Vecam http://www.vecam.org/ Réflexion et action pour l'internet citoyen fr SPIP - www.spip.net Vecam http://vecam.org/local/cache-vignettes/L144xH41/siteon0-dd267.png http://www.vecam.org/ 41 144 Diffusion de la culture et valorisation du domaine public http://vecam.org/article1296.html http://vecam.org/article1296.html 2014-09-12T10:09:55Z text/html fr Hervé Le Crosnier Creative Commons Accès au savoir vecam-F Une nouvelle collection de livres numériques constituée à partir d'œuvres appartenant au domaine public vient de paraître sous l'intitulé « BnF collection ebooks ». Cette collection est le produit de la filiale de droit privé de la Bibliothèque nationale de France dénommée « BnF Partenariat » qui veut constituer des « offres numériques à partir des œuvres conservées par la BnF et leur valorisation commerciale ». Une confusion des rôles respectifs des bibliothèques et des éditeurs... qui affaiblit autant les (...) - <a href="http://vecam.org/rubrique57.html" rel="directory">Actualités</a> / <a href="http://vecam.org/mot17.html" rel="tag">Creative Commons</a>, <a href="http://vecam.org/mot45.html" rel="tag">Accès au savoir</a>, <a href="http://vecam.org/mot49.html" rel="tag">vecam-F</a> <div class='rss_chapo'><p>Une nouvelle collection de livres numériques constituée à partir d'œuvres appartenant au domaine public vient de paraître sous l'intitulé « BnF collection ebooks ». Cette collection est le produit de la filiale de droit privé de la Bibliothèque nationale de France dénommée « BnF Partenariat » qui veut constituer des « offres numériques à partir des œuvres conservées par la BnF et leur valorisation commerciale ». Une confusion des rôles respectifs des bibliothèques et des éditeurs... qui affaiblit autant les missions des bibliothèques auprès du public que la place de l'édition dans la réhabilitation des œuvres du passé. En toile de fond une interprétation erronée de ce que signifie valoriser le domaine public.</p></div> <div class='rss_texte'><p>Les bibliothèques ont des missions qui les conduisent à privilégier le libre accès à tous les documents qu'elles possèdent, avec comme seule limite leurs budgets et la conservation des documents rares et précieux. Dans ce cadre, le numérique est un allié majeur pour la diffusion des ouvrages afin de répondre aux attentes des lecteurs d'aujourd'hui. Une autre de leurs missions consiste à organiser les œuvres de façon à ne pas trier, favoriser, modifier les classements pour quelque raison que ce soit, ni idéologique, ni financière, ni au nom d'un « bon goût » quelconque. Elles doivent offrir à chaque œuvre des chances égales de trouver un public intéressé en fonction de ses centres d'intérêt. Une valeur centrale quand les moteurs de recherche ou les médias sociaux privés organisent l'accès en fonction d'algorithmes opaques.</p> <p>Pour leur part, les éditeurs ont, notamment vis-à-vis du domaine public, une approche totalement différente. Ils doivent au contraire sélectionner quelques œuvres qu'ils seront en mesure de diffuser auprès de leur public, dont ils pourront gérer la promotion, et qu'ils vont adapter aux attentes actuelles en matière de présentation, de typographie, de format... La qualité des éditions ne se mesure pas au nombre de documents rendus disponibles, mais à l'appareil critique, aux illustrations, à la qualité ortho-typographique.</p> <p>Il s'agit là de deux missions, tout aussi importantes l'une que l'autre, mais différentes dans leurs objectifs, dans le type de travail et la relation au public. Une bibliothèque doit respecter les règles professionnelles d'équilibre entre les œuvres, les courants de pensée, les époques... quand l'éditeur peut à loisir privilégier une ligne éditoriale, sélectionner en fonction de ce qu'il espère être les attentes de son public. La question du prix est une conséquence de cette distinction fondamentale. Les bibliothèques ont une mission pour laquelle les contribuables payent déjà : offrir à tous un accès libre à tous les documents... dans la mesure de ce que leur budget peut leur permettre de proposer. La gratuité de l'accès pour le public adhérent à une bibliothèque est une conséquence de cette mission. L'éditeur pour sa part a un objectif économique. Il va donc adapter sa sélection, constituer des séries, organiser la promotion dans ce cadre. Car n'oublions pas que, même si l'œuvre appartient au domaine public, ce que nous attendons d'un éditeur, c'est qu'il nous la présente de façon la plus pertinente et agréable possible, avec l'appareil critique, les notes et les préfaces, la mise en page typographique et la mise en contexte culturelle. C'est pour cela que nous lui faisons confiance et sommes prêts à acheter les livres, imprimés ou numériques, qu'il met sur le marché.</p> <p>Qu'une collection éditoriale puisse se prévaloir de l'étiquette « Bibliothèque nationale de France » entraîne dès lors une grande confusion, qui est néfaste tout autant aux bibliothèques et à leurs missions de service public qu'aux éditeurs et leur travail de réhabilitation et de promotion.</p> <p>Pour les bibliothèques, cela va entraîner la confusion entre les opérations de numérisation, qui sont une manière de favoriser l'accès aux œuvres dans le cadre numérique qui est le nôtre, et l'édition/sélection en fonction d'un marché supposé. La formation de bibliothécaire insiste sur le fait que ce n'est pas au bibliothécaire de choisir, mais à l'éditeur. Le bibliothécaire enregistre les tendances d'une époque en suivant l'actualité de l'édition, et organise un équilibre parmi les œuvres qui forment cette tendance en fonction de son budget, forcément limité. Valider un travail culturel par un choix éditorial relève d'une autre fonction. Cette confusion va également affaiblir les bibliothèques, notamment dans les municipalités qui ne vont pas pouvoir consacrer les budgets équivalents à la BnF pour numériser des fonds locaux ou spécifiques. Faire croire qu'une opération de numérisation ne serait valorisée que par l'édition, qui plus est devant être rentable, met en danger les rapports des bibliothèques avec leurs bailleurs de fonds. Plus philosophiquement, quand une bibliothèque devient éditrice d'œuvres rangées dans ses collections (à la différence de ses catalogues ou expositions), elle passe de gestionnaire du domaine public au service de tous, vers une logique de « propriétaire » du domaine public dont elle décide l'usage. Si elle est en phase avec la logique managériale qui domine notre époque, cette approche n'est pas celle des bibliothécaires. La notion de réseau des bibliothèques, chacun participant à un travail collectif qui le dépasse pour offrir la collection la plus large et efficace (organisation, numérisation, transcodage et catalogage) est un des fondamentaux de la profession.</p> <p>Pour les éditeurs, qu'une bibliothèque prestigieuse comme la BnF puisse se lancer sur leur marché, va dévaloriser leur travail de sélection et promotion. Au-delà du conflit d'intérêt, c'est la confusion entre la publication (mettre à disposition du public) et l'édition (travailler une œuvre pour que le public la demande et soit satisfait par les conditions de lecture qui lui sont proposées) qui va nuire à l'image globale de la profession. Un éditeur est libre de choisir son modèle économique, de fixer les prix. Dans le monde numérique il peut choisir les diffuseurs avec lesquels il va travailler. Il peut travailler avec le format propriétaire d'Amazon Kindle, ou s'y opposer pour des raisons commerciales ; il peut décider de ne pas répondre aux désirs des lecteurs et placer des DRM dans ses livres... La sanction éventuelle portera sur l'étendue de son marché et son équilibre budgétaire. Il peut même compenser ces freins à la lecture et au partage par une qualité qui incitera malgré tout le lecteur à passer outre.</p> <p>Il en va tout différemment des bibliothèques. L'interopérabilité, la capacité à être lu en dehors de toute affiliation à une plateforme, le respect de la liberté du lecteur sont dans la logique des missions définies plus haut. Or la collection de la BnF est diffusée avec des DRM (fnac, chapitre.com,...) ou uniquement en format Kindle sur Amazon. Ce faisant, la BnF, en tant que bibliothèque publique, se trouve participer à un jeu de tric-trac entre plateformes qui dépasse largement ses attributions. Peut-on, quand on est une bibliothèque publique, exiger du lecteur qu'il possède Adobe Digital Edition, ce qui exclut d'emblée tous les utilisateurs de Linux ? Pour acheter les livres numérique de la collection de la BnF, il faut offrir à la Fnac et aux autres plateformes choisies par BnF-Partenariat des données personnelles, notamment les très utiles adresse et date de naissance... Est-ce le rôle d'une bibliothèque, qui plus est nationale, de permettre à ces plateformes d'enregistrer toutes ces informations privées pour les revendre sur le grand marché des mégadonnées ? Au contraire, les bibliothèques, et toute leur histoire le démontre, ont devoir de protéger leurs lecteurs, de garantir l'anonymat des lectures.</p> <p>Une autre question, souvent soulevée par les commentateurs de cette opération de la BnF, est celle de la gratuité du domaine public. Soyons réalistes : heureusement que depuis des décennies les éditeurs vendent les œuvres du domaine public... sinon nous aurions perdu la connaissance de tous ces travaux essentiels. La question du prix est celle du marché, et pour la culture du consentement à payer des lecteurs. Une même œuvre du domaine public va être vendue peu cher en édition de poche, un peu plus avec un appareil critique et très cher quand elle est imprimée sur papier bible et reliée sous couverture pleine peau dorée à l'or fin. Chaque type d'édition a toujours trouvé son public. Ce n'est pas parce qu'il va exister des éditions gratuites en format numérique que cela va changer. Simplement, les éditeurs qui voudront faire payer des œuvres du domaine public vont devoir rivaliser en qualité, en appareil critique, en illustration, en interopérabilité... Au final, les éditeurs compétents vont tirer leur épingle du jeu, et la concurrence va faire baisser les prix, au grand bénéfice du public, de la lecture et de la réhabilitation des œuvres du passé.</p> <p>Dans ce cadre, les bibliothèques ont une nouvelle mission pour favoriser cette démocratisation de l'accès aux œuvres du domaine public : fournir les sources qui vont permettre à la fois les diffusions gratuites et les travaux éditoriaux de qualité. La numérisation, puis la reconnaissance optique de caractère permettent d'obtenir, par l'usage d'un système informatique (qui ne produit donc pas de « droits d'auteur » nouveaux), un texte source fiable environ à 95%, voire plus. Ce texte source permet la recherche documentaire, mais pourrait également servir de base au travail de relecture ortho-typographique et aux corrections qui sont le propre du métier d'éditeur. Il convient pour les bibliothèques de rendre ces textes source disponibles à tous, sans restriction ni négociation. Ces textes source sont une nécessité pour les bibliothèques, car ils permettent de réaliser leur mission première qui est d'organiser les ouvrages dont elles ont la garde et d'en offrir l'accès le plus adapté à l'époque (aujourd'hui, accès en réseau, recherche documentaire, accès au texte et accès à la copie image de l'original). Or malheureusement, de nombreuses bibliothèques, et au premier chef la BnF, ajoutent des négociations de droit pour celui qui veut utiliser ces textes source. Ce qui va limiter la possibilité des éditeurs à choisir les œuvres, et faire leur travail spécifique... mais aussi ce qui va limiter, et c'est plus grave encore, la capacité des lecteurs actifs à travailler ces sources pour offrir aux autres les œuvres qui leur plaisent. Or nous avons bien vu, au travers du projet Gutenberg ou de Wikipédia, que les lecteurs altruistes sont prêts à passer une partie de leur temps et de leur énergie à construire ces ensembles de connaissance et de culture et à les offrir en partage. Cette énergie des communs de la connaissance devrait trouver dans les bibliothèques leurs meilleurs alliés... or c'est le contraire que vient montrer cette collection de la BnF. Cela lance un très mauvais signal envers les lecteurs avides de partage, de réhabilitation, désireux de promouvoir des livres qu'ils ont aimé. Au final, cette limitation de l'usage d'un travail financé par la puissance publique est contraire à la véritable valorisation du domaine public. Si l'on en croit le rapport de Bruno Ory-Lavollée publié par le Ministère de la Culture, la valorisation du patrimoine passe avant tout par l'usage multiplié des œuvres gérées par les bibliothèques ou les musées. Or nous avons là des bibliothèques publiques qui mènent une politique contraire.</p> <p>Face à ces constats, ils convient de proposer des solutions qui puissent à la fois favoriser les bibliothèques (toutes les bibliothèques), les éditeurs et cette pulsion contributive des individus dont on peut constater chaque jour l'existence.</p> <p>La première nécessité est de dissoudre BnF-Partenariat, la filiale de la BnF chargée de la valorisation marchande. Le CNRS a longtemps cru qu'une structure marchande comme INIST-Diffusion allait pouvoir valoriser la recherche... jusqu'à ce que l'an passé un audit et une mobilisation montrent qu'il n'en était rien, que les revenus de ce genre de filiale étaient dérisoires en regard des missions des organismes concernés. La décision la plus sage a été prise de recentrer l'INIST comme appui à la recherche du CNRS et d'abandonner la filiale privée. C'est fort de cette expérience que le Ministère de la Culture devrait se prononcer pour que la BnF se recentre sur ses missions et abandonne cet outil de confusion qu'est BnF-Partenariat. Ajoutons, qu'au même titre que ce qui s'est passé au CNRS, avoir une direction unique pour l'organisme public et la filiale privée n'est pas sain.</p> <p>Ensuite, il convient de faire comprendre que le nombre ne fait rien à l'affaire. Les bibliothèques vont numériser en fonction des ressources allouées, mais ce n'est qu'une première étape de la revalorisation du domaine public. Il faut que parmi cette masse on puisse sélectionner et promouvoir certains travaux. Ce rôle peut être celui d'éditeur, d'acteurs individuels, ou d'autres structures... L'accès libre aux données source (notamment la version texte OCR) est un principe qui va favoriser l'usage culturel des ressources. Et c'est bien cela qui est l'objectif. Changer les licences d'usage, faire que les travaux techniques sur les œuvres du domaine public n'ajoutent aucune nouvelle couche de restriction est essentiel pour étendre la culture et la langue française dans le monde entier.</p> <p>Enfin, rappeler avec force et inscrire dans la loi que les institutions publiques en charge de la conservation du patrimoine et du domaine public en sont simplement les gestionnaires au profit de tous. Le fonctionnement coopératif des bibliothèques, et dans ce cadre le rôle d'animation et d'entraînement des plus grandes d'entre-elles, est une valeur centrale des missions de l'accès universel aux publications. Ces valeurs doivent être rappelées en ce moment de passage au numérique, pour ne pas nous laisser aveugler par la technique ou par les promesses des industries du numériques qui calculent en données et oublient la valeur collective du domaine public et du partage de la culture.</p> <p>Hervé Le Crosnier Caen, le 12 septembre 2014 Texte diffusé sous licence Creative Commons by</p></div> De la politique de l'association à la construction des communs http://vecam.org/article1260.html http://vecam.org/article1260.html 2012-08-08T10:22:36Z text/html fr Valérie Peugeot Creative Commons Citoyenneté et expression Accès au savoir vecam-F Revue-reseau-TIC Biens communs Résumé Au milieu du gué. C'est ainsi que Roger Sue décrit nos sociétés et nos économies, pétrifiées à mi chemin entre le modèle industriel dominé par les services - le « tertiaire » - et le modèle de l'économie cognitive ou immatérielle, qu'il intitule résolument le « quaternaire ». Certes tout le monde – entreprises, pouvoirs publics, institutions internationales – célèbre le rôle des technologies de l'information et des connaissances dans l'économie qui s'en vient. Mais, selon l'auteur, nous ne saisissons pas (...) - <a href="http://vecam.org/rubrique3.html" rel="directory">Fiches de lecture et références bibliographiques</a> / <a href="http://vecam.org/mot17.html" rel="tag">Creative Commons</a>, <a href="http://vecam.org/mot19.html" rel="tag">Citoyenneté et expression</a>, <a href="http://vecam.org/mot45.html" rel="tag">Accès au savoir</a>, <a href="http://vecam.org/mot49.html" rel="tag">vecam-F</a>, <a href="http://vecam.org/mot68.html" rel="tag">Revue-reseau-TIC</a>, <a href="http://vecam.org/mot70.html" rel="tag">Biens communs</a> <div class='rss_texte'><h3 class="spip">Résumé</h3> <p>Au milieu du gué. C'est ainsi que Roger Sue décrit nos sociétés et nos économies, pétrifiées à mi chemin entre le modèle industriel dominé par les services - le « tertiaire » - et le modèle de l'économie cognitive ou immatérielle, qu'il intitule résolument le « quaternaire ». Certes tout le monde – entreprises, pouvoirs publics, institutions internationales – célèbre le rôle des technologies de l'information et des connaissances dans l'économie qui s'en vient. Mais, selon l'auteur, nous ne saisissons pas la radicalité des transformations induites tant dans nos entreprises, dans nos sociabilités que dans nos rapports aux savoirs et aux apprentissages. Ce faisant nous n'en tirons pas les choix politiques susceptibles d'accompagner cette « grande transformation ».</p> <p>Certes les connaissances sont la clé de voûte de nos économies, mais pas nécessairement les savoirs d'accumulation, ceux que nous empilons laborieusement dans nos cursus scolaires et universitaires. Les connaissances dont nous avons besoin, dans une société que les infrastructures techniques contribuent à rendre réticulaires, informelles et mieux distribuées, sont plutôt de l'ordre du « savoir coopérer », du « savoir créer », de l'imaginaire, de l'intuition, de la reliance aux autres, bref du « savoir-être » tout autant que du savoir-faire. Travailler dès lors consiste tout autant à produire dans la créativité qu'à « se produire », c'est à dire à se construire soi-même, dans son rapport à soi et au monde. Ceci rend en partie obsolète les indicateurs traditionnels du travail / emploi : rejoignant les analyses de Yann Moulier-Boutang, Roger Sue acte que, comme c'est déjà le cas notamment pour l'artiste ou l'enseignant chercheur aujourd'hui, le temps fera de moins en moins sens. Car ces nouvelles tâches appellent un renouvellement continu du capital cognitif, qui ne se limite plus aux temps formels de l'éducation et de la formation.</p> <p>L'entreprise n'échappe pas au phénomène : celle-ci prend conscience de l'importance du travail implicite, des qualités et compétences ascendantes des salariés (autonomie, capacité de coopération, de développement personnel...) mais ne sait comment les mobiliser et les reconnaître. Au delà de l'entreprise, l'emploi devra inéluctablement se recomposer autour d'activités liées à cette valorisation de la personne : santé comme pré réquisit, développement des capacités, valorisation du capital humain. Alors que les besoins non marchands explosent et que l'économie devient <i>de facto</i> de plus en plus « sociale » (cf. les dépenses de santé, de protection sociale, d'éducation, de culture...) dans un contexte de ressources publiques limitées, « l'extension du non-marchand est de plus en plus la condition même de survie du marché ». Plus radicalement c'est la question de la sortie de l'emploi qui est posée : ne devons-nous pas aller jusqu'au bout d'une flexibilité de l'emploi qui gagne chaque jour plus de terrain et la négocier contre un revenu de citoyenneté, allant ainsi vers une économie redistributive (en complément ou substitution des économies domestique, publique et marchande identifiées par Karl Polanyi) ? Selon l'auteur, c'est la seule manière d'éviter une scission de la société en deux : d'un côté les gagnants de la flexibilité, qui y trouvent autonomie et adéquation avec une activité cognitive, de l'autre les grands perdants, ceux que la flexibilité enfonce dans la précarité et la pauvreté.</p> <p>À ne pas vouloir acter ce glissement des besoins vers de nouvelles connaissances, et à ne pas les intégrer dans une école qui demeure ancrée sur un modèle du savoir universel scientifique, on contribue à accroître les inégalités. Seuls certains milieux sociaux sauront transmettre ces aptitudes aux générations montantes.</p> <p>Pour autant, les modalités de cette transmission restent à inventer. Une question complexe. Plutôt que d'en rejeter une fois de plus la responsabilité vers l'école, Roger Sue invite à <strong>se tourner vers le monde associatif</strong>. Il observe que les associations remplissent trois grandes fonctions :</p> <ul class="spip"><li> La reliance : l'association permet de tisser du lien social, sans obérer l'individualisation comme processus de civilisation (à différencier de l'individualisme). Car la participation à une association apporte d'abord une connaissance de soi, une mise à jour de savoirs enfouis, l'ouverture d'un nouvel espace de reconnaissance, celle-là même que l'entreprise ne sait plus accorder. Il s'agit de « s'engager pour soi, s'engager avec les autres » tout en « s'engageant pour les autres, dans son époque ». C'est aussi une manière de faire de la politique au moment même où les structures médiatrices traditionnelles du politique souffrent de désamour de la part des populations.</li><li> Les compétences : alors que l'éducation populaire en France approche le siècle et demi d'existence, le monde associatif porte dans son ADN la question de l'éducation permanente et du croisement des savoirs, dans une perspective d'émancipation individuelle et collective. Les savoirs développés en son sein relèvent des compétences transverses - échange, engagement, sens pratique, créativité, capacité à l'autoformation...-. En ce sens l'association constitue un incubateur naturel des connaissances nécessaires au « quaternaire », celles-là même que ni l'école ni l'entreprise ne savent encourager. Un constat qui doit amener à la reconnaissance de l'association comme système de formation à part entière, à l'image de ce qui se pratique déjà dans certains pays scandinaves.</li><li> La performance : pour répondre à la part « sociale » croissante de l'économie, les secteurs public et privés seuls sont impuissants. Il est nécessaire d'impliquer tout un chacun, quelles que soient ses qualités (âge, disponibilité, compétences...), dans un rapport de proximité, tout en donnant la priorité à la prévention (de la santé, de l'environnement...). Toutes conditions d'efficacité que le monde associatif sait remplir. Plutôt que d'effectuer un transfert massif vers le secteur privé dont on mesure actuellement l'inefficacité, la construction de partenariats entre entreprises et associations semble plus performants pour répondre à ces enjeux. Des partenariats qui passent notamment par le mécénat de compétences (immersion à temps partiel de salariés dans le monde associatif, financé par l'entreprise), opération gagnant-gagnant pour les deux structures comme pour le salarié. Un modèle qui doit être étendu (au delà des grandes entreprises), diversifié (simultanément ou alternativement au travail salarié) et appuyé sur un revenu minimum, de l'ordre du SMIC. Ce faisant il s'agit ni plus ni moins que de conférer un « droit à l'activité » pour tous, négocié contre une flexibilité assumée mais débarrassée de son caractère profondément inégalitaire (en s'inspirant de la flexisécurité).</li></ul> <p>Pour que l'associationnisme puisse porter ces promesses, encore faut-il qu'une véritable politique de l'association se mette en place, c'est à dire « la capacité du mouvement associatif à se constituer en un acteur politique disposant de suffisamment d'unité, d'autonomie et de volonté pour se fixer un agenda politique et une fonction institutionnelle en rapport avec son poids réel dans la société ». Politique que l'auteur entend asseoir autour de quatre axes :</p> <ul class="spip"><li> Le volontariat généralisé (à la différence du bénévolat qu'il complète, il fait l'objet d'une rétribution minimale), qui génère une nouvelle catégorie d'activités au delà de l'État et du marché et qui doit être encouragé par des dispositifs légaux et financiers, dont l'auteur liste les modes de financements possibles.</li><li> La mise en place d'un livret de compétences qui permette de reconnaître les compétences transverses, notamment celles acquises hors du système scolaire et universitaire. Ceci consacrerait un changement de posture de l'école, devenant « espace de réflexivité de savoirs majoritairement produits à sa périphérie », à l'image de ce qui se pratique en Finlande.</li><li> L'affirmation de l'indépendance du secteur associatif, qui ne peut et ne doit être ni supplétif du service public ni prestataire de services. Ceci passe par une réforme des institutions représentatives du monde associatif (Haut conseil à la vie associative, CPCA - Conférence Permanente des Coordinations Associatives...) sur la base de mode de désignation par élections ascendantes, de mandats à durée limitée et de dotation en ressources autonomes. Le passage d'un statut purement consultatif à une intervention dans le processus législatif pour le Conseil économique, social et environnemental, serait également essentiel.</li></ul> <p>Au final, Roger Sue invite la gauche à s'emparer de l'associationnisme comme levier majeur d'un renouvellement démocratique participatif, d'un dépassement des contradictions entre travail aliénant et travail émancipateur, entre individu et collectif, et des postures purement critiques, sans perspective d'alternatives. Il y voit également une contribution à l'émergence des « communs », de leur passage à l'échelle, impliquant un public toujours plus large.</p> <h3 class="spip">Commentaires</h3> <p>La première vertu de ce texte est certainement d'allier à l'audace conceptuelle des perspectives concrètes de transformation des relations entre connaissances, travail, temps et engagement. L'ouvrage montre comment notre société porte en elle, à travers la richesse et la diversité du monde associatif, les germes de ce qui pourrait être la « grande transformation » de demain. Ce monde associatif est aujourd'hui en situation ambiguë : négligé par les instances politiques, considéré comme une sorte de « supplément d'âme » qui vient arrondir les angles d'une société livrée à l'économie de marché, il tend à se complaire dans une forme de marginalité. Entre opposition – pour les mouvements de résistances –, réparation – pour les associations de solidarité – ou substitution – pour les associations assumant des missions de service public –, il n'ose assumer l'ambition à laquelle l'invite Roger Sue : celle d'une alternative au marché et à l'État, capable d'accompagner structurellement nos sociétés dans leur entrée dans les sociétés de connaissances.</p> <p>Cette perspective est particulièrement stimulante pour tous ceux qui œuvrent à la construction des « communs » (voir <a href="http://cfeditions.com/libresSavoirs/" class='spip_out' rel='external'>Libres savoirs</a>, ouvrage coordonné par Vecam, 2011, C&F Éditions) comme cela n'a pas échappé à l'auteur. Le monde associatif, et plus généralement l'économie sociale et solidaire, apparaît comme le maillon indispensable entre deux approches : celle du « bien commun » et celle des « biens communs ». Le passage du singulier au pluriel (ou l'inverse) n'est pas trivial. Le bien commun peut être envisagé comme une version élargie de l'intérêt général, renvoyant moins au fruit d'un contrat social, qu'aux valeurs que l'humanité se doit de partager (en son sein mais aussi dans son rapport à la nature), dans un souci à la fois de préservation et de développement. Si les biens communs embrassent également ce double objectif de préservation et de renouvellement créatif, ils s'ancrent non pas dans des valeurs abstraites et universelles mais dans la construction très opérationnelle de règles de gouvernance appliquées à une ressource clairement identifiée, matériel ou immatérielle, locale ou non (une forêt ou un logiciel). En ce sens la pensée des « biens communs » présente une double essence politique et économique, qui constitue à la fois sa force – en pensant d'entrée de jeu l'économique hors de la sphère marchande – et sa faiblesse – en ne pouvant pas s'appliquer aux champs de l'activité humaine qui échappent (ou devraient échapper) totalement à l'économique (comme la biodiversité ou la justice). Le monde associatif possède de fait un pied dans chacune de ces deux approches : en poursuivant des objectifs non lucratifs, en répondant à des besoins que le marché par essence ne couvre pas et que la puissance publique néglige, en ouvrant des espaces de développement personnel ignorés du marché comme de l'État, l'association participe à l'évidence du « bien commun ». En inventant les règles de gouvernance indispensables à la poursuite d'activités non marchandes, les associations contribuent à créer de nouvelles communautés de « biens communs ». Si les biens communs englobent une diversité de communautés qui dépassent largement le monde associatif (communautés d'habitants, réseaux informels, communautés de développeurs, riverains d'une rivière...), ce dernier n'en constitue pas moins une composante de taille. L'association, dégagée des contraintes de la valeur d'échange et de la profitabilité (ce qui ne la dédouane pas d'obligations d'efficacité), participe au renouvellement de la conception même de la valeur – valeur des connaissances, valeur du travail comme l'évoque Roger Sue - mais aussi valeur des biens, des services produits, des sociabilités tissées, de la justice sociale réinjectée, de la créativité suscitée... Où l'on retrouve le lien entre les « biens communs » comme manière de revisiter les fondamentaux de l'économie et le « bien commun » comme horizon de sens et de mesure du bénéfice collectif.</p> <p>On notera toutefois que le livre, sur son versant économique, souffre des mêmes faiblesses que l'état de la pensée actuelle sur les communs : l'articulation entre les trois sphères – sphère publique, sphère marchande, sphère associative/des biens communs – et la circulation des ressources comme des contributions entre ces trois secteurs reste à définir, même si l'auteur s'efforce d'ouvrir des pistes fécondes. C'est certainement un terrain de forte conflictualité entre ceux qui tentent d'inventer une troisième voie, au delà du marché et du secteur public : quelles doivent êtres les contributions de ces derniers au financement du secteur associatif, et à quelles conditions susceptibles de justifier cette contribution tout en préservant l'autonomie de celui-ci ? Les communs doivent-ils être soumis à une forme de taxation de la richesse non marchande créée, afin de contribuer à la sphère publique en retour ? Quelle peut/ doit être la part des échanges non monétarisés (ou appuyés sur des monnaies alternatives) à l'intérieur du secteur des biens communs ? Quels sont les vecteurs de la reconnaissance dans le cadre d'échanges gratuits ou de dons/contre dons ? Autant de questions et bien d'autres qui attendent encore notre inventivité économique et politique.</p> <p>Enfin on pourra reprocher au livre une forme d'angélisme dans sa description du monde associatif : celui-ci apparaît dénué de tout rapport de force interne, de toute difficulté en tant qu'espace de socialisation. Certes le monde associatif est un espace de « construction de soi », de valorisation, de reconnaissance. Mais il peut aussi se révéler espace de concurrence, de conflictualité, voire d'une certaine forme de violence : la construction d'un sens commun fait appel à une implication émotionnelle voire affective de l'individu, qui peut parfois transformer l'expérience associative en source de dépréciation de soi. S'il n'y a pas dans le monde associatif de lien du sujétion au sens où on l'entend dans le monde du travail, il n'échappe cependant pas à la question du pouvoir et de sa régulation. Cette critique n'est qu'une invitation pour le monde associatif à poursuivre l'exploration de nouvelles gouvernances susceptibles de laisser éclore le potentiel créatif et contributif de chaque participant tout en le protégeant des enjeux de pouvoir.</p></div> Libres Savoirs, Les biens communs de la connaissance http://vecam.org/article1212.html http://vecam.org/article1212.html 2011-05-26T08:56:03Z text/html fr Frédéric Sultan Creative Commons Accès au savoir vecam-F Revue-reseau-TIC Biens communs Un ouvrage collectifs (30 auteurs originaires de 4 continents coordonnés par VECAM) pour décrypter les enjeux du partage de la connaissance et l'information pour le XXIième siècle. La bataille des communs, de l'accaparement par le secteur marchand de l'espace, du travail, de la santé, ou de l'éducation, pour ne citer que ces quelques exemples, fait rage à coup de brevets, de privatisation des services publics, de marchandisation du vivant... L'État accompagne ce mouvement de ses LSQ, Hadopi et autres (...) - <a href="http://vecam.org/rubrique3.html" rel="directory">Fiches de lecture et références bibliographiques</a> / <a href="http://vecam.org/mot17.html" rel="tag">Creative Commons</a>, <a href="http://vecam.org/mot45.html" rel="tag">Accès au savoir</a>, <a href="http://vecam.org/mot49.html" rel="tag">vecam-F</a>, <a href="http://vecam.org/mot68.html" rel="tag">Revue-reseau-TIC</a>, <a href="http://vecam.org/mot70.html" rel="tag">Biens communs</a> <div class='rss_chapo'><p>Un ouvrage collectifs (30 auteurs originaires de 4 continents coordonnés par VECAM) pour décrypter les enjeux du partage de la connaissance et l'information pour le XXIième siècle.</p></div> <div class='rss_texte'><p>La bataille des communs, de l'accaparement par le secteur marchand de l'espace, du travail, de la santé, ou de l'éducation, pour ne citer que ces quelques exemples, fait rage à coup de brevets, de privatisation des services publics, de marchandisation du vivant... L'État accompagne ce mouvement de ses LSQ, Hadopi et autres LOPSI.</p> <p><span class='spip_document_912 spip_documents spip_documents_left' style='float:left; width:231px;'> <img src='http://vecam.org/local/cache-vignettes/L231xH367/libres_savoirs_-_couv_petite-3a169.jpg' width='231' height='367' alt="" style='height:367px;width:231px;' /></span> Pourtant les biens communs, cette "utopie pragmatique" au coeur des pratiques de la plupart des initiatives de l'ESS ouvrent des voies nouvelles pour aborder les défis du XXIe siècle". Les biens communs ne sont pas un étendard qu'il suffit de déployer pour changer la face du monde. C'est un chemin semé d'embuches qui nous oblige à regarder la réalité des effets de la mise en commun et du mode de gouvernance qu'adopte une communauté dans le but de se partager une ressource souvent vitale.</p> <p>Aujourd'hui, le savoir, l'information sont devenus des denrées vitales pour nous permettre de vivre ensemble à l'échelle locale et mondiale, de partager de manière durable et équitable les ressources de la planète et transformer la société dans le sens de l'émancipation de chacun. Les dimensions immatérielles et non-rivales de l'information et de la connaissance ont ré-ouvert un large champs de possibles aux biens communs, exploré par les économistes, telle Elinor Ostrom, prix Nobel 2009, [<a href='#nb1' class='spip_note' rel='footnote' title='Rappelons qu'elle sera en France à la fin du mois de juin 2011 pour une (...)' id='nh1'>1</a>] et les militants. Il s'agit de saisir cette opportunité et d'élaborer des modes de partage à l'échelle de la planète pour prendre soin des biens communs que sont Internet, le climat, ou encore la connaissance.</p> <p>C'est fort de cette conviction que les 30 auteurs réunis par l'association <a href="http://vecam.org/httpvecam.org" class=''>VECAM</a>, partagent leurs expériences, leurs analyses et leur réflexions sur les biens communs de la connaissance dans <i>Libres Savoirs</i>.</p> <p>Retrouver cet ouvrage en librairie ou sur le <a href="http://cfeditions.com/libres_savoirs" class='spip_out' rel='external'>site</a></p> <p>Prix du livre : 29 € <br />352 pages format 14 × 21 cm <br />ISBN 978-2-915825-06-0 <br />EAN 9782915825060</p> <p>Spécimen (inclus : le sommaire, 2 articles d'introduction et un bon de commande) :</p> <dl class='spip_document_913 spip_documents spip_documents_center' style=''> <dt><a href="http://vecam.org/IMG/pdf/specimen.pdf" title='PDF - 2.1 Mo' type="application/pdf"><img src='http://vecam.org/local/cache-vignettes/L52xH52/pdf-eb697.png' width='52' height='52' alt='PDF - 2.1 Mo' style='height:52px;width:52px;' /></a></dt> </dl></div> <hr /> <div class='rss_notes'><p>[<a href='#nh1' id='nb1' class='spip_note' title='Notes 1' rev='footnote'>1</a>] Rappelons qu'elle sera en France à la fin du mois de juin 2011 pour une rencontre avec l'Économie sociale et solidaire.</p></div> Le doculivre "Sciences & Démocratie" vient de paraître http://vecam.org/article1201.html http://vecam.org/article1201.html 2010-04-19T08:18:25Z text/html fr Hervé Le Crosnier Creative Commons Accès au savoir vecam-F Revue-reseau-TIC Sciences et démocratie Le doculivre (un DVD documentaire + un livre de 96p.) "Sciences & Démocratie" vient de paraître chez C&F editions Le DVD comporte trois reportages autour du premier Forum Mondial Sciences & Démocratie, qui s'est tenu à Belém en janvier 2009, dans l'orbite du Forum Social Mondial : Une présentation de l'événement (une rencontre de 300 personnes, majoritairement scientifiques, pour poser la question des sciences au coeur du grand rassemblement des mouvements sociaux) Un reportage en (...) - <a href="http://vecam.org/rubrique57.html" rel="directory">Actualités</a> / <a href="http://vecam.org/mot17.html" rel="tag">Creative Commons</a>, <a href="http://vecam.org/mot45.html" rel="tag">Accès au savoir</a>, <a href="http://vecam.org/mot49.html" rel="tag">vecam-F</a>, <a href="http://vecam.org/mot68.html" rel="tag">Revue-reseau-TIC</a>, <a href="http://vecam.org/mot69.html" rel="tag">Sciences et démocratie</a> <div class='rss_chapo'><p>Le doculivre (un DVD documentaire + un livre de 96p.) <strong>"Sciences & Démocratie"</strong> vient de paraître chez <a href="http://cfeditions.com/" class='spip_out' rel='external'>C&F editions</a></p> <p>Le DVD comporte trois reportages autour du premier Forum Mondial Sciences & Démocratie, qui s'est tenu à Belém en janvier 2009, dans l'orbite du Forum Social Mondial :</p> <p><img src="http://vecam.org/skel/puce.gif" width="8" height="11" class="puce" alt="-" /> Une présentation de l'événement (une rencontre de 300 personnes, majoritairement scientifiques, pour poser la question des sciences au coeur du grand rassemblement des mouvements sociaux)</p> <p><img src="http://vecam.org/skel/puce.gif" width="8" height="11" class="puce" alt="-" /> Un reportage en Amazonie, avec une jeune chercheuse de l'Université du Québec à Montréal sur le transfert des connaissances et les échanges entre scientifiques et populations autochtones</p> <p><img src="http://vecam.org/skel/puce.gif" width="8" height="11" class="puce" alt="-" /> Des échos des deux jours de conférences : une synthèse efficace en image des moments les plus forts.</p></div> <div class='rss_texte'><p>Le DVD est réalisé par Alain Ambrosi et Abeille Tard.</p> <p><a href="http://cfeditions.com/sciences-et-democratie" class='spip_url spip_out' rel='nofollow external'>http://cfeditions.com/sciences-et-d...</a></p> <p>Quant à la partie livre, elle comporte les documents de référence du Forum, un compte-rendu par Cécile Sabourin (Présidente de la Fédération des Professeures et Professeurs d'Université du Québec) et des contributions individuelles.</p> <p><span class='spip_document_901 spip_documents spip_documents_left' style='float:left; width:250px;'> <img src='http://vecam.org/local/cache-vignettes/L250xH375/s_et_d-m-052b9.jpg' width='250' height='375' alt="" style='height:375px;width:250px;' /></span>On peut obtenir des <a href="http://cfeditions.com/" class='spip_out' rel='external'>extraits en pdf</a></p> <p>Doculivre, un nouveau format pour un sujet essentiel : faire connaître un événement au travers de la vidéo et de l'écrit.</p> <p>Une synthèse indispensable pour toute personne ou structure qui veut suivre les relations entre les questions scientifiques et la société, entre les mouvements de chercheurs et les autres mouvements sociaux et civiques.</p> <p>Le Forum mondial Sciences & Démocratie tiendra sa deuxième rencontre à Dakar, en janvier 2011, toujours dans l'orbite du FSM.</p> <p>On peut commander le doculivre "Sciences & Démocratie" auprès de son libraire, ou directement en ligne sur le site de <a href="http://cfeditions.com/" class='spip_out' rel='external'>C&F éditions</a> (paiement sécurisé auprès du Crédit agricole).</p> <p>Hervé Le Crosnier</p></div> <div class='rss_ps'><p>Le Doculivre "Sciences & Démocratie" est vendu au prix de 28 € <br />Les reportages sont réalisés par Alain Ambrosi et Abeille Tard. <br />La production a été assurée par l'association VECAM (Paris), l'association Communautique (Montréal) et C&F éditions. <br />En partenariat avec Cinbiose et Alternatives (Montréal) <br />Ce travail a obtenu une aide de l'Organisation Internationale de la Francophonie.</p></div> Savoirs et réseaux ; Se relier, apprendre, essayer par Claire et Marc HEBER SUFFRIN http://vecam.org/article1140.html http://vecam.org/article1140.html 2010-01-20T01:30:40Z text/html fr Pierre Frackowiak Pratiques coopératives Accès au savoir vecam-F Echanges réciproques de savoirs Savoirs et réseaux ; Se relier, apprendre, essayer par Claire et Marc HEBER SUFFRIN, est un ouvrage publier en novembre 2009 par les Editions Ovadia. Le propos de ce livre est de répondre à la question : Il tente de répondre à la question : "Pourquoi, pour quoi et en quoi l'échange réciproque des savoirs, la formation réciproque, le partage paritaire des savoirs ainsi que l'éducation populaire et la pédagogie coopérative sont "actuels", intéressants pour les temps présents ?". Ce livre est préfacé par (...) - <a href="http://vecam.org/rubrique3.html" rel="directory">Fiches de lecture et références bibliographiques</a> / <a href="http://vecam.org/mot22.html" rel="tag">Pratiques coopératives</a>, <a href="http://vecam.org/mot45.html" rel="tag">Accès au savoir</a>, <a href="http://vecam.org/mot49.html" rel="tag">vecam-F</a>, <a href="http://vecam.org/mot71.html" rel="tag">Echanges réciproques de savoirs</a> <div class='rss_chapo'><p>Savoirs et réseaux ; Se relier, apprendre, essayer par Claire et Marc HEBER SUFFRIN, est un ouvrage publier en novembre 2009 par les Editions Ovadia. Le propos de ce livre est de répondre à la question : Il tente de répondre à la question : "Pourquoi, pour quoi et en quoi l'échange réciproque des savoirs, la formation réciproque, le partage paritaire des savoirs ainsi que l'éducation populaire et la pédagogie coopérative sont "actuels", intéressants pour les temps présents ?". Ce livre est préfacé par Philippe Meirieu et postfacé par André Giordan.</p> <p>Pierre Frackowiak livre à la suite une note de lecture, sur cet ouvrage qu'il juge "fabuleux et émouvant", et dont il fait "un outil essentiel pour l'éducation du futur".</p></div> <div class='rss_texte'><p>On ne peut rester ni indemne ni indifférent à la lecture de ce beau livre de Claire et Marc Heber Suffrin.</p> <p>On ne peut rester indemne car, sans en avoir fait un objectif, sans le vouloir, sans engager la moindre polémique et le moindre procès, les auteurs nous culpabilisent, nous déstabilisent, en nous conduisant à nous interroger sur les raisons qui font que des propositions et projets aussi simples, logiques, mobilisateurs, que ceux qu'ils décrivent ne sont pas encore généralisés, recommandés, soutenus dans les institutions et dans la société. Ils bousculent tellement de nos certitudes, ils relativisent tellement de nos convictions, ils mettent en cause indirectement tellement de pratiques qui semblaient indiscutables, universelles et éternelles, ils interpellent si fortement les systèmes qui se sont figés faute des ruptures et des vraies réformes qui auraient été nécessaires, ils soulignent tellement, en creux, la pauvreté des mesurettes prises depuis un certain nombre d'années dans le domaine de l'éducation, qu'ils éclairent notre responsabilité individuelle et collective, provoquent ou renforcent des prises de conscience salutaires. En décrivant des expériences réellement mises en œuvre et en les analysant, ils posent clairement de vrais problèmes qui ne sont certes pas nouveaux, mais qui, éclairés par C. et M. Heber Suffrin prennent une nouvelle dimension et une nouvelle acuité.</p> <p><span class='spip_document_886 spip_documents spip_documents_left' style='float:left; width:241px;'> <img src='http://vecam.org/local/cache-vignettes/L241xH354/arton715-98b43.jpg' width='241' height='354' alt="" style='height:354px;width:241px;' /></span> On ne peut rester indifférent car l'histoire des réseaux et les comptes rendus de leurs travaux forcent l'attention et le respect. La mobilisation bénévole spontanée, le volontarisme pédagogique et social, l'intelligence collective exploitée, la générosité de ce qu'il faut bien appeler des militants, leur modestie et leur sens de la mesure créent ou renforcent la confiance en l'homme et en ses capacités d'apprendre pour lui-même et aux autres. Dans un monde où le règne des experts tend à s'imposer face à une démocratie participative qui peine à se construire faute de préparation en amont et d'engagement, où les idées de fatalité de l'échec et celle de déterminisme social ressurgissent et se répandent insidieusement, le « yes, we can » éducatif se traduit concrètement chaque jour avec détermination et fait renaître l'espoir. Les doutes, les fragilités, les faiblesses ne sont pas cachés. Pas de triomphalisme. Pas de nouveau dogmatisme.</p> <p>Même si l'ouvrage ne traite pas spécifiquement de l'école, faisant le pari d'une conception globale de l'éducation, intégrant les formations formelles et informelles, il l'interpelle tant sur le plan des pratiques pédagogiques (l'importance de l'apprentissage par les pairs, des échanges élève / élèves, etc) que sur le plan des contenus et des programmes (sens des apprentissages, prise en compte des savoirs et des compétences acquises hors l'école). Les enseignants auront beaucoup de pistes à explorer, de transferts à imaginer, d'exemples à transposer à la fois au niveau de leurs pratiques en classe, au niveau des coopérations avec leurs collègues et au niveau des relations avec les familles.</p> <p>Ce livre est « fabuleux » au sens évoqué par Bachelard, cité en préface : « Pour affronter la navigation, il faut des intérêts fondamentaux. Or les véritables intérêts sont des intérêts chimériques. Ce sont les intérêts qu'on rêve, ce ne sont pas les intérêts qu'on calcule. Ce sont les intérêts fabuleux. ». Il est « fabuleux » également au sens de Shakespeare qui soulignait : « Ils ont échoué parce qu'ils n'avaient pas commencé par le rêve », au sens des philosophes, sociologues et pédagogues progressistes qui affirment l'importance de l'utopie comme moteur de l'action et de la vie. </p> <p>Les réseaux d'échanges réciproques des savoirs organisent des systèmes de formation pour que chacun soit, autant qu'il le souhaite, offreur et demandeur de savoirs, enseignant et apprenant. De quoi ? Clarinette, histoire précolombienne, repassage, langage des sourds et muets, cuisine thaïlandaise ou philosophie des sciences, aquarelle ou savoirs en écologie, mathématiques et bricolage. Aucun domaine n'est exclu. Les projets s'adressent aux adultes mais l'idée peut parfaitement être transposée aux élèves dans le domaine des savoirs scolaires mais aussi, hors temps scolaire, dans le domaine des savoirs, de plus en plus importants, accumulés hors de l'école. Le développement des médias et d'Internet accroît inéluctablement la proportion des apprentissages non formel et informels par rapport aux apprentissages scolaires. Simon possède un savoir considérable en aéronautique, qui étonne même le guide d'un musée de l'air. Jérôme est incollable sur l'élevage naturel des vaches Aubrac. Sébastien démonte et remonte un moteur de mobylette. Se retrouvant dans une école ouverte, bien intégrée au village ou au quartier dans le cadre d'un projet éducatif concerté pour un territoire, chacun pourrait apporter aux autres. L'école ne semble pas encore en capacité de tirer les conséquences de ce phénomène mais les mouvements d'éducation populaire pourraient s'en emparer.</p> <p>La préface de Philippe Meirieu et la postface d'André Giordan donnent au livre une densité exceptionnelle. L'un donne une dimension historique et philosophique que trop de décideurs concernés par l'éducation ont tendance à oublier ou à négliger, laissant toute la place au technicisme et à l'opportunisme qui désincarnent et déshumanisent les actes éducatifs. L'autre nous plonge avec un pragmatisme sans faille dans une pédagogie ouverte fondée sur la confiance en l'apprenant. Les deux donnent du sens à l'éducation en général et aux réseaux qui permettent de se relier, d'apprendre, d'essayer. Ils donnent des directions sans directives et des idées.</p> <p>Ce livre sera une bouffée d'oxygène pour ceux qui veulent changer, ouvrir, élever l'éducation sous toutes ses formes, pour ceux qui veulent construire une autre école intégrée à une vision globale de l'éducation ancrée sur des territoires, pour ceux qui veulent donner du sens aux concepts trop galvaudés d'éducation tout au long de la vie et de société de la connaissance et de la communication. Comme disait Kant, « on ne doit pas éduquer les enfants d'après l'état présent de l'espèce humaine, mais d'après son état futur possible et meilleur, c'est-à-dire conformément à l'idée de l'humanité et à sa destination totale ». C'est vrai aussi pour l'ensemble des hommes et des femmes d'une société démocratique moderne.</p> <p>24 août 2009 Café pédagogique Expresso du 26 août 2009 (note de lecture publiée par le site du café pédagogique)</p> <p><strong><a href="http://www.leseditionsovadia.com/" class='spip_out' rel='external'>Editions Ovadia.</a> Novembre 2009. 309 pages. 25 euros. </strong></p></div> Une bonne nouvelle pour la théorie des Biens Communs http://vecam.org/article1122.html http://vecam.org/article1122.html 2009-10-12T17:06:58Z text/html fr Hervé Le Crosnier Creative Commons Accès au savoir Revue-reseau-TIC Le prix Nobel d'économie a été décerné le 12 octobre 2009 à Elinor Ostrom, qui travaille sur les Communs, cette forme spécifique de propriété et de gouvernance qui place les décisions collectives des « communautés » au centre du jeu socio-économique. Cette question des Biens communs a longtemps été ignorée par la science économique, par la politique et par les mouvements sociaux, mais elle est en passe de redevenir un « outil pour penser » majeur. Le prix Nobel d'économie a été décerné le 12 octobre 2009 à (...) - <a href="http://vecam.org/rubrique2.html" rel="directory">Articles / Publications</a> / <a href="http://vecam.org/mot17.html" rel="tag">Creative Commons</a>, <a href="http://vecam.org/mot45.html" rel="tag">Accès au savoir</a>, <a href="http://vecam.org/mot68.html" rel="tag">Revue-reseau-TIC</a> <div class='rss_chapo'><p>Le prix Nobel d'économie a été décerné le 12 octobre 2009 à Elinor Ostrom, qui travaille sur les Communs, cette forme spécifique de propriété et de gouvernance qui place les décisions collectives des « communautés » au centre du jeu socio-économique. Cette question des Biens communs a longtemps été ignorée par la science économique, par la politique et par les mouvements sociaux, mais elle est en passe de redevenir un « outil pour penser » majeur.</p></div> <div class='rss_texte'><p>Le prix Nobel d'économie a été décerné le 12 octobre 2009 à Elinor Ostrom et Oliver Williamson. Leurs travaux, quoique très différents, s'écratent des travaux de modélisation économique appuyée sur le modèle néo-classique, mais portent sur un « retour au réel ». Ils prennent en compte des interactions humaines et leurs effets, pour Williamson dans le cadre de la firme et pour Ostrom dans le modèle des biens communs, en s'échappant du modèle de la « rationalité économique » qui a longtemps prévalu dans les constructions mathématiques à la mode au cours de la décennie précédente. C'est une confirmation du changement d'orientation des Nobels entamé par la reconnaissance du travail de Paul Krugman l'an passé. Un changement qui va dans le sens d'un rapprochement entre l'économie et la politique, dans le même ordre d'idée que l'attribution du Prix Nobel de la Paix accordé au financier alternatif Mohamed Yunus précédemment. L'économie n'est plus cette théorie univoque qui servirait de hochet aux politiciens en mal d'instruments de pression sur les peuples (le « There is no alternative » de Margaret Thatcher, repris sous toutes ses formes par nos dirigeants néo-libéraux de tous bords depuis presque trente ans). Les décisions des humains de construire ensemble leur mode de production et de trouver des règles qui ne ressemblent pas à l'imagerie du marché afin d'autogérer leur actions communes pourraient enfin revenir au centre de la réflexion.</p> <p>En soi, ce simple fait serait une bonne nouvelle. Ajoutons que Elinor Ostrom est aussi la première femme récompensée par un Prix Nobel d'économie... pour des travaux sur l'organisation collective de la vie. Mais c'est pour d'autres raisons encore qu'il faut se féliciter aujourd'hui de la décision de Stockholm.</p> <p>Elinor Ostrom travaille sur les Communs, cette forme spécifique de propriété et de gouvernance qui place les décisions collectives des « communautés » au centre du jeu socio-économique. Or cette question des Biens communs, qui a longtemps été ignorée par la science économique, par la politique et par les mouvements sociaux, est en passe de redevenir un « outil pour penser » majeur, qui ouvre de nouvelles portes, et qui est en adéquation avec les questions du siècle qui débute (crise écologique, irruption des réseaux numériques, économie de la connaissance, modification profonde des régimes de production, redéfinition des droits de propriété immatérielle...). L'extension du travail immatériel et du numérique à l'échelle du monde et dans toutes les activités humaines souligne l'émergence centrale d'un nouveau type de bien commun, articulé autour de la connaissance et de l'information, et des règles collectives de fonctionnement en réseau.</p> <p>La question des « Communs » est au coeur de l'histoire du capitalisme. La première grande révolte populaire fondatrice de nos conceptions actuelles du droit, dans l'Angleterre du XIIIème siècle, avait pour cause l'expropriation des Communs. En mettant la main sur les forêts et les terres communales, le Roi Jean et les Barons jetaient dans le dénuement le plus total ceux dont la survie même dépendaient de ces terres ouvertes aux récoltes de tous : veuves ayant le droit de ramasser le bois de chauffage, paysans laissant paître les moutons, ramasseurs de champignons et de miel,... L'enclosure des Communs allait susciter de grands mouvements populaires, et des figures fortes marquant l'imagination comme « Robin des Bois ». Une armistice fut trouvée dans l'élaboration de deux traités en 1215 : la Grande Charte et la Charte des Forêts. Le premier consacrait ce que nous appelerions aujourd'hui les Droits politiques et sociaux et offrait la garantie de procès équitables et la nécessité de placer l'autorité royale sous le régime collectif de respect du droit. Et le second se consacrait aux « droits économiques et sociaux » en définissant les droits des usagers des forêts, les communs de l'époque. Dès lors cette question des communs a traversé toutes les révoltes populaires, tout comme elle a traversé toutes les tentatives d'élaborer un droit et des lois qui équilibrent les sociétés en respectant les humains qui la composent. En sens inverse, à la suite de Peter Linebaugh, on peut relire l'histoire de la colonisation, de l'esclavage et de la prolétarisation comme une volonté perpétuelle du capital de réduire les communs et d'imposer le règne de la marchandise, à la fois pour dégager de nouveaux espaces au profit, mais aussi pour limiter les capacités d'auto-organisation des populations.</p> <p>Du côté scientifique, la notion de Communs reçu une attaque particulièrement pernicieuse en 1968, quand le socio-biologiste Garrett Hardin publia son article « la tragédie des communs ». Dans ce modèle abstrait, Hardin considérait l'usage abusif de paturages communs par des bergers, chacun cherchant à y nourrir le plus grand nombre d'animaux... au point de réduire la quantité d'herbe disponible. Ce modèle du « passager clandestin », qui profite d'un bien disponible sans s'acquiter de devoirs envers la communauté, reste le modèle abstrait de référence ; un modèle simpliste qui colle parfaitement avec l'idéologie libérale. Avec de telles prémisse, la conclusion de Hardin s'imposait : « le libre usage des communs conduit à la ruine de tous ». Or Elinor Ostrom et Charlotte Hess, dans leur ouvrage majeur « Understanding knowledge as a commons » réduisent en poudre ce modèle qui a pourtant fait couler tant d'encre. Pour elles, le modèle de Hardin ne ressemble aucunement aux communs réels, tels qu'ils sont gérés collectivement depuis des millénaires, à l'image des réseaux d'irrigation ou des pêcheries. Pour Hardin, les communs sont uniquement des ressources disponibles, alors qu'en réalité ils sont avant tout des lieux de négociations (il n'y a pas de communs sans communauté), gérés par des individus qui communiquent, et parmi lesquels une partie au moins n'est pas guidée par un intérêt immédiat, mais par un sens collectif.</p> <p>Le grand apport d'Elinor Ostrom est dans cette distinction entre les « Communs considérés comme des ressources » et les « Communs considérés comme une forme spécifique de propriété ». Cette conception prend de plus en plus d'importance avec l'intégration des préoccupations écologiques dans l'économie. La notion de Communs devient attachée à une forme de « gouvernance » particulière : il s'agit pour la communauté concernée de les créer, de les maintenir, les préserver, assurer leur renouvellement, non dans un musée de la nature, mais bien comme des ressources qui doivent rester disponible, qu'il faut éviter d'épuiser. Il n'y a de Communs qu'avec les communautés qui les gèrent, qu'elles soient locales, auto-organisées ou ayant des règles collectives fortes, y compris des Lois et des décisions de justice. Les Communs sont des lieux d'expression de la société, et à ce titre des lieux de résolution de conflits.</p> <p>La théorie des Communs connaît un nouveau regain depuis la fin des années 1990, quand on a commencé à considérer les connaissances, les informations et le réseau numérique internet lui-même comme un nouveau Commun, partagé par tous les usagers, et auprès duquel chaque usager a des droits (libre accès au savoir, neutralité de l'internet, production coopérative, à l'image de Wikipedia,...) comme des devoirs. Il existe une différence majeure entre ces Communs de la connaissance et les Communs naturels, qui a été pointée par Elinor Ostrom : les biens numériques ne sont plus soustractibles. L'usage par l'un ne remet nullement en cause l'usage par l'autre, car la reproduction d'un bien numérique (un fichier de musique, un document sur le réseau, une page web,...) a un coût marginal qui tend vers zéro. On pourrait en déduire que ces Communs sont « inépuisables », et qu'une abondance numérique est venue. Or si l'on considère les Communs comme un espace de gouvernance, on remarque au contraire que ces nouveaux Communs de la connaissance sont fragiles. Il peuvent être victimes de ce que James Boyle appelle « les nouvelles enclosures ». Les DRM sur les fichiers, l'appropriation du réseau par les acteurs de la communication, la diffusion différenciée des services selon la richesse du producteur, l'appropriation privée des savoirs (brevets sur la connaissance) ou des idées et des méthodes (brevets de logiciels), le silence imposé aux chercheurs sur leurs travaux menés en liaison avec des entreprises,... sont autant de dangers qui menacent ces nouveaux Communs au moment même où leurs effets positifs sur toute la société commencent à être mis en valeur.</p> <p>Ces Communs de la connaissance ont donné lieu à l'émergence de nombreux mouvements sociaux du numérique, à des pratiques communautaires dépassant les cercles restreints pour peser sur toute l'organisation de la société en limitant l'emprise du marché et des monopoles dominants sur cette nouvelle construction collective du savoir. On peut citer ainsi le mouvement des logiciels libres ; celui des scientifiques défendant l'accès libre aux publications de recherche ; les paysans opposés à la mainmise sur les semences ; les associations de malades oeuvrant pour la pré-éminence du droit à la santé sur les brevets de médicaments ; les bibliothécaires partisans du mouvement pour l'accès libre à la connaissance ; les auteurs et interprètes qui décident de placer leurs travaux sous le régime des « creative commons » ; les rédacteurs de projets collectifs qui construisent des documents partagés sous un régime de propriété ouvert, garantissant la non-appropriation privée, à l'image de Wikipédia ou de Music Brainz ; ce sont même des organismes publics qui partagent leurs données pour des usages libres, commela BBC pour la musique et les vidéos, ou PBS le grand réseau de radio public des Etats-Unis. Avec l'internet, cette notion des Communs de la connaissance connaît à la fois un profond intérêt scientifique et pratique, mais voit aussi un nouveau terrain d'expérimentation. Le réseau numérique est à la fois un outil pour la production de ces communs numériques, et une source de règlement des conflits ou de partage des méthodes d'organisation garantissant la maintenance des communs ainsi construits.</p> <p>En rapportant la question des Communs à cette double dimension, de la gouvernance d'architectures humaines et de biens collectifs d'une part et de la mise à disposition pour tous et le partage des outils et des connaissances d'autre part, les travaux scientifiques sur les biens communs, dont Elinor Ostrom est une figure majeure, ouvrent des portes nouvelles aux mouvements sociaux du monde entier. En témoigne le récent appel « Pour la récupération des biens communs » issu du Forum Social Mondial de Belèm de janvier 2009.</p> <p>L'attribution du Prix Nobel d'économie à Elinor Ostrom est donc une excellente nouvelle pour le développement d'une réflexion politique et sociale adaptée aux défis et aux enjeux du 21ème siècle.</p> <p>Caen, le 12 octobre 2009</p> <p>Hervé Le Crosnier</p> <p>(Texte diffusé sous licence Creative commons v3 – attribution.)</p> <p>Pour approfondir la réflexion, quelques pointeurs sur la question des Communs, notamment des communs de la connaissance :</p> <ul> <li><cite>Cause Commune</cite>, Philippe Aigrain, Fayard, 2005 (le livre fondateur en français) (<a href="http://www.causecommune.org/" class='spip_out' rel='external'>http://www.causecommune.org</a>)</li> <li>L'appel <cite>« Pour la récupération des biens communs »</cite> (<a href="http://bienscommuns.org/" class='spip_out' rel='external'>http://bienscommuns.org</a>)</li> <li><cite>Understanding Knowledge as a commons</cite>, Charlotte Hess et Elinor Ostrom (Ed.), MIT press, décembre 2006 (<a href="http://mitpress.mit.edu/catalog/item/default.asp?ttype=2&tid=11012" class='spip_out' rel='external'>http://mitpress.mit.edu/catalog/item/default.asp?ttype=2&tid=11012</a>) </li> <li>Vidéos de la table-ronde <cite>Accès aux connaissances : construire les biens communs</cite> qui s'est tenue à Belèm le 26 janvier 2009 lors du premier Forum Mondial Sciences et Démocratie (<a href="http://vecam.org/article1099.html" class=''>http://vecam.org/article1099.html</a>). Notamment l'introduction synthétique par Valérie Peugeot (<a href="http://vecam.org/article1109.html" class=''>http://vecam.org/article1109.html</a>).</li> <li><cite>On the commons</cite>, blog collectif sur les Communs orchestré par David Bollier (Etats-Unis) (<a href="http://onthecommons.org/" class='spip_out' rel='external'>http://onthecommons.org</a>)</li> <li><cite>The Magna Carta Manifesto : Liberties and Commons for all</cite>, Peter Linebaugh, University of California Press, 2008 (<a href="http://www.ucpress.edu/books/pages/10566.php" class='spip_out' rel='external'>http://www.ucpress.edu/books/pages/10566.php</a>)</li> <li><cite>Bytes and Emissions : To Whom Does the World Belong ?</cite> Silke Helfrich (Ed.). Heinrich Boll Foundation, 2009 (livre collectif contenant un essay de Elinor Orstrom : <cite>Governing a Commons from a Citizen's Perspective</cite>) (<a href="http://p2pfoundation.net/To_Whom_Does_the_World_Belong" class='spip_out' rel='external'>http://p2pfoundation.net/To_Whom_Does_the_World_Belong</a>)</li> <li><cite>Connaissances & Communs</cite>, ouvrage collectif coordonné par l'Association Vecam, à paraître novembre 2009, C&F éditions (<a href="http://cfeditions.com/cetc" class='spip_out' rel='external'>http://cfeditions.com/cetc</a>)</li> </ul></div> Panel E : Responsabilité sociale : quelle coopération entre sciences et société ? http://vecam.org/article1092.html http://vecam.org/article1092.html 2009-02-12T16:20:16Z text/html fr Démocratie Creative Commons Accès au savoir vecam-F Recherche Vinod Raina, All Indian People Science Network, Inde, Modérateur du panel Nous avons besoin de créer des alliances, des relations entre mouvements sociaux et chercheurs, et ceci ne peut pas se faire uniquement sur une approche en termes de risques. Il faut différencier les relations entre société et sciences et société et technologie. Pensons d'abord les manières de produire du savoir, plutôt que des outils. André Jeaglé, Fédération mondiale des Travailleurs scientifiques, France Je suis cartographe, (...) - <a href="http://vecam.org/rubrique121.html" rel="directory">2009 Échos du Forum Mondial Sciences & Démocratie</a> / <a href="http://vecam.org/mot11.html" rel="tag">Démocratie</a>, <a href="http://vecam.org/mot17.html" rel="tag">Creative Commons</a>, <a href="http://vecam.org/mot45.html" rel="tag">Accès au savoir</a>, <a href="http://vecam.org/mot49.html" rel="tag">vecam-F</a>, <a href="http://vecam.org/mot66.html" rel="tag">Recherche</a> <div class='rss_texte'><p><strong>Vinod Raina, <i>All Indian People Science Network</i>, Inde, Modérateur du panel</strong></p> <p>Nous avons besoin de créer des alliances, des relations entre mouvements sociaux et chercheurs, et ceci ne peut pas se faire uniquement sur une approche en termes de risques. Il faut différencier les relations entre société et sciences et société et technologie. Pensons d'abord les manières de produire du savoir, plutôt que des outils.</p> <p><strong>André Jeaglé, <i>Fédération mondiale des Travailleurs scientifiques</i>, France</strong></p> <p>Je suis cartographe, je me place du point de vue de la Fédération mondiale des Travailleurs scientifiques.</p> <p>Cela ne sert à rien de vouloir engager ce dialogue, si la société ne s'intéresse pas aux conditions dans lesquelles les chercheurs exercent leur travail, conditions politiques et scientifiques. On parle de nouvelle alliance, mais alliance avec qui, pour qui ?</p> <p>J'attends de ce Forum une volonté d'écoute réciproque. Que veut on entendre par responsabilité ? La responsabilité des travailleurs scientifiques peut s'entendre de diverses manières. Nous devons nous garder de démontrer a posteriori des postulats posés à l'origine.</p> <p>Nous avons des objectifs ambitieux : amener des chercheurs qui ne se reconnaissent pas dans l'alter mondialisme à s'engager dans nos débats. Notre fédération essaye d'amener les syndicats à s'engager, ce qui n'est pas facile car ils n'ont pas forcément les mêmes visions sur le rôle de la science.</p> <p>La science sans se substituer au politique devrait essayer de résoudre des problèmes comme la pauvreté, la pollution... Ce qui conduit à une impasse. Ne pas confondre ce qui relève de l'ordre scientifique et politique.</p> <p>Autre question, celle du contrôle social de la science : de nombreux directeurs le subissent en étant sans cesse à la recherche de nouveaux contrats.</p> <p>Les scientifiques doivent être considérés comme des citoyens comme les autres, et on doit les interpeller en tant que tel, à titre individuel et au titre de leurs organisations. Plutôt que de demander aux scientifique d'arrêter les recherches sur les OGM nous devrions leur demander de se mobiliser sur le contrôle des semences.</p> <p>Conclusion pour ceux qui donneront une suite au forum : rassembler dans un document unique des mots clés comme « liberté de la recherche », « monopole du savoir », « expertise citoyenne »... Il serait bon de débattre sur un glossaire avec des définitions qui peuvent être contradictoires. C'est une des conditions d'un dialogue fructueux.</p> <p><strong>Gangadharan et K.K. Krisnakumar, <i>All Indian People Science Network</i>, Inde</strong></p> <p>AISPN compte 500 000 membres. Après 35 années de travail, notre mouvement a évolué et s'est investi dans de nouveaux thèmes, comme les questions de genre, de développement durable, de financement...</p> <p>A ceux qui s'interrogent pour savoir comment amener la science vers la société, j'évoque, le programme que nous avons commencé en 1991. Au Kerala, cela nous a permis d'atteindre 1,4 millions de volontaires. C'est un programme simple qui repère les ressources naturelles du territoire : les personnes observent les ressources naturelles, les recensent, et ceci permet de construire un lien avec les scientifiques. Ceci permet d'apporter la cartographie au peuple. Les cartes que nous avons réalisées sont disponibles, elles sont variées, nous avons essayé de diversifier la notion de carte.</p> <p>Le gouvernement local du Kerala a endossé la campagne, après le mouvement populaire. Les volontaires ont joué un rôle essentiel au delà de la conception des cartes mais aussi dans le développement local. C'est une démarche éminemment participative.</p> <p>Nous avons réussi à inclure des scientifiques dans le programme, et à rendre des citoyens experts de ces domaines.</p> <p>Un autre exemple est lié à la conservation énergétique.</p> <p>Nous avons également de nombreuses institutions qui se mobilisent sur ces programmes. De 5 à 10 scientifiques sont sortis transformés de ces programmes et cela a influencé profondément nos programmes de recherche.</p> <p><strong>Andrew Feenberg, <i>Simon Fraser University</i>, Canada</strong></p> <p><span class='spip_document_863 spip_documents spip_documents_left' style='float:left; width:320px;'> <img src='http://vecam.org/local/cache-vignettes/L320xH213/DSC09170-9e28d.jpg' width='320' height='213' alt="Andrew Feenberg" title="Andrew Feenberg" style='height:213px;width:320px;' /></span>Je souhaite intervenir rapidement sur les modes de collaboration entre scientifiques et citoyens.</p> <p>Des scientifiques se sont mobilisés pendant et après la seconde guerre mondiale et ont contribué à façonner le monde sur des sujets comme la non prolifération. Ceci a été une première prise de responsabilité des scientifiques dans la formation du public.</p> <p>Mais nous avons aussi des situations plus conflictuelles. Par exemple quand une population entière a été logée sur des déchets toxiques et que les scientifiques les ont aidé à être relogés.</p> <p>L'expérience du Sida est aussi intéressante : nous sommes passés d'une opposition entre chercheurs et malades à une collaboration.</p> <p>Les conséquences de ces collaborations :</p> <p>La technologie implique une organisation industrielle, mais ici nous parlons plutôt des sciences, de production de savoirs. Les personnes ordinaires sont impliquées dans la production d'outils techniques mais leur implication n'est pas la même dans la science fondamentale, dont ils subissent plutôt les effets.</p> <p>Parlons nous de l'économie de la recherche pour laquelle nous voulons une indépendance des chercheurs ? Nous devons qualifier ce que nous entendons par économie de la recherche. Nous ne voulons pas que les gouvernements décident ce qui est « vrai » à la place des sciences.</p> <p>La technologie est différente par nature ; elle est hétérogène. Il y a plein de manières de produire les mêmes artefacts. Et ceci peut s'appuyer sur des choix sociaux qui ne sont pas liés à la science.</p> <p>On peut voter sur le niveau de pollution que nous attendons de nos voitures, mais pas de l'orientation de la science fondamentale.</p> <p>La recherche peut impliquer des formes de collaboration mais au final nous voulons que les scientifiques prennent des décisions sur ce qui est « vrai ». Nous pouvons nous reposer sur la démocratie pour protéger l'économie de la recherche.</p> <p>Attention aussi, quand on emploie le mot science, à ne pas faire la confusion avec le savoir en général ni avec les technologies.</p></div> <div class='rss_ps'><p>(notes prises en direct par Hervé Le Crosnier et Valérie Peugeot, seuls responsables des erreurs qui se seraient glissées)</p></div> Panel B : Accès aux connaissances : construire les biens communs http://vecam.org/article1088.html http://vecam.org/article1088.html 2009-02-12T12:25:03Z text/html fr Démocratie Creative Commons Accès au savoir vecam-F Recherche Valérie Peugeot, VECAM, France, modératrice du panel Œ En présentant cet atelier, je voudrais distinguer les notions de biens publics, relevant de la responsabilité des pouvoirs publics et issus de la nature ou de l'histoire (patrimoine, domaine public de la culture) et les biens communs, qui sont en permanence construits et reconstruits par les communautés qui les ont créés. Amit Sengupta, Secrétaire général de All Indian People Science Network, Inde Il nous faut commencer à comprendre les (...) - <a href="http://vecam.org/rubrique121.html" rel="directory">2009 Échos du Forum Mondial Sciences & Démocratie</a> / <a href="http://vecam.org/mot11.html" rel="tag">Démocratie</a>, <a href="http://vecam.org/mot17.html" rel="tag">Creative Commons</a>, <a href="http://vecam.org/mot45.html" rel="tag">Accès au savoir</a>, <a href="http://vecam.org/mot49.html" rel="tag">vecam-F</a>, <a href="http://vecam.org/mot66.html" rel="tag">Recherche</a> <div class='rss_texte'><p><strong>Valérie Peugeot, VECAM, France, modératrice du panel</strong> <span class='spip_document_855 spip_documents spip_documents_left' style='float:left; width:160px;'> <img src='http://vecam.org/local/cache-vignettes/L160xH240/IMG_6876_Valerie_Peugeot-2-1de0b.jpg' width='160' height='240' alt="Valérie Peugeot" title="Valérie Peugeot" style='height:240px;width:160px;' /></span>Œ En présentant cet atelier, je voudrais distinguer les notions de biens publics, relevant de la responsabilité des pouvoirs publics et issus de la nature ou de l'histoire (patrimoine, domaine public de la culture) et les biens communs, qui sont en permanence construits et reconstruits par les communautés qui les ont créés.</p> <p></BR> <br /></BR> <br /></BR> <br /></BR></p> <p><strong>Amit Sengupta, Secrétaire général de All Indian People Science Network, Inde</strong></p> <p>Il nous faut commencer à comprendre les diverses expériences qui se partagent ici, dans ce Forum. Les nouvelles façon de penser la recherche sont importantes.</p> <p>Permettez-moi de débuter avec des choses élémentaires. La situation crée la conscience.</p> <p>Ne négligeons pas l'impact du néolibéralisme sur la façon dont la science est produite et celle par laquelle elle est reçue.</p> <p><span class='spip_document_859 spip_documents spip_documents_left' style='float:left; width:160px;'> <img src='http://vecam.org/local/cache-vignettes/L160xH240/IMG_6841-80671.jpg' width='160' height='240' alt="Amit Sengupta" title="Amit Sengupta" style='height:240px;width:160px;' /></span>Quelles sont les raisons de la grande transformation ? Il y a un brouillage de la différence entre la science et la technologie. Traditionnellement, le savoir est transformé en produits qui vont sur un marché. Mais si tout nouveau produit de recherche doit se transformer en quelque chose qui va se vendre sur un marché, nous nous retrouvons dans une course pour produire de plus en plus d'artefacts technologiques pour répondre au marché.</p> <p>Dès lors, le financement de la recherche est de plus en plus contrôlé par les forces économiques.</p> <p>Cette situation nous conduit à la crise de la santé publique actuelle, dans laquelle des millions de morts de l'épidémie de SIDA pourraient être évités par la recherche. Ils ne meurent pas parce qu'il n'y a pas de connaissances permettant de trouver une solution. Ils meurent parce que les recherches existantes et les réussites ne sont pas partagées.</p> <p>Nous sommes arrivé à une situation dans laquelle le simple travail de la pensée est conçu comme une propriété privée. Heureusement, des communautés sont en train de développer des méthodes pour partager leurs savoirs, et garantir le maintien de cette liberté. Je peux parler ici du mouvement des logiciels libres, mais aussi de celui de la biologie ouverte.</p> <p>Nous avons atteint aussi une conscience commune qu'il n'existe qu'une seule planète, et que la façon dont nous allons l'utiliser est essentielle.</p> <p>La tentative d'enfermer le savoir derrière des barrières juridiques artificielles est voué à l'échec, car la connaissance est faite pour circuler.</p> <p>Mais nous devons aussi aller plus loin : nous ne pouvons pas considérer comme scientifiques seulement ceux qui travaillent dans les institutions. Il faut aussi prendre en compte toutes les autres personnes qui peuvent construire les communs de la connaissance.</p> <p><strong>Viviana Muñoz Tellez – South Centre, Organisme multilatéral du G77 basé à Genève.</strong></p> <p><span class='spip_document_856 spip_documents spip_documents_left' style='float:left; width:160px;'> <img src='http://vecam.org/local/cache-vignettes/L160xH240/IMG_6843_Viviana_Munoz_Tellez-8c36a.jpg' width='160' height='240' alt="Viviana Munoz Tellez" title="Viviana Munoz Tellez" style='height:240px;width:160px;' /></span>Il nous faut définir le périmètre des savoirs traditionnels, et évaluer la façon dont le système légal international les traite.</p> <p>Les savoirs traditionnels sont aussi liés aux sciences formelles. Il y a une conception générale d'une supériorité de la science occidentale. Il n'y a pas de reconnaissance de ce qui émane des populations et de la façon dont elles créent et diffusent leurs savoirs.</p> <p>Les connaissances traditionnelles ne sont pas uniquement des connaissances qui apparteriennent au domaine public, dans lequel chacun pourraient se servir. Cela aboutirait à déposséder les peuples de leurs savoirs et de la façon dont ils sont renouvelés à chaque transmission entre générations. Les connaissances traditionnelles appartiennent aux communs du savoir.</p> <p>Nous devons regarder avec attention l'expérience de la proposition d'une nouvelle loi au Kerala. Celle-ci établit une « licence des communs » qui permet aux communautés de partager les bénéfices en cas de vente, mais refuse les brevets sur les connaissances qui seraient placées sous cette licence. C'est une expérience importante à suivre.</p> <p><strong>Pascale de Robert, Anthropologue à l'Institut pour la Recherche pour le Développement , travaillant en Amazonie au MNHN (France/ Brésil).</strong></p> <p><i>La Corbeille de la femme étoile</i> : Ce titre énigmatique fait référence au mythe amazonien de la diversité agricole.</p> <p><span class='spip_document_857 spip_documents spip_documents_left' style='float:left; width:160px;'> <img src='http://vecam.org/local/cache-vignettes/L160xH240/IMG_6855_Pascale_De_Robert-15800.jpg' width='160' height='240' alt="Pascale De robert" title="Pascale De robert" style='height:240px;width:160px;' /></span>Je voudrais commencer le débat à partir d'une expérience de terrain. Comment les instruments légaux peuvent protéger la diversité biologique et la diversité culturelle élaborées par les populations locales.</p> <p>Le contexte de l'Amazonie fait coexister des modèles économiques différents. D'une part le modèle d'une zone de développement, avec le soja et l'agro-business et de l'autre le modèle socio-gouvernemental qui s'intéresse aux populations locales, et crée des zones protégées. Dans la région des Kayapo, où je travaille, les deux modèles sont implémentées.</p> <p>Les terre indigènes sont reconnues depuis 1988 comme moyens de subsistance des populations autochtones. Or elles sont appropriées. Les plantes de la forêt elles-mêmes sont victimes de la biopiraterie.</p> <p>Il faut comprendre ce qui se passe pour les chercheurs dans cette région. C'est très difficile aujourd'hui de faire de la recherche ici sans faire de la politique. La recherche scientifique est faite pour accompagner les processus de développement autonome des populations indigènes.</p> <p>Je voudrais vous montrer la mise en place d'une plantation de pommes de terre sucrées. dans laquelle l'intervention de Socioambiental a un place importante.</p> <p>Quel est le chemin administratif que nous avons du parcourir pour mener cette recherche ? Il y a de nombreux organismes concernés. Il nous a fallu deux ans, et plusieurs dossiers pour pouvoir lancer la recherche après avoir eu l'autorisation de la communauté. Ces exigences légales se présentent contre la biopiraterie, mais font aussi tort aux initiatives conjointes des chercheurs et des communautés.</p> <p>La diversité agricole est le résultat de nombreux échanges de graines et de techniques agricoles. Ces connaissances peuvent être mise en commun. Et peuvent utiliser les méthodes modernes, comme par exemple l'usage de GPS pour les plantations.</p> <p>Je voudrais pour terminer évoquer ici la « Déclaration de Belèm », rédigée par l'International Society for Ethnobiology en 1988. Elle a maintenant vingt ans. C'était la première fois qu'une organisation scientifique internationale reconnaissait que l'établissement de « mécanismes en vue d'indemniser les peuples autochtones pour l'utilisation que d'autres font de leurs connaissances et de leurs ressources biologiques » était une obligation fondamentale. Cette déclaration engage tous les anthropologues à respecter un principe éthique dans leurs recherches.</p> <p><strong>Pablo Ortellado GPOPAI, Grupos de Pesquisa em Politicas para o Accesso à Informação, Université de Sao Paulo, Brésil</strong></p> <p><span class='spip_document_858 spip_documents spip_documents_left' style='float:left; width:160px;'> <img src='http://vecam.org/local/cache-vignettes/L160xH240/IMG_6860_Pablo_Ortellado-3417e.jpg' width='160' height='240' alt="Pablo Ortellado" title="Pablo Ortellado" style='height:240px;width:160px;' /></span>Je vais vous parler de l'accès aux savoir, qui est la finalité de la science, de la publication des articles, des livres,...</p> <p>L'idée que les résultats des recherches doivent être publiés est une forme de « communisme de la recherche ». Partager les résultats est essentiel, entre chercheurs d'une même discipline, mais aussi entre les générations et pour éclairer les recherches des autres disciplines. La façon traditionnelle de publier consiste à passer par des éditeurs privés. Il y a une contradiction entre l'organisation interne de la science, basée sur le partage, et les intérêts privés des éditeurs. 60% des journaux scientifiques sont contrôlés par trois conglomérats.</p> <p>Avec l'internet, il est devenu possible pour les communautés scientifiques de communiquer directement les résultats de leurs travaux. Les initiatives en ce sens ont été fédérées par diverses rencontres et déclarations, dont la plus célèbre est l'Initiative de Budapest pour l'Accès Ouvert en 2001.</p> <p>Il y a eu ensuite d'autres expériences comme la volonté du MIT d'ouvrir ses cours (opencourseware).</p> <p>Les possibilités ouvertes par l'internet d'un côté et le rôle monopoliste du marché de l'autre créent une situation conflictuelle.</p> <p>Il ya plusieurs points de blocages dans la capacité à mettre la science au mains du public : 65% des journaux scientifiques permettent aux chercheurs de déposer leur préprint dans les archives publiques de leur université. Mais il faut que les chercheurs le fassent eux-même, ce qui limite le succès. De plus les archives ouvertes ne sont pas facile à interroger.</p> <p>Il y a des pays dans lesquels les gouvernements rendent obligatoire le dépôt dans des archives ouvertes, mais l'organisation réduit la réalité des dépôts.</p> <p>Il reste donc un grand travail à faire pour que les publications scientifiques soient réellement en accès ouvert et aisé.</p> <p>Mais au delà, nous devons d'ores et déjà poser la question des livres scientifiques, notamment des livres pour l'enseignement. C'est le mouvement débutant pour les Ressources éducatives ouvertes. Nous venons de rédiger un rapport sur cet aspect pour le Brésil, et nous espérons des avancées en ce sens pour favoriser la création de communs de la connaissance.</p> <p><strong>James Love (Knowledge Ecology International – Washington et Genève)</strong></p> <p><span class='spip_document_860 spip_documents spip_documents_left' style='float:left; width:160px;'> <img src='http://vecam.org/local/cache-vignettes/L160xH240/IMG_6865_James_Love-eacb8.jpg' width='160' height='240' alt="James Love" title="James Love" style='height:240px;width:160px;' /></span>Je voudrais vous présenter deux initiatives concernant les formes nouvelles que pourrait prendre le financement de la recherche en vue de créer des biens communs de la connaissance.</p> <p>La première concerne un système pour financer les médicaments. Chacun connaît les difficultés pour accéder à des médicaments en raison des prix trop élevés. Mais l'accès n'est pas la seule question en jeu. La production de médicaments adaptés aux maladies et situations sanitaires des pays pauvres est tout aussi importante.</p> <p>Nous proposons un système de prix (au sens de récompenses délivrées par un jury), qui seraient versés aux organismes qui travaillent sur des médicaments pour ces populations et qui les mettent dans le domaine public. On peut partager ces prix entre organismes selon les niveaux de vie des pays, par un système de prix différenciés. De même, l'apport préalable de la connaissance ouverte partagée pour aboutir aux produits peut être évaluée pour répartir la somme réservée.</p> <p>Cette idée de remplacer les revenus du marché par des prix et des bourses commence à recueillir un bon accueil, notamment à l'OMS, mais rencontre aussi une forte opposition des industries du médicament.</p> <p>Une autre proposition concerne l'OMC. Il s'agit de prendre au pied de la lettre l'objectif de l'OMC et de le détourner pour favoriser la création de biens communs. On pourrait dire que cette proposition s'intilule « Hacking WTO ».</p> <p>Il s'agit de créer dans l'OMC un mécanisme pour que les États s'engagent à mettre dans le domaine public de la connaissance des produits et services et des savoirs. En faire une partie de l'OMC va lier les États à la réalisation des objectifs de mise en commun des savoirs. Ce n'es t plus la libéralisation des services, mais celle des biens publics qui peut devenir un nouveau moteur d'une autre mondialisation.</p> <p><strong>Quelques notes sur le débat dans la salle</strong></p> <p><i> <strong>José Correa, Université de Saõ Paulo, Brésil</strong> </i></p> <p>Il y a dans ce FSM de Belèm un manifeste sur les biens communs qui est en train d'être écrit et proposé par des organisations des mouvements sociaux du Brésil. Nous en sommes encore au stade d'une écriture collective. Nous allons construire ce document d'ici au 31.</p> <p>La logique de la propriété intellectuelle est renvoyée auprès de l'OMPI où il y a eu une confrontation entre les pays de la périphérie contre l'etablishment des États-Unis. La communauté scientifique a on seulement besoin de s'emparer de ce débat, mais aussi une appropriation, une prise de décision et de positionnement de la partie critique de la communauté autour de la propriété intellectuelle. Sommes-nous pour ou contre le système de droit de propriété immatérielle qui existe ?</p> <p><i> <strong>Eliane ?? FSU-France</strong> </i></p> <p>Concernant les publications scientifiques ouvertes, nous sommes dans un domaine où règne une très grande différence selon les pays ou les disciplines. Seules les revues volontaires renseignent leur politique. Dans les sciences humaines et sociales, moins de 10% des revues de SHS avaient renseignés leur politique d'auto-archivage dans ROMEO.</p> <p>L'auto-archivage demande des moyens importants. Il y a une division des grandes archives en petites archives institutionnelles, ce qui augmente le temps d'embargo (durée entre la publication privée et la mise à disposition ouverte).</p> <p>Il faut se méfier de l'optimisme en ce domaine, car le conflit entre les intérêts des chercheurs et celui des éditeurs est important.</p> <p><i> <strong>Christophe Aguiton, SUD, France.</strong> </i></p> <p>Sur la différence entre les communs du savoir et les communs matériels.</p> <p>Il y a plusieurs traditions sur le savoir. Celle des universitaires, qui pensent que le savoir doit être ouvert, alors que des communautés, par exemple les paysans, veulent partager avec des gens qui sont comme eux, ce qui est différent.</p> <p>Il y a une vraie contradiction entre mettre en commun des savoirs et empêcher la mainmise sur ces savoirs par les entreprises du Nord. Un des outils est l'équivalent des « appelations géographiques ». Le savoir est commun, mais le nom est réservé.</p></div> <div class='rss_ps'><p>(notes prises en direct par Hervé Le Crosnier, seul responsable des erreurs qui se seraient glissées)</p></div> Le système de propriété intellectuelle freine la science et l'innovation selon des lauréats du prix Nobel http://vecam.org/article1064.html http://vecam.org/article1064.html 2008-07-13T23:36:29Z text/html fr Démocratie OMPI Accès au savoir vecam-F Recherche MANCHESTER, UK – Le système de propriété intellectuelle vise davantage à « fermer l'accès à la connaissance » qu'à permettre sa diffusion, a indiqué le Professeur Joseph Stiglitz lors d'une conférence intitulée “Who Owns Science ?” (« À qui appartient la science » ?) qui a eu lieu le 5 juillet. Joseph Stiglitz, lauréat du Prix Nobel d'économie en 2001 et John Sulston, lauréat du prix Nobel de physiologie et médecine en 2002, ont ouvert à l'Université de Manchester un nouvel institut pour la science, l'éthique et (...) - <a href="http://vecam.org/rubrique82.html" rel="directory">Contributions à débattre</a> / <a href="http://vecam.org/mot11.html" rel="tag">Démocratie</a>, <a href="http://vecam.org/mot12.html" rel="tag">OMPI</a>, <a href="http://vecam.org/mot45.html" rel="tag">Accès au savoir</a>, <a href="http://vecam.org/mot49.html" rel="tag">vecam-F</a>, <a href="http://vecam.org/mot66.html" rel="tag">Recherche</a> <div class='rss_chapo'><p>MANCHESTER, UK – Le système de propriété intellectuelle vise davantage à « fermer l'accès à la connaissance » qu'à permettre sa diffusion, a indiqué le Professeur Joseph Stiglitz lors d'une conférence intitulée “Who Owns Science ?” (« À qui appartient la science » ?) qui a eu lieu le 5 juillet. Joseph Stiglitz, lauréat du Prix Nobel d'économie en 2001 et John Sulston, lauréat du prix Nobel de physiologie et médecine en 2002, ont ouvert à l'Université de Manchester un nouvel institut pour la science, l'éthique et l'innovation.</p></div> <div class='rss_texte'><p>Ils sont tous les deux très critiques à l'égard du système actuel de propriété intellectuelle, estimant qu'il freine le développement de la science et les innovations.</p> <p>Les droits de propriété intellectuelle sont souvent comparés aux droits détenus sur un bien physique. Or, la connaissance n'a rien à voir avec un bien physique, a estimé Joseph Stiglitz. C'est un bien public qui présente deux caractéristiques : le fait qu'un individu y accède n'en prive pas les autres et nul ne peut en être exclu, autrement dit, il est difficile d'empêcher les autres d'en profiter. Le système de propriété intellectuelle se situe à l'inverse de cette définition. Il va même plus loin dans l'exclusion en donnant un pouvoir monopolistique à ceux qui détiennent la connaissance, ce qui conduit souvent à des abus, a-t-il fait remarqué.</p> <p>La détention d'un monopole sur une innovation est considérée par certains comme un moteur pour l'innovation alors qu'en fait elle constitue une entrave à son développement, a déclaré Joseph Stiglitz. Le système actuel qui veut que celui qui conçoit un programme informatique performant peut être poursuivi en justice pour violation présumée d'un brevet montre l'incapacité du système à encourager l'innovation, a-t-il ajouté.</p> <p>Selon Joseph Stiglitz, un autre problème réside dans le fait qu'il existe une incompatibilité entre les bénéfices sociaux qui peuvent résulter des innovations technologiques et les bénéfices économiques liés au système de brevets. Les innovations technologiques permettent qu'une invention devienne disponible plus rapidement pour l'ensemble de la collectivité mais il suffit qu'une personne dépose un brevet sur cette invention pour que s'établisse à son profit un monopole à long terme, favorisant la divergence entre intérêt public et intérêts privés.</p> <p>Le projet de Génome humain a permis d'identifier un gène capable de prédire quelle femme peuvent être atteinte par un cancer du sein. Cette découverte a été brevetée par une entreprise américaine, a expliqué Joseph Stiglitz. Le test représente un coût très faible, mais les frais de santé sont si élevés pour les patients aux Etats-Unis que les personnes pauvres ne peuvent se permettre de le faire, a-t-il précisé. Des questions se posent, selon lui, quant au caractère équitable et juste du système de brevets.</p> <p>Joseph Stiglitz a fait part de deux préoccupations. La première concerne les disparités qui existent entre les pays développés et les pays en développement concernant l'accès à la connaissance, disparités que la propriété intellectuelle ne permet pas de combler, a-t-il dit, ce qui explique pourquoi l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) a appelé à (et obtenu) l'adoption d'un plan d'action pour le développement. La deuxième tient au fait que le système de propriété intellectuelle rend l'accès aux soins plus difficile. Les médicaments génériques coûtent 30 pour cent moins chers que les médicaments originaux. En rendant leur accès plus difficile, l'accord de l'OMC sur la propriété intellectuelle conclu dans le cadre des négociations du Cycle d'Uruguay a signé l'arrêt de mort de millions de personnes, a-t-il indiqué.</p> <p>Joseph Stiglitz a proposé que le régime applicable aux droits de propriété intellectuelle soit adapté en fonction des pays et des secteurs. Personne n'est d'avis que le système de brevet doit être entièrement abandonné, mais la question est de savoir si d'autres outils, des bourses de lauréat ou des financements gouvernementaux par exemple, pourraient être utilisés pour faciliter l'accès à la connaissance et encourager l'innovation dans des domaines dans lesquels des objectifs ont été clairement définis tels que la découverte d'un médicament contre le paludisme. Joseph Stiglitz se dit plein d'espoir quant à une éventuelle réforme du système car nombreux sont ceux aux Etats-Unis qui souhaitent une modification du régime applicable aux droits de propriété intellectuelle.</p> <p>Selon John Sulston, le développement de la science peut être lié à une nécessité ou une simple curiosité, laquelle suppose un certain degré d'ouverture et de confiance entre les acteurs concernés. Pourtant, de plus en plus, le paysage qui se dessine est celui de la privatisation de la science et de l'innovation, une situation que les gouvernements et les investisseurs qui contrôlent les orientations de la recherche voient d'un bon oeil, a-t-il dit. Cela a pour effet, selon lui, que la recherche scientifique se limite aux domaines qui rapportent au détriment de ceux qui ne sont pas considérés comme rentables.</p> <p>Cette tendance a pour conséquence notamment de favoriser l'abandon des recherches sur les maladies liées à la pauvreté et la production de médicaments non nécessaires qui sont vendus à grand renfort de campagnes marketing, a déploré John Sulston. Les produits issus de la recherche n'ont pas bénéficié à tous de manière équitable. Pour autant, vouloir l'égalité à tout prix n'est pas la solution, a-t-il insisté.</p> <p>Dans certaines sphères, notamment à l'OMPI, la propriété intellectuelle relève d'un enjeu idéologique selon lui. Toute modification apportée au système est perçue par les entreprises pharmaceutiques comme un moyen de l'affaiblir. Pourtant, personne ne leur demande de tout abandonner, a-t-il indiqué. Il a ajouté que le système devait être considéré comme un « bon serviteur » et non comme un Dieu.</p> <p>Selon lui, le problème de la contrefaçon a pris une ampleur considérable. La tendance actuelle consiste à lier la contrefaçon à la propriété intellectuelle alors qu'il n'existe pas de lien entre eux, a-t-il précisé. Si les médicaments étaient vendus à leur coût de production ou juste au-dessus, ceux qui se rendent coupables de contrefaçont n'auraient que très peu de marge de manœuvre. De fait, le système actuel de propriété intellectuelle favorise la production de faux, a-t-il dit.</p> <p>Le professeur Sulston a recommandé le retour à une vieille pratique qui consiste à séparer les activités de recherche et développement des activités de production, le mélange des deux favorisant, selon lui, le lobbying et la merchandisation des activités de recherche et développement. Les séparer permet de produire des biens de manière plus équitable et de rendre la recherche et le développement plus accessible à condition toutefois que ceux qui détiennent les connaissances scientifiques partagent les bénéfices qui en sont issus, a-t-il précisé.</p> <p>Cette séparation semble se produire dans la mesure où certaines structures privées telles que la Fondation Bill et Melinda Gates commencent à investir dans la santé publique, a indiqué John Sulston tout en mettant en garde contre un retour à l'ère victorienne où la santé était financée par des philanthropes. Il a appelé à ce que les questions de santé soient coordonnées à l'échelle mondiale par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), reconnaissant néanmoins que l'Organisation était sous-financée et soumise à une forte pression de la part des gouvernements et des groupes d'intérêts commerciaux.</p> <p>Le lauréat du prix Nobel de physiologie et médecine a également plaidé pour qu'une réflexion plus cohérente soit menée concernant le traité biomédical en cours d'examen à l'OMS et que les organisations non gouvernementales transnationales participent davantage aux discussions.</p> <p>Il est impératif de renverser la tendance et d'empêcher la privatisation de la science, a-t-il indiqué. Nous devons nous concentrer sur la survie et le développement de l'humanité, ainsi que sur l'exploration de l'univers. Pour savoir si nous réussirons ou pas, nous devons résoudre la question de savoir à qui appartient la science.</p></div> <div class='rss_ps'><p>This work is licensed under a <a href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.5/" class='spip_out' rel='external'>Creative Commons License</a>.</p></div> Appel à communications : Usages militants de la technique : technologies, medias, mobilisations http://vecam.org/article1047.html http://vecam.org/article1047.html 2008-04-17T13:28:31Z text/html fr Accès au savoir Avec la Révolution française, on a pu considérer le télégraphe comme vecteur privilégié de l'instauration d'une grande démocratie. Au XIXe, maintes utopies progressistes, tel le saint-simonisme, ont accordé une place importante à la technique dans l'avènement et l'esquisse des sociétés futures. Mais très tôt aussi, et jusqu'à nos jours, une opposition s'est manifestée entre, d'une part, les tenants de « l'œcuménisme communicationnel » [Mattelart], enthousiasmés par les nouveaux horizons ouverts par le progrès (...) - <a href="http://vecam.org/rubrique93.html" rel="directory">Rencontres et Rendez-vous</a> / <a href="http://vecam.org/mot45.html" rel="tag">Accès au savoir</a> <div class='rss_texte'><p>Avec la Révolution française, on a pu considérer le télégraphe comme vecteur privilégié de l'instauration d'une grande démocratie. Au XIXe, maintes utopies progressistes, tel le saint-simonisme, ont accordé une place importante à la technique dans l'avènement et l'esquisse des sociétés futures. Mais très tôt aussi, et jusqu'à nos jours, une opposition s'est manifestée entre, d'une part, les tenants de « l'œcuménisme communicationnel » [Mattelart], enthousiasmés par les nouveaux horizons ouverts par le progrès technique et, d'autre part, ceux qui voient dans un rationalisme techniciste basé sur le profit un obstacle à l'émancipation de l'humanité.</p> <p>Par ailleurs, les débats ont porté et portent toujours sur la prétendue neutralité de la science et de ses applications technologiques. Certaines de ces analyses n'ont pas été sans influence sur les évolutions des pratiques militantes, ou sur la structure des mouvements ouvriers et sociaux, qui, quelles qu'aient été leurs résistances, se sont cependant adaptés aux nouveaux outils, quitte parfois à en détourner l'usage premier. Nous nous intéresserons ici tout particulièrement aux techniques de l'information et de la communication.</p> <p>Ce colloque se propose de s'interroger sur la dialectique à l'œuvre entre progrès technique et formes de l'engagement, entre appropriation des technologies et forme de l'action collective. En d'autres termes, il se propose de comprendre comment et pourquoi les mouvements militants</p> <p>s'emparent de nouvelles techniques, en posant la question du rôle des dispositifs techniques dans les pratiques militantes et en interrogeant également les usages spécifiques que les militants peuvent en faire, contribuant peut-être à leur tour, quand ils ne les récusent pas, à les transformer. Ce colloque s'inscrit dans la longue durée, de la Révolution française à nos jours, ce qui permettra, nous l'espérons, de mettre en perspective les problématiques contemporaines liées à l'Internet et, le cas échéant, de relativiser l'importance de la rupture que ce nouveau media a introduite.</p> <p>L'approche du colloque consiste à partir des usages et des pratiques. Il s'agit de s'interroger sur les usages des techniques comme instruments de communication et de diffusion par les mouvements sociaux ou les organisations militantes, de prendre en compte le rôle qu'a pu avoir la technique dans la genèse et la forme des mouvements. Mais il ne faudra pas oublier non plus les cas où elle devient enjeu de la mobilisation, objet même de la pratique militante.</p> <p>En effet, il y a différents niveaux d'investissement militant dans la technique : usage usuel des dispositifs, usage subversif et/ou détourné, expérimentation et inventivité dans l'ordre technique lui-même…</p> <p><strong>La technique, instrument de communication et diffusion</strong></p> <p>Plus concrètement, le télégraphe, les nouveaux procédés d'imprimerie, l'introduction de la Ronéo, de la photocopieuse, le téléphone bien sûr et plus récemment la caméra, l'émetteur radio, le fax, le mobile, voir brièvement le Minitel et bien entendu Internet n'ont pas été sans conséquence sur les pratiques militantes. Qu'aurait été la Révolution française sans le télégraphe, qui a pu jouer le rôle que l'on sait dans l'arrestation du roi et dans les liaisons entre la capitale et les représentants en mission ? Pour prendre un autre exemple célèbre, cette fois contemporain, le sous-commandant Marcos et le mouvement zapatiste ont obtenu une notoriété mondiale grâce à l'usage précoce qu'ils firent de l'Internet. Les militants ont toujours utilisé les techniques à leur disposition pour leurs luttes. Cette utilisation a-t-elle en retour transformé les luttes, a-t-elle joué un rôle dans l'évolution des structures des mouvements (voir la problématique classique du journal comme « organisateur collectif »), a-t-elle cristallisé des hiérarchies ou au contraire permis la création d'espaces de dissidence ? Quel impact la technique a-t-elle eu sur l'avènement, après l'ère de la propagande, de celle de la communication ? La CGT des années 1960-1970, par exemple, forte d'une expérience déjà ancienne et des ressources offertes par son ancrage chez les techniciens du son et de l'image, renouvelle la gamme de ses moyens d'expression de masse et explore la plupart des voies alors disponibles. La CFDT et ses intellectuels « organiques » théorisent, à la fin des années 60, le rôle possible de l'ordinateur dans les pratiques autogestionnaires. Dans les années 86-88, des coordinations ont largement fait usage du fax et du Minitel (le Minitel Alter), alors que les radios libres et/ou de lutte ont permis à des grévistes ou autres acteurs du mouvement social de s'exprimer.</p> <p><strong>La technique comme enjeu et mode d'action - La technique, objet du politique</strong></p> <p>Les technologies de communication et de production d'information sont aussi parfois l'enjeu même de la mobilisation. Si, la plupart du temps, il ne s'agit que de se servir des techniques et non d'agir sur elles, quand bien même leurs usages ouvrent la voie à des transformations de fait, il y a des cas de figure où la technique devient l'objet de l'engagement politique. On pourrait dire, avec Simondon, que l'on contribue, en s'appropriant et transformant les dispositifs techniques, à l'avènement d'une culture technique universelle, qui ne serait plus source d'aliénation. Les expérimentations dans le domaine de la radio, dans le domaine du logiciel libre, les expériences liées au Peer To Peer, diverses pratiques « hacktivistes » ne peuvent-elles pas être considérées comme intrinsèquement politiques ? Ou dans un autre ordre, certains opposants aux procédés biométriques ne s'en prennent-ils pas, non aux techniques mais aux usages sécuritaires qu'en font les pouvoirs ?</p> <p>Les pouvoirs ou forces de l'ordre n'ont pas manqué d'agir ou réagir en affinant leurs propres techniques de contrôle et/ou de répression, participant ainsi de cette dialectique de l'usage. Il nous appartiendra, en l'inscrivant dans la durée, d'en produire l'analyse, en partant de l'hypothèse que la technique n'existe pas en dehors des usages sociaux qui en sont faits.</p> <p>Ce colloque est ouvert à toutes les disciplines des sciences sociales.</p> <p>Les projets de communication, qui ne devront pas dépasser 2 500 signes, sont à envoyer</p> <p>avant le 15 juin 2008 à l'adresse mail suivante :</p> <p>fblum@univ-paris1.fr</p> <p><strong>Comité scientifique et de coordination :</strong></p> <p>Françoise Blum (Centre d'histoire sociale du XXe siècle), Christian Chevandier (Centre d'histoire sociale du XXe siècle ), Geneviève Dreyfus-Armand (Bibliothèque de documentation internationale contemporaine), Franck Georgi (Centre d'histoire du XXe siècle), Fabien Granjon (Centre d'études sur les medias, les technologies et l'internationalisation, Université Paris VIII), Sylvie Le Dantec(Centre d'histoire sociale du XXe siècle), Isabelle Sommier (Centre de recherches politiques de la Sorbonne), Danielle Tartakowsky (Histoire des pouvoirs, savoirs et sociétés, Université Paris VIII), Rossana Vaccaro (Centre d'histoire sociale du XXe siècle), Franck Veyron (Bibliothèque internationale contemporaine),</p> <p>Michel Pigenet (Centre d'histoire sociale du XXe siècle).</p></div> <div class='rss_ps'><p>L'adresse originale de cet article est <a href="http://www.a-brest.net/article3924.html" class='spip_out' rel='external'>http://www.a-brest.net/article3924.html</a></p></div>