véritables opportunités viendront plus d'opportunités culturelles et sociales que de l'outil lui-même.
Fondamentalement, la question véritable c'est de donner du sens au local, d'inventer le local. Cela passe par une conscience collective permettant aux gens de se placer au sein de leur univers local.

Mais pour donner sens à la société de l'information, il s'agit d'abord d'insister sur les pratiques de vie. Il ne suffit pas de prévoir des plans, programmes, pour qu'aussitôt émergent des usages, il faut écouter les pratiques de vie, les pratiques d'appropriation des outils jusque dans leurs formes de détournement, les respecter. Les habitants doivent dés lors rester les premiers interprétes de leur ville. Un des facteurs clé à cet effet est d'encourager la créativité des gens et de faire confiance aux initiatives citoyennes. L'important est de favoriser les projets allant dans le sens d'une appropriation des TIC par les personnes, une mise en relation des personnes dans le sens d'une citoyenneté active. Il faut parier sur les réseaux d'acteurs : chercher à établir des réseaux d'acteurs et structurer les réseaux qui existent déjà, compter sur les liens, les réseaux solidaires, le déjà là. Il faut créer de nouveaux espaces politiques d'échange entre les personnes. Dans le cadre d'Irisi a été lancé un débat public sur la question des enjeux, des potentialités, des risques de la société de l'information. Avec les NTIC, on ne sait pas à l'avance ce qu'on va faire, et pour cela un des critères de succés c'est la participation, c'est dans les groupes qu'on fait des propositions, qu'on construit avec les acteurs. Si ça avance c'est que de nouvelles demandes apparaissent. Les NTIC permettent de construire en marchant...

Le rôle des municipalités, associations... est dés lors d'écouter les propositions, catalyser, intervenir sur des réseaux mêlés, structurer des réseaux d'acteurs déjà identifiés, faire émerger des porteurs de projets et aider les personnes à réaliser leur projet, à trouver les ressources pour les mettre en place. Les agents de la collectivité locale jouent un rôle d'intermédiaire entre la collectivité/citoyens, un rôle de médiateur et de facilitateur. Le travail se fait en spiral : expérimenter, évaluer, diffuser.

La problématique est posée alors de l'articulation entre les différents niveaux politiques, les associations de citoyens, les collectivités locales, les associations de communes et le niveau régional pour répondre à la question politique de la régulation en matière de SI°. Rôle des élus : anticiper et accompagner le changement en prenant en compte les impacts des TI sur le plan du territoire urbain ou rural. Rôle très important des Collectivités territoriales. Les élus doivent travailler sous forme de plates-formes de coordination

L'évaluation des initiatives a fait apparaître un certain nombre de problématiques et de lacunes à combler pour l'avenir :
- le problème de la multiplication et de la réappropriation des expériences. Ce qui met l'accent sur la nécessité de l'échange d'expériences et l'interpellation des décideurs en faveur d'un choix clair de société
- l'absence de l'Etat national, dans son rôle d'accompagnement des expériences, de démultiplication des initiatives, d'évaluation des projets
- les problèmes d'éducation concernant la maîtrise des outils, afin d'apprendre à apprendre et retraiter les contenus
- les problèmes d'équité au niveau de l'aménagement du territoire, étant donné que les structurations naturelles se font au niveau des noeuds, des points de communication (la majorité des petites villes n'ont pas de serveur)
- une question restée en suspens : l'évaluation des expériences sur le pouvoir local et le développement local (G4).


Territoires et citoyenneté locale

Pour lancer le débat, des thèmes ont été proposés par Emmanuel Eveno.

Nous en soulignons quelques-uns(Bertolt BRECHT, «Théorie de la radio» (1932) in Sur le cinéma, Cahiers de l'Arche, Paris, 1980). En suite à ces interrogations, Eric Langevin fait un résumé des débats.

Il y a une certaine spécificité française mais aussi largement européenne, à poser le débat autour d'Internet et des autoroutes de l'information en termes de citoyenneté. Dés lors, ce prétendu retard «français», peut s'entendre d'une toute autre façon. On peut considérer que l'Internet, qui est une architecture de réseau et surtout un protocole de transfert d'informations, est bien davantage calqué sur une culture étasunienne et à certains égards anglo-saxonne de l'échange et de la communication. Elle refléte certes des modes de socialité et de citoyenneté, mais qui sont de cette origine et qui posent certains problèmes de transposition dans d'autres contextes culturels et dans d'autres langues.

Le moteur du changement n'est pas uniquement et loin s'en faut dans la technique, mais aussi sûrement dans le social. Le changement social de ces dernières décennies, la crise industrielle, la crise de l'emploi, l'urbanisation et la suburbanisation croissantes, l'élévation des niveaux de vie, le consumérismeŠ portent en germe le développement d'une économie de services, d'une économie des loisirs et du temps libre, d'une économie du savoirŠ et, précisément, dans ce contexte, il est plus aisé d'imaginer l'intérêt que peuvent avoir les TIC.

Le développement incontrôlé des TIC dans la vie de la Cité peut être source de nombreux problèmes (surcoûts dans l'accés à des services, exclusion sociale supplémentaireŠ) comme de nombreux intérêts (facilitation des relations avec l'Administration, accés au savoir, dynamisation de la vie locale, catalyseur de créativités de tous ordres, participation active aux débats d'intérêts locauxŠ). Le mythe de la démocratie électronique directe comme celui de dictature technologique doivent s'effacer au profit d'une concertation citoyenne capable d'orienter un projet collectif autour de ces technologies.

Le contexte local apparaît fondamental ; il fournit un socle légitime à des expériences inédites en matière d'usages des technologies innovantes. La notion de société comme celle de citoyenneté se nourrissent du rapport au territoire. La mondialisation de l'économie n'est pas la mondialisation des sociétés. C'est aussi en cela qu'il convient toujours de distinguer le consommateur (l'homo economicus) du citoyen (l'homo communicans).

Territoire, lien contractuel, frontière, unification, normalisation se présentent comme des éléments constitutifs de la citoyenneté. Mais aujourd'hui cette construction n'est-elle pas remise en cause par ce qui se passe autour des NTIC ?


Emmanuel EVENO



Le développement durable de la société doit permettre aux citoyens de subvenir à leurs besoins aujourd'hui et demain. Trop peu d'éléments laissent augurer d'un tel développement. Il nous faudrait considérer les problèmes économiques, environnementaux et sociaux actuels, nés des incohérences décisionnelles aux niveaux tant national qu'international. Pour rendre possible un développement durable de la société, il est nécessaire d'appréhender la complexité des relations existantes entre le local et le global, et donc de promouvoir une approche locale du développement trop longtemps négligée. Les NTCI, fortement connotées de globalité, peuvent paradoxalement être un des outils permettant cette évolution.
La notion de développement local peut être définie comme la prise en compte, dans un projet de développement infra régional, des dimensions économiques, sociales, environnementales et de leurs interactions sur ce territoire. Un projet de développement local implique donc la participation des différents acteurs économiques, institutionnels, sociaux et des citoyens.

Les acteurs du développement local sont confrontés au cloisonnement existant entre ces champs, et à la passivité des acteurs concernés. Ce constat refléte notamment la rupture des liens sociaux. En réaction, des tendances communautaires se font jour qui loin de promouvoir une citoyenneté active, s'engagent dans une intolérance dangereuse à long terme.
L'enjeu est donc de renouer des liens de solidarité, de catalyser les potentialités de chacun1, d'engager des démarches actives de participation et de responsabilisation des citoyens, de renouer le développement avec son territoire, son histoire, sa culture tout en l'ouvrant vers l'extérieur. La mise en ¦uvre de telles démarches requiert la capitalisation des expériences locales de développement comme des connaissances et énergies éparses. Leur succés dépend du partage et de la mise à disposition de ce savoir. Nous pouvons gager que de ce travail de nouvelles idées politiques émergeront.

Quel peut être le rôle des NTCI face à cet enjeu ? Pour certains, les NTCI tendent à escamoter espace et territoire2 et semblent faire la part belle à l'individualisme à outrance et aux communautarismes divers. Mais elles sont aussi un outil de capitalisation de l'information, de communication et de mise en réseau au service des acteurs locaux du développement.
Les NTCI peuvent devenir une force de renouveau de la citoyenneté. En effet, elles font naître une aspiration de la société à un débat citoyen et incitent par leur construction en réseau et leur interactivité à un croisement des compétences3.
Les enjeux sont donc géographiques : désenclaver les territoires isolés. Ils sont sociaux et économiques : démocratiser l'accés et l'utilisation des NTCI.
Au niveau local, les NTCI peuvent offrir aux initiatives locales de se fédérer, d'être promues et transférées vers d'autres territoires. Elles offrent au citoyen les moyens de se former, de s'informer et de prendre part activement au développement et aux échanges d'expériences. Elles offrent aux collectivités locales un moyen de se désenclaver à travers les contacts nationaux et internationaux qu'elles facilitent. Elles permettent enfin aux nouveaux modes d'organisation qui s'inventent dans ces espaces locaux4 d'être connus et reproduits.
Mais le développement et l'appropriation citoyenne des TIC ne peut se faire sans une active volonté politique locale et nationale. L'utilisation de ces nouvelles technologies doit se greffer sur une dynamique sociale et économique favorable et constituer un moyen d'optimiser des initiatives émergentes.

Le politique a donc une importante responsabilité, au niveau national en mettant en place les infrastructures nécessaires à un développement équitable des TIC sur le territoire. Il doit aussi s'efforcer de proposer des moyens d'accompagner les expériences locales, de les démultiplier et de les évaluer. Au niveau local, le politique doit renforcer son rôle de catalyseur, d'éducateur, de médiateur et d'accoucheur (maïeutique)5 afin de proposer à chacun d'être sensibilisé, d'être formé et de s'approprier ce nouvel outil. Il doit enfin offrir des espaces de participation directe et interactive avec le citoyen. L'utilisation des NTCI pour le développement d'initiatives locales constitue un véritable défi puisqu'elle implique tous les domaines du développement et ce, aux niveaux local et global. Les NTCI représentent un moyen de mieux appréhender la complexité des interactions existantes entre ces différents niveaux. Enfin, elles sont sans doute un élément susceptible de mener au développement durable pour lequel Pierre Calame affirme qu'il nous faut simultanément penser et agir localement et globalement.
Eric LANGEVIN
SYNTHESE DE L'ATELIER EDUCATION

Les constats:

    L'éducation est un continent en soi. Lors de l'atelier, un nombre impressionnant de constats ont été énoncés, qui touchaient à des domaines aussi variés que les nouvelles pratiques pédagogiques, le rôle et la formation de l'enseignant, la question des coûts et des partenariats privé/public, l'autonomie de l'enfant ou encore celui du clivage inforiche infopauvre. Il est évident que sur une aprés midi, seules des pistes de solutions pouvaient être ébauchées. C'est finalement le rôle de ce colloque, que de lancer le processus de réflexion et que celui ci doit déboucher sur une capitalisation et un continuum.


Responsabilité et partenariat

    Principe de base : les stratégies gagnant gagnant entre systéme public et privé ne peuvent exister que s'il y a respect des champs de compétences des uns et des autres. Les projets pédagogiques sont du ressort du système d'enseignement en place et ne peuvent en aucun cas être traités par les entreprises privées. Celles ci ont par contre une légitimité forte en ce qui concerne l'ingénierie.

  • Proposition 1: pour que les projets de partenariat soient efficients, un cadre méthodologique précis (convention, transparence, cahier des charges, domaine de responsabilité) doit être élaboré en amont. Les critères de succés sont : répondre aux enjeux de service universel, adapter l'offre technologique à la demande et permettre aux groupes d'avoir des retours sur investissement.

  • Proposition 2 : Pour toute création de contenu, un véritable processus d'évaluation doit être mis en place. Cela suppose une validation par différents acteurs : enseignants, pouvoirs publics, associations, personnes extérieures et entreprises productrices.

  • Proposition 3 : Pour éviter les risques liés à l'apparition des push technologies (explorer 4 par exemple), l'éducation nationale doit offrir une vitrine labellisée (browser, educasource)

Les nouvelles potentialités pédagogiques

    Principes de base : aucun déterminisme lié aux NTIC, notamment quant aux évolutions pédagogiques et à la lutte contre les inégalités scolaires et sociales.
    Articulation entre auto-organisation pour les acteurs et politique publique.
    Il faut intégrer le débat sur les NTIC dans une dimension plus transversale intégrant les enjeux politiques, culturels et éducatifs.

  • Proposition 1 : Pas de mise à disposition de l'outil sans qu'il soit porté par un véritable projet d'enseignant ou d'établissement.

  • Proposition 2: Encouragement à la mutualisation des savoirs, compétences et expériences. Pour cela, création d'un espace communautaire fonctionnant sur le principe d'un réseau ouvert sans contrainte hiérarchique, dans le cadre de la circonscription pédagogique ouvert sur le quartier et la communauté locale élargi aux autres écoles.

  • Proposition 3: Mise à disposition de personnes et centres de ressource appartenant ou non à l'institution de l'éducation nationale (validation)

  • Proposition 4 : Encouragement à l'utilisation d'outils favorisant des pratiques innovantes (ex des arbres de connaissance pour les enfants, outil de formation de formateurs encourageant une pédagogie centrée sur l'apprenant)


Acquisition des savoirs
    L'éducation est un continent en soi. Lors de l'atelier consacré aux acquisitions de savoirs, de nombreux constats ont été émis touchant des domaines aussi variés que les nouvelles pratiques pédagogiques, le rôle et la formation de l'enseignant, la question des coûts et des partenariats privé/public, l'autonomie de l'enfant ou encore le clivage info-riches/info-pauvres. Franck Sérusclat a ouvert les travaux et Pierre Valois tire les enseignements des débats.
    La question est simple, le défi immense : comment affronter avec confiance le XXIème siécle avec des enseignements fondés sur des contenus datant du XIXème siécle et sur une vision dépassée des sciences ? Saurons-nous former nos enfants à imaginer l'avenir et à affronter le réel, sans les enfermer dans des illusions rassurantes de l'abstrait ?
    Certes, de tous temps, les outils pour acquérir les savoirs se sont révélés déterminants dans cette acquisition. L'imprimerie et le livre surtout ont été facteurs de manières d'apprendre. Aujourd'hui, l'ordinateur, les Cédéroms et les réseaux bouleversent nos modes d'acquisition.

De nouveaux outil
    L'ordinateur uni - ou multimédia - assure la fonction d'un «super» stylo. Il permet non seulement de créer une page à l'écriture esthétiquement parfaite, mais également de travailler le contenu de celle-ci par le biais de sa fonction traitement de texte. Des logiciels permettent l'autocorrection et l'acquisition d'une autonomie dans le travail, ainsi que la disparition du sentiment de peur de la faute et de honte.

    La production de cédéroms éducatifs en France prend une importance considérable et s'adresse aux éléves dés le plus jeune âge. Ils constituent une manière différente d'acquérir des savoirs de façon interactive selon son rythme, ses centres d'intérêts, le cheminement propre de sa pensée, sans pour autant que disparaissent le livre et sa lecture.

    Enfin, les réseaux apportent au lieu et à l'heure propices une multiplicité d'informations. La numérisation des fonds documentaires les plus riches et leur mise en réseaux permettra à tous d'accomplir un parcours d'apprentissage personnalisé et égalitaire indépendant de la bibliothéque de l'école fréquentée, ou de la proximité avec un centre documentaire. Ils permettent une communication visuelle, sonore et textuelle appelée à prendre de l'importance.


Egalité d'accès et Egalité d'usage

    Ces nouveaux outils provoquent l'émergence de nouvelles méthodes d'acquisition des savoirs face auxquelles tous les citoyens doivent être dans une situation d'égalité : mais quelles méthodes, quelles initiatives pour réussir cette égalité ?

    Les éléves doivent trouver des heures de formation au maniement de ces outils. Mais à partir de quelle classe ? Maternelle et primaire ou seulement au niveau du collége aprés les premières années d'un enseignement plus «classique» ?
    L'apprentissage à l'école doit compenser l'inégalité d'équipement des ménages. Suffirait-il dans un premier temps de banaliser l'objet en le rendant accessible à tous (ordinateur de fond de classe ou dans des salles à part), sans obligation de s'en servir ? Faut-il un ordinateur par éléve comme chacun a son stylo ? Comment faut-il ordonner la progressivité de l'apprentissage depuis l'école maternelle ? Peut-on prendre exemple sur celui qui conduit peu à peu à la maîtrise de l'écrit, de la lecture ? Est-ce un facteur d'aide aux «handicapés de l'illettrisme, aux découragés de l'écriture à la plume» ?

    L'utilisation du réseau exige un savoir trier, analyser, comparer, choisir et comprendre ce que l'on y trouve, comme on a appris à le faire pour la lecture. Mais quelle importance accorder à l'image et comment en comprendre, en déceler la vérité ou le trucage ?

    Autant de questions dont la plupart demeurent sans réponse ; Il convient de s'y pencher sans tarder tout en assurant parallèlement l'acquisition d'un usage familier de l'outil. Et pour ce faire, deux préalables s'imposent : équiper les écoles (et, dans ce domaine, les collectivités locales ont un rôle important à jouer) ; former les enseignants. Ces deux exigences ne peuvent en aucun cas être dissociées.


Vers une nouvelle pédagogie ?

    L'acquisition des savoirs se faisant en utilisant l'ordinateur, faut-il inventer une nouvelle pédagogie ? Le cours magistral où le professeur délivre son savoir face aux éléves reste-t-il adapté aux moyens offerts par les TIC ? Ne faut-il pas quitter le système de la «pensée unique», défini comme celui où l'enseignant détient le savoir, l'apprenant étant chargé de le recevoir, l'organisation et l'institution étant responsable de la gestion et du maintien d'un tel système ? L'approche pédagogique doit-elle être davantage centrée sur l'apprenant, plutôt que sur l'enseignant ? L'ordinateur permettant le travail collectif, d'une classe à une autre, d'un pays à un autre, d'une langue à une autre, la pluridisciplinarité ne devient-elle pas une pratique pédagogique supérieure à l'enseignement découpé en disciplines ?

Solidarité contre individualisme
    Face aux technologies informationnelles de la communication, le sentiment dominant est du même ordre que celui formulé par Bertholt Brecht en regard de la radio il y a quelques décennies : « La radio pourrait être le plus formidable appareil de communication pour la vie publique, si elle savait non seulement émettre, mais recevoir, non seulement faire écouter l'auditeur, mais le faire parler, ne pas l'isoler, mais le mettre en relation avec les autres. Il faudrait alors que la radio, abandonnant son activité de fournisseur, organise cet approvisionnement par les auditeurs eux-mêmes. [ ] Et si jamais vous trouvez cela utopique, demandez-vous pourquoi c'est utopique. ».

    Pour la radio, comme pour l'ensemble des nouveaux moyens de communication et d'information, ce sont les entreprises privées qui se sont emparées des contenants et des contenus et par ce fait même des auditeurs, les cantonnant dans un rôle de spectateurs-auditeurs passifs. Or, aujourd'hui, les possibilités cybernétiques semblent nous permettre de croire en une réelle appropriation par une partie de la société du rôle d'émetteur et de pourvoyeurs de contenus. Mais nous créons actuellement des besoins qu'il sera difficile de ne pas monnayer dans quelques années sinon quelques mois. Alors, de nouveaux clivages sociaux sont susceptibles d'apparaître entre ceux qui utiliseront les nouvelles techniques et ceux qui resteront à l'écart. Dans ce contexte, il devient urgent d'affirmer que ces technologies doivent être appréhendées comme des services essentiels. Aujourd'hui, la fabrication d'un produit est totalement segmentée ; il risque d'en être de même avec la possibilité réelle de faire sens, de formuler l'information. Comment se feront les interconnexions essentielles pour obtenir une vue panoramique de l'information nécessaire dans un univers où les parasites ne cessent de se faire entendre ? Est-ce-que l'espace communicationnel, actuellement en pleine expansion, deviendra un immense centre d'achat planétaire ou y aura-t-il place pour une agora d'individus et de collectifs qui donneront du sens à la présence de l'homme sur terre sans approche mercantile ? Les débats de Parthenay ont souligné deux objectifs : préserver la démocratie par un large accés aux contenus proposés et approfondir la question des usages possibles des NTI au service de l'homme en identifiant clairement leurs limites. Car on peut toujours affirmer que l'accés aux nouvelles technologies sera le fer de lance d'un renouveau citoyen, encore faut-il que cet accés soit rendu possible par l'entremise de formateurs qui ne craignent pas de remettre en question leur pédagogie. Ainsi l'appropriation semble passer par l'école ; nous nous sommes donc retrouvés en présence d'un postulat républicain. Que faire avec ceux et celles qui hors des murs du savoir existent et cherchent à donner un sens à leur existence ? La multiplication de lieux d'accés gratuits au cyberespace devient actuellement un enjeu important. En présumant que l'outil n'est qu'un moyen et non une fin. Dans cet esprit, à un moment où le social semble miné par l'économique, où le marché semble être le seul référent possible, il faut surtout éviter le repli individuel et solitaire. Il faut réintroduire un discours misant plus sur la solidarité que sur l'individualisme. Tout en menant une action politique à long terme s'inscrivant en faux face au poids de l'idéologie dominante qui affirme de plus en clairement qu'il est nécessaire dans un univers concurrentiel qu'il y ait des perdants et des exclus. Il nous faut inventer des espoirs nous permettant de nous projeter dans l'avenir.
Frank SERUSCLAT et Pierre VALOIS


SYNTHESE DE L'ATELIER TRAVAIL

Deux thèmes sont abordés dans l'atelier, qui font l'objet de deux parties distinctes :



I - La rénovation du travail

La logique structurante de l'outil

Les outils ont une logique structurante qui peut avoir en retour des conséquences sur l'organisation du travail.

Une grille de lecture commune se dégage :
- les TIC conduisent à des transformations des rapports espace-temps
- chaque technologie ne peut être considérée isolément, les technologies de l'information et de la communication (TIC) font systèmes entre elles
- les réseaux numériques ne sont pas nouveaux en eux-même, ce qui est nouveau c'est leur caractère non propriétaire
- ces réseaux technologiques viennent s'insérer dans deux autres réseaux : les réseaux logistiques et les réseaux sociaux

Des distinctions doivent être faites, selon :
- le type d'organisation : organisation contrainte ou organisation des usagers en fonction de leur propre marge de manoeuvre
- le type d'échange (échanges de tête à tête, sous forme de listes, collectifs simultanés, collectifs différés sous forme de news et de BdD)
- les types de messages transmis : messages parlés, textes parlés, textes écrits, images, données
- le type d'environnement : homogéne ou hétérogéne

Les TIC apportent en elles-m'mes des éléments positifs et d'autres négatifs vis à vis de l'organisation du travail.

Parmi les vertus des TIC, on peut compter :
- la possibilité pour tous d'avoir la même information, au même moment partout dans le monde
- la possibilité du différé et de l'interactif
- la possibilité de faire face à tous les décalages horaires
- l'abolition des contraintes de lieux
- la réduction des coûts de transmission de l'information et de communication en raison des tarifications avantageuses.

Mais ces mêmes vertus, engendrent en même temps des défauts et des contraintes :
- une saturation par l'information peut résulter d'une diffusion systématique de l'information par le biais de la messagerie
- le différé pose le problème de l'absence de réponse au message
- l'interactibité peut être une contrainte insupportable, car elle laisse peu de temps pour réagir et réfléchir
- les repères traditionnels du travail sont bouleversés, dans la mesure où les frontières entre les temps et les espaces du travail, de la formation et de la vie privée sont abolis.
Quatre problèmes organisationnels se posent:
- la fiabilité des systèmes qui devient primordiale dans les systèmes de communication - la construction des listes de destinataires : à partir du moment où la circulation de l'information est facilitée, la question de la détermination des destinataires devient un grand révélateur de l'organisation de demain
- l'organisation concréte du poste de travail du récepteur de l'e-mail pour faire face à la surabondance des messages
- le problème renouvelé de la confidentialité, non seulement dans les relations externes mais aussi dans les relations à l'intérieur de l'organisation.


Dans le discours il est dit que l'entreprise performante de demain sera celle qui saura organiser ses réseaux d'informations sur de nouvelles base et qui aura une compétence pour traiter convenablement ces informations, dans la pratique l'organisation du travail est un jeu à huit acteurs, et toutes les combinaisons sont possibles.

A la suite de l'introduction, un débat s'engage entre les participants, dont nous retraçons les principales étapes.

La transformation de l'organisation du travail en pratique

Le démarrage des débats du point de vue des technologies est problématique. Le problème posé au prime abord est de savoir comment les gens ont accés à ces TIC. Il faut partir de la réalité des entreprises dans le pays, sinon on ne peut mesurer les enjeux, ni la manière dont les choses vont évoluer dans le long terme.

Un participant fait état du peu d'impact sur l'organisation du travail de l'introduction des TIC sur un monde totalement réfractaire à ces échanges, l'administration, qui est cloisonnée à la fois verticalement (les services ne communiquent pas entre eux) et horizontalement (les hiérarchies ne communiquent pas avec les services de terrain, les chefs avec les subordonnées). Dans une administration équipée comme le Ministère des Finances, on s'aperçoit que l'équipement est sous-utilisé, parce que très peu de gens savent s'en servir, ont acquis le savoir-faire nécessaire pour naviguer dans un nouveau mode d'expression.

D'un côté, on essaie de maintenir l'organisation et d'absorber les nouveaux outils en modifiant le moins possible l'organisation, notamment en ce qui concerne le secrétariat. Dans l'administration classique on garde la secrétaire, car il existe des enjeux de pouvoir. Dans la petite entreprise, très souvent, le secrétariat n'existe plus, souvent il n'y a même plus d'accueil, on a intégré la technique et modifié l'organisation du travail en conséquence.

Une des conséquences la plus visible de l'informatisation sur le travail est la suppression d'une couche sociale : celle des sténodactylos, soit deux cent à trois cent mille personnes. Cependant si on a plus besoin de dactylos, on a besoin de personnes qui soient capables de traiter de l'information, de la mettre à jour, de la trier, de définir la communication, de bien mettre en page une page html : de nouvelles fonctions apparaissent.

Au delà, de la suppression d'une ou deux catégories socio-professionnelles, les changements sont beaucoup plus profonds, car ils concernent directement le pouvoir et les modes d'exercice du pouvoir. Dans ce mouvement, une autre catégorie socio-professionnelle va disparaître, celle du petit chef.

Il semble qu'il y ait besoin de davantage d'autonomie, de confiance en soi, pour décider d'envoyer ou de traiter un message. Mais la question véritable n'est pas d'ordre technique, mais reléve de l'organisation du travail. Si on peut constater très souvent un impact très fort de la messagerie ou de l'Internet sur les modes organisationnels, les outils constituent en fait plus un alibi pour examiner d'autres modes de fonctionnement du travail.

Une autre conséquence de l'usage des TIC est l'abolissement des frontières entre le temps de travail et la vie privée. Le système professionnel est très souvent doublé par un système personnel et le travail sur les problèmes professionnels est poursuivi le soir. Si l'aménagement du temps de travail/temps privé est possible, il faut détruire certains mythes, notamment la généralisation du télétravail comme alternative à l'exode rural. Si le télétravail s'avère néanmoins possible, il ne peut y avoir rupture physique totale avec le milieu du travail. Le gros des échanges se fait par mail pour le travail, mais les contacts physiques sont indispensables par le moyen de réunions périodiques, informelles, ce qui suppose un fort esprit d'équipe.


La question de la hiérarchie

Traditionnellement le pouvoir est lié à la détention et la rétention de l'information, la hiérarchie possédait l'information écrite et la distribuait à son gré. Parce que l'information est censée être distribuée à tout le monde, l'idée souvent avancée est que le mode d'organisation hiérarchique traditionnel va disparaître pour être remplacé, de plus en plus, par un mode de gestion par projet.

Assiste-t'on à un écrasement des hiérarchies, à une disparition des hiérarchies ou encore à l'apparition de nouvelles hiérarchies ?

On s'aperçoit, notamment dans le domaine de l'industrie automobile, que l'informatique et le juste à temps ont accéléré considérablement le processus de travail des petites et des grandes sociétés, or ce processus d'accélération a complétement changé l'organisation des entreprises, qui sont beaucoup moins hiérarchisées et dont la hiérarchie est beaucoup moins structurée.

Dans une organisation très stratifiée telle que la Commission européenne, le réseau permet aux fonctionnaires une consultation directe et plus aisée des collégues de même niveau hiérarchique, autorisant par là une responsabilisation et une prise de pouvoir par les fonctionnaires eux-même sans passer par la hiérarchie.

On constate cependant que se mettent en place, par l'usage des messageries, des formes subtiles de hiérarchie, un système de représentation du pouvoir, qui peut être observé concrétement. Quelqu'un qui a du pouvoir fixe la liste de ses destinataires en fonction de l'importance qu'ils ont au niveau du processus de décision ou des pôles d'expertises. Par l'en-tête de chaque message on a une représentation du niveau hiérarchique de chaque personne. Par ailleurs, le message envoyé a très souvent un caractère injonctif, ne serait-ce que par le fait qu'un message peut-être diffusé à un très grand nombre de personnes qui sont dés lors informées.

Un participant défend l'idée que les réseaux remettent en cause la hiérarchie traditionnelle basée sur l'âge. Plus on était vieux, plus on était censé acquérir de l'expérience, plus on pouvait monter.
Aujourd'hui de plus en plus l'organisation est basée sur le good-up : on doit avoir une expertise forte, mise en oeuvre dans le cadre d'une gestion de projets. Le problème de l'abondance des messages est due notamment au fait que deux organisations essaient de coexister : une organisation restant basée sur une logique politique et administrative, une organisation basée sur une capacité à faire. L'envoi massif de messages répond à une logique politique alors que la pertinence des messages exigerait qu'ils soient plus sélectifs. Globalement on tend vers une très forte auto-régulation, de plus en plus de messages pertinents arrivent dans les boîtes aux lettres et les gens sont de plus en plus à même de discriminer le type de messages avec des fonctions pour information, pour action ou pour décision. Les outils de travail coopératif ou de groupeware jouent un rôle assez structurant dans cette optique.

Mais d'autres personnes insistent sur l'erreur qu'il y a à défendre la primauté de l'expert vis à vis du chef expérimenté.
Ce qui fait le chef, c'est sa capacité à avoir une vision stratégique d'expérience, à savoir éliminer l'information inutile. Or tout le problème posé par Internet est justement la capacité à éliminer le bruit informationnel et à sélectionner l'information de façon stratégique. La génération actuelle de responsables n'a pas été formée pour faire le travail d'élimination du bruit informationnel, donc les nouvelles générations sont amenées à exercer une fonction qu'elles ne devraient pas exercer. Les gens jeunes, dynamiques et branchés ont en effet une expertise extraordinaire, et estiment avoir par là même un peu plus de pouvoir.

Or la définition même de l'expert c'est d'avoir beaucoup de savoirs dans un domaine et avec une vision étroite, mais d'avoir peu de vision stratégique y compris dans l'univers qui est le sien.

On reste toujours dans l'idée traditionnelle du pouvoir lié à la détention ou la rétention d'informations, le changement de pouvoir qui va intervenir sera beaucoup plus lié à une compétence d'analyse, de synthése et de rediffusion de l'information. C'est là où se jouera le vrai pouvoir.



La logique économique : où en est-on du modéle taylorien ?
Sur le plan de la responsabilité, les réseaux ont créé un apport considérable en autonomie, en capacité d'organisation et de décision. Mais cette autonomie est limitée. Il faut voir de quoi on parle quand on parle de pouvoir ; les gens fonctionnent dans une organisation d'abord selon des critères de productivité et d'efficacité ; le gain en autonomie et en responsabilité ne conduisent pas à un gain en pouvoir réel qui reste aux mains du patron, détenteur du pouvoir économique.
Il ne faut pas non plus oublier, dans le contexte de la mondialisation, les gens du back-office souvent délocalisés à Taïwan ou ailleurs (par opposition au front-office) qui ont accés au réseau de manière totalement déterminée en entrant de l'information en série (annuaires, catalogues...) ; quelle part à la décision peuvent-ils avoir ?
Les demandes des clients vont toujours dans le sens d'un accroissement de la productivité. Or quand il y a productivité, il y a mesure de la productivité.

D'une certaine manière, les affirmations de Wiener selon lequel l'avénement de la société industrielle, conduisant à accepter les conditions de la productivité, oblige à un travail d'esclave, est encore vraie.

Les outils cybernétiques, dont la finalité première est la décentralisation des tâches dans une perspective fonctionnaliste et l'automation, s'inscrivent dans cette perspective. On s'aperçoit de même que les NTCI n'ont souvent pas du tout le même impact pour les salariés que pour les cadres. Alors que les cadres et les gens hors hiérarchie sont souvent dans un statut privilégié, dans le même temps on assiste à une surtaylorisation de la chaîne de travail dont les salariés font souvent les frais.

On constate le plus souvent trois phases dans la vie des gens travaillant avec les grands réseaux:
1 - L'expérimentation suscitant beaucoup d'enthousiasme de tous les acteurs qui partagent une utopie et ont pour objectif d'aller au delà des barrières hiérarchiques
2 - Une crise systématique, une angine informationnelle, quelques années aprés, qui peut prendre de multiples formes : ambouteillage informationnel, jalousie de pouvoir...
3 - La restructuration qui constitue une remise en forme des éléments de pouvoir. Celle-ci peut mettre en scéne différents scénarios : abandon pur et simple, adaptations mineures, mais presque systématiquement taylorisation, qui se traduit notamment par une mesure de la productivité, un comptage des messages.

C'est souvent là, la forme la plus avancée du travail en réseau. En fait tous les possibles imaginables existent d'organisation du travail à partir des réseaux, de la plus agréable à la plus productiviste. Le problème n'est pas tant les TIC que de savoir ce que l'on en fait.

Un intervenant souligne que les techniques ne déterminent rien, mais rendent possible certaines choses en fonction des objectifs, notamment, en ce qui concerne l'utilisation du logiciel Ginco concernant les arbres de connaissance, l'intercompréhension réciproque des rôles de chacun. Si on donne les moyens aux personnes de se repérer à partir de leurs compétences, d'avoir une représentation de son rôle et de celui des autres, les TI peuvent rendre possible une organisation plus apprenante. En ce qui concerne la référence au modéle taylorien, beaucoup d'entreprises se rendent compte qu'il n'est plus possible d'avoir une organisation aussi figée, aussi hiérarchisée, ne serait-ce que parce que l'entreprise doit sans-cesse s'adapter vis à vis du marché. Mais par contre elle continue à utiliser des repères appartenant au modéle taylorien : des références au métier, aux tâches, postes. Les nouveaux instruments permettent eux de partir des ressources humaines.

Il est vrai qu'on assiste à une restitution de la chaîne de production par le biais de l'outil Internet notamment, les contrôles de qualité étant très renforcés par exemple, si on veut obtenir des résultats dans un contexte de travail à distance, mais cette chaîne de production ne correspond pas à la même vision que celle de Taylor. Les compétences des gens sont des polycompétences (les gens doivent savoir faire plusieurs choses), liées à une chaîne de savoirs.


Une autre contrainte économique qui joue cette fois-ci dans les relations externes des entreprises est la concurrence. On rencontre des freins dans l'application des TIC vers les PME-PMI, car très rapidement on touche le pouvoir. Une PME ayant accés au réseau va non seulement avoir accés à des informations mais va devoir en mettre. Or elle aura tendance à en mettre très peu, du fait des problèmes de concurrence sur une même localité ; par contre elle sera moins réticente pour coopérer avec des entreprises situées à l'étranger par exemple avec laquelle elle n'entre pas en concurrence directe.

Pour dépasser les limites actuelles

En ce qui concerne les relations externes, la première étape de la mise en réseau est la valorisation de la proximité. Pour cela, il faut d'abord que les gens apprennent à se connaître. Il y a des domaines ou les entreprises entrent en concurrence directe où il ne peut y avoir de rapprochement possible, mais en général, la concurrence est plus internationale que locale et même dans les domaines où on est concurrent, il y a des possibilités de travailler ensemble. La proximité géographique est porteuse de valeur ajoutée. Il faut essayer d'identifier les compétences distinctives des structures avec lesquelles on est amené à collaborer et travailler sur elles.

En ce qui concerne l'organisation interne du travail, un participant souligne le fait que le problème fondamental n'a rien à voir avec les technologies de l'information et est presque philosophique. Il s'agit de savoir si l'individu se soumet aux contraintes extérieures et se définit vis à vis d'elles. Les systèmes sont hiérarchisés, parce que la contrainte est patronale et vient du marché, toute personne à l'intérieur du système tend à intégrer ces contraintes et est en situation de soumission vis à vis de l'extérieur. Si on construit une entreprise dans l'autre sens par l'auto-organisation des individus, qui connaissent les contraintes, intégrent des informations plus importantes, se vivent et s'organisent en réseau les uns par rapport aux autres pour diminuer les effets de contrainte, le problème peut être différent. La conduite de l'entreprise repose sur un système d'évaluation par le bas dans lequel les demandeurs deviennent en situation de chef d'orchestre et l'orientation des salariés est beaucoup plus vers la recherche de la pérennité, que vers la rentabilité à court terme.

Ce modéle n'apparaît cependant pas généralisable, tant que n'existe pas une garantie minimum d'allocation universelle permettant à chacun de travailler dans des activités diverses en valorisant ses propres compétences, tout en dépassant la contrainte monétaire.

Pour dépasser les contraintes de l'outil mis au service d'une logique purement productiviste, il importe d'affirmer un certains nombre de valeurs et de dimensions pour la pensée et l'action :
- Réaffirmer que l'on n'adapte pas l'homme à un outil, mais que l'on doit partir de la l'organisationnel, de la question humaine, des rapports collectifs
- Résister à une surtaylorisation (notamment en développant la polyvalence des gens, leur permettant une mobilité accrue) et à une mondialisation économique et financière
- Conserver et encourager le lien social, notamment en multipliant les lieux de rencontre
- Révolutionner notre rapport humain et notre mode culturel en allant vers plus de partage
- Expliciter les régles du jeu des nouveaux outils pour un usage conscient de ces derniers.


II - Le travail
Les TI permettant de manipuler des signes, et notamment des signes de commandes, un constat s'impose aujourd'hui : nos outils de production vont diminuer considérablement, massivement la part de l'intervention humaine dans les biens et les services. Le train de productivité du travail dans le secteur industriel est supérieur à 10 % et, comme dans le secteur agricole, il n'y aura bientôt pratiquement plus personne dans le secteur industriel. Une bonne partie des relations de service est basée sur la manipulation de signes et reléve de cette même industrialisation. Les nouvelles technologies de l'information vont faire naître des emplois, mais en aucun cas dans de telles proportions.
L'emploi résulte du rapport de vitesse entre le développement des services utilisant les technologies et les gains de productivité existant dans l'ensemble d'une activité sur un territoire donné. Le problème se pose de la localisation des activités sur l'ensemble de la planéte et du rapport entre le capital et le travail. Dans la transformation des rapports de force aujourd'hui, celui qui gagne sur le marché est celui qui joue au mieux avec les facteurs de production les plus mobiles. Aujourd'hui c'est le travail qui est le moins mobile, sauf à admettre la flexibilité maximale.

Il ne faut pas sombrer dans un pessimisme radical, mais explorer les possibles.

Les politiques publiques sont sollicitées pour favoriser les initiatives locales créatrices d'emplois, défendre un salaire minimum garanti, donnant la liberté au bénéficiaire pour utiliser ses ressources de façon créative, diminuer le temps de travail afin de libérer du temps pour la formation professionnelle continue et pour la création, dans le même sens réutiliser le loisir des jeunes et des personnes âgées.

Il s'agit par ailleurs de développer les pratiques sociales innovantes, développer de nouveaux métiers et revisiter d'anciens métiers. Il faut conserver le patrimoine social européen et défendre une citoyenneté non seulement civile, mais aussi économique et sociale, reconstruire des droits et des devoirs adaptés aux nouvelles formes de travail, redéfinir ce qu'est la richesse car la conception économique ne suffit plus.
Alain D'IRIBARNE

SYNTHESE DE L'ATELIER MONDE ET RESEAUX DE CITOYENNETE

1. Qu'est-ce qu'être citoyen dans le monde d'aujourd'hui ?

Il importe de poser un diagnostic sur l'état actuel de la citoyenneté avant d'entreprendre une discussion sur le rôle que peuvent jouer les NTI dans son renforcement.

Dans le contexte actuel marqué par la mondialisation et les échanges de toutes sortes entre cultures, la notion de citoyenneté apparaît éminemment relative. Sur le plan culturel, elle varie selon que l'on privilégie l'individuel ou l'appartenance à la collectivité. Sur le plan géopolitique, ses connotations et sa résonance varient selon que l'on considère son spectre d'action : local, national ou international. Etre citoyen pourrait se définir par la capacité de prendre la parole . On ne naît pas citoyen ; on le devient à travers une recherche délibérée et consciente d'informations permettant de fonder ses choix politiques et de développer une pratique civique. Au demeurant, il est difficile, et sans doute vain, de donner une définition théorique du terme bien que l'on s'accorde pour dire qu'elle est la responsabilisation de l'individu vis-à-vis de la collectivité ; mieux vaut se pencher sur la pratique citoyenne.

Or on observe qu'elle est en crise là même où elle semble être un acquis historique, et qu'il existe presque partout une démobilisation tant vis-à-vis des politiques que de la politique. On observe aussi, et cela est plutôt encourageant, une certaine aspiration à davantage de pratique citoyenne mais il semble qu'il s'agisse davantage d'une demande implicite que d'une démarche explicite.
Paradoxalement, on peut penser que les institutions et attitudes culturelles de certaines sociétés du Sud, (l'Afrique en est un exemple) sont plus propices que celles du Nord à la pratique citoyenne du fait de l'existence de réseaux sociaux et économique de solidarité.

2. Comment caractériser le nouveau paradigme de la citoyenneté recouvrant le local et le global ?

La globalisation a tendance à évacuer la notion de citoyenneté en mettant de l'avant uniquement une logique économique. Il est donc essentiel d'inventer un nouveau paradigme qui prenne en compte les réalités économiques certes, mais aussi sociales et culturelles issues de la globalisation. L'objectif consiste à dégager une notion et à définir une pratique qui soit partagée et transculturelle.

3. En quoi les NTI peuvent-elles être des instruments au service de cette citoyenneté-là ?

Les NTI ne sont par elles-mêmes pas la réponse au problème de la citoyenneté mais un outil qui peut la favoriser ; elles ne sont pas créatrices de synergies en elles-mêmes mais peuvent renforcer ce qui existe déjà.

Il faut se garder d'une vision utopiste du rôle que les NTI sont appelées à jouer dans l'évolution des pratiques citoyennes comme dans la vie de chacun et bien mesurer la charge de mythe et de fausses informations qui circulent à leur sujet.

Les NTI présentent aussi de nombreux risques, notamment le renforcement des cloisonnements et des clanismes de toute nature. Par ailleurs, l'actuelle prépondérance des intérêts économiques dans le développement des usages laisse peu de marge de manoeuvre pour l'extension d'usages sociaux allant à l'encontre de cette logique.

Le bilan des NTI fait apparaître que leur intérêt fondamental réside dans le potentiel de changement qu'elles sont susceptibles d'activer. En tant qu'outil de responsabilisation, leur caractère interactif permet une véritable participation de tous les acteurs sociaux, indépendamment des facteurs limitatifs traditionnels (physiques, géographiques, etc.).

4. Quelles sont les conditions du succés de l'action ?

Pour que les NTI servent à la maturation de la pratique citoyenne les conditions suivantes sont requises :

- privilégier une démarche d'appropriation ;

- développer la formation et l'éducation tant sur la citoyenneté dans toutes ses dimensions que sur le rôle des média ;

- entamer la démarche par une analyse approfondie des besoins en impliquant l'ensemble des acteurs et non seulement les usagers ;

- partir d'un projet et développer une organisation stable avant que les NTIC puissent apporter un support utile ;

- inscrire le projet dans la durée ;

- prendre en compte à la fois les contenants et les contenus ;

- appliquer des critères d'évaluation objectifs et précis ;

- inclure la médiation comme un accompagnement et non pas comme un écran entre les clers et les citoyens ;

- partager les expériences ;

- adopter une approche multiculturelle ce qui exige plus qu'une simple traduction linguistique mais une réelle volonté d'écoute et de compréhension des autres ;

- prendre en compte tous les outils des NTI, électroniques ou non parmi lesquels l'internet n'est qu'une option parmi d'autres ;

- créer des espaces de négociation auxquels tous les acteurs concernés participeront sur la base d'un cadre déontologique commun spécifiant les critères et les priorités d'action. Il importe de bâtir la négociation sur un projet concret, d'établir un agenda à court, moyen et long termes et d'expliciter les contraintes liées aux termes mêmes de la négociation afin de bien maîtriser les données de l'exercice.

Monde et réseaux de citoyenneté

Si la nouvelle mondialisation «globalisante» exige de redéfinir une nouvelle citoyenneté plurielle, pluraliste et responsable, et de refonder la démocratie sur des pratiques participatives et cosmopolites du local au mondial, cela ne pourra se faire par les nouvelles technologies médiatiques, mais seulement avec elles. C'est bien là l'essentiel des conclusions que l'on retiendra des rencontres de Parthenay. En d'autres termes, il faut se garder de se laisser enfermer dans une «citoyenneté médiatique».

Arriver à une telle conclusion fait preuve d'une grande maturité dans la réflexion qui anime les différents acteurs de la société civile sur les NTIC et leurs possibles usages. Qu'on y parvienne dans des rencontres qui se déroulent dans une ville «numérisée» qui est l'une des expériences-phare pour la France et l'Europe, est encore plus significatif.

Cela démontre, en tout cas, que le discours encore très prégnant du «merveilleux monde des communications» peut être facilement défait par les pratiques citoyennes des NTIC. L'approche instrumentale, techniciste et économiciste qui impose aujourd'hui ce discours aimerait nous faire passer l'interactivité technique pour de l'interaction sociale, le simple branchement aux réseaux pour de la participation citoyenne, l'accés plus facile aux banques de données pour l'accés à la connaissance et les nouveaux usagers de ces nouveaux médias pour des acteurs sociaux qui exercent leur responsabilité civique en exerçant leur libre choix de consommateur.

On retrouve cette même maturité dans un bon nombre des rencontres qui se multiplient sur les divers continents, amenant des acteurs sociaux de différents horizons de la société civile à échanger leurs idées autant que leurs pratiques des nouveaux médias.

La plupart de ces rencontres sont d'emblée transnationales (régionales, continentales, internationales) par leurs thématiques et leurs participants. Elles sont souvent des occasions de réunion de ces nouvelles fédérations transnationales, «réseaux de réseaux» et autres «plate-formes» qui se sont constituées dans les dernières années. Ces nouvelles fédérations de réseaux tels le «G8» créé fin 1995 en Amérique Latine ou la «Plate-forme de Londres» de 1996, regroupent des intervenants déjà constitués en réseaux internationaux depuis plusieurs années. Réseaux de praticiens de la radio, de la télévision et de l'informatique, réseaux de chercheurs, de lobbyistes, de formateurs, de forums de citoyens, etc. Elles se donnent un calendrier d'actions communes qui couvrent tous les champs représentés par la pratique des réseaux membres et qui, surtout, débouchent toutes sur une intervention dans l'aréne politique au plan local autant que national et international.

Il est sans doute prématuré de parler, comme certains n'hésitent pas à le faire, de «nouveau mouvement social» qui prendrait bientôt les dimensions des mouvements féministe, pacifiste ou environnemental. Cette convergence de mobilisations pour la démocratisation de la communication n'en reste pas moins impressionnante par son ampleur, ses développements rapides et les bases d'agenda politique qu'elle avance.

Il est certes rassurant de voir que les sociétés civiles commencent à s'organiser au plan international pour démocratiser la communication. Il faut cependant en prendre la mesure en essayant de voir comment les réflexions et stratégies peuvent se traduire en actes qui ne les contredisent pas, et s'articuler entre elles pour former un véritable contre-projet aux fameuses autoroutes de l'information, décidément trop bien balisées vers la démocratie.

Ce mouvement en devenir fait en effet face au danger de voir se diluer ses objectifs dans la complaisance et l'autosatisfaction autant que dans une institutionnalisation trop rapide de ses propositions. Il s'agit donc d'être vigilants et autocritiques.

L'exemple de l'évolution des radios et télévisions communautaires depuis les années 1970 est déjà riche en enseignements sur les impasses auxquelles peut mener l'institutionnalisation de l'accés et de la participation aux médias. Qu'elles soient nommées «libres», «populaires», «communautaires», «canaux ouverts» ou «d'accés public», ces organisations, quand elles sont reconnues et institutionnalisées dans un cadre juridique, peuvent tuer dans l'¦uf la démocratisation de la communication et la créativité de la société civile.

Le premier danger est celui de «Babelisation» par lequel chaque communauté (ou groupe culturel) exerce certes son droit d'expression en faisant et diffusant ses propres programmes, mais finit par ne parler que d'elle-même et pour elle-même. Le résultat en est que certaines radios ou télévisions «d'accés public» basé sur le principe de la liberté d'expression ne sont que la juxtaposition de voix et «canaux» autoréférencés dont la somme ne fait pas sens.

L'autre danger est celui de «Ghettoïsation» du local ou du communautaire. Donner les moyens techniques et assurer par un cadre légal la possibilité de faire de la télévision communautaire aboutit en effet souvent à confiner les associations de la société civile aux problématiques locales et, trop souvent, à se contenter de programmes de piétre qualité. Pire encore, cela aboutit en général à éloigner les artisans de ce tiers secteur médiatique de toute tentative d'influer sur l'ensemble des institutions médiatiques et les politiques de communication. C'est l'impasse à laquelle a mené la reconnaissance juridique formelle du secteur social des médias à côté des secteurs privés et étatiques dans des pays comme le Canada ou, de façon moindre cependant, la Belgique ou les Pays-Bas.

Babelisation ou ghettoïsation, le dénominateur commun est de se laisser enfermer dans des «espaces médiatiques» qui ne sont plus représentatifs de la vie démocratique des espaces publics d'une part, et n'ont plus aucune prise sur l'espace politique de l'autre. Car enfin, démocratiser la communication ne pourra se faire que par un double processus de démocratisation, qui consiste d'une part à créer des espaces publics autonomes au sein de la société civile où puissent s'exprimer les pratiques démocratiques qui pourront enrichir et influencer l'ensemble de la société, et d'autre part à démocratiser les institutions et les pratiques dans la sphère plus proprement politique. Garantir cette double démocratisation dans le cas des communications exige non seulement un environnement technologique adéquat et un cadre juridico-légal, mais aussi des mesures dans les domaines politique et culturel qui garantissent le maintien du processus par une culture vivante de la citoyenneté, dans laquelle «l'éducation aux médias» est un des chapitres de l'éducation citoyenne.

Ce qu'aura réaffirmé Parthenay III est finalement qu'une appropriation sociale des nouvelles technologies médiatiques n'a de sens que si elle s'inscrit dans un processus de réinvention perpétuelle de la démocratie. Beau programme.

Alain AMBROSI

A PROPOS DE LA PRESENCE ARTISTIQUE

*TRANS EUROPE HALLES est un réseau de lieux culturels multidisciplinaires, nés d'initiatives citoyennes, installés dans des friches (industrielles pour la plupart), dédiés aux territoires en émergence de la création contemporaine sous toutes ses formes et aux pratiques culturelles contemporaines des jeunes : assistance à des projets portés par des jeunes, services aux associations ou aux personnes, salles de concerts, locaux de répétition, ateliers d'artistes, espaces d'expositions, cirque, théâtre, danse, ateliers video ou d'initiation aux technologies informationelles, fanzinothèques, salles d'enregistrement son et/ou images, bars/restaurants, cybercafés...

Ces espaces dans leur mode de fonctionnement et de communication cherchent à encourager la professionnalisation des jeunes artistes et l'esprit d'initiative et de créativité des jeunes (notamment par la rencontre avec des artistes, par la mise en place de leur propre projet, par l'accés aux nouvelles technologies de plus en plus présentes dans les nouvelles créations et modes de communication).

Très vite les organisateurs de ces centres ont compris l'importance pour chacun d'eux de rencontrer des expériences de sensibilité différente et d'établir entre eux la permanence d'une relation interactive en réseau.

Ces centres en réseau ont engagé un processus de mise en dialogue des artistes et de la jeunesse avec des intellectuels, des citoyens actifs, des décideurs sur les thèmes majeurs de notre société à l'aube du XXIème siécle : le travail/emploi, les technologies informationnelles, la mondialisation, les conflits.

C'est dans le cadre de ce processus -appelé Le Projet Phoenix- que Trans Europe Halles organise une présence artistique lors des journées de Parthenay.
Parallèlement à la présentation d'un certain nombre d'oeuvres artistiques, le café-philo cherchera à contribuer à un état des lieux des pratiques artistiques utilisant les nouvelles technologies et à un débat sur ce que ces outils peuvent entraîner comme changement pour l'ensemble des pratiques artistiques. En effet, l'utilisation de ces technologies par le milieu artistique soulève un certain nombre d'interrogations, notamment sur la place que ces dernières peuvent prendre.

Des artistes mais aussi des acteurs du secteur culturel comme Niels Aziosmanoff (Art 3000), Pierre Bongiovanni (CICV Montbéliard), Pascal Santoni (Métafort d'Aubervilliers), Pierre-Sylvain Roos (Generation Chaos) seront présents et contribueront à nourrir le débat.

Certains membres de Trans Europe Halles ont par ailleurs joué un rôle actif dans la mise en place de la programmation artistique comme le Confort Moderne (Poitiers, France) ; d'autres centres seront également présents comme la Friche la Belle de Mai (Marseille, France) ou le Bloom (Mezzago, Italie).