Quelle
démocratie à l'ère informationnelle?
Au
delà de la vogue médiatique autour d'Internet et du multimédia,
nous assistons à une mutation d'importance qui voit une diffusion
accélérée des nouvelles technologies de l'information
et de la communication (NTIC) dans la société. Le virtuel,
le cyberespace, le multimédia, le numérique ne sont que
les signes avant-coureurs d'une révolution profonde qui n'a pas
encore révélé son vrai visage mais qui déjà
traverse la société de part en part.
Il existe aujourd'hui un quiproquo sur la manière d'aborder ces
technologies. Il y a une vision dominante qui se contente de plaquer,
"par le haut" ces outils sur la société telle
qu'elle est ; cette approche méconnaît l'ampleur des mutations
sociétales qui sont en cours et continue de privilégier
la piste réductrice uniquement orientée sur la croissance
de l'économie de marché.
Or les nouvelles technologies de l'information et de la communication
ne peuvent être assimilées à des technologies
parmi d'autres. Car elles interviennent partout où les hommes manipulent
et échangent des signes (textes, images, sons, données)
; autrement dit dans la quasi-totalité des activités humaines
depuis le monde du travail jusqu'à celui de la vie de la cité,
en passant par la formation, la culture... Elles concernent ainsi tous
les hommes parce qu'en modifiant profondément leurs façons
d' échanger, elles bouleversent leurs manières de vivre
ensemble, de s'organiser, de produire. Nous vivons une crise fondamentale
de la représentation qui touche notre intelligence du monde et
de nos sociétés et modifiera peut être le sens de
la présence de l'homme sur Terre.
Pour autant, les NTIC imposées par le haut, ne réussissent
pas à elles seules à créer du lien social. Elles
doivent s'enraciner dans un "humus culturel et social". Ce ne
sont pas les techniques seules mais les citoyens qui peuvent permettre
une véritable innovation des usages. Le paradoxe est que les organisations
doivent d'abord elles-mêmes se transformer sur un modéle
de fonctionnement participatif et en réseau, pour pouvoir pleinement
utiliser les NTIC. Il n'y a donc pas de fatalité ni de déterminisme
technologique mais bien la place pour un débat et pour des choix
politiques sur les usages suscitant de nouvelles créativités,
renforçant le lien social et favorisant des processus d'intelligence
collective.
L'enjeu est politique plus que technologique. La révolution
informationnelle est avant tout une mutation organisationnelle : elle
provoque la remise en question de nombreux pouvoirs, elle donne plus d'importances
aux initiatives locales de terrain, elle oblige à re-penser des
pratiques démocratiques plus participatives et à inventer
une citoyenneté plus active.
Sommes-nous prêts en Europe à une telle "révolution
copernicienne" du politique?
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