Vecam http://www.vecam.org/ Réflexion et action pour l'internet citoyen fr SPIP - www.spip.net Vecam http://vecam.org/local/cache-vignettes/L144xH41/siteon0-dd267.png http://www.vecam.org/ 41 144 Données personnelles : sortir des injonctions contradictoires http://vecam.org/article1289.html http://vecam.org/article1289.html 2014-04-13T20:43:50Z text/html fr Valérie Peugeot Creative Commons vecam-F En matière de données numériques, trois vagues médiatiques se sont succédées sous nos yeux en l'espace de moins de 3 ans. La première nous a fait scintiller les merveilles associées aux big data, source inépuisable de nouveaux gisements de richesse de l'économie numérique - déluge de données, nouvel or noir, fin de la science… - l'escalade métaphorique semblait sans fin. La seconde a été liée au coup de tonnerre déclenché par la suite des révélations d'Edward Snowden : en quelques heures, les cris d'alarme (...) - <a href="http://vecam.org/rubrique82.html" rel="directory">Contributions à débattre</a> / <a href="http://vecam.org/mot17.html" rel="tag">Creative Commons</a>, <a href="http://vecam.org/mot49.html" rel="tag">vecam-F</a> <div class='rss_texte'><p>En matière de données numériques, trois vagues médiatiques se sont succédées sous nos yeux en l'espace de moins de 3 ans. La première nous a fait scintiller les merveilles associées aux big data, source inépuisable de nouveaux gisements de richesse de l'économie numérique - déluge de données, nouvel or noir, fin de la science… - l'escalade métaphorique semblait sans fin. La seconde a été liée au coup de tonnerre déclenché par la suite des révélations d'Edward Snowden : en quelques heures, les cris d'alarme négligés des associations de défense des libertés devenaient réalité, en pire. Nul n'avait anticipé l'ampleur et la diversité des données collectées par la NSA. Si big data il y a, ce sont bien celles interceptées et analysées par les autorités américaines, dans une logique de « big surveillance ». Aujourd'hui, troisième vague, nous voyons se multiplier les articles qui tentent de dégonfler l'enthousiasme exagéré suscité par le projet big data, entre démonstration de <a href="http://www.nature.com/news/when-google-got-flu-wrong-1.12413" class='spip_out' rel='external'>l'inexactitude des Google Flue Trends</a>et analyse des biais méthodologiques du big data (<a href="http://www.ft.com/intl/cms/s/2/21a6e7d8-b479-11e3-a09a-00144feabdc0.html#axzz2xT12g24c" class='spip_out' rel='external'>ici</a>et <a href="http://www.nytimes.com/2014/04/07/opinion/eight-no-nine-problems-with-big-data.html?emc=edit_th_20140407&nl=todaysheadlines&nlid=31330400&_r=0" class='spip_out' rel='external'>là</a>). Mais ces critiques ne disent rien du problème précédent : comment dénouer le lien entre production, analyse de données de masse d'une part et logique de surveillance de l'autre. Car c'est bien de cela qu'il s'agit : plus notre économie inventera des services qui auront besoin de s'appuyer sur de la donnée pour fonctionner – et nous en voyons fleurir tous les jours – plus nous mettrons en place les infrastructures passives qui rendent les logiques de surveillance techniquement possibles, quel que soit le tiers qui décide de s'en servir.</p> <p>De fait, si les critiques du big data se gardent bien d'attaquer la question de la surveillance c'est que, comme beaucoup, ils se trouvent confrontés à un nœud apparemment gordien : vouloir empêcher le recueil de données, c'est bloquer l'innovation, et donc freiner l'économie numérique. Tous les lobbys qui se pressent à Bruxelles autour de la négociation du nouveau règlement en matière de données personnelles ne disent pas autre chose : ne nous empêchez pas d'innover ! Et en l'état, ils ont raison : tout renforcement de la protection des données personnelles peut apparaître comme un frein à la création de nouveaux services. À moins que nous ne changions radicalement notre manière d'aborder le problème.</p> <p>Pour commencer, rappelons-nous que de plus en plus de <strong>ce qui constitue les big data est et sera de fait des données coproduites par des individus et des services, ce qui signifie que la problématique de la donnée personnelle sera de plus en plus prégnante.</strong> Au fur et à mesure que nos objets se mettront à communiquer – compteur, balance, montre, porte d'entrée, voiture etc – nous participeront à cette inflation de la masse de données. Toutes les données ne sont certes pas personnelles (ex : les données météos ne le sont pas), mais de plus en plus de données entreront dans ce régime, ce qui renforce le risque de surveillance.</p> <p>Face à cela, il nous faut tout d'abord éviter plusieurs impasses. La première consisterait à rester dans ce que l'on peut qualifier de <strong>« faible régime » </strong> actuel : de fait nous sommes dans une zone d'incertitude juridique, qui encourage les logiques de « prédation » de la donnée par les plates-formes pour les monétiser, avec des approches plus ou moins délicates (opt in / opt out). Cette situation accule à une vision « innovation contre vie privée », qui pousse le droit, dans une course sans fin, à galoper derrière l'innovation sans jamais être à temps pour protéger les utilisateurs. C'est une approche défensive peu efficace dans une période d'affaiblissement de la puissance publique face aux acteurs du marché. Nous ne pouvons que saluer les dernières prises de position du Parlement européen avec <a href="http://www.laquadrature.net/fr/des-failles-majeures-subsistent-dans-le-reglement-du-parlement-europeen-sur-la-protection-des-donnee" class='spip_out' rel='external'>l'adoption en mars dernier du rapport Albrech</a>t concernant le règlement général sur la protection des données, rapport qui rejette les propositions préjudiciables à la vie privée. Mais de fait le rythme du politique et du droit ne sont pas celui de la technologie, et même si le prochain règlement constitue une avancée, il peut en quelques années se révéler impuissant face à de nouveaux dispositifs techniques.</p> <p>La seconde impasse consisterait à vouloir <strong>glisser vers un régime de propriété </strong> (intellectuelle et/ ou commerciale) des données par l'utilisateur. Fleurissent actuellement les prises de positions qui vont en ce sens (cf. par exemple <a href="http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/tech-medias/actu/0203312018422-la-propriete-des-donnees-defi-majeur-du-xxi-e-siecle-650142.php" class='spip_out' rel='external'>la tribune conjointe de Babinet et Bellanger</a>ou les prises de position répétées de l'avocat <a href="http://blog.lefigaro.fr/bensoussan/2010/05/la-propriete-des-donnees.html" class='spip_out' rel='external'>Bensousan</a>). Cette approche me semble à combattre car elle soulève plusieurs problèmes imbriqués :</p> <ul class="spip"><li> un problème de conception politique d'une part : en renvoyant sur l'individu la responsabilité de gérer et protéger ses données, au lieu de trouver des réponses collectives à un problème de société, elle participe d'une vision qui renforce l'individualisme et nie les rapports de force entre les consommateurs et les entreprises</li><li> conséquence du point précédent, surgit un problème très concret : ceci déboucherait sur un renforcement des inégalités entre citoyens numériques, entre ceux en capacité de gérer leurs données, de les protéger, les monétiser, et ceux qui par manque de littératie, de temps, ou toute autre raison, laisserait faire par défaut le marché. Le scénario plausible qui se met en place est celui d'une société numérique dans laquelle les personnes en bas de l'échelle économique et/où culturelle commercialisent leurs données (pas forcément sous forme monétaire, mais en échange de services), pendant que ceux qui disposent de moyens économiques et/où culturels les enferment à double tour numérique. C'est déjà ce qui se met en place (ex : <a href="https://www.doodle.com/premium/plans.html" class='spip_out' rel='external'>Doodle</a>) ou se profile (ex : <a href="http://www.huffingtonpost.fr/2013/10/26/youtube-service-musique-payant_n_4165607.html" class='spip_out' rel='external'>YouTube</a>, <a href="http://www.journaldunet.com/media/publishers/apple-television-sans-publicite-0713.shtml" class='spip_out' rel='external'>Apple</a>) avec des services premiums payants sans publicité. Finalement ce choix entre deux moyens de paiement pour l'accès à un même service (monétisation directe versus attention) ne serait pas un problème en soi si la circulation des données de l'utilisateur ne soulevait pas chaque jour un peu plus des problèmes de vie privée. Sans compter que ce régime n'offre pas de garantie de non traçage à l'image de ce qui se pratique avec le « do not track » (dont l'interprétation par les grands opérateurs publicitaire laisse dubitatif : la collecte de données reste active, certes sans utilisation directe par la publicité sur le navigateur concerné, ce qui n'empêche pas à leurs yeux la revente sur des places de marché de données).</li><li> Ce scénario de la propriété sur les données est poussé par des acteurs qui y voient une opportunité d'affaires plus qu'une sortie par le haut dans une économie numérique en recherche d'équilibre. On voit ainsi apparaître des entreprises qui promettent aux internautes une monétisation directe de leurs données en les louant à des tiers (ex : <a href="http://www.yesprofile.com/" class='spip_out' rel='external'>Yesprofile</a>). Ces acteurs ont pour l'heure un positionnement ambigu : ils promettent simultanément une reprise de contrôle sur les données par l'utilisateur et une source de revenus. S'ils partagent avec les acteurs du <a href="http://en.wikipedia.org/wiki/Vendor_relationship_management" class='spip_out' rel='external'>VRM</a> (Vendor Relationship Management) le premier objectif, la promesse financière les en démarque. Cette promesse financière semble illusoire, les simulations montrant un taux de retour de quelques euros, mais ce n'est pas la question essentielle. Dans cette approche, la régulation ne passe que par un modèle commercial, entre entités en situation d'asymétrie informationnelle et de rapport de force, ce qui se traduit inévitablement au désavantage du consommateur/utilisateur.</li><li> À l'inverse, si comme nous le pensons, cette monétisation directe des données par les individus génère des revenus anecdotiques, on peut imaginer de voir émerger un autre type d'intermédiaires qui se chargeraient non plus de la commercialisation mais de la « gestion protectrice de données numériques », c'est à dire de la vérification de qui collecte, qui en fait quoi. De la même manière que des entreprises se sont positionnées sur le marché de la réputation et proposent aux internautes des services de « nettoyage » de réputation (ex : <a href="http://www.reputationvip.com/" class='spip_out' rel='external'>RéputationVIP</a>), d'autres pourrons se positionner sur la gestion protectrice. Là encore, certains utilisateurs pourraient se payer les services de ces « gestionnaires de données », pendant que d'autres devraient laisser leurs données circuler au bon vouloir des plates-formes et de leur marché secondaire de la donnée. Nous rebouclons ainsi avec la question des nouvelles inégalités numériques induites par un glissement d'un régime de droit vers un régime de propriété.</li><li> Par ailleurs, scénario du pire, si le choix était fait d'un passage en <strong>régime de propriété intellectuelle</strong>, cela supposerait, par analogie avec le droit d'auteur ou le brevet, que le droit exclusif de l'individu sur ses données soit temporaire. En effet par définition les régimes de propriété intellectuelle sont des exceptions de monopole concédées à un créateur ou un innovateur, délai au terme duquel les données passeraient dans le domaine public. On voit bien ici qu'un régime de propriété intellectuelle est totalement inapproprié : au bout de quel délai les données sortiraient-elles de la propriété de leur (co)producteur qu'est l'utilisateur ? Au moment où elles n'ont plus de valeur sur le marché de l'économie de l'attention ? De plus le droit d'auteur ne fonctionne que parce qu'il est assorti de nombreuses limites et exceptions pour des usages dits légitimes (recherche, éducation…). Est-ce que l'usage des données serait lui aussi « légitime » quand il est fait sous forme de statistiques agrégées (génomique par exemple ?). </li><li> De plus cela risque de pervertir la logique du droit de propriété intellectuelle : actuellement les informations brutes et les données ne sont pas couvertes ; le droit d'auteur ne concerne que la forme que l'on donne aux informations, et en Europe, le droit sui generis rend propriétaire la cohérence dans une base de données, et non les données elles-mêmes. En élargissant aux données personnelles, on risque de provoquer un glissement général vers une mise sous propriété de toutes les données et informations brutes, ce qui aurait des conséquences sur les données scientifiques, publiques… Très exactement l'inverse de ce que nous défendons avec l'open data, la science ouverte etc.</li><li> Une alternative avancée par certains serait la mise en place de sociétés de gestion des droits sur les données, à l'image des sociétés de gestion de droits d'auteurs. Outre le fait que les sociétés de gestion de droits d'auteurs sont loin d'être la panacée et sont régulièrement critiquées (cf. par exemple <a href="http://electronlibre.info/archives/spip.php?page=article&id_article=01046" class='spip_out' rel='external'>JF Bert</a>), cette solution semble totalement irréaliste. Alors que sur les œuvres, les coûts de transaction pour la redistribution des droits aux auteurs sont tels que par exemple <a href="http://framazic.org/sinformer-et-comprendre/assurer-une-juste-remuneration-aux-artistes/" class='spip_out' rel='external'>68% des sociétaires de la SACEM</a> ne reçoivent aucune rémunération, on a du mal à imaginer un système de redistribution, même numérique, de quelques euros entre des millions d'utilisateurs.</li></ul> <p>La troisième fausse piste, réside dans <strong>les solutions techniques de type cryptographie</strong></p> <p>Pour l'heure plusieurs acteurs poussent aux solutions techniques. Il s'agit essentiellement des acteurs institutionnels (cf. les <a href="http://www.lemonde.fr/technologies/article/2014/02/21/le-gouvernement-francais-affiche-son-souhait-de-mettre-en-place-un-cryptage-du-courrier-electronique_4371110_651865.html?xtmc=anssi&xtcr=1" class='spip_out' rel='external'>déclarations du premier ministre à l'ANSSI en février</a>) et des acteurs venus des communautés technologiques (IETF, W3C, etc.) dont c'est le métier (cf. les nombreux <a href="https://www.w3.org/2014/strint/report.html" class='spip_out' rel='external'>papiers scientifiques</a>proposés à la rencontre STRINT de Londres). Si pour ces derniers, il est cohérent d'aller dans cette direction puisque c'est là que réside leur savoir-faire et leur gagne-pain, il est plus surprenant de voir des acteurs politiques dépolitiser ainsi une question aussi centrale. • La réponse technique à un problème rendu possible par la technique est une course en avant sans fin, qui tend à éluder le fait que le numérique est un produit éminemment socio-technique. Pas plus que les DRM ne sauvent des industries culturelles qui refusent de prendre la mesure de la profondeur de la mutation à l'œuvre en matière de circulation des œuvres, la cryptographie ou autre solution technique ne saurait être une réponse à une problématique socio-économique. • Il y aura toujours une technologie capable de défaire la précédente. Jusqu'à présent aucun verrou numérique n'a su résister. De plus, comme le rappelle très justement Snowden « « Le chiffrement fonctionne […]. Malheureusement, la sécurité au point de départ et d'arrivée [d'un courriel] est si dramatiquement faible que la NSA arrive très souvent à la contourner. » Et rappelons-nous que la NSA (ou ses consœurs) installe des backdoors dans les logiciels de chiffrement eux-mêmes.</p> <p>Alors <strong>que pouvons-nous envisager</strong> pour nous prémunir de la société de surveillance tout en continuant à créer, inventer ? Voici quatre pistes, qui sont autant d'invitations à débattre.</p> <p>La première piste consiste à o<strong>rienter l'économie numérique le plus loin possible de l'économie de l'attention pour revenir à une économie servicielle.</strong> Aujourd'hui l'économie du Web repose en très grande partie sur une monétisation de « notre temps de cerveau disponible » via de la publicité pour nous inciter à consommer. Google, Facebook, Twitter, et même Amazon qui pourtant commercialise des biens, vivent sur des marchés dits bifaces ou multifaces : d'une main ils offrent un service non monétisé (moteur de recherche, microblogging, réseau social…), de l'autre ils revendent les traces de leurs utilisateurs soit en direct à des annonceurs, soit via des places de marché de la donnée sur lesquelles opèrent des data brokers. Parmi les plus gros opérateurs aux États-Unis on peut citer Axicom, dont on estime qu'elle dispose d'environ 1500 informations sur 200 millions d'américains ou encore Epsilon, BlueKai, V12 Group, Datalogix. Ce déport d'une part croissante de l'économie semble sans fin : un jour c'est un banquier qui émet l'idée de ne plus faire payer les frais de carte bancaire aux clients en échange d'un droit de réutilisation de leurs données ; demain ce sera un organisateur de concert qui vendra des entrées à bas prix en échange d'un accès aux données du spectateur, etc. En raisonnant par l'extrême, si des secteurs entiers de l'économie pré numérique se mettent à basculer vers cette illusion du gratuit et à commercialiser de la donnée en sus et place d'un bien ou d'un service, à qui les data brokers revendront-ils leurs données ? Cette information ne perdra-t-elle pas progressivement de la valeur au fur et à mesure que des pans entiers de l'économie basculeront vers des marchés bifaces basés sur l'attention ? Sans aller jusqu'à cet extrême, il nous faut aujourd'hui inverser trois choses : sortir de l'illusion que ce qui est gratuit pour le consommateur est bon pour lui ; revenir autant que faire se peut à de la commercialisation de services, ce qui participe à désenfler la tentation de captation des données personnelles (en ce sens, les services dits d'économie collaborative, en se rémunérant pour la plupart par un pourcentage sur la prestation sur le covoiturage, sur l'hébergement…, au lieu de pratiquer l'illusion de la gratuité assortie de publicité, participent à une forme d'assainissement de l'économie numérique) ; encadrer très fortement les marchés de data brokers, qui sont aujourd'hui totalement opaques et non régulés. Le marketing prédictif est le meilleur ami de la surveillance car il recueille et traite les données toujours plus fines sur l'individu qui rendent cette dernière techniquement possible. Tout ce qui peut contribuer à affaiblir ce marché est bon pour notre société et les libertés individuelles.</p> <p>Plus généralement, une régulation du marché des données, si l'on considère la transparence comme élément d'un contrôle social de l'usage des données, peut passer par une <strong>obligation de documentation technique très forte</strong> – quelles données collectées, où sont-elles stockées, combien de temps sont-elles conservées, … ? –. Cette documentation serait le support à l'intervention d'un <strong>corps d'inspecteurs</strong> des données, dont les prérogatives iraient bien au-delà de celles de la CNIL. C'est, dans un tout autre domaine, ce qui vient d'être fait par la justice américaine, qui a <a href="http://www.idboox.com/infos-ebooks/prix-des-ebooks-un-controleur-designe-pour-surveiller-apple/" class='spip_out' rel='external'>condamné Apple</a> à être surveillé pendant 2 ans, suite à des pratiques d'entente illicite sur les livres numériques. Le principe met toutes les entreprises à égalité puisque celles-ci ont la responsabilité d'appliquer par défaut le bundle of rights, mais peuvent être soumises à des audits aléatoires.</p> <p>La seconde piste est certes technique, mais à l'opposé de la cryptographie, va chercher du côté des <strong>infrastructures ouvertes et libres</strong> (au sens logiciel du terme). Il s'agit, première brique, autant que possible d'utiliser des logiciels libres car ils assurent une surveillance horizontale par les communautés de ce que fait et comment peut être utilisé un logiciel, comme le rappel l'APRIL dans sa <a href="http://ecrans.liberation.fr/ecrans/2014/02/24/l-apres-snowden-reprendre-en-main-son-informatique_982609" class='spip_out' rel='external'>tribune dans Libération</a> du 25 février 2014. La transparence du logiciel libre et sa capacité d'appropriation par d'autres que ses concepteurs initiaux en fait une brique d'une reconstruction d'une relation de confiance entre l'utilisateur et un logiciel. Mais au-delà des logiciels, ce sont aussi les normes qui doivent être pensées sur un modèle ouvert, pour qu'elles ne deviennent pas de nouvelles boites noires génératrices d'insécurité sur les données (en laissant une <a href="http://www.usine-digitale.fr/article/des-geants-de-l-industrie-s-allient-pour-standardiser-l-internet-des-objets.N251941#xtor=EPR-4" class='spip_out' rel='external'>poignée d'acteurs nord-américains prendre le leadership de cette normalisation</a>, nous n'en prenons pas le chemin). Ceci est particulièrement vrai pour les normes encore à construire pour l'internet des objets. Si nous laissons s'installer des standards propriétaires, nous donnons le fer pour nous faire battre. On peut aller plus loin en suivant les pistes de Van Kranenburg dans son rapport sur <a href="http://www.networkcultures.org/_uploads/notebook2_theinternetofthings.pdf" class='spip_out' rel='external'>l'internet des objets</a> où il propose d'aller vers des infrastructures globales ouvertes, depuis le RFID jusqu'au GPS (page 50 du rapport). Sur la base de ces infrastructures on peut alors imaginer des outils de gestion de sa vie privée comme ce RFID Guardian, imaginé par Melanie Rieback (page 49 du rapport) qui permet de régler l'usage du RFID quand on circule dans un environnement connecté (supermarché, ville…). Il s'agit enfin et surtout pour protéger nos données personnelles, de construire des infrastructures de management de ces données qui redonnent la main et le contrôle à l'utilisateur, infrastructures que certains appellent les <a href="http://abiteboul.com/DOCS/14.pims.pdf" class='spip_out' rel='external'>PIMS – Personal information mangement systems</a>, à l'instar de ce que développe une entreprise comme <a href="https://www.cozycloud.cc/" class='spip_out' rel='external'>Cozy cloud</a>.</p> <p>La troisième piste, qui déborde le cadre stricte des données personnelles pour s'intéresser aux données numériques en général, consiste, en s'inspirant des travaux d'Elinor Ostrom et de l'école de Bloomington autour des biens communs, à <strong>développer une sphère de données en Communs</strong>, c'est-à-dire de données qui peuvent être considérées comme une ressource collective, et qui n'entrent ni dans le régime des biens gérés par la puissance publique strico sensu, ni dans un régime de marché. Ce régime de Communs repose sur une gestion par une communauté de la ressource considérée, qui organise ses règles de gouvernance, en s'appuyant sur un « faisceau de droits » (bundle of rights »). Ces faisceaux de droits rendent possibles des régimes de propriété partagée. Un faisceau de droits c'est un ensemble de relations sociales codifiées autour de quelque chose à protéger <a href="http://www.bibliobsession.net/2014/03/12/biens-communs-et-donnees-personnelles-il-nous-faut-inventer/" class='spip_out' rel='external'>comme le rappelle Silvère Mercier</a>. Ils permettent de penser les usages indépendamment de la notion de « propriété », et d'adapter les règles de droit pour servir au mieux les usages en protégeant les ressources mises en partage. La grande force des Communs est d'ouvrir une troisième voix à côté de la propriété privée et de la propriété publique, un espace dans lequel des ressources, ici des données, ne sont pas soumises à un régime de droits exclusifs, mais peuvent être réutilisées selon certaines conditions fixées par la communauté qui en a la gestion et qui veille à leur protection. Il ouvre un espace protégé dans lequel les individus et les collectifs peuvent choisir de placer leurs données.</p> <p>Ces ressources sont ainsi soustraites au marché <i>stricto sensu</i> et aux logiques oligopolistiques qui sous-tendent le capitalisme que nous connaissons dans sa forme actuelle. Ce qui ne signifie pas que des porosités n'existent pas avec le marché ou que les Communs se font contre le marché. Les deux peuvent non seulement cohabiter mais également se compléter. Ainsi Flickr, plateforme de partage de photos, filiale de Yahoo !, héberge des photos placées par des internautes en régime de Communs via une licence Creative Commons, de même que des fonds d'archives photographiques du domaine public placées là par des institutions publiques (musées, bibliothèques...). De même ces ressources échappent au régime de pure administration publique qui laisse reposer l'entière responsabilité de leur gestion et de leur protection sur les épaules de la puissance publique. Les Communs impliquent une co-responsabilité de la part des acteurs qui en assurent la gouvernance, permettant ainsi un glissement de logiques purement délégatives à des approches plus contributives. De la même manière que pour le marché, sphère publique et Communs n'ont pas vocation à s'opposer mais à se compléter. Ainsi lorsqu'une communauté d'habitants en Bretagne décide de mettre en place et <a href="http://www.bibliobsession.net/2014/03/12/biens-communs-et-donnees-personnelles-il-nous-faut-inventer/" class='spip_out' rel='external'>d'autofinancer en crowdfunding une éolienne</a>sur leur territoire pour assurer une fourniture d'énergie autonome et durable au village, tout en utilisant un terrain de la municipalité, le Commun est coproduit par cette dernière et par les habitants, et se réalise en partenariat avec les entreprises privées qui vont construire l'éolienne et gérer les flux électriques sur les réseaux, sous le contrôle des citoyens qui auront financé le projet.</p> <p>Pour éviter que l'ensemble des données ne soient aspirées dans cette course à la marchandisation de la donnée et favorise ainsi une société de surveillance, il est essentiel qu'une sphère de données « en Communs » puisse fleurir, s'enrichir et être protégée contre des tentatives d'enclosures.</p> <p>L'existence de cette sphère de données en Communs présente plusieurs avantages : elle constitue un gisement d'informations dans laquelle d'autres acteurs extérieurs à la communauté des producteurs peuvent puiser pour créer, innover, proposer d'autres services ; elle permet de tirer parti des spécificités contributives du monde numérique</p> <p>Quelles données pourraient appartenir à cette sphère des communs ? Trois catégories semblent possibles en premier regard :</p> <ul class="spip"><li> Des données produites par la sphère publique et partagées en open data, sous réserve qu'elles soient assorties d'une licence de partage à l'identique (share alike). C'est déjà le cas de la licence choisie par un grand nombre de collectivités locales mais à notre grand regret pas par Etalab, ce qui veut dire que ces données peuvent être à nouveau « encloses ». Les données produites pas la puissance publique avec l'argent public doivent rester libres de réutilisation.</li><li> La seconde catégorie est constituée des données produites par les individus qui désirent placer ces ressources en bien commun. C'est déjà le cas des données produites dans OpenStreetMap, dans Wikipédia, qui de fait constituent une œuvre collective, pour lesquelles les communautés ont choisi un régime juridique qui protège les ressources en biens communs. Sur Wikipédia la communauté a fait le choix de deux licences compatibles, la licence CC by-sa et la licence de documentation libre GNU, qui dans les deux cas contiennent cette obligation du partage aux mêmes conditions. </li><li> Dans une moindre mesure, des données produites par des entreprises pour les besoins de leur activité – un catalogue de magasin, une liste de point de vente, un taux de fréquentation de ses magasins – et qui choisissent de les mettre à disposition de tiers dans une logique écosystémique. C'est ce qu'ont commencé à faire la SNCF ou La Poste, qui expérimentent autour de l'open data. Je dis dans une moindre mesure, car les données des entreprises peuvent à tout moment être ré-enfermées (ex : via une fermeture d'API comme l'a fait Twitter) et ne font pas l'objet d'une gouvernance collective, mais d'une gouvernance privée par l'entreprise qui décide de les mettre à disposition. On peut craindre, comme cela s'est déjà passé pour d'autres services numériques, qu'une fois l'écosystème constitué, les données ne redeviennent privées, l'ouverture ne constituant alors qu'une phase transitoire, un « produit d'appel ».</li></ul> <p>La quatrième piste, proche dans sa source d'inspiration de la précédente, consiste à imaginer <strong>une gestion des données personnelles par un régime de « bundle of rights »</strong>. Le Bundle of rights, ou « faisceaux de droits » puise à un courant juridique qui a émergé aux États-Unis au début du XXe siècle et qui trouve ses racines dans la pensée juridique américain dite du « legal realism » (ou réalisme juridique) qui conçoit la propriété comme un ensemble complexe de relations légales entre des personnes, <a href="http://www.bibliobsession.net/2014/03/12/biens-communs-et-donnees-personnelles-il-nous-faut-inventer/" class='spip_out' rel='external'>ainsi que l'explique Fabienne Orsi</a>. Cette approche par le « faisceau de droits » permet, autour d'une même ressource matérielle ou immatérielle, d'identifier différents droits : ex : droit de posséder, d'utiliser, de gérer, de monétiser, de transmettre, de modifier… Cette approche est un des piliers de la pensée des Communs.</p> <p>Appliqués aux données produites sur le web par les actions des individus, les faisceaux ou bouquets de droits permettraient d'imaginer trois ensembles de droits :</p> <ul class="spip"><li> <strong>Certains usages assortis de droits sont garantis par défaut à l'utilisateur</strong>, comme par exemple, le droit de savoir ce que l'on collecte sur lui ; le droit de rectification de ses données ; le droit à la portabilité des données ; le droit de placer ses données en Communs (cf. supra).</li><li> D'autres usages peuvent être à l'inverse <strong>garantis à la plate-form</strong>e, au producteur du service, comme par exemple le droit de gestion pour une amélioration de la relation client ; </li><li> Enfin, les usages intermédiaires qui sont ceux qui dégagent le plus de valeur d'usage à la fois pour l'entreprise et pour l'individu (ex : le graphe social) peuvent quant à eux faire l'objet d'un usage par l'entreprise sous deux régimes possibles :<ul class="spip"><li> <strong>Une ouverture de la donnée individuelle à un tiers sur base d'une autorisation explicite de la part de l'individu coproducteur, en échange d'un service </strong> ex : j'autorise une marque d'électroménager à accéder à mes données pour me proposer une machine à laver qui correspond à mes besoins, dans une approche dite VRM – Vendor relationship management. Cette approche fait l'objet d'une expérimentation à travers le projet <a href="http://mesinfos.fing.org/" class='spip_out' rel='external'>MesInfos</a>, porté par la FING.</li><li> Une ouverture de la donnée agrégée et anonymisée à des tiers sous condition de partage limité dans le temps. Sur une très courte période, quand la donnée est « chaude », la plateforme aurait le droit de monétiser celle-ci agrégée à d'autres, mais à l'expiration de cette période, la donnée ne pourrait plus être mobilisée directement ou indirectement par la plateforme productrice. La donnée devrait alors soit être détruite (pas de possibilité de stockage) soit être transférée vers un espace de type cloud personnel où l'individu pourrait la conserver s'il la juge utile, voire la partager s'il le souhaite.</li></ul></li></ul> <p>Cette approche par une discrimination à la fois temporelle des droits (donnée chaude, droits d'usage à l'entreprise, donnée froide, exclusivité de l'usager) et spatiale (stockage dans la plateforme, stockage dans un espace contrôlé par l'individu) pourrait ouvrir la voir à un bundle of rights positif, c'est-à-dire à la fois protecteur pour l'individu et en même temps ne tuant pas d'entrée de jeu le modèle d'affaires des entreprises du web qui proposent des services (hors marketing) construits autour de la donnée (ex : trouver un vélib).</p> <p>Enfin, de façon encore plus prospective, pour aller plus loin dans la réflexion, nous ne voulons pas placer ce régime d'usage sous le signe de la propriété partagée mais sous celui d'un nouveau « droit du travail contributif ». En 1936 Jean Zay avait défendu <a href="http://www.non-droit.org/2012/10/26/projet-de-loi-de-jean-zay-13-aout-1936/" class='spip_out' rel='external'>dans une loi</a>qui n'a pas pu voir le jour à cause d'une opposition des éditeurs puis de l'explosion de la Seconde guerre mondiale, une conception du droit d'auteur basée non pas sur un régime de propriété intellectuelle mais sur la reconnaissance du travail accompli. Cette approche avait pour objectif de protéger les créateurs tout en défendant le domaine public, source de renouvellement créatif dans lequel puisent les nouvelles générations d'artistes (domaine public que l'on peut considérer comme l'une des composantes d'une sphère des Communs). En considérant l'auteur non plus comme un propriétaire, mais comme un travailleur, cette approche permettait à Jean Zay de dissocier les droits des descendants sur d'une part le droit moral à longue durée, et d'autre part sur les droits patrimoniaux pour lesquels il séparait (forme de bundle of rights) le droit à percevoir des revenus par les ayant-droits, qui devaient durer jusqu'à ce que l'œuvre entre dans le domaine public, de l'existence d'un monopole sur l'usage de l'œuvre, qui pour sa part était limité à dix ans après le décès de l'auteur, permettant ainsi aux œuvres de faire l'objet de nouvelles exploitations rapidement.</p> <p>Dans le cas qui nous occupe, si l'on accepte les hypothèses suivantes :</p> <ul class="spip"><li> que le Web des données est le fruit du labeur conjoint des plates-formes et des utilisateurs, comme c'est affirmé entre autres dans le rapport <a href="http://www.economie.gouv.fr/files/rapport-fiscalite-du-numerique_2013.pdf" class='spip_out' rel='external'>Colin et Collin</a> ;</li><li> que le travail est en train de muter profondément à l'heure du numérique, effaçant la frontière entre amateur et professionnel ;</li><li> que les travailleurs vivant hors du système classique du salariat vont se massifier …alors nous devons inventer ce droit du travail contributif qui pourrait s'appuyer sur un bundle of rights adapté à la nouvelle situation.</li></ul> <h3 class="spip">*****</h3> <p>Refus de la propriétarisation de la donnée, déplacement du capitalisme informationnel vers une économie servicielle, montée en puissance des infrastructures ouvertes de recueil et traitement des données personnelles, développement d'une sphère des données en régime de Communs, construction d'un droit des données personnelles appuyé sur un « faisceau de droits d'usage »... Chacune de ces pistes vise à empêcher la construction d'une société de surveillance. Certaines sont déjà en cours d'exploration. A nous de multiplier les recherches et de faire se rencontrer les acteurs qui œuvrent à une sortie par le haut de la société des données de masse. Pour que données puisse rimer avec libertés.</p></div> Les Communs, candidats aux municipales http://vecam.org/article1286.html http://vecam.org/article1286.html 2014-02-27T19:13:30Z text/html fr Creative Commons Les municipalités constituent un espace privilégié d'expérimentation concrète de l'apport des Communs dans la société. Une politique des Communs à l'échelle des villes, c'est accentuer la participation des habitants et créer une dynamique collective pour agir et décider ensemble. Les 16 propositions qui suivent constituent des briques élémentaires, issues d'expériences qui méritent d'être étendues. Elles peuvent aider à définir, appuyer ou intensifier une politique des Communs à l'échelle des villes. (...) - <a href="http://vecam.org/rubrique82.html" rel="directory">Contributions à débattre</a> / <a href="http://vecam.org/mot17.html" rel="tag">Creative Commons</a> <div class='rss_chapo'><p>Les municipalités constituent un espace privilégié d'expérimentation concrète de l'apport des Communs dans la société. Une politique des Communs à l'échelle des villes, c'est accentuer la participation des habitants et créer une dynamique collective pour agir et décider ensemble. Les 16 propositions qui suivent constituent des briques élémentaires, issues d'expériences qui méritent d'être étendues. Elles peuvent aider à définir, appuyer ou intensifier une politique des Communs à l'échelle des villes.</p></div> <div class='rss_texte'><p><i>Introduction</i></p> <p>Les Communs existent quand l'action collective vient transformer une ressource en un moteur de cohabitation, de démocratie et de co-construction d'un futur partagé.</p> <p>En proposant de ne pas réduire la lecture du monde à une approche binaire entre marché et puissance publique, les Communs ouvrent une nouvelle perspective politique. En s'appuyant sur la capacité des communautés, collectifs citoyens, à porter de l'innovation et de la transformation sociale, les Communs sont susceptibles d'enrichir nos démocraties représentatives et de contribuer aux transitions que nos sociétés doivent inventer.</p> <p>Les Communs sont porteurs d'une vision d'une société solidaire et créative. Ils offrent aussi des outils pour l'action dans les territoires.</p> <p>Les municipalités constituent un espace privilégié d'expérimentation concrète de l'apport des Communs dans la société. Une politique des Communs à l'échelle des villes, c'est accentuer la participation des habitants et créer une dynamique collective pour agir et décider ensemble. Les 16 propositions qui suivent constituent des briques élémentaires, issues d'expériences qui méritent d'être étendues. Elles peuvent aider à définir, appuyer ou intensifier une politique des Communs à l'échelle des villes.</p> <p>Ni programme, ni revendications, les propositions suivantes ont pour raison d'être de montrer le dynamisme de communautés existantes, et de souligner combien une politique publique pourrait créer un terreau favorable à son extension. Elles sont structurées en trois ensembles, selon le rôle que peut jouer la municipalité dans cette mise en action des Communs. Chaque proposition est illustrée d'exemples, tirés d'une liste bien plus longue d'initiatives municipales.</p> <p>Nous invitons les candidats aux Municipales à s'emparer de ces propositions dans leurs programmes électoraux et les futurs élus à convertir ces propositions en actions. Nous invitons les citoyens à utiliser ces propositions pour faire leur choix électoral, et dans tous les cas pour s'emparer ici et maintenant de ces idées de pratiques collaboratives.</p> <p>************************************************</p> <p><i>Sommaire :</i></p> <p><strong>A/ La municipalité productrice de Communs</strong></p> <p>1. Des archives et des fonds de bibliothèques et de musées du domaine public numérisés librement réutilisables</p> <p>2. Des contenus produits par la municipalité réutilisables librement pour nourrir les Communs volontaires</p> <p>3. Une politique active d'ouverture de données sous licence partage à l'identique</p> <p>4. Favoriser la circulation des informations par la mise à disposition d'accès internet ouverts dans les espaces et bâtiments publics</p> <p><strong>B/ La municipalité coproductrice de communs avec les citoyens</strong> 5. Un espace public co-designé avec les habitants, pilier d'une gouvernance contributive</p> <p>6. Une information sur la ville coproduite avec les habitants</p> <p>7. Renforcer l'investissement citoyen face au changement climatique</p> <p>8. Des jardins partagés au "guerilla gardening" : remettre la nature en Commun dans la ville 9. Des réseaux d'accès à internet collaboratifs et ouverts</p> <p>10. Soutenir l'émergence citoyenne de monnaies complémentaires</p> <p><strong>C/ La municipalité, soutien et facilitatrice des Communs </strong></p> <p>11. Faire le choix des logiciels libres 12. Utiliser et alimenter des fonds cartographiques ouverts</p> <p>13. Mailler le territoire de tiers-lieux susceptibles d'accueillir et faire fructifier l'innovation sociale et le débat citoyen</p> <p>14. Développer l'habitat participatif et groupé 15. Permaculture et circuits courts : nourrir les villes autrement</p> <p>16. Soutenir les dispositifs participatifs dans la gestion des ressources naturelles</p> <p>************************************************</p> <h3 class="spip">A/ La municipalité productrice de Communs</h3> <p>La municipalité peut activement contribuer à nourrir une sphère des Communs, ensemble de ressources qui ne sont ni la propriété de la puissance publique à proprement parler, ni soumise à un régime de propriété privée propre à la sphère du marché, mais régies par un bouquet de droits distribués entre les différents acteurs de la société.</p> <p>De plus, les municipalités ont en gestion le domaine public. En faire partager l'usage, la maintenance et la promotion par des citoyens actifs permet de faire vivre ce domaine public, de le transformer en Commun, garantissant ainsi qu'il sera bien au service de tous.</p> <p><strong>1. Des archives et des fonds de bibliothèques et de musées du domaine public numérisés librement réutilisables </strong></p> <p><i>Contexte </i> :</p> <p>Certaines bibliothèques et musées disposent de fonds patrimoniaux dans le domaine public qui sont de plus en plus souvent numérisés. Il en va de même pour les œuvres conservés par les services d'archives. Cette numérisation donne tout son sens aux politiques culturelles puisqu'elle allie une logique de conservation à un impératif de diffusion en permettant à tout un chacun d'accéder à distance à des contenus depuis n'importe quel point du globe. Tous ces contenus numériques sont autant de biens communs lorsqu'ils sont appropriés par des communautés locales et/ou en ligne. Le travail de médiation sur place et à distance peut alors s'appuyer sur ces communautés pour rendre le patrimoine vraiment commun.</p> <p><i>Proposition :</i></p> <p>La véritable valorisation du patrimoine, des archives locales et du domaine public numérisé passe par la capacité des citoyens à s'en emparer, faire circuler la culture et partager les savoirs. Mettre de tels documents numérisés librement en ligne et en faire l'objet de politiques de médiation active sont nécessaires à cette valorisation. Le domaine public ne peut faire l'objet de droit nouveaux ; ce qui est dans le domaine public doit y rester dans sa version numérisée. Les municipalités peuvent s'en porter garant en utilisant dans les institutions culturelles qui dépendent de sa gestion des instruments qui ne rajoutent pas de nouvelles couches de droits sur le domaine public numérisé. Cela signifie que toutes les formes de réutilisation doivent être autorisées, y compris dans un cadre commercial pour enrichir un fonds commun. Il s'agit de favoriser une appropriation la plus large possible des biens communs issu du domaine public.</p> <p><i>Exemple :</i></p> <p>Le site "Les Tablettes rennaises", bibliothèque numérique diffusant le patrimoine numérisé de la Ville de Rennes est ouvert. Les utilisateurs sont désormais autorisés à partager et réutiliser librement les documents numérisés, par le biais de la Marque du Domaine Public, indiquant que les œuvres ne sont plus protégées par le droit d'auteur. <a href="http://www.tablettes-rennaises.fr/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.tablettes-rennaises.fr</a></p> <p><strong>2. Des contenus produits par la municipalité réutilisables librement pour nourrir les Communs volontaires</strong></p> <p><i>Contexte :</i></p> <p>Une municipalité produit une multitude de contenus (photographies, films, textes…) pour ses activités régulières (journal municipal, site web de la ville, événements…). Restreindre la circulation de ces contenus par un régime de droits réservés, est à la fois incohérent au vu de leur mode de financement sur fonds publics, et inefficace en termes économiques et culturels : ils privent la société de ressources sur lesquelles bâtir de nouvelles productions, et les citoyens de moyens de vivre leur ville en faisant circuler et en adaptant les contenus municipaux.</p> <p><i>Proposition :</i></p> <p>Une fois leur fonction première remplie et sans attendre que les droits d'auteur associés s'épuisent, les œuvres produites par ou pour la municipalité peuvent être libérées avec une licence de type Creative Commons, enrichissant ainsi les Communs volontaires.</p> <p><i>Exemple :</i></p> <p>La ville de Brest publie ses contenus écrits en Creative Commons <a href="http://tinyurl.com/nf44etj" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://tinyurl.com/nf44etj</a></p> <p><strong>3. Une politique active d'ouverture de données sous licence partage à l'identique </strong></p> <p><i>Contexte :</i></p> <p>De nombreuses municipalités françaises ont lancé une politique d'ouverture de données, mettant à disposition de réutilisateurs – entreprises, citoyens, associations, administrations… - des informations à forte valeur sociale et économique.</p> <p>Ces données ouvertes contribuent à nourrir un espace de données en Communs.</p> <p><i>Proposition : </i></p> <p>Nous invitons les villes qui n'ont pas encore mis en place une politique d'ouverture des données à franchir le pas et à choisir une mise à disposition accompagnée d'une licence incluant une obligation de partage à l'identique. Une telle licence permet à chacun d'utiliser et de modifier ces données, à condition d'en citer la source, et de garantir que les données modifiées resteront elles aussi ouvertes. Cette obligation permet d'éviter que les données soient enfermées dans des services propriétaires et assure que cet ensemble de données « en Commun » continue de s'enrichir. À l'heure ou la question de la donnée devient un enjeu central à la fois en termes économiques et de libertés, il est essentiel qu'une sphère de la donnée partagée et réutilisable soit protégée et enrichie. Quand les données sont produites par un prestataire sur une commande publique, il est nécessaire de mentionner la licence dès la rédaction des appels d'offre</p> <p><i>Exemple : </i></p> <p>La Ville de Rennes a été la première en France à lancer une politique d'ouverture des données. Aujourd'hui de nombreux jeux de données sont à disposition des tiers (transport, espaces verts, équipements…). La municipalité a fait le choix de la licence OdBL qui impose une réutilisation à l'identique. <a href="http://tinyurl.com/n8e99jq" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://tinyurl.com/n8e99jq</a></p> <p>Le département de Saône-et-Loire a ouvert ses données et a été plus loin en intégrant des outils de visualisation qui permettent aux citoyens d'en comprendre le sens et d'en produire leur propre interprétation. <a href="http://www.opendata71.fr/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.opendata71.fr/</a></p> <p><strong>4. Favoriser la circulation des informations par la mise à disposition d'accès internet ouverts dans les espaces et bâtiments publics</strong></p> <p><i>Contexte :</i></p> <p>L'accès à internet a été reconnu par le conseil constitutionnel comme un droit fondamental. Ouvrir un tel accès à tous, gratuitement, dans les lieux publics est une garantie d'équité sociale. Il favorise également l'entraide et la collaboration entre usagers pour pallier les difficultés et le manque d'expérience. Hors de leur domicile, les habitants ont de plus en plus besoin de se connecter pour accéder aux applications en ligne, échanger et produire des informations et accéder à une multitude de services publics ou privés.</p> <p><i>Proposition :</i></p> <p>Faciliter l'accès de tous à l'internet via des accès ouverts. Les accès filaires peuvent être mis à disposition par les municipalités dans les espaces et bâtiments publics. Quand l'accès wifi est choisi, l'utilisation d'émetteurs de faible puissance est à privilégier pour limiter les effets sur la santé.</p> <p><i>Exemple :</i></p> <p>La ville de Bordeaux a équipé ses rues et bâtiments publics d'un réseau wifi ouvert et gratuit. <a href="http://tinyurl.com/qfsusve" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://tinyurl.com/qfsusve</a></p> <h3 class="spip">B/ La municipalité coproductrice de communs avec les citoyens</h3> <p>Les habitants ne sont pas uniquement des « consommateurs » de services publics ou privés, mais peuvent être coproducteurs à la fois de la conception du développement de leur ville, mais aussi de ses facilités essentielles. En voici trois exemples.</p> <p><strong>5. Un espace public co-designé avec les habitants, pilier d'une gouvernance contributive </strong></p> <p><i>Contexte :</i></p> <p>Alors que le principe de la participation des habitants a fait son entrée dans la politique française dès 1988, et vient d'être réaffirmé et renforcé dans la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine adoptée en novembre dernier, on observe une difficulté récurrente à rendre ce principe effectif, au-delà d'une simple consultation. L'espace public, espace en commun par essence, et plus globalement les projets de développement urbain, peuvent faire l'objet d'une co-conception, en s'appuyant sur des outils numériques, en ligne et hors ligne.</p> <p><i>Propositions :</i></p> <p>Systématiser les dispositifs de co-construction des projets de développement urbain, de manière à ce que l'espace public soit véritablement coproduit par la municipalité et ses habitants.</p> <p>Considérer les habitants comme des forces de proposition, soit par leur activité dans les périodes de consultation, soit par l'analyse de leurs pratiques quotidiennes pour s'approprier l'espace public.</p> <p>Développer les budgets participatifs.</p> <p><i>Exemples :</i></p> <p>IMakeRotterdam : la municipalité de Rotterdam a invité les habitants à des projets pour la revitalisation de la ville qui ont, après présélection, été soumis au vote des citoyens. <a href="http://www.luchtsingel.org/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.luchtsingel.org/</a></p> <p>La ville d'Unieux (42) et son système d'écoute citoyenne pour optimiser les doléances des habitants, en lien avec les services municipaux : <a href="http://tinyurl.com/ojcpq5t" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://tinyurl.com/ojcpq5t</a></p> <p>Le réaménagement de la Place de la République à Paris s'est appuyé sur une concertation durant les trois années du projet avec les usagers de la Place et les habitants des 4 arrondissements limitrophes <a href="http://tinyurl.com/qgv2drp" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://tinyurl.com/qgv2drp</a></p> <p><strong>6. Une information sur la ville coproduite avec les habitants </strong></p> <p><i>Contexte :</i></p> <p>De longue date, les municipalités tendent à produire de façon centralisée (ex : bulletin municipal) pendant que les citoyens construisent des médias alternatifs (radios et télés locales...) pour refléter leurs préoccupations, l'image qu'ils ont d'eux-mêmes et de leur ville, et créer du lien social. Une troisième voie envisage la fourniture d'information sur la ville comme une coproduction municipalités/habitants, en dépassant les logiques de silos.</p> <p>Il peut s'agir d'informations cartographique, de mise en valeur d'un territoire, de rendre accessibles les informations sur la qualité de l'air ou la détection de problèmes. Cette information coproduite est un Commun.</p> <p><i>Proposition :</i></p> <p>Généraliser les espaces et les outils numériques permettant de coproduire de l'information sur la ville par les habitants et la municipalité.</p> <p><i>Exemples :</i></p> <p>Wiki - Brest, site collaboratif du patrimoine et du vivre ensemble à Brest et au Pays de Brest <a href="http://tinyurl.com/l733k5d" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://tinyurl.com/l733k5d</a></p> <p>FixMystreet, expérience anglaise, permet de faire remonter les problèmes urbains et territoriaux aux institutions municipales <a href="http://www.fixmystreet.com/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.fixmystreet.com/</a> , une idée reprise au Sénégal par Nanuyeggle <a href="http://nanuyeggle.innovafrica.org/fr/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://nanuyeggle.innovafrica.org/fr/</a></p> <p>Le medialab de la ville de Madrid héberge le projet "The Data Citizen Driven City" qui permet aux habitants de produire de l'information sur la qualité de l'air de leur ville <a href="http://thedatacitizendrivencity.com/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://thedatacitizendrivencity.com/</a></p> <p>La région Nord Pas de Calais a réalisé des fiches, donnant des exemples d'outils numériques à même de favoriser une participation démocratique citoyenne <a href="http://tinyurl.com/nmfgaka" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://tinyurl.com/nmfgaka</a></p> <p><strong>7. Renforcer l'investissement citoyen face au changement climatique</strong></p> <p><i>Contexte :</i></p> <p>Le changement climatique global va profondément modifier notre environnement et nos modes de vie. Déjà des épisodes extrêmes et désordonnés ont des effets repérables (inondations, sècheresses, tempêtes...). L'impact économique du changement climatique est sensible au lendemain de chaque épisode majeur.</p> <p>Les municipalités peuvent intervenir pour favoriser l'action des citoyens afin d'atténuer les changements climatiques (nouvelles formes de production et de consommation d'énergie) et nous permettre de nous adapter au nouveau régime climatique (évacuation des eaux en cas de fortes précipitation, éviter les pics d'ozone, rendre la ville supportable lors de canicules,...).</p> <p>De plus, Les habitants en direct ou via des outils de finance citoyenne, les collectivités, des opérateurs privés, des banques issues de l'ESS (économie sociale et citoyenne) s'associent pour se réapproprier la production d'énergie renouvelables sur leur territoire</p> <p><i>Propositions :</i></p> <p>Associer habitants, collectivités, entreprises de l'Economie Sociale et Solidaire dans des projets de production énergétique renouvelable et locale, dans une démarche de décentralisation de la production et des décisions. Utiliser des formes de financement innovantes et participatives pour engager les profonds changements nécessaires.</p> <p>Développer l'éducation populaire pour favoriser la prise de conscience des enjeux du climat et le transformer en un Commun afin que tous aient à cœur d'en protéger le caractère tempéré.</p> <p>Favoriser les circuits courts dans toutes les activités dépendant de la municipalité, mettre en œuvre le partage des moyens de transport et les transports publics.</p> <p><i>Exemples :</i></p> <p>Création du parc éolien des Landes du Mené, centre Bretagne. La municipalité avec les habitants utilise un financement participatif avec la mise en place de Cigales <a href="http://tinyurl.com/nzsltlw" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://tinyurl.com/nzsltlw</a></p> <p>Energie Partagée est un mouvement qui accompagne, finance et fédère les projets citoyens de production d'énergies renouvelables et de maîtrise de l'énergie. <a href="http://tinyurl.com/orlwsx8" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://tinyurl.com/orlwsx8</a></p> <p>Les « Villes en Transition » adoptent une démarche pour passer « de la dépendance au pétrole à la résilience locale » <a href="http://villesentransition.net/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://villesentransition.net/</a></p> <p>Au Pays Basque, l'association Bizi a présenté un "Pacte de transition énergétique" avec des propositions concrètes. Il a été validé par plus de 30 listes pour les municipales de 2014 <a href="http://tinyurl.com/nanvfgm" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://tinyurl.com/nanvfgm</a></p> <p><strong>8. Des jardins partagés au "guerilla gardening" : remettre la nature en Commun dans la ville </strong></p> <p><i>Contexte</i></p> <p>Les habitants se mobilisent de plus en plus pour ouvrir dans leurs quartiers, leurs villages, des espaces naturels - jardins partagés, potagers dans des bacs en ville, murs et toits végétalisés... Certaines démarches sont portées par des associations, d'autres impulsées par les municipalités, d'autres encore poussées par les habitants comme une forme de résistance civique. Tous contribuent à leur manière à réintroduire la nature comme Commun dans l'espace urbain.</p> <p><i>Propositions :</i></p> <p>Officialiser l'autorisation pour les habitants d'investir les espaces abandonnés, ou négligés de la ville pour les transformer en jardins, aussi petits soient ces espaces.</p> <p>Développer l'éducation populaire autour des jardins partagés (méthodes culturales, alimentation liée aux saisons...).</p> <p><i>Exemples :</i></p> <p>"Mon jardin j'y tiens", porté par 3 associations et la ville de Clichy Sous-Bois, a permis de réinvestir un espace à l'abandon pour en faire un square animé par et pour les habitants <a href="http://tinyurl.com/lq2ettj" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://tinyurl.com/lq2ettj</a></p> <p>Politique de jardins partagés de la ville de Paris <a href="http://tinyurl.com/p9wtvgu" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://tinyurl.com/p9wtvgu</a></p> <p>Exemple d'action de guerilla gardening France <a href="http://tinyurl.com/ogw6fpm" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://tinyurl.com/ogw6fpm</a></p> <p>Incroyables comestibles en France <a href="http://tinyurl.com/b8fgz4b" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://tinyurl.com/b8fgz4b</a></p> <p><strong>9. Des réseaux d'accès à internet collaboratifs et ouverts </strong></p> <p><i>Contexte :</i></p> <p>Si dans les grandes villes, le marché a su offrir une couverture territoriale assez complète en réseau haut débit, de nombreuses villes secondaires et zones rurales restent peu ou mal desservies, créant des inégalités de développement entre les territoires, problématique qui risque de se renouveler avec l'arrivée du très haut débit. Dans certaines villes, les habitants s'auto organisent pour partager de la ressource réseau et proposent ainsi une offre alternative, complémentaire, gérée sur un mode collectif de l'accès à internet.</p> <p><i>Proposition :</i></p> <p>Reconnaitre ces réseaux d'accès citoyens comme des opérateurs à part entière, leur garantir un raccordement aux backbones nationaux, et participer à leur cofinancement.</p> <p>Au-delà des réseaux, les municipalités peuvent prendre part à l'offre de services : fermes de services permettant aux habitants et associations de disposer d'adresse courriel, de listes de diffusion, de blogs, d'hébergement multimédia (cf. Maison du libre) et de lieux d'accès publics de proximité.</p> <p><i>Exemple :</i></p> <p>Guifi.net est un réseau de télécommunications communautaire, libre, ouvert et neutre, principalement sans-fil, lancé en Catalogne. Les nœuds du réseau sont créés par des individus, des entreprises et des administrations sur la base du volontariat. Le réseau est auto-organisé et s'appuie sur des liaisons sans fil et des liaisons optiques ouvertes. Guifi.net a le statut d'opérateur reconnu par l'autorité de régulation espagnole et est soutenu par certaines municipalités. <a href="http://guifi.net/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://guifi.net/</a></p> <p>La fédération FDN qui regroupe des Fournisseurs d'Accès à Internet associatifs <a href="http://www.ffdn.org/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.ffdn.org/</a> - par exemple <a href="http://tetaneutral.net/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://tetaneutral.net/</a> à Toulouse</p> <p>Montataire qui a fibré sa commune, proposé aux habitants un réseau moins cher que le FAI privés <a href="http://tinyurl.com/okccoc4" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://tinyurl.com/okccoc4</a></p> <p><strong>10. Soutenir l'émergence citoyenne de monnaies complémentaires</strong></p> <p><i>Contexte : </i></p> <p>« Pour relever les défis sociaux et environnementaux de notre époque, le système monétaire devrait être fondé sur le principe de la complémentarité des monnaies. Une telle organisation serait plus résiliente aux tempêtes spéculatives que la « monoculture monétaire » actuelle, et plus à même de soutenir le développement endogène des territoires. » (Wojtek Kalinowski - Institut Veblen)</p> <p>La monnaie locale complémentaire est à la fois un bien commun et un outil de transformation sociale à l'échelle locale. De nombreuses collectivités territoriales et collectifs associatifs locaux désireux de renforcer le lien social et la participation citoyenne dans l'économie territoriale s'en saisissent.</p> <p><i>Propositions :</i></p> <p>Initier un processus consultatif sur l'économie locale et le rôle qu'une monnaie complémentaire pourrait jouer pour la renforcer. Impliquer toutes les parties prenantes : associations, entreprises locales, experts... Animer le débat local sur la monnaie comme un bien commun.</p> <p>Au terme des consultations avec les parties prenantes, et si les résultats sont positifs, inscrire dans le budget local une expérimentation de création d'une monnaie locale. Prévoir et voter un budget de cautionnement par la municipalité.</p> <p><i>Exemples :</i></p> <p>Le WIR en Suisse utilisé par 50 000 PME et autorisé par l'Etat avec le statut d'institution bancaire. Son effet contra-cyclique a été démontré : confrontées au resserrement du crédit et à la crise de liquidité, les PME suisses augmentent leurs transactions en WIR ; lorsque la conjoncture s'améliore, elles reviennent au franc suisse. <a href="http://www.wir.ch/fr/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.wir.ch/fr/</a></p> <p>Les monnaies locales créées par les collectivités : le SOL Violette à Toulouse, bientôt le "SoNantes" à Nantes, le Torekes à Gand (Belgique)... <a href="http://solviolette-www.b4.catalyz.fr/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://solviolette-www.b4.catalyz.fr/</a> ; <a href="http://www.sonantes.fr/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.sonantes.fr/</a> ; <a href="http://www.torekes.be/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.torekes.be/</a></p> <p>Les Accorderies au Québec et maintenant en France : exemple de monnaie temps et de banque temps. Chaque Accordeur dispose d'un « compte-temps » qui comptabilise au débit les dépenses, c'est-à-dire les services reçus, et au crédit les recettes par les services rendus. <a href="http://accorderie.ca/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://accorderie.ca/</a></p> <p>Les SEL – systèmes d'échanges locaux <a href="http://selidaire.org/spip/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://selidaire.org/spip/</a></p> <h3 class="spip">C/ La municipalité, soutien et facilitatrice des Communs</h3> <p>Les actions portées par les Communs et celles portées par les acteurs publics ne sont pas antinomiques, bien au contraire. Les uns et les autres participent d'une co construction de l'intérêt général et peuvent s'épauler mutuellement. La puissance publique a souvent intérêt à soutenir les acteurs des Communs qui s'auto organisent plutôt qu'à porter les actions en direct ou à les déléguer à des acteurs du marchés qui répondent à d'autres logiques.</p> <p><strong>11. Faire le choix des logiciels libres </strong></p> <p><i>Contexte :</i></p> <p>De plus en plus de municipalités ont fait le choix de s'équiper de logiciels métiers en logiciel libre. Ce choix leur permet de s'affranchir de fournisseurs pour lesquels ils doivent payer des licences annuelles, dont les solutions propriétaires interdisent ou limitent fortement les migrations en cas de meilleure offre ou de faillite du fournisseur. De plus cela permet aux municipalités de mutualiser les coûts d'investissement pour le développement de nouveaux logiciels. Au-delà des logiciels métiers, les suites bureautiques libres (Open Office, Libre Office...) répondent généralement aux besoins d'une administration.</p> <p>En faisant le choix du libre, les municipalités participent également au développement de Communs immatériels.</p> <p><i>Proposition :</i></p> <p>Systématiser la migration des logiciels des villes vers le logiciel libre lorsque des offres de qualité équivalente ou supérieure aux offres propriétaires existent et les commandes publiques groupées entre plusieurs villes de nouveaux logiciel afin de réaliser des économies d'échelles.</p> <p>Inclure autant que possible une clause en ce sens dans les appels d'offres, de manière à ce qu'un logiciel financé par une collectivité crée du bien commun.</p> <p>Un accompagnement des fonctionnaires par de la formation aux outils libres doit être prévu.</p> <p><i>Exemple :</i></p> <p>Association travaillant à la mutualisation de solutions libres pour les collectivités territoriales françaises <a href="https://www.adullact.org/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>https://www.adullact.org/</a></p> <p>L'April relance sa campagne Candidats.fr pour les élections municipales 2014 avec le Pacte du Logiciel Libre, qui référence plusieurs initiatives <a href="http://candidats.fr/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://candidats.fr/</a></p> <p><strong>12. Utiliser et alimenter des fonds cartographiques ouverts </strong></p> <p><i>Contexte :</i></p> <p>Les fonds cartographiques sont couramment utilisés sur le Web. Aujourd'hui le marché est dominé par un acteur privé en situation quasi monopolistique qui a construit son modèle économique sur le recueil de données et leur monétisation, et qui ne permet pas aux internautes d'améliorer l'outil.</p> <p>Une alternative libre existe, qui permet au contraire la coproduction d'informations par les utilisateurs, OpenStreetMap.</p> <p><i>Proposition :</i></p> <p>Une politique municipale en matière cartographique peut s'appuyer sur 3 piliers :</p> <p><img src="http://vecam.org/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-1d287.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> diffuser les cartes produites par la ville sous licences libres et en formats ouverts</p> <p><img src="http://vecam.org/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-1d287.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> rendre accessibles et utilisables les données cartographiques telles que toponymie, inventaire patrimonial, emplacements des établissements recevant du public, dispositifs liés à la sécurité comme les défibrillateurs ou bornes à incendie</p> <p><img src="http://vecam.org/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-1d287.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> Soutenir l'essor d'OpenStreetMap en incitant les acteurs de la ville (employés municipaux, habitants, gendarmerie...) à contribuer à améliorer la carte, en encourageant les cartoparties qui forment les habitants à la contribution à OpenStreetMap, et en utilisant systématiquement la solution libre dans les sites Web des villes.</p> <p><i>Exemples :</i></p> <p>Cartopartie de la ville de Montpellier <a href="http://tinyurl.com/o6rkvlb" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://tinyurl.com/o6rkvlb</a></p> <p>Utilisation d'OpenStreetMap par la ville de Metz <a href="http://tinyurl.com/l4wpk5y" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://tinyurl.com/l4wpk5y</a></p> <p>Carte de Plouarzel enrichie par les pompiers <a href="http://tinyurl.com/lry7zeo" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://tinyurl.com/lry7zeo</a></p> <p>Dessine ta ville à Digne-les-Bains : <a href="http://tinyurl.com/6o3eehe" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://tinyurl.com/6o3eehe</a></p> <p>Projet Sanikart - FunLab Tours : enrichissement des données OpenStreetMap avec les citoyens, modélisation en 3d sous blender, importation sur tuxcart (mario kart libre sous linux), puis jeu projeté sur la façade d'un immeuble du quartier, et joué par les habitants <a href="http://funlab.fr/funwiki/doku.php?id=projets:sanikart" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://funlab.fr/funwiki/doku.php?i...</a></p> <p><strong>13. Mailler le territoire de tiers-lieux susceptibles d'accueillir et faire fructifier l'innovation sociale et le débat citoyen </strong></p> <p><i>Contexte :</i></p> <p>Les initiatives citoyennes porteuses d'innovation sociale, capables de répondre à des besoins auxquels ni le marché ni la puissance publique ne sont en mesure de fournir des solutions satisfaisantes, fleurissent dans les territoires. Porteuses de sens, elles participent de la création de lien social, de débat public et de valeur qui, pour être le plus souvent non monétisable, n'en est pas moins essentielle. Ce faisant, elles participent à la construction de Communs.</p> <p>Ces initiatives auto organisées, formelles (associations, coopératives...) ou informelles ont besoin de s'appuyer sur des lieux partagés dans lesquels faire grandir leurs initiatives.</p> <p>Ces tiers-lieux sont aussi le lieu de nouveaux apprentissages pour permettre aux habitants d'être plus actifs et impliqués dans la vie de leur ville.</p> <p><i>Propositions :</i></p> <p>Multiplier l'ouverture de lieux métissés (fablabs, livinglabs, EPN…) ou utiliser des lieux existants et prisés d'un large public (bibliothèques, piscines, musées, maisons pour tous…) pour expérimenter et se former. Dans de tels lieux vont se croiser acteurs associatifs, makers, créateurs d'entreprise, coworkers...</p> <p>Les pratiques élaborées dans ces lieux peuvent se diffuser auprès des populations par des démarches « hors les murs » (ex : bibliothèques de rues, de squares…)</p> <p>Soutenir la multiplication des ateliers participatifs, formations, susceptibles de participer à une montée en compétence des habitants en dehors des espaces formels d'apprentissage, dans une logique de renouvellement de l'éducation populaire à l'heure numérique, s'appuyant le cas échéant sur des dispositifs d'enseignement collaboratif à distance.</p> <p>Favoriser la mise en réseau des innovations sociales d'un territoire, en encourageant leur réutilisation (recettes libres) et le remix (biblioremix, museormix, copy party…)</p> <p>Participer à la diffusion d'une culture des communs et des droits d'usages élargis dans le cadre de la politique d'éducation populaire de la formation du personnel municipal et de l'accompagnement des associations.</p> <p><i>Exemple :</i></p> <p>Au Comptoir Numérique, tiers-lieu autogéré soutenu par la ville de Saint Etienne <a href="http://tinyurl.com/nty7stn" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://tinyurl.com/nty7stn</a></p> <p>Manifeste des tiers lieux <a href="http://tinyurl.com/ltor25w" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://tinyurl.com/ltor25w</a></p> <p>Brest Creative <a href="http://wiki.a-brest.net/index.php/Brest_Cr%C3%A9ative" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://wiki.a-brest.net/index.php/B...</a></p> <p>Animacoop <a href="http://animacoop.net/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://animacoop.net/</a></p> <p>Bibliothèque hors les murs à Paris <a href="http://tinyurl.com/oq4me4e" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://tinyurl.com/oq4me4e</a></p> <p><strong>14. Développer l'habitat participatif et groupé</strong></p> <p><i>Contexte : </i></p> <p>Aujourd'hui, les municipalités et les aménageurs cèdent le foncier à des promoteurs pour produire des copropriétés et des lotissements de maisons individuelles et à des bailleurs sociaux pour créer des logements sociaux. Ces 2 types d'habitat peinent à créer du lien social et produisent un urbanisme qui tend à s'uniformiser et des villes qui s'étendent sur des terres agricoles en accentuant la consommation énergétique.</p> <p><i>Proposition :</i></p> <p>Réserver une partie du foncier constructible à l'habitat participatif, tiers secteur de production du logement. Intermédiaire en termes de prix, générateur de liens sociaux, l'habitat participatif permet également une forte amélioration de la qualité architecturale grâce à la conception réfléchie entre les habitants et les professionnels, qui s'appuie sur l'intelligence collective.</p> <p><i>Exemples :</i></p> <p>En Europe du nord : Oslo (40% d'habitat participatif), de nombreuses villes allemandes dont Fribourg et Tübingen (100% de la construction neuve en habitat participatif). <a href="http://tinyurl.com/q3muz36" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://tinyurl.com/q3muz36</a> ; <a href="http://tinyurl.com/pjaw3yz" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://tinyurl.com/pjaw3yz</a></p> <p>En France : Strasbourg, Montpellier, Bordeaux, Montreuil Sous-bois, Lille... <a href="http://www.scoop.it/t/habitat-groupe" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.scoop.it/t/habitat-groupe</a> ; <a href="http://tinyurl.com/onerxnt" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://tinyurl.com/onerxnt</a> ; <a href="http://www.ecoquartier-strasbourg.net/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.ecoquartier-strasbourg.net/</a></p> <p><strong> 15. Permaculture et circuits courts : nourrir les villes autrement </strong></p> <p><i>Contexte :</i></p> <p>L'extension des villes et du réseau routier grignote régulièrement les espaces cultivables, tout en accentuant le réchauffement climatique. L'alimentation est de plus en plus déconnectée des usages de la nature, des saisons et des particularités locales. Des méthodes culturales nouvelles permettent de favoriser la permaculture sur de petits espaces, tout en diminuant les intrants chimiques. Les circuits courts, qui construisent du lien direct entre les habitants et les producteurs sont plébiscités à chaque fois qu'ils sont mis en œuvre (AMAP, marchés paysans...).</p> <p><i>Propositions :</i></p> <p>Favoriser les circuits courts dans toutes les structures alimentaires dépendant des municipalités (cantines, restaurants administratifs...). Associer les usagers, notamment les parents d'élèves et les enfants, pour défendre un régime alimentaire qui ne soit pas dépendant des plats préparés et de la consommation de sodas sucrés dans les services municipaux.</p> <p>Développer l'éducation populaire sur les questions de goût, d'équilibre alimentaire et de saisonnalité des produits.</p> <p><i>Exemples :</i></p> <p>Veytaux veut encourager ses habitants à jardiner <a href="http://tinyurl.com/pob7m9a" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://tinyurl.com/pob7m9a</a></p> <p><strong>16. Soutenir les dispositifs participatifs dans la gestion des ressources naturelles</strong></p> <p><i>Contexte :</i></p> <p>Actuellement la gestion des ressources naturelles se fait sans concertation avec les habitants. Pourtant, en particulier dans les communes rurales, ceux-ci possèdent une connaissance approfondie de leur territoire, de l'eau, des parcs naturels, des zones côtières, des forets, des pâturages et des terres agricoles. Cette absence d'investissement citoyen conduit à une perte de conscience de leurs responsabilités écologiques.</p> <p>Par ailleurs, toutes les études environnementales sur la qualité de l'eau montrent la nécessité d'agir pour préserver la ressource en eau. La Directive cadre 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 s'inscrit dans une logique de résultats : stopper toute dégradation et atteindre le bon état des eaux et des milieux aquatiques d'ici 2015. Cette échéance pousse tous les acteurs de l'eau à réfléchir à des solutions alternatives afin de respecter cette norme</p> <p><i>Propositions :</i></p> <p>Instituer des instances constituées d'habitants d'un territoire qui délimitent l'accès à la ressource à la fois en termes d'espace (territoire) et de temps (saisons, périodes), définissent des règles et des sanctions et instaurent des mécanismes de résolution de conflits. Ces instances sont soutenues par des institutions publiques ou semi publiques et engagent des actions de remunicipalisation de l'eau avec investissement des citoyens.</p> <p>Instaurer des communautés qui mutualisent leurs ressources financières pour reprendre la gestion des terres agricoles qui ne sont plus exploitées, avec l'aide des municipalités.</p> <p>Action préventive par des mesures incitatives de mise en place d'une agriculture biologique sur les zones de captage d'eau.</p> <p>Fonder auprès de chaque conseil municipal un observatoire de l'eau, composé de représentants des conseils de quartier, des Conseils syndicaux de copropriété pour favoriser les conditions de passage à la régie, soit sous forme de structure de l'économie sociale et solidaire (ESS) soit municipale.</p> <p>Cette régie, outre l'économie qu'elle permettrait de réaliser pour les consommateurs aurait un rôle d'éducation à la consommation et à l'écologie. Elle serait un interlocuteur pour renforcer la responsabilisation des propriétaires et des occupants.</p> <p>Développer l'éducation populaire sur les économies en eau (Atelier Coopératif d'Education Populaire à une Autre Consommation et Production), et les bonnes pratiques en matière d'utilisation de l'eau.</p> <p><i>Exemples :</i></p> <p>La Ville de Lons-le-Saunier a aidé les agriculteurs locaux pour développer une agriculture raisonnée, au profit de démarches bio. Ceci a contribué à rétablir la qualité de l'eau et développé des filières bios dont le débouché est assuré par la cuisine centrale de Lons. <a href="http://tinyurl.com/pldyqpt" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://tinyurl.com/pldyqpt</a></p> <p>Afin d'obtenir une eau de qualité et réduire les processus coûteux de traitement, la ville de Munich a décidé d'agir en amont. Depuis 1991, elle encourage l'agriculture biologique sur les 2 250 hectares de terres agricoles situées à proximité des captages d'eau potable <a href="http://tinyurl.com/q34bqkz" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://tinyurl.com/q34bqkz</a></p> <p>Le Programme Re-Sources* : Initiatives pour préserver la qualité de l'eau en Poitou-Charentes tant superficielle que souterraine <a href="http://tinyurl.com/nwq2mv4" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://tinyurl.com/nwq2mv4</a></p> <p>L'IPHB dans le Haut Béarn : <a href="http://iphb.free.fr/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://iphb.free.fr/</a></p> <p>Certaines collectivités on céder des terres agricoles / fermes / bâtis pour permettre l'installation de producteurs locaux. Il s'agit d'un travail entre région, municipalité et fondation qui vise à protéger des terres cultivables pour une durée "infinie". <a href="http://www.terredeliens.org/une-fondation-pour-terre-de-liens" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://www.terredeliens.org/une-fon...</a></p> <dl class='spip_document_1030 spip_documents spip_documents_center' style=''> <dt><a href="http://vecam.org/IMG/pdf/rfbc_16_propositions_municipales_v4.pdf" title='PDF - 401.1 ko' type="application/pdf"><img src='http://vecam.org/local/cache-vignettes/L52xH52/pdf-eb697.png' width='52' height='52' alt='PDF - 401.1 ko' style='height:52px;width:52px;' /></a></dt> </dl></div> <div class='rss_ps'><p>27 Février 2014</p> <p>contact.vebc@bienscommuns.org</p></div> La boussole de Johannesburg et les Communs http://vecam.org/article1275.html http://vecam.org/article1275.html 2013-11-28T14:37:15Z text/html fr Frédéric Sultan vecam-F Article original publié sur Remix The Commons Les 11 et 12 novembre derniers, le projet DEEEP, un programme co-financé par l'Union européenne, a rassemblé à Johannesburg (Afrique du Sud) 200 militants venus du monde entier, pour repenser le cadre d'action de ONG de développement et engager la construction d'un "mouvement citoyen mondial". Cette rencontre est le point de départ d'un processus qui durera deux ans de mobilisation citoyenne pour le changement et la justice globale. Une plateforme (...) - <a href="http://vecam.org/rubrique82.html" rel="directory">Contributions à débattre</a> / <a href="http://vecam.org/mot49.html" rel="tag">vecam-F</a> <div class='rss_chapo'><p>Article original publié sur <a href="http://www.remixthecommons.org/2013/11/la-boussole-de-johannesburg-et-les-communs/" class='spip_out' rel='external'>Remix The Commons</a></p></div> <div class='rss_texte'><p>Les 11 et 12 novembre derniers, le <a href=" http://www.deeep.org/">projet DEEEP</a>, un programme co-financé par l'Union européenne, a rassemblé à Johannesburg (Afrique du Sud) 200 militants venus du monde entier, pour repenser le cadre d'action de ONG de développement et engager la construction d'un "mouvement citoyen mondial". Cette rencontre est le point de départ d'un processus qui durera deux ans de mobilisation citoyenne pour le changement et la justice globale. Une <a href="http://movement.deeep.org/">plateforme numérique</a> lui est dédiée. Au cours de cette conférence, les participants ont commencé à tirer les leçons de l'action de la société civile, de ses modes d'organisation et d'action dans différents domaines à travers le monde et produit un document,<a href="http://www.deeep.org/component/content/article/395.html"> "The Johannesburg Compass : Questions and orientations" (Boussole de Johannesburg) </a> pour définir les principes qui pourraient guider les travaux des deux prochaines années.</p> <p><a href="http://www.flickr.com/photos/79425396@N04/10877702843/" title="P1070526 de Frédéric Sultan, sur Flickr"><img src="http://vecam.org/local/cache-vignettes/L320xH214/10877702843_bbda-3eeda.jpg" width='320' height='214' alt="P1070526" style='height:214px;width:320px;' /></a></p> <p>Invité à participer à ce processus, j'ai pu contribuer aux discussions et à la rédaction du texte pour le nourrir autant que possible de la notion des communs. Pensé au départ comme une déclaration de principes appuyée sur une vision partagée, ce document est devenu un guide pour le processus lui-même, basé sur quelques idées fortes telles que la nécessité de dé-coloniser nos esprits et dé-institutionnaliser les organisations du développement. Le résultat reflète la volonté de renouvellement à la fois des formes et des contenus de l'action, mais laisse sans réponse, au moins pour l'instant, les interrogations sur la nature d'un mouvement citoyen mondial si c'en est un, et sur la nature du processus des deux années de travail qui s'engagent à la suite de cette conférence.</p> <p>Alors comment l'idée des communs pourrait-elle nourrir cette démarche ? Au-delà du processus d'écriture, le contenu du texte est assez général et plutôt généreux. Les communs y sont considérés comme des ressources à gérer. Le texte appelle à revendiquer les communs "reclaim, protect and nurture our commons", et à gérer les ressources comme des "propriétés communes" (the earth's natural environment, ecosystems and knowledge are common property, and should be managed for the common good). Il appelle au respect de ces ressources mais ignore la dimension participative des communs. On est encore assez loin de considérer les biens communs comme des processus qui permettent de faire société, et donc comme un moyen de renforcement des communautés, d'émancipation dont les ONG pourraient se saisir pour refonder leur mode d'action.</p> <p>Il me semble qu'aujourd'hui, un mouvement mondial de citoyens devrait révolutionner la manière pour chacun d'exercer sa citoyenneté, et d'en avoir conscience. L'un des rôles des ONG et des CSO ne devrait-il pas être de prendre en compte et accompagner la politisation de la vie quotidienne dans le domaine de la santé, de l'alimentation, de l'éducation, du travail, .... etc, en les inscrivant dans la perspective des biens communs ? Comment faire cela à une échelle massive ? Sans que cela exclue la conduite de campagnes d'action sur des objectifs stratégiques à l'échelle régionale ou mondiale, par les organisations qui composent l'infrastructure de la société civile, il s'agit de renouveler et d'articuler ce qu'en France on appelle l'éducation populaire en s'appuyant sur les pratiques sociales de voisinage et celles médiatisées par les réseaux informatiques. Une telle dynamique permettrait que chacun s'inscrive dans une perspective plus large et de donner sens pour chacun à l'agenda international. L'enjeu est donc de construire des ponts avec les multiples communautés d'appartenance, non pas pour leur offrir le leadership des ONG ou des mouvements, mais pour reconnaître et légitimer leurs leaderships aux différents échelles d'exercice du pouvoir (du local au mondial).</p> <p>A entendre les participants à la conférence de Johannesbourg, on dirait qu'il faut en passer aussi par la (re)découverte des communs au sein même des organisations (ce qui fait projet commun), quelque soit leur taille ou leur objet pour les refonder. Cela peut être une perspective à l'échelle de l'organisation (ONG/OCS) pour poursuivre le travail engagé à Johburg. Dans ce sens, mieux vaudra nommer et travailler sur SES communs que définir LES communs et essayer de transformer les organisations en travaillant sur leurs valeurs, leur projet et actions plutôt que de chercher un cadre théorique ou idéologique général.</p> <p>Une autre piste consiste à partager les leçons des activistes des communs immatériels et de la connaissance, qui depuis l'émergence de l'informatique ont su construire un mouvement qui défend ses valeurs, des formes de collaboration distribuées, l'ouverture et la liberté, le partage et la solidarité, l'émancipation personnelle et la participation au collectif, l'agir à petite échelle tout en s'inscrivant dans une vision universelle. Ce mouvement est globalement invisible en tant que mouvement pour les personnes qui n'en sont pas les militants. Chacun utilise des logiciels libres, accède à la culture et au savoir libre, la plupart du temps sans y prêter attention. Pourtant les organisations du savoir et de la culture libre se sont structurées et sont des "ONG" ou des "OCS" de poids. Il suffit pour s'en rendre compte de considérer les plus visibles du public comme wikimédia fondation, ou le poids de ce mouvement dans le secteur industriel (IBM, Android, ...) ou encore le travail des groupes de pression (EFF, Quadrature du net, ...) pour s'en rendre compte. C'est un mouvement à maturité. Cette expérience et la culture qu'elle développe vaut la peine d'être partagée.</p> <p>Ne serait-il pas utile de penser un mouvement équivalent dans le domaine des communs matériels, urbains, ruraux et naturels ?</p></div> Biens communs, sphère publique et « gauche de transformation sociale » http://vecam.org/article1259.html http://vecam.org/article1259.html 2012-07-26T14:05:27Z text/html fr Christophe Aguiton Creative Commons a-brest-F vecam-F Biens communs La remise en cause de la propriété privée des principaux moyens de production et d'échange a toujours été au cœur de la doctrine des différents courants de la gauche de transformation sociale. La forme que devrait prendre la propriété collective à opposer à la propriété privée a en revanche beaucoup varié avec le temps et l'une d'entre elles – les « biens communs » - connait aujourd'hui un regain d'intérêt dans les mouvements sociaux comme dans les milieux académiques. A un moment de crise et de recomposition (...) - <a href="http://vecam.org/rubrique82.html" rel="directory">Contributions à débattre</a> / <a href="http://vecam.org/mot17.html" rel="tag">Creative Commons</a>, <a href="http://vecam.org/mot48.html" rel="tag">a-brest-F</a>, <a href="http://vecam.org/mot49.html" rel="tag">vecam-F</a>, <a href="http://vecam.org/mot70.html" rel="tag">Biens communs</a> <div class='rss_texte'><p>La remise en cause de la propriété privée des principaux moyens de production et d'échange a toujours été au cœur de la doctrine des différents courants de la gauche de transformation sociale. La forme que devrait prendre la propriété collective à opposer à la propriété privée a en revanche beaucoup varié avec le temps et l'une d'entre elles – les « biens communs » - connait aujourd'hui un regain d'intérêt dans les mouvements sociaux comme dans les milieux académiques. A un moment de crise et de recomposition pour les courants de la gauche de transformation sociale il nous parait utile de prendre ces discussions au sérieux.</p> <h3 class="spip">Déclin et renouveau des « biens communs »</h3> <p>Au XIXème siècle, lors de l'émergence des théories socialistes et communistes, l'aspiration la plus répandue était celle de coopératives ou associations ouvrières de production qui devaient permettre de s'émanciper du salariat. Ces associations étaient fondées sur un capital commun, inaliénable et indissoluble, qui tirait des « communs » paysans, issus du monde féodal, le principe d'une séparation entre une propriété collective et inaliénable et une capacité d'usage qui permettait à la personne de participer à la production matérielle. Des mutuelles et société de secours et d'assistance gérées par les travailleurs complétait le rôle des coopératives et assuraient les tâches de solidarité face à la maladie ou la vieillesse. A la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle une autre vision va s'imposer, la propriété collective devenant une propriété publique où l'Etat (au sens large du terme, de l'état central aux collectivités locales) va jouer un rôle central. Deux éléments majeurs permettent de comprendre cette évolution :</p> <ul class="spip"><li> La fin du XIXème siècle va voir émerger un monde tout à fait nouveau grâce aux apports de la deuxième révolution industrielle, l'émergence de la « grande entreprise » sous le modèle allemand, le développement des réseaux techniques - les chemins de fer puis l'électricité et le téléphone – alors que s'achève la première période de mondialisation et que s'affirment les grandes puissances qui vont se partager le monde ; dans ce contexte la social-démocratie puis le mouvement communiste vont développer une vision du socialisme qui devait poursuivre la tâche de développement de ces réseaux techniques et de la grande industrie en s'appuyant sur un Etat planificateur,</li><li> A la même époque, les aspirations populaires et les besoins de l'industrie moderne convergent pour développer un service public d'éducation gratuit et obligatoire ainsi que - d'abord en Allemagne – des systèmes de protection sociale couvrant les risques de maladie, d'accident du travail ainsi que les retraites ; émerge donc l'idée de droits universels qui ne se limitent pas aux droits démocratiques tels qu'énoncés la déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de la Révolution française mais incluent les « droits positifs », les droits sociaux et économiques (droit à l'éducation, au logement, etc.) qui seront reconnus par la Déclaration universelle des Droits de l'Homme des Nations-Unies, en 1948.</li></ul> <p>Dans ce contexte, les « communs » du XIXème siècle - les héritiers de la société féodale ou les sociétés coopératives ouvrières de production – ont été les victimes d'une double tare : ils ne correspondaient pas aux critères de progrès et d'efficacité que seuls devaient permettre la planification étatique et la grande entreprise et ils ne permettaient pas de penser des droits sociaux à portée universelle.</p> <p>Il faudra presque un siècle pour que la question des biens communs revienne au centre des discussions des mouvements sociaux – à travers le mouvement altermondialisme – et des sphères académiques tout du moins. Plusieurs raisons sont à la base de ce retour en grâce, le bilan négatif des expériences d'économies administrées et plus généralement la crise de l'idée de progrès telle qu'elle pouvait être pensée au début du XXème siècle, le rejet des privatisations qui se sont multipliées dès les années 1980 et enfin l'émergence de nouvelles catégories de « bien communs », les biens communs de la connaissance et les biens naturels tels que les océans, l'atmosphère ou le climat qui sont menacés aujourd'hui par les activités humaines.</p> <p>Ces nouvelles catégories de biens communs ont ceci de particulier qu'ils vont de pair avec la définition de nouveaux droits universels : un « droit d'accès à la connaissance » pour les bien communs qui relèvent de ce registre et pour ce qui est des biens communs naturels d'une troisième, voire d'une quatrième, génération de « droits fondamentaux ». Après les droits civils et politiques et les droits économiques et sociaux, commencent à être définis des droits généraux comme "le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé" qui a été intégré à la Constitution de la République française en 2005, voire, de façon plus large encore, les « droits des non-humains », dont la planète-terre, que défendent aujourd'hui auprès de l'ONU la Bolivie et l'Equateur.</p> <p>Ce lien aux droits fondamentaux va donner un nouvel essor à la notion de « biens communs » comme un moyen de penser une propriété collective en sortant de l'opposition binaire loi du marché – sphère publique comprise comme sphère institutionnelle gérée par l'Etat au sens large.</p> <h3 class="spip">« Prendre soin » des biens communs</h3> <p>Il serait tentant de commencer par une définition plus précise de la notion de « biens communs ». Mais dès que l'on tente la moindre typologie des biens communs les différences et les lignes de tension sont si nombreuses qu'elles rendent vaine cette tentative. Les communautés d'appartenance sont à des échelles qui rendent les comparaisons impossibles : un village ou un groupe humain très restreint pour la répartition de l'eau dans les oasis, l'accès aux pâturages collectifs dans les zones de montagne ou aux affouages (coupes de bois communaux) dans la France du Nord-est, l'humanité pour les logiciels libres ou d'un ensemble plus vaste dont les être humains ne sont qu'une composante comme le climat ou la planète-terre… La finalité de la production et le rapport au marché sont un autre axe différenciant entre ce qui n'est produit que pour la consommation domestique ou celle du tout petit groupe humain – affouages ou produits des forêts primaires pour les populations de chasseurs-cueilleurs - et ce qui est susceptible d'être commercialisé sur un marché qui peut être mondial comme la production de coopératives ouvrières ou paysannes. Le caractère public ou discret – voire secret – des productions ou des savoir-faire les permettant va séparer ceux qui, comme les développeurs de logiciels libres, exigent la lisibilité totale du code et une documentation qui permette de le comprendre et de le modifier et ceux qui, comme les défenseurs des semences paysannes, ne veulent partager qu'avec ceux « en qui ils ont confiance »… et ce ne sont là que quelques exemples illustrant la diversité et l'ampleur des différences au sein de ce que l'on appelle les « communs ».</p> <p>Il existe cependant un principe qui unit tous les biens communs qui est le fait qu'il est nécessaire d'en « prendre soin ».</p> <p>Pour développer cette idée un petit détour par les débats sur les biens communs peut être utile. La « tragédie des communs » est peut être l'article le plus lu et le plus discuté sur le sujet. Ecrit pour « Science » en décembre 1968 par Garrett Hardin, cet article théorisait la disparition inéluctable des biens communs de par la surexploitation qui en serait faite par des utilisateurs qui auraient intérêt à exploiter au plus vite la ressource commune avant de s'attaquer à ce qui leur appartient en propre. Deux solutions pourraient permettre d'éviter cette « tragédie » : privatiser les communs pour que chaque possesseur les exploite en prenant en compte leur entretien ou les nationaliser et confier leur gestion à la puissance publique. Il existe cependant une troisième issue, comme l'a montré Elinor Ostrom, première femme à recevoir le prix Nobel d'économie en 2009, en étudiant plusieurs exemples de gestion des biens communs : la gestion des ressources par les acteurs locaux à travers des normes sociales et des arrangements institutionnels.</p> <p>Si l'on revient à nos exemples l'on peut voir que, par delà leurs différences, seule la gestion directe par les communautés intéressées et leur « entretien » par ces communautés permet la pérennité des biens communs. Si les petits paysans cessent de croiser et sélectionner leurs semences ou leurs variétés animales, celles-ci seront accaparées par les multinationales comme Monsanto ou les organismes paraétatiques comme l'INRA. Si les millions de contributeurs à wikipedia cessent d'écrire ou de mettre en forme les articles, la plus grande encyclopédie du monde disparaîtra ou sera reprise par un groupe privé ou une structure publique. Si les habitants d'un village ne veulent plus aller couper du bois dans les forêts communales, les communes vendront les parts de bois à des entreprises qui revendront le bois de chauffage. Etc. etc.</p> <p>Nous pouvons ainsi dessiner une distinction entre les biens communs et la sphère publique. La sphère publique est celle de la délégation. Elle représente les activités non privatisées qui sont confiées à des institutions spécialisées, les services publics comme l'école ou les hôpitaux, les organismes de recherche, les institutions politiques (gouvernement, collectivités locales), etc. En dernière analyse la sphère publique regroupe tout ce qui relève de l'Etat au sens le plus large du terme. Les biens communs sont, eux, l'espace de l'implication directe des acteurs. Une implication de nature très différente entre des coopérateurs qui travaillent tous les jours dans leur entreprise, des villageois qui vont couper du bois quelques journées dans l'année et des lecteurs ou des contributeurs occasionnels de wikipedia... mais une implication quand même. Un dernier exemple venant du monde de la cartographie permet de montrer que nous ne sommes pas dans un choix binaire mais dans un choix ternaire. Google est une multinationale privée qui a acquis une position dominante dans le monde de la cartographie sur le web avec les « Google Maps » et « Google Street View » que tout le monde connait. Face à ce quasi-monopole privé il existe des organismes public issus le plus souvent de la cartographie militaire (nos fameuses cartes « d'état major »). En France il s'agit de l'IGN qui a perdu la bataille face à Google parce qu'il entendait – exigence de rentabilité demandée par l'Etat oblige – vendre ses cartes numériques alors que Google les laisse accessible gratuitement jusqu'à une certaine audience. Devant ce choix des « militants du Web » ont décidé de créer une alternative, « Open Street Map » une carte coopérative libre qui rencontre un succès grandissant et a eu ses titres de gloire comme le fait d'avoir été les seuls à pouvoir construire en quelque jours une carte de Port-au-Prince détruit par le tremblement de terre du 12 janvier 2010.</p> <h3 class="spip">Retour sur la gauche de transformation sociale</h3> <p>Ce rapide tour d'horizon permet de voir qu'aujourd'hui coexistent deux types d'alternatives à la propriété privée, la sphère publique et les biens communs, mais ces deux alternatives ne sont pas défendues du tout de la même façon suivant les milieux militants. Dans les forums sociaux, le mouvement altermondialiste, les mobilisations environnementales, dans beaucoup de mouvements sociaux du sud, mais aussi dans les mobilisations contre les lois liberticides sur l'Internet, la défense et l'extension du domaine des biens communs est une priorité. A l'inverse le discours militant des partis et courants politiques de la gauche de transformation sociale va se polariser sur la sphère publique (défense des services publics, nationalisation des banques, etc.). Une explication facile serait de se limiter à constater que cette césure tient au lieu d'où l'on s'exprime : des mobilisations le plus souvent internationales d'un côté, des combats électoraux nationaux ou locaux ou l'on s'adresse à des institutions politique de l'autre… La carence du côté des courants politiques nous parait plus profonde et mérite qu'on essaie de la corriger.</p> <p>Une précaution tout d'abord. Ce court texte vise à mettre le doigt sur ce qui nous paraît être une carence et il est donc avant tout un plaidoyer pour la défense des biens communs. Il ne s'agit cependant en aucun cas de considérer que ceux-ci remplaceraient la sphère publique : si l'on considère que la caractéristique commune aux biens communs est l'implication directe des acteurs on voit bien que dans un monde ou l'avancée des sciences et technologies est chaque jour plus rapide les besoins de spécialisation ne cessent de croitre et qu'il faut donc accepter de « déléguer » à ceux qui maîtrisent ces compétences (médecins, ingénieurs, pilotes, etc.). Mais l'aspiration à la participation et au contrôle des institutions s'exprime dans les deux sphères, celle, bien sur, des biens communs mais aussi dans la sphère publique ce que l'on peut constater tous les jours pour l'école, la santé ou la contestation citoyenne des projets d'équipement des administrations publiques.</p> <p>L'intérêt premier de la défense et l'extension du domaine des biens communs est que ceux-ci sont – au regard de l'expérience historique – un des cadres les plus favorables à l'exercice d'une réelle propriété sociale et d'une démocratie directe qui ne se réduise pas au court moment de la lutte ou de l'expérience révolutionnaire. La délégation de pouvoir à des institutions politiques peut être corrigée par la démocratie participative, par l'introduction de mécanisme de révocation des élus ou par une extension des droits référendaires, mais l'expérience montre les difficultés à mettre en place et plus encore faire durer des innovations politiques comme la démocratie participative telle qu'elle a été inventée à Porto Alegre. Parce qu'il faut en prendre soin et s'y impliquer, les biens communs sont le moyen d'exercer un socialisme de la pratique (le terme socialisme est ici utilisé de façon générique, il pourrait être remplacé par communisme, écologie politique, écosocialisme…) et pas seulement de la transformation des structures de pouvoir. En cela ils permettent de renouer avec toute une tradition du socialisme du XIXème siècle, de Owen à Fourier, qui placent les pratiques sociales (dans l'éducation, les entreprises coopératives, les rapports hommes / femmes, la vie communautaire) au cœur du processus d'émancipation ainsi qu'avec les aspirations comparables qui ont émergé des mouvements contestataires des années 1960/1970.</p> <p>Les biens communs de la connaissance et les biens communs de la planète permettent, comme nous l'avons vu, de penser de nouveaux droits fondamentaux et, dans certains cas, de permettre leur exercice sans passer par la sphère publique. L'Internet en est un exemple intéressant. Les premières tentatives d'offrir grâce aux technologies numériques des bases de connaissance et de nouveaux moyens de communication à un large public – un accès à vocation universelle – ont été réalisées par des services publics, le Minitel en France, ou par des entreprises privées, comme AOL dans les années 1990. Comme nous le savons tous, l'Internet a dépassé ces premières expériences et s'est imposé dans le monde entier au point que beaucoup d'acteurs défendent l'idée que le droit d'accès à l'Internet soit considéré comme un droit fondamental. Dès les années 1980, l'Internet se développe grâce à une communauté d'ingénieurs et d'universitaires qui vont construire le réseau avec des logiciels libres, sur une base de gratuité et d'ouverture, et vont se doter d'un mode de gestion original, international et ouvert à tous. Des caractéristiques qui permettent définir l'Internet comme un bien commun pour l'humanité, un bien commun qui n'est pas - pour l'essentiel - géré par les Etats mais par une communauté technicienne qui s'autogère ce qui va générer conflits et débats. Ceux-ci s'expriment de deux manières : la volonté de contrôler, de « civiliser » l'Internet en multipliant les dispositifs de type Hadopi instaurés au nom de la défense de la propriété intellectuelle ou de la lutte contre le terrorisme et la pédophilie et la proposition de remettre le système interétatique au cœur de la gestion d'Internet. S'il ne faut développer aucun angélisme (la gestion actuelle de l'Internet permet aux Etats-Unis, pour des raisons juridiques et surtout culturelles, d'y jouer un rôle déterminant) ces enjeux sont au centre de mobilisations qui se développent dans différentes régions du monde contre l'ACTA (l'accord international contre la contrefaçon) et ils expliquent l'émergence de nouveaux courants politique comme les partis pirates ou de nouveaux mouvements sociaux comme « Students for a Free Culture » qui ont eu un impact important aux Etats-Unis entre 2007 et 2010.</p> <p>Ces deux entrées, la démocratie et l'appropriation collective par les pratiques sociales et l'émergence et la défense de droits fondamentaux non gérés par la sphère politique devraient - de notre point de vue - être un des axes centraux d'intervention d'une gauche de transformation sociale parce qu'ils permettent d'être en phase avec des aspirations et des mobilisations qui émergent dans nos sociétés et surtout parce qu'ils sont des pas en avant vers une socialisme qui ne se confonde pas avec le renforcement de structures étatiques. Cette intervention pourrait se faire de deux manières : pour des lois et des règlements qui ne restreignent pas les libertés mais au contraire favorisent le développement des communs, qu'ils soient « anciens » (coopératives de production, coopératives d'achat, prés collectifs, affouages, etc.) ou plus récents (connaissance, nature) mais aussi par tout ce qui peut permettre l'implication de tous dans ces formes de propriété collective ce qui va de pair avec la diffusion de systèmes de valeur basées sur le partage et l'attention à l'autre. Les conditions de cette implication demanderaient un développement spécifique pour analyser les différentes formes d'incitation qui s'accompagnent toujours de systèmes de valeur (incitation à maintenir et améliorer la production pour les communs agricoles et les coopératives de production, logique de don / contre-don pour les communautés du logiciel libre, généralisation de pratiques individuelles et sociales appuyées sur des valeurs communes pour l'attention portée aux biens communs naturels, etc.).</p> <h3 class="spip">Des débats à poursuivre</h3> <p>La défense des biens communs est au cœur de ce court texte, mais cette défense est aussi une incitation à ouvrir des débats sur toute une série de questions connexes qui méritent d'être discutées plus profondément.</p> <p>La première d'entre elles est d'ordre terminologique, mais elle permet de souligner des problèmes stratégiques. Ce texte insiste sur la distinction sphère publique et biens communs et fait évoluer la distinction binaire propriété collective – propriété privée vers une distinction ternaire privé – public – commun. Mais la réalité est évidemment plus complexe et les hybridations et chevauchements entre privé, public et communs sont la règle plus que l'exception. Dans ce contexte, coexistent différentes définitions. Certains, comme François Houtard dans son dernier ouvrage « From ‘Commun Goods' to the ‘Common Good of Humanity‘ », incluent les services publics dans les biens communs. D'autres, comme Roger Martelli, font l'inverse en cherchant à définir une sphère publique qui ne se confonde pas avec l'Etat. Tous cherchent en fait à élargir la sphère des activités auto-organisées en « faisant communs », « commoning » en anglais… Mais derrière ce point d'accord, se dessinent des problèmes stratégiques différents : comment répondre à une crise multidimensionnelle (finances, alimentation, climat…) grâce à la défense de biens communs pour toute l'humanité pour François Houtard et comment constituer un espace public qui se distingue à la fois du marché et de l'Etat pour Roger Martelli avec la double préoccupation de ne pas en rester à une diversité d'acteurs investis dans les communs en contournant la question du pouvoir et de penser une transition du public/étatique vers un public/collectif.</p> <p>La deuxième question qui mériterait d'amples développements est celle des modes de gestion des communs. Dans ce texte nous avons tenté de montrer que « prendre soin » des communs voulait dire s'y impliquer et donc de pouvoir être associé d'une manière ou une autre à sa gestion. S'il y a autant de façon de le faire qu'il y a de type de commun, la gestion des grands communs issus de l'Internet, l'Internet lui-même ou Wikipedia, sont intéressants car ils ont des traits similaires aux modes de fonctionnement des mouvements militants les plus récents, les « Indignés » ou « Occupy » et qui sont basés sur trois principes : y participent qui veut, les décisions sont basées sur le consensus et elles sont renvoyées à la périphérie, au plus local possible. Des modes de fonctionnement qui posent de multiples problèmes, en particulier leur opacité et leur caractère procédural qui tend à évacuer les débats politiques. Mais cela oblige à revisiter une question centrale de notre monde contemporain, quels sont les éléments constitutifs de la « vraie démocratie » que les Indignés, et derrière eux une masse toujours croissante de nos concitoyens, appellent de leur vœux ?</p> <p>De nombreuses autres questions méritent d'être discutées au delà de ces deux premières. Citons dans le désordre la question de la gratuité – que permet en particulier les communs de la connaissance - et de ce qu'elle implique comme projet de société (rien de moins que de permettre une contribution de chacun selon ses capacités à chacun selon ses besoins !) ; celle des acteurs impliqués dans le développement des communs et donc du ou des sujets de la transformation sociale ; celle des savoir-faire – qui disparaissent dès qu'ils ne sont plus pratiqués – et de la façon dont ils pourraient ou devraient faire communs ; celle des rapports humains – non humains que les communs de la planète nous amène à repenser...</p></div> Appel pour produire des biens communs immatériels http://vecam.org/article1254.html http://vecam.org/article1254.html 2012-06-26T21:31:53Z text/html fr Bastien Sibillle Creative Commons vecam-F Revue-reseau-TIC Biens communs Au moment où les forces politiques de gauche veulent mettre en place des politiques publiques nouvelles, nous attirons l'attention sur le formidable potentiel productif que constituent les biens communs immatériels. De Firefox, logiciel libre, à Wikipedia, encyclopédie ouverte, en passant par Open Street Map, outil de cartographie collaborative, les biens communs immatériels proposent des modèles productifs alternatifs, efficients, oeuvrant pour l'intérêt général et porteur d'émancipation sociale. (...) - <a href="http://vecam.org/rubrique82.html" rel="directory">Contributions à débattre</a> / <a href="http://vecam.org/mot17.html" rel="tag">Creative Commons</a>, <a href="http://vecam.org/mot49.html" rel="tag">vecam-F</a>, <a href="http://vecam.org/mot68.html" rel="tag">Revue-reseau-TIC</a>, <a href="http://vecam.org/mot70.html" rel="tag">Biens communs</a> <div class='rss_texte'><p>Au moment où les forces politiques de gauche veulent mettre en place des politiques publiques nouvelles, nous attirons l'attention sur le formidable potentiel productif que constituent les biens communs immatériels. De Firefox, logiciel libre, à Wikipedia, encyclopédie ouverte, en passant par Open Street Map, outil de cartographie collaborative, les biens communs immatériels proposent des modèles productifs alternatifs, efficients, oeuvrant pour l'intérêt général et porteur d'émancipation sociale.</p> <p>Des initiatives importantes sont en cours depuis plus de 15 ans, notamment dans le monde anglo-saxon. Elles ont fait la preuve de leur pérennité économique. Elles concernent les logiciels (LibreOffice, Ubuntu, Wordpress, Spip...), les savoirs (Creative Commons, HealthCommons, MyOpenArchive), les semences paysannes etc... Elles vont devenir de plus en plus importantes dans nos économies de l'immatériel et sont proches des modes productifs de l'économie sociale.</p> <p>Une réflexion associant l'Etat, les structures d'économie sociale (associations, mutuelles, coopératives, entreprises sociales) et les acteurs en place doit permettre de trouver des réponses aux questions du financement, de la production et de la protection de ces biens. Nous proposons un premier temps de débat collectif autour des enjeux structurant qui traversent le secteur et qui sont rappelés dans notre appel. Nous invitons toutes les forces économiques et politiques de progrès à s'emparer de la question et à réagir à nos propositions avant de le porter auprès des décideurs publics.</p> <p>Pour en savoir plus : <a href="http://www.tala.coop/page/produire-des-biens-communs-immateriels" class='spip_out' rel='external'>http://www.tala.coop/page/produire-des-biens-communs-immateriels</a></p> <p>Contact : Bastien Sibille, Président de TALCOD, entreprise solidaire créatrice du bien commun TALA bastien.sibille [a ro base] talcod.net</p></div> Sciences & Histoire http://vecam.org/article1137.html http://vecam.org/article1137.html 2010-01-25T09:10:57Z text/html fr Hervé Le Crosnier Démocratie Creative Commons Education Formation des jeunes vecam-F Les médias, la rue, l'éducation nationale bruissent aujourd'hui de la colère des historiens. La contraction du programme d'histoire des filières scientifiques sur l'année de première provoque débats et colère. A juste titre. L'histoire est, ces derniers temps, manipulée à des fins propagandistes, de la lecture hors-contexte de la « Lettre de Guy Môquet » à la décision prise par Nicolas Sarkozy en janvier 2009 d'ouvrir un « Musée de l'Histoire de France », prélude au grand débat national sur « l'identité » que (...) - <a href="http://vecam.org/rubrique82.html" rel="directory">Contributions à débattre</a> / <a href="http://vecam.org/mot11.html" rel="tag">Démocratie</a>, <a href="http://vecam.org/mot17.html" rel="tag">Creative Commons</a>, <a href="http://vecam.org/mot21.html" rel="tag">Education</a>, <a href="http://vecam.org/mot32.html" rel="tag">Formation des jeunes</a>, <a href="http://vecam.org/mot49.html" rel="tag">vecam-F</a> <div class='rss_texte'><p>Les médias, la rue, l'éducation nationale bruissent aujourd'hui de la colère des historiens. La contraction du programme d'histoire des filières scientifiques sur l'année de première provoque débats et colère. A juste titre. L'histoire est, ces derniers temps, manipulée à des fins propagandistes, de la lecture hors-contexte de la « Lettre de Guy Môquet » à la décision prise par Nicolas Sarkozy en janvier 2009 d'ouvrir un « Musée de l'Histoire de France », prélude au grand débat national sur « l'identité » que l'on sait. La condensation en une année de lycée d'une matière qui demande au contraire recul et méthode ne peut que modifier l'enseignement, et finalement la compréhension de l'histoire et plus encore son impact sur le présent. Elle annonce aussi une vision « rationelle » des lycéens, désireux de capter des points dans la grande chevauchée du baccalauréat et pondérant leurs efforts en fonction des coefficients, comme les caricature Richard Descoing, chargé de mission sur la réforme des lycées, dans Le Monde du 9 décembre. Une vision utilitariste qui cible particulièrement les lycéens scientifiques.</p> <p>Mais c'est en réalité « en creux » qu'il faut interpréter le plus profondément la proposition ministérielle et les positions exprimées dans les grands médias. C'est derrière l'écran qu'il faut chercher ; derrière l'écran de fumée qui masque et derrière celui des petites lucarnes, dont la lumière nous aveugle. C'est la conception de l'enseignement des sciences qui est le véritable enjeu... et derrière lui la conception même des sciences et du travail scientifique.</p> <p>Ce qui nous est prétendu à longueur d'interviews et de messages est que l'abandonde l'histoire en terminale scientifique permettra de recentrer les lycéens de la filière scientifique sur l'enseignement des sciences. Belle tautologie, qui rejoint les pré-conceptions largement répandues sur la « science », activité des polars, ou des « no-life » comme disent les ados d'aujourd'hui, technique culturelle spécifique, faite de répétition et d'exercices. Malheureusement, cette démagogie laisse dans l'ombre l'analyse réelle de ce que représente une carrière scientifique, et la place des sciences et techniques dans l'organisation sociale.</p> <p>L'école a toujours une triple tâche, dont elle s'acquitte avec des formes différentes et suivant des modalités variables, mais dont on peut toujours repérer l'articulation : renouveler les élites dirigeantes, augmenter le niveaux global des connaissances de la société pour garantir la compétitivité d'un pays (ce qui a de larges effets positifs sur la citoyenneté), et enfin préparer les forces de travail adaptées aux conditions de la production. Durant la période de grande démocratisation de l'école (des années 50 aux années 80), les disciplines scientifiques permettaient la sélection des futurs dirigeants quand les formations « professionnelles » (lire « industrielles ») nourrissaient les fabriques en ouvriers « spécialisés », (par oxymore, sans affectation précise mais capable de se plier au fonctionnement de l'usine). Il fallait maîtriser les mathématiques pour réussir le numerus clausus de médecine, et avoir fait ses classes dans la chaudronnerie ou le secrétariat pour lier ses poignets aux mécanismes de sécurité des presses industrielles et accomplir des gestes robotiques sous l'oeil du chronomètreur. Mais avec la mondialisation, d'autres critères permettent de reproduire les classes dirigeantes, notamment la maîtrise de plusieurs langues vivantes et l'aptitude aux synthèses. En revanche, la production de la nouvelle force de travail adaptées à la « société de la connaissance » passe par une maîtrise des techniques, notamment des techniques de l'information et de la communication, et par la spécialisation d'une large partie des scientifiques dans l'exécution de tâches de contrôle de processus ou d'analyse de données, principalement dans les domaines de la chimie et de la biologie. Nombre d'étudiants des filières scientifiques deviennent ensuite les servants des capteurs et actionneurs informatisés, nourrissant des machines de traitement de l'information en données brutes.</p> <p>Cette nouvelle répartition des rôles induit un changement profond de la conception des disciplines scientifiques.Quand les mathématiques pouvaient cumuler les avantages de sélectionner les futurs dominants et de préparer aux carrières spécifiques de la recherche et de l'ingénierie, elles étaient la discipline reine. Et de vanter la capacité de cette matière à former au « raisonnement logique », à l'analyse déductive et finalement à produire les personnes capables de traiter avec la même impartialité de méthode les sujets les plus divers. Mais la science a changé. Foin des méthodologies et de l'argumentation, il s'agit dorénavant de produire des « innovations », que l'on va comptabiliser en nombre de brevets, de publications ou de citations. On améliore les méthodes, on transfère à la machine (informatisée) les interprétations et on réduit celui ou celle qui pilote le processus au rôle d'OS de la société de la connaissance. La science a besoin de petites mains au service des industries du savoir et du traitement de l'information. C'est désormais cette limitation dans les outils (à chaque discipline ses techniques) et dans les objectifs (le cumul des applications innovantes) qui définit la place de la science, et donc des filières scolaires et universitaires de production des scientifiques.</p> <p>Les chercheurs qui ont participé au premier Forum mondial Sciences & Démocratie qui s'est tenu à Belèm en janvier 2009 ont largement insisté sur ce phénomène de taylorisation de la recherche. Chaque chercheur devient un élément dans une chaîne de production parcellisée. Le « travail scientifique en miettes » tend à déposséder les scientifiques des finalités de leur activité. Ils perdent la conscience du produit (ici les connaissances) qui appartient dès lors à celui qui détient la vision globale de la chaîne de production. Dans les « temps modernes » de l'ère industrielle de masse il s'agissait des concepteurs et ingénieurs, avec la complicité de la maîtrise, qui régnait sur la coursive qui courrait le long de la chaîne de production. Dans le capitalisme cognitif, ce sont les financeurs de la recherche, ceux qui peuvent transformer les grains de connaissances (articles, expériences parcellisées, brevets à spectre applicatif très limités,...) en valeurs marchandes (via le marketing des produits, ou la capacité à focaliser l'attention publique qui va justifier les investissements dans tel ou tel secteur de connaissance). Et la coursive est occupée par les décideurs des politiques scientifiques, ceux qui affectent les crédits, les « contrats de recherche » et les résultats des « appels d'offre ». La transformation de l'Université en société de service pour les entreprises « innovantes » et les grands groupes industriels, fournissant à faible prix stagiaires, thésards, contractuels de la recherche et, en prime, l'expertise des directeurs d'équipes de recherche, participe de ce processus. Le choix des financements de recherche n'est plus guidé par l'intérêt général, par la discussion démocratique que cela pourrait signifier, par le « tribunal de la raison » cher aux philosophes des Lumières, mais par l'intérêt bien compris, appuyé sur l'opinion. Une opinion peu encline aux méthodes scientifiques, mais formattée par l'agenda industriel (ne pas prendre de « retard ») et abreuvée de projets toujours conjugués au futur, déclinant les « miracles de la science » et vendus par les experts en poudre aux yeux des relations publiques, relayés par les médias avides de sensationnel et de merveilleux.</p> <p>Ce changement radical de la place de l'emploi scientifique, de la déqualification progressive des métiers de la recherche et de la soumission des choix scientifiques aux intérêts des conglomérats industriels modifie aussi le contenu même de la science. La tradition scientifique considère la compréhension de la « nature » (un terme utilisé par les physiciens comme par les biologistes) comme un objectif. Les expériences de laboratoire visent à créer des modèles capables d'aller au plus près du réel, tout en cherchant l'expérience qui viendrait « falsifier » la théorie pour changer de paradigme et trouver d'autres modèles explicatifs. Or aujourd'hui on voit se développer de nombreuses spécialités qui, au contraire, considèrent la nature comme une machine, qui se plierait aux conceptions et aux modèles issus des laboratoires. Des manipulations génétiques incontrôlées et lâchées dans l'environnement, de la biologie synthétique, aux modèles thérapeutiques ou aux produits chimiques diffusés (vendus !) sans réelle prise en compte des effets adverses et des risques à long terme, la liste est longue des sciences prométhéennes. La caricature étant atteinte par la géo-enginierie, qui veut réparer la « machine-terre » elle-même, et fait fort de se présenter comme garante du « plan B » pour empêcher le changement climatique global.</p> <p>Cette transformation de l'emploi scientifique d'une part, du projet de la science de l'autre, cette conception de la recherche comme un cumul d'innovations qui passe par la parcellisation nécessaire de la réflexion des acteurs de la production scientifique, est le pendant exact de la suppression de l'histoire en terminale scientifique... qui n'est vraisemblablement que le prélude à d'autres changements, notamment concernant la philosophie.</p> <p>Nous aurons ainsi des producteurs de science qui pourront travailler sur des sujets aussi sensibles que la vie privée (informatique), le corps humain (génétique, appareillage), l'alimentation (organismes génétiquement modifiés, agro-chimie), les méthodes de contrôle social (calcul et statistiques), et bien évidemment l'environnement géo-terrestre (analyse des polluants, géo-engineering) sans avoir jamais eu un enseignement leur permettant de prendre conscience de la place qu'on leur fait jouer, de mettre en perspective leur rôle social. Car pour comprendre l'enjeu de l'arrêt de l'enseignement de l'histoire en terminale scientifique, et plus encore le discours ambiant sur la nécessité de focaliser les lycéens scientifiques sur ce qui serait le coeur de leur discipline, et leur permettrait de briller ultérieurement sur l'arène scientifique mondiale, il faut ajouter qu'il n'auront plus jamais dans leur cursus scientifiques à l'Université d'enseignement de l'éthique, ni de l'épismémologie et l'histoire des sciences, ni des fondements économiques de l'industrie de l'information. Le travail de dépossession des travailleurs scientifiques des finalités sociales et culturelles de leur activité doit simplement commencer de plus en plus tôt, et se poursuivre tout au long de la filière de formation des producteurs de l' « économie de la connaissance ».</p> <p>Il faudrait avoir étudié l'histoire pour reconnaître, mutatis mutandis, une image « moderne » du processus dit de « prolétarisation » qui a déjà eu lieu durant l'ère industrielle. Et donc pour anticiper sur les enjeux des affrontements sociaux qui ne manqueront pas d'éclater dans le coeur même de la production de connaissances et de la société du même nom. Nouvelles oppositions dont les mouvements des chercheurs des dernières années en France, ou les activités des « lanceurs d'alerte »au niveau du monde entier sont les premiers prototypes.</p> <p>Hervé Le Crosnier Caen, le 10décembre 2009</p></div> <div class='rss_ps'><p>Notes :</p> <p>Pour en savoir plus sur le Forum mondial Sciences & Démocratie : <a href="http://fm-sciences.org/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://fm-sciences.org</a> Une initiative française du FMSD aura lieu le 23 janvier 2010 à Paris : <a href="http://fmsd-france.org/" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://fmsd-france.org</a> Un livre-dvd retraçant les débats qui ont eu lieu à Belèm lors du premier Forum paraîtra fin décembre chez C&F éditions (<a href="http://cfeditions.com/belem2009" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://cfeditions.com/belem2009</a>)</p> <p>Les analyses ci-dessus n'engagent que son auteur. Elle sont exprimées rapidement et souvent de façon abrupte, comme dans tout article d'opinion lié à l'actualité. Elles restent évidemment ouvertes au débat.</p> <p>Le terme « scientifique » dans cet article est pris dans son acception médiatique, désignant les « sciences dures », ou plus précisément les « sciences de la nature ». Cela ne préjuge pas d'un autre débat nécessaire portant sur la reconnaissance du caractère scientifique des méthodes, des outils et des modes de production du savoir des disciplines dépendant des « sciences » humaines et sociales.... et au premier chef de l'histoire.</p> <p>Il va de soi que cette analyse ne vise pas les travailleurs des sciences, mais bien le modèle de relation, de société et de projet collectif autour de la science, tel qu'il se ré-organise sous nos yeux. Pour ma part, enseignant-chercheur en informatique, spécialité internet, je suis totalement un rouage de ce phénomène. Ma propre complicité est partie prenante de ce basculement lui-même. Il s'agit pour moi, non pas de dessiner une morale du retour à la science d'antan, ni une apologie de la science « pure », mais bien de tenter de dessiner le contexte des nouvelles « luttes de classe » dans le cadre de l'économie de la connaissance. Avec toutes les contradictions que cela implique.</p> <p>Texte diffusé sous licence Creative commons by-nc.</p></div> Pour une Journée Mondiale des Biens Communs http://vecam.org/article1136.html http://vecam.org/article1136.html 2009-12-18T06:43:16Z text/html fr Frédéric Sultan Citoyenneté et expression vecam-F Revue-reseau-TIC Biens communs Le manifeste pour la récupération des biens communs, élaboré lors du dernier Forum Social Mondial (Belem – Brésil - 2009), a été signé par près de 1100 personnes et organisations en quelques mois sans même avoir été porté par aucune campagne véritablement structurée. Maintenant se pose la question de passer à l'acte, de se donner un horizon commun, de faire mouvement pour que cette idée participe plus à la transformation de nos sociétés. Cet horizon, je proposerai qu'il prenne la forme d'une journée (...) - <a href="http://vecam.org/rubrique82.html" rel="directory">Contributions à débattre</a> / <a href="http://vecam.org/mot19.html" rel="tag">Citoyenneté et expression</a>, <a href="http://vecam.org/mot49.html" rel="tag">vecam-F</a>, <a href="http://vecam.org/mot68.html" rel="tag">Revue-reseau-TIC</a>, <a href="http://vecam.org/mot70.html" rel="tag">Biens communs</a> <div class='rss_texte'><p>Le <a href="http://bienscommuns.org/">manifeste pour la récupération des biens communs</a>, élaboré lors du dernier Forum Social Mondial (Belem – Brésil - 2009), a été signé par près de 1100 personnes et organisations en quelques mois sans même avoir été porté par aucune campagne véritablement structurée. Maintenant se pose la question de passer à l'acte, de se donner un horizon commun, de faire mouvement pour que cette idée participe plus à la transformation de nos sociétés.</p> <p>Cet horizon, je proposerai qu'il prenne la forme d'une journée mondiale pour les biens communs dont la première édition pourrait se tenir le 15 octobre 2010[Cette idée à germé lors du World-café du 4 décembre 2009 à Saint Ouen. ].</p> <h3 class="spip">Partager l'idée de « biens communs ».</h3> <p>Les biens communs recouvrent un vaste ensemble d'éléments qui vont des biens immatériels ou matériels à l'idée même de leur partage[On pourra approfondir cette question à la lecture d'un article d'Alain Giffard publié en octobre 2005 sur le site <a href="http://www.boson2x.org/spip.php?article146">http://www.boson2x.org</a>]. Leurs caractéristiques varient. La connaissance, les créations de l'esprit ne souffrent pas de la rareté. L'eau, la terre cultivable, les semences, l'air, ...etc, eux nous sont comptés. Les notions telles que le bien-être, les monnaies, l'éducation, la justice, ...etc, sont aussi à leur manière des biens communs. C'est dans le projet de leur partage, nécessairement à la fois équitable et efficace qu'ils se rejoignent.</p> <p>Ce partage se conjugue à la fois au présent et au futur. Qu'il s'agisse d'un pâturage exploité par une communauté au 16ième siècle, ou de permettre l'accès de tous à la connaissance aujourd'hui, la vocation des biens communs, c'est de créer de la richesse sous toutes ses formes pour assurer le développement et la vie de la communauté maintenant et pour l'avenir.</p> <p>Ce mode de partage est aussi une manière de coopérer. À la différence du commerce, il nous ouvre une autre vision de l'économie. C'est lorsque les citoyens s'associent aux décisions qui les concernent, qu'ils inventent des formes d'autogestion de leurs ressources, qu'on peut parler de récupération des biens communs. La lutte contre le grignotage permanent des biens, des connaissances ou des créations par le marché, est une expérience. Elle a des dimensions qui relèvent de la création du social, de l'économie et de la politique, peut-être du poétique.</p> <p>Les licences libres ont fleuries ces dernières années. La plus connue du public est sans conteste le bouquet de licences <a href="http://creativecommons.org/">Creative Commons</a>. Elles permettent de traduire dans des mécanismes simples et faciles à utiliser, les règles de droits et de propriété que nous voulons attacher à nos productions immatérielles. Elles ont été créées par les mouvements sociaux pour apporter une alternative à l'expansion de la privatisation dans les domaines de la création, de la recherche, l'innovation. Ce principe s'étend progressivement à différentes sphères de la production humaine. Ces alternatives concrètes démontrent que loin de supprimer la possibilité d'échange et de création, l'autogestion des biens communs est source de richesse et d'équité.</p> <p>La connaissance sur les biens communs s'accumule, savante ou pratique, sur les mécanismes, sur les règles de fonctionnement traduites dans le droit, dans les pratiques sociales, dans les cultures et avec des visions de plus en plus partagées.</p> <p>Finalement, c'est ce mouvement qu'il serait utile de partager car l'expression "biens communs" est de plus en plus courante. Mais pour beaucoup d'entre nous, elle ouvre la boite de Pandore. Matériel, immatériels, idées, notions, que sont-ils et que ne sont-ils pas ? Doivent-ils être gratuits sinon, quelles valeurs doit-on leur attribuer ? et comment peuvent-ils être gérés s'ils ne sont la propriété de personnes identifiées ? Ces questions se posent personnes, aux militants qui découvrent les biens communs alors que pour d'autres, elles sont largement étudiées.</p> <p>Les usages créent parfois des confusions. Celle entre le « bien » (vs le mal) et les « biens communs » en est une. Si on veut des biens communs, c'est parfois sous prétexte du Bien de l'humanité. Le souci moral, éthique, de nos responsabilités pour aujourd'hui ou pour demain, ne revient-il pas à justifier par un argument d'autorité que la responsabilité des biens communs ne peut être placée entre toutes les mains, et donc entre les mains de tous ? N'y a-t-il pas là un moyen pour les dominants de conserver le monopole des décisions qui pèsent sur le mode de vie de tous ?</p> <p>On rencontre aussi une confusion entre gratuité et liberté. Même lorsqu'ils sont gratuits, comme les logiciels libres, les biens communs ne sont pas les biens de tous et de personnes. Ils appartiennent à des collectifs situés dans des échelles d'espace et de temps variables. Dans le cas du logiciel libre, les communautés de développeurs et d'utilisateurs sont exemplaires. C'est pourquoi il est possible et nécessaire de revendiquer l'autogestion des biens communs. Celle-ci doit inventer ses formes dans un mouvement permanent qui se nourrie de l'expérience.</p> <p>Faire éclore et grandir l'idée des biens communs au cœur de la société, c'est rien moins que politiser et démocratiser l'économie et permettre aux citoyens de (re)conquérir une part de sa puissance sociale. La "récupération des biens communs" est une lutte pour que le terme « Biens communs » trouve sa place dans l'imaginaire collectif.</p> <h3 class="spip">Engager ensemble la marche pour la récupération des biens communs.</h3> <p>Comment faire partager cette revendication ? Il s'agit de préserver à la fois la possibilité du partage, et les biens eux-mêmes, deux conditions pour créer et renouveler les richesses communes. Ces luttes sont ancrées sur le terrain et dans chaque cause particulière des mouvements sociaux. Les batailles engagées pour les biens communs sont nombreuses. Elles concernent des domaines très variés. L'accès aux savoirs et aux cultures, les logiciels libres et les technologies ouvertes, Internet, l'eau et les médicaments, les graines, la monnaie, ne sont que quelques exemples parmi les plus connus.</p> <p>Elles doivent en même temps nécessairement s'articuler à l'échelle du droit et des accords internationaux. Ce sont des luttes qui demandent une énergie extraordinaire aux mouvements sociaux et aux citoyens car elles s'inscrivent dans le long terme.</p> <p>Ces mobilisations pour la reconquête des biens communs trouveront dans une journée mondiale la possibilité de s'ancrer dans la grande variété de milieux et de domaines concernés, d'élargir ce mouvement, de l'enrichir de la diversité des personnes, des visions, des idées, et des pratiques qui cherchent à changer le monde.</p> <p><strong>Frédéric Sultan - 14 décembre 2009</strong></p> <p><a rel="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.0/fr/"><img alt="Creative Commons License" style='height:31px;width:88px;border-width:0' src="http://vecam.org/local/cache-vignettes/L88xH31/somerights203157-4768e.png" width='88' height='31' /></a></p></div> <div class='rss_ps'><p>Article original publié sur le blog du <a href="http://bienscommuns.org/blog/?p=269" class='spip_out' rel='external'>Manifeste pour la Récupération des Biens Communs</a></p></div> Economie Sociale - Logiciels Libres : le temps de l'alliance http://vecam.org/article1128.html http://vecam.org/article1128.html 2009-11-21T10:10:08Z text/html fr Bastien Sibillle Creative Commons Logiciels libres vecam-F Revue-reseau-TIC ****** La première version de ce texte ayant suscité de nombreuses réactions, en voici une seconde version. ****** Deux mondes co-existent qui dressent des remparts contre la tentation hégémonique du capitalisme : l'un est ancien et puise ses racines dans le XIXe siècle industriel – le monde de l'économie sociale (coopératives, mutuelles, associations…) ; l'autre est plus jeune et tisse ses réseaux dans le XXIe siècle informatique – le monde du logiciel libre. Si les communautés du libre et les (...) - <a href="http://vecam.org/rubrique82.html" rel="directory">Contributions à débattre</a> / <a href="http://vecam.org/mot17.html" rel="tag">Creative Commons</a>, <a href="http://vecam.org/mot38.html" rel="tag">Logiciels libres</a>, <a href="http://vecam.org/mot49.html" rel="tag">vecam-F</a>, <a href="http://vecam.org/mot68.html" rel="tag">Revue-reseau-TIC</a> <div class='rss_chapo'><p>****** La première version de ce texte ayant suscité de nombreuses réactions, en voici une seconde version. ******</p> <p>Deux mondes co-existent qui dressent des remparts contre la tentation hégémonique du capitalisme : l'un est ancien et puise ses racines dans le XIXe siècle industriel – le monde de l'économie sociale (coopératives, mutuelles, associations…) ; l'autre est plus jeune et tisse ses réseaux dans le XXIe siècle informatique – le monde du logiciel libre. Si les communautés du libre et les entreprises d'économie sociale se connaissent et se côtoient depuis plus d'une décennie, elles ne voient pas souvent combien leurs luttes sont proches. Le temps est venu de dire la proximité de ces luttes et l'urgence de leur alliance.</p></div> <div class='rss_texte'><p><strong>Raisons de l'alliance</strong></p> <p>Depuis une vingtaine d'années des communautés d'informaticiens, puis des entreprises informatiques, ont développé ce qu'on appelle des « logiciels libres ». Les logiciels libres sont des logiciels que l'on peut librement exécuter, étudier, modifier et diffuser autour de soi. Ils s'opposent aux logiciels propriétaires dans la mesure où leur code est « ouvert » alors que celui des logiciels propriétaire est « fermé ». L'ouverture est à la fois technique et juridique. Sur le plan technique, le code source des logiciels libres est « lisible » par des êtres humains alors que celui des logiciels propriétaires est distribué en langage machine, ce qui le rend illisible même par les informaticiens. Sur le plan juridique, les logiciels libres sont protégés par des « licences libres » qui assurent qu'ils ne pourront jamais être privatisés et resteront un bien commun. Les principes qui encadrent la production, la distribution et l'usage des logiciels libres présentent d'importantes synergies avec les principes de l'économie sociale. Il faut tout d'abord relever une synergie dans le rapport à l'accumulation du capital entre les entreprises d'économie sociale et les communautés du libre. Un logiciel, parce qu'il est l'accumulation du travail des femmes et des hommes qui l'ont modelé, est un capital – un capital immatériel. Les licences propriétaires organisent la rémunération de ce capital immatériel : chaque fois qu'il est dupliqué et vendu, il génère un gain sans qu'un travail supplémentaire n'ait été fourni. Dans le cas des logiciels libres, point de rémunération du capital : seul le travail paie. Voilà un premier trait qui place les logiciels libres tout proche des luttes historiques de l'économie sociale. Ensuite, les modes de production du libre respectent au moins trois autres piliers fondamentaux des entreprises d'économie sociale. La liberté d'entrée et de sortie : un homme entre librement dans une association, et en sort tout aussi librement. Cette liberté est très présente dans la philosophie et la pratique des logiciels libres : tout utilisateur qui le souhaite peut entrer dans le code, l'utiliser, et en sortir librement. Le principe démocratique : un homme = une voix. Cette liberté fondamentale du fonctionnement des associations est à l'œuvre dans les logiciels libres : tout utilisateur du code peut prendre part à la création ou à la modification du code. Les communautés d'usagers des logiciels libres prennent ainsi part à leur amélioration en indiquant aux développeurs les bugs qu'ils ont repérés. Nous sommes ici à l'opposé des modes de production des logiciels propriétaires, dans lesquels quelques informaticiens décident pour tous du fonctionnement du logiciel. L'impartageabilité des réserves pour finir. Lorsqu'un ensemble de femmes et d'hommes créent une richesse logicielle, lorsqu'ils écrivent ensemble le code informatique puis décident de le protéger par une licence libre, ils s'assurent que la richesse produite ne pourra être privatisée : le code restera ouvert à tous. Personne ne pourra se l'approprier. La richesse immatérielle placée sous licence libre ne peut que rester commune.</p> <p><strong>Urgence de l'alliance</strong></p> <p> L'alliance des entreprises d'économie sociale et des communautés du libre est une nécessité stratégique. L'intensification de l'usage, depuis les années 1980, de la micro-informatique – traitements de textes, tableurs, agendas – et, depuis le milieu des années 1990, des réseaux informatiques – courriels, sites internet, intranet, prestation de services et paiements en ligne – ont conduit les entreprises d'économie sociale à dépendre de plus en plus fortement des logiciels informatiques. Aujourd'hui, ces logiciels sont majoritairement produits par des entreprises capitalistes. Ces entreprises organisent la rémunération de leurs investissements en « fermant » le code des logiciels, de manière à ce que (1) ceux qui veulent s'en servir soient obligés de les acheter, et (2) ceux qui veulent lire les fichiers créés par ces logiciels soient obligés d'acquérir les logiciels. Les logiciels propriétaires sont des chevaux de Troie de l'économie capitaliste placés au cœur des entreprises d'économie sociale. Leur utilisation par les entreprises d'économie sociale est extrêmement préoccupante. D'abord parce qu'elle signifie que les structures d'économie sociale reposent, pour une très large partie de leurs activités, sur des outils informatiques qui, de par leur mode de production et leur architecture, ne correspondent pas à leur valeurs. Ensuite parce qu'il rend les structures d'économie sociale dépendantes d'entreprises capitalistes. Au-delà de l'incohérence de valeurs, cette dépendance est inquiétante. Elle signifie, par exemple, que toute la mémoire informatique (l'ensemble des fichiers textes, des images, des tableurs) des entreprises d'économie sociale dépend, pour son utilisation future, de la survie ou du bon vouloir des entreprises capitalistes qui produisent les logiciels. Aujourd'hui, l'indépendance des structures d'économie sociale vis-à-vis des éditeurs capitalistes du code informatique est possible. Les logiciels libres offrent aux structures d'économie sociale une alternative puissante. Elle est puissante d'abord parce que le code libre est un code pérenne : il pourra toujours être repris, retravaillé, remodelé pour coller au mieux aux besoins des structures qui le déploient. Elle est puissante aussi parce que le code libre est un code solide : dans la mesure où il est ouvert, tous les acteurs compétents de la communauté du libre participent à son amélioration. C'est l'assurance que ses faiblesses sont vite repérées et corrigées. Elle est puissante ensuite parce que le code libre est un code solidaire : les logiciels développés par certaines structures d'économie sociale pourront bénéficier à d'autres. En ayant la possibilité de librement distribuer les logiciels qu'elle utilise, une structure d'économie sociale facilite ses communications électroniques avec des structures partenaires et notamment avec des partenaires qui n'auraient pas eu les moyens d'acheter les logiciels. Elle est puissante enfin parce qu'elle permet aux structures d'économie sociale d'utiliser, dans leurs actions quotidiennes, des outils informatiques qui sont cohérents avec les valeurs pour lesquelles elles se battent. De la même façon que les entreprises d'économie sociale se sont dotées d'instruments financiers et juridiques spécifiques, il est urgent qu'elles se dotent d'instruments informatiques qui respectent leurs principes.</p> <p> Une alliance est nécessairement un mouvement à au moins deux sens. Les raisons qui encouragent les communautés du libre à s'allier à l'économie sociale ne sont pas moins fortes que celles qui poussent les structures d'économie sociale à adopter les logiciels libres. Équiper les entreprises d'économie sociale en logiciels libres, c'est équiper des entreprises dont les modes de fonctionnement et de travail sont proches des modes de production des logiciels libres : la coopération, le travail en réseau, le bénévolat sont des éléments particulièrement présents dans le quotidiens des structures d'économie sociale. Les logiciels libres y sont donc soumis à un usage intensif par des utilisateurs plus promptes que d'autres à signaler les bugs aux communautés et à leur faire bénéficier des amélioration des logiciels. Il y a fort à parier que la qualité des logiciels libres augmentera substantiellement s'ils sont largement utilisés par les structures d'économie sociale. D'autre part, la force de frappe informatique des entreprises d'économie sociale est considérable. De nombreuses entreprises d'économie sociale mobilisent des services informatiques importants tant par le nombre d'informaticiens qui y travaillent que par les développements qu'ils ont produits. En s'alliant à l'économie sociale, les communautés du libre pourront compter sur la puissance de feu informatique de celle-ci. Les logiciels libres et l'économie sociale sont des mouvements d'émancipation. En s'alliant à l'économie sociale, le mouvement du libre rejoint une force de progrès et de justice susceptible de le porter vers de nouveaux horizons ; il rejoint une lutte historique ancienne, profondément enracinée dans nos sociétés, capable de mobiliser des réseaux étendus et variés. Autrement dit, en s'alliant à l'économie sociale, le mouvement du libre intègre un mouvement plus vaste que lui sur lequel il pourra s'appuyer pour continuer à construire sa légitimité. Ce n'est pas tout. Les communautés du libre sont aujourd'hui à un tournant : la qualité de leur production logicielle les conduit à être de plus en plus au cœur des stratégies de très grandes entreprises informatiques. Le libre d'hier n'est plus le libre d'aujourd'hui, et l'esprit de ses pionniers pourrait bientôt n'y plus rayonner que marginalement. Les enjeux capitalistes commencent à imprimer sensiblement leur marque sur les projets de logiciels libres : le risque est que la réussite du libre ne dissolve son potentiel émancipateur. Ici, l'alliance des communautés du libre avec les structures d'économie sociale prend toute sa dimension – elle assure que le succès du libre ne se fera pas au détriment de son sens politique profond.</p> <p><strong>Enjeux de l'alliance</strong></p> <p>Il faut enfin dire qu'une prise de position forte en faveur des licences libres marque, pour les alliés, un engagement dans un débat beaucoup plus large. Dans un monde où les modes de productions sont de plus en plus tournés vers les biens immatériels, les enjeux socio-politiques liés à la propriété intellectuelle deviennent cruciaux et ne s'arrêtent pas aux seuls logiciels. Le brevetage des génomes des plantes et des animaux, des molécules actives des médicaments ou l'augmentation de la durée du droit d'auteur applicable aux œuvres d'art sont des exemples de la violence des mécanismes actuels de privatisation de l'immatériel. La propriété intellectuelle est ainsi au cœur des luttes présentes et futures dans des champs aussi variés que l'agriculture, la santé ou l'art. En prenant une position claire en faveur des logiciels libres, des licences libres et des modes de production et de diffusion des produits de l'esprit qu'elles organisent, les communautés du libre et les entreprises d'économie sociale s'engagent dans un combat plus vaste que le seul domaine informatique : celui de la reconquête des biens communs. Ce combat est crucial pour l'avenir nos sociétés.</p> <p>Bastien Sibille</p> <p>Cette création est mise à disposition sous un contrat Creative Commons [BY-ND]</p></div> Standards mondiaux de respect de la vie privée dans un monde globalisé http://vecam.org/article1124.html http://vecam.org/article1124.html 2009-11-15T06:42:29Z text/html fr Un texte repris du communiqué diffusé et publié par Iris Dans une déclaration incisive, plus de 100 organisations de la société civile et experts de la protection de la vie privée de plus de 40 pays publient une position détaillée sur l'avenir de la vie privée. La Déclaration de Madrid affirme que le droit à la vie privée est un droit de l'homme fondamental, et rappelle « à l'ensemble des États leurs obligations de protéger les droits civils de leurs citoyens et résidents ». La Déclaration de Madrid met en (...) - <a href="http://vecam.org/rubrique82.html" rel="directory">Contributions à débattre</a> <div class='rss_texte'><p><i>Un texte repris du communiqué diffusé et <a href="http://www.iris.sgdg.org/info-debat/declaration-madrid1109.html" class='spip_out' rel='external'>publié</a> par <a href="http://www.iris.sgdg.org/" class='spip_out' rel='external'>Iris</a> </i></p> <p>Dans une déclaration incisive, plus de 100 organisations de la société civile et experts de la protection de la vie privée de plus de 40 pays publient une position détaillée sur l'avenir de la vie privée.</p> <p>La Déclaration de Madrid affirme que le droit à la vie privée est un droit de l'homme fondamental, et rappelle « à l'ensemble des États leurs obligations de protéger les droits civils de leurs citoyens et résidents ». La Déclaration de Madrid met en garde sur le fait que « la législation en matière de vie privée et les institutions chargées de son contrôle achoppent sur des pratiques de surveillance nouvelles ».</p> <p>La Déclaration recommande fortement aux États « n'ayant pas encore établi un cadre global pour la protection de la vie privée et une autorité indépendante de protection des données de le faire aussi rapidement que possible ». Les organisations de la société civile et les experts appellent à « un moratoire sur le développement ou la mise en oeuvre de nouveaux systèmes de surveillance de masse ». Enfin, la Déclaration appelle à « la création d'un nouveau cadre international pour la protection de la vie privée, avec la pleine participation de la société civile, qui soit basé sur la primauté du droit, le respect des droits fondamentaux et l'adhésion aux institutions démocratiques ».</p> <p>La Déclaration de Madrid a été présentée à la conférence de la coalition internationale « The Public Voice » à Madrid portant sur les standards mondiaux de respect de la vie privée dans un monde globalisé. Plusieurs traductions de la Déclaration sont disponibles.</p> <p>La Déclaration est ouverte aux signatures de personnes individuelles et d'organisations jusqu'au 28 janvier 2010, Journée internationale de protection de la vie privée. Veuillez adresser les sign</p> <hr class="spip" /> <p><i>Affirmant</i> que la vie privée est un droit fondamental énoncé dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, d'autres instruments relatifs aux droits de l'homme ainsi que les Constitutions nationales ;</p> <p><i>Rappelant</i> aux États membres de l'UE leurs obligations d'appliquer les dispositions de la Directive de 1995 sur la protection des données personnelles et de la Directive de 2002 sur les communications électroniques ;</p> <p><i>Rappelant</i> aux autres États membres de l'OCDE leurs obligations de respecter les principes énoncés dans les Lignes directrices de l'OCDE de1980 sur la vie privée ;</p> <p><i>Rappelant</i> à l'ensemble des États leurs obligations de protéger les droits civils de leurs citoyens et résidents selon les dispositions de leurs Constitutions et législations nationales ainsi que de la législation internationale en matière de droits de l'homme ;</p> <p><i>Anticipant</i> l'entrée en vigueur de dispositions donnant valeur constitutionnelle au droit à la vie privée et à la protection des données personnelles dans l'Union européenne ;</p> <p><i>Notant</i> avec inquiétude l'accroissement spectaculaire de la surveillance secrète et non imputable, ainsi que la collaboration croissante entre les gouvernements et les fournisseurs de technologies de surveillance établissant de nouvelles formes de contrôle social ;</p> <p><i>Notant</i> en outre que des stratégies nouvelles d'enquête sur les infractions au droit d'auteur et sur les contenus illégaux constituent des menaces importantes pour la confidentialité des communications, la liberté intellectuelle et l'État de droit ;</p> <p><i>Notant</i> de surcroît l'intégration croissante de services Internet, et le fait que certaines firmes acquièrent de vastes quantités de données personnelles sans contrôle indépendant ;</p> <p><i>Mettant</i> en garde sur le fait que la législation en matière de vie privée et les institutions chargées de son contrôle achoppent sur des pratiques de surveillance nouvelles, notamment le ciblage comportemental, les bases de données d'ADN et d'autres identifiants biométriques, la fusion de données entre les secteurs public et privé, et les risques particuliers encourus par les groupes vulnérables, y compris les enfants, les migrants et les minorités ;</p> <p><i>Alertant</i> sur le fait que le défaut de protection de la vie privée met en danger les libertés associées, notamment la liberté d'expression, la liberté de réunion, le droit d'accès à l'information, la non-discrimination, et finalement la stabilité des démocraties constitutionnelles ;</p> <p>La société civile saisit l'occasion de la 31e Conférence internationale des commissaires à la protection de la vie privée et des données personnelles pour :</p> <p>(1) Réaffirmer son adhésion à un cadre mondial pour des pratiques loyales de traitement des données, imposant des obligations à ceux qui collectent et traitent des informations personnelles et donnant des droits à ceux dont les informations personnelles sont recueillies ;</p> <p>(2) Réaffirmer son soutien à des autorités indépendantes de protection des données, rendant des décisions, dans le contexte d'un cadre juridique, de manière transparente et sans aucun avantage commercial ou influence politique ;</p> <p>(3) Réaffirmer son soutien à d'authentiques techniques de protection de la vie privée, minimisant ou éliminent la collecte d'informations personnelles identifiables, et à de réelles études d'impact en matière de vie privée, exigeant le respect des normes de confidentialité ;</p> <p>(4) Prier instamment les États n'ayant pas ratifié la Convention 108 du Conseil de l'Europe, conjointement avec le Protocole de 2001, de le faire aussi rapidement que possible ;</p> <p>(5) Recommander fortement aux États n'ayant pas encore établi un cadre global pour la protection de la vie privée et une autorité indépendante de protection des données de le faire aussi rapidement que possible ;</p> <p>(6) Inviter les États qui ont déjà établi des cadres juridiques pour la protection de la vie privée à en assurer l'application effective et le respect, et à coopérer au niveau international et régional ;</p> <p>(7) Inciter les États à assurer que les citoyens sont rapidement avisés lorsque leurs informations personnelles sont abusivement divulguées ou utilisées de manière incompatible avec les finalités de leur collecte ;</p> <p>(8) Recommander des recherches approfondies sur le caractère adéquat des techniques de « désidentification</p> <p> ; » de données afin de déterminer si ces méthodes permettent de sauvegarder effectivement la vie privée et l'anonymat ;</p> <p>(9) Appeler à un moratoire sur le développement ou la mise en oeuvre de nouveaux systèmes de surveillance de masse, y compris la reconnaissance faciale, l'imagerie corporelle, les identifiants biométriques et les étiquettes RFID intégrées, tant qu'ils n'auront pas fait l'objet d'une évaluation complète et transparente par des autorités indépendantes et d'un débat démocratique ; et</p> <p>(10) Appeler à la création d'un nouveau cadre international pour la protection de la vie privée, avec la pleine participation de la société civile, qui soit basé sur la primauté du droit, le respect des droits fondamentaux et l'adhésion aux institutions démocratiques.</p> <hr class="spip" /> <p>Pour plus de détails, voir :</p> <p><img src="http://vecam.org/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-1d287.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> <a href="http://thepublicvoice.org/events/madrid09/" class='spip_out' rel='external'>Le programme détaillé de la conférence de la société civile</a></p> <p><img src="http://vecam.org/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-1d287.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> <a href="http://www.edri.org/files/Presentation_Meryem_EDRi_civil_society.pdf" class='spip_out' rel='external'>L'intervention présentée au nom de l'association européenne EDRI par Meryem Marzouki, présidente d'IRIS, sur les principales menaces pour la vie privée et la protection des données personnelles en Europe en 2009 (en anglais)</a></p> <p><img src="http://vecam.org/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-1d287.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> <a href="http://www.privacyconference2009.org/" class='spip_out' rel='external'>Le programme détaillé de la 31e Conférence internationale des commissaires à la protection de la vie privée et des données personnelles</a></p> <p><img src="http://vecam.org/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-1d287.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> <a href="http://www.privacyconference2009.org/privacyconf2009/dpas_space/space_reserved/documentos_adoptados/index-iden-idphp.php" class='spip_out' rel='external'>La Déclaration adoptée par la 31e Conférence internationale des commissaires à la protection de la vie privée et des données personnelles</a></p> <p><img src="http://vecam.org/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-1d287.gif" width='8' height='11' class='puce' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> </p> <p>Contact IRIS, membre actif de la coalition internationale « The Public Voice » : <a href="http://www.iris.sgdg.org/" class='spip_out' rel='external'>IRIS (Imaginons un réseau Internet solidaire)</a> Meryem Marzouki, contact at iris.sgdg.org,</p></div> <div class='rss_ps'><p>L'adresse originale de cet article est <a href="http://www.a-brest.net/article5438.html" class='spip_url spip_out' rel='external'>http://www.a-brest.net/article5438.html</a></p></div> Le système de propriété intellectuelle freine la science et l'innovation selon des lauréats du prix Nobel http://vecam.org/article1064.html http://vecam.org/article1064.html 2008-07-13T23:36:29Z text/html fr Démocratie OMPI Accès au savoir vecam-F Recherche MANCHESTER, UK – Le système de propriété intellectuelle vise davantage à « fermer l'accès à la connaissance » qu'à permettre sa diffusion, a indiqué le Professeur Joseph Stiglitz lors d'une conférence intitulée “Who Owns Science ?” (« À qui appartient la science » ?) qui a eu lieu le 5 juillet. Joseph Stiglitz, lauréat du Prix Nobel d'économie en 2001 et John Sulston, lauréat du prix Nobel de physiologie et médecine en 2002, ont ouvert à l'Université de Manchester un nouvel institut pour la science, l'éthique et (...) - <a href="http://vecam.org/rubrique82.html" rel="directory">Contributions à débattre</a> / <a href="http://vecam.org/mot11.html" rel="tag">Démocratie</a>, <a href="http://vecam.org/mot12.html" rel="tag">OMPI</a>, <a href="http://vecam.org/mot45.html" rel="tag">Accès au savoir</a>, <a href="http://vecam.org/mot49.html" rel="tag">vecam-F</a>, <a href="http://vecam.org/mot66.html" rel="tag">Recherche</a> <div class='rss_chapo'><p>MANCHESTER, UK – Le système de propriété intellectuelle vise davantage à « fermer l'accès à la connaissance » qu'à permettre sa diffusion, a indiqué le Professeur Joseph Stiglitz lors d'une conférence intitulée “Who Owns Science ?” (« À qui appartient la science » ?) qui a eu lieu le 5 juillet. Joseph Stiglitz, lauréat du Prix Nobel d'économie en 2001 et John Sulston, lauréat du prix Nobel de physiologie et médecine en 2002, ont ouvert à l'Université de Manchester un nouvel institut pour la science, l'éthique et l'innovation.</p></div> <div class='rss_texte'><p>Ils sont tous les deux très critiques à l'égard du système actuel de propriété intellectuelle, estimant qu'il freine le développement de la science et les innovations.</p> <p>Les droits de propriété intellectuelle sont souvent comparés aux droits détenus sur un bien physique. Or, la connaissance n'a rien à voir avec un bien physique, a estimé Joseph Stiglitz. C'est un bien public qui présente deux caractéristiques : le fait qu'un individu y accède n'en prive pas les autres et nul ne peut en être exclu, autrement dit, il est difficile d'empêcher les autres d'en profiter. Le système de propriété intellectuelle se situe à l'inverse de cette définition. Il va même plus loin dans l'exclusion en donnant un pouvoir monopolistique à ceux qui détiennent la connaissance, ce qui conduit souvent à des abus, a-t-il fait remarqué.</p> <p>La détention d'un monopole sur une innovation est considérée par certains comme un moteur pour l'innovation alors qu'en fait elle constitue une entrave à son développement, a déclaré Joseph Stiglitz. Le système actuel qui veut que celui qui conçoit un programme informatique performant peut être poursuivi en justice pour violation présumée d'un brevet montre l'incapacité du système à encourager l'innovation, a-t-il ajouté.</p> <p>Selon Joseph Stiglitz, un autre problème réside dans le fait qu'il existe une incompatibilité entre les bénéfices sociaux qui peuvent résulter des innovations technologiques et les bénéfices économiques liés au système de brevets. Les innovations technologiques permettent qu'une invention devienne disponible plus rapidement pour l'ensemble de la collectivité mais il suffit qu'une personne dépose un brevet sur cette invention pour que s'établisse à son profit un monopole à long terme, favorisant la divergence entre intérêt public et intérêts privés.</p> <p>Le projet de Génome humain a permis d'identifier un gène capable de prédire quelle femme peuvent être atteinte par un cancer du sein. Cette découverte a été brevetée par une entreprise américaine, a expliqué Joseph Stiglitz. Le test représente un coût très faible, mais les frais de santé sont si élevés pour les patients aux Etats-Unis que les personnes pauvres ne peuvent se permettre de le faire, a-t-il précisé. Des questions se posent, selon lui, quant au caractère équitable et juste du système de brevets.</p> <p>Joseph Stiglitz a fait part de deux préoccupations. La première concerne les disparités qui existent entre les pays développés et les pays en développement concernant l'accès à la connaissance, disparités que la propriété intellectuelle ne permet pas de combler, a-t-il dit, ce qui explique pourquoi l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) a appelé à (et obtenu) l'adoption d'un plan d'action pour le développement. La deuxième tient au fait que le système de propriété intellectuelle rend l'accès aux soins plus difficile. Les médicaments génériques coûtent 30 pour cent moins chers que les médicaments originaux. En rendant leur accès plus difficile, l'accord de l'OMC sur la propriété intellectuelle conclu dans le cadre des négociations du Cycle d'Uruguay a signé l'arrêt de mort de millions de personnes, a-t-il indiqué.</p> <p>Joseph Stiglitz a proposé que le régime applicable aux droits de propriété intellectuelle soit adapté en fonction des pays et des secteurs. Personne n'est d'avis que le système de brevet doit être entièrement abandonné, mais la question est de savoir si d'autres outils, des bourses de lauréat ou des financements gouvernementaux par exemple, pourraient être utilisés pour faciliter l'accès à la connaissance et encourager l'innovation dans des domaines dans lesquels des objectifs ont été clairement définis tels que la découverte d'un médicament contre le paludisme. Joseph Stiglitz se dit plein d'espoir quant à une éventuelle réforme du système car nombreux sont ceux aux Etats-Unis qui souhaitent une modification du régime applicable aux droits de propriété intellectuelle.</p> <p>Selon John Sulston, le développement de la science peut être lié à une nécessité ou une simple curiosité, laquelle suppose un certain degré d'ouverture et de confiance entre les acteurs concernés. Pourtant, de plus en plus, le paysage qui se dessine est celui de la privatisation de la science et de l'innovation, une situation que les gouvernements et les investisseurs qui contrôlent les orientations de la recherche voient d'un bon oeil, a-t-il dit. Cela a pour effet, selon lui, que la recherche scientifique se limite aux domaines qui rapportent au détriment de ceux qui ne sont pas considérés comme rentables.</p> <p>Cette tendance a pour conséquence notamment de favoriser l'abandon des recherches sur les maladies liées à la pauvreté et la production de médicaments non nécessaires qui sont vendus à grand renfort de campagnes marketing, a déploré John Sulston. Les produits issus de la recherche n'ont pas bénéficié à tous de manière équitable. Pour autant, vouloir l'égalité à tout prix n'est pas la solution, a-t-il insisté.</p> <p>Dans certaines sphères, notamment à l'OMPI, la propriété intellectuelle relève d'un enjeu idéologique selon lui. Toute modification apportée au système est perçue par les entreprises pharmaceutiques comme un moyen de l'affaiblir. Pourtant, personne ne leur demande de tout abandonner, a-t-il indiqué. Il a ajouté que le système devait être considéré comme un « bon serviteur » et non comme un Dieu.</p> <p>Selon lui, le problème de la contrefaçon a pris une ampleur considérable. La tendance actuelle consiste à lier la contrefaçon à la propriété intellectuelle alors qu'il n'existe pas de lien entre eux, a-t-il précisé. Si les médicaments étaient vendus à leur coût de production ou juste au-dessus, ceux qui se rendent coupables de contrefaçont n'auraient que très peu de marge de manœuvre. De fait, le système actuel de propriété intellectuelle favorise la production de faux, a-t-il dit.</p> <p>Le professeur Sulston a recommandé le retour à une vieille pratique qui consiste à séparer les activités de recherche et développement des activités de production, le mélange des deux favorisant, selon lui, le lobbying et la merchandisation des activités de recherche et développement. Les séparer permet de produire des biens de manière plus équitable et de rendre la recherche et le développement plus accessible à condition toutefois que ceux qui détiennent les connaissances scientifiques partagent les bénéfices qui en sont issus, a-t-il précisé.</p> <p>Cette séparation semble se produire dans la mesure où certaines structures privées telles que la Fondation Bill et Melinda Gates commencent à investir dans la santé publique, a indiqué John Sulston tout en mettant en garde contre un retour à l'ère victorienne où la santé était financée par des philanthropes. Il a appelé à ce que les questions de santé soient coordonnées à l'échelle mondiale par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), reconnaissant néanmoins que l'Organisation était sous-financée et soumise à une forte pression de la part des gouvernements et des groupes d'intérêts commerciaux.</p> <p>Le lauréat du prix Nobel de physiologie et médecine a également plaidé pour qu'une réflexion plus cohérente soit menée concernant le traité biomédical en cours d'examen à l'OMS et que les organisations non gouvernementales transnationales participent davantage aux discussions.</p> <p>Il est impératif de renverser la tendance et d'empêcher la privatisation de la science, a-t-il indiqué. Nous devons nous concentrer sur la survie et le développement de l'humanité, ainsi que sur l'exploration de l'univers. Pour savoir si nous réussirons ou pas, nous devons résoudre la question de savoir à qui appartient la science.</p></div> <div class='rss_ps'><p>This work is licensed under a <a href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.5/" class='spip_out' rel='external'>Creative Commons License</a>.</p></div>