La formation continue et la Loi DADVSI

A l’Assemblée nationale, le Gouvernement s’est fermement opposé hier 8 mars à un amendement permettant l’usage des travaux artistiques n’appartenant pas encore au domaine public dans le cadre des activités de recherche et d’enseignement.

Pour s’opposer à cette exception, qui est pourtant inscrite dans la Directive européenne et qui a été intégrée dans les lois de tous les pays européens, le Gouvernement a pris argument d’un "accord contractuel" signé la veile, enfin le jour même, enfin on ne sait plus, mais qui devait être déposé dans les casiers des députés avant le vote, mais qui ne l’a pas été...

Bref, un véritable capharnaum et un mépris de l’Assemblée que les députés de tous bords se sont empressés de relever....

L’amendement a été repoussé sans que les députés aient été pleinement informés.

Mais maintenant nous pouvons avoir sous les yeux ces documents (plusieurs fois des contrats semblables avec les diverses sociétés de répartition des droits).

Or ces contrats contiennent au moins deux éléments essentiels pour la politique des Universités qui méritent l’attention. Et un flou sur le type d’oeuvres que l’on pourra réellement utiliser.

1 - La formation continue est explicitement en dehors de l’Accord.

La définition des "étudiants" ne considère que "les étudiants inscrits en formation initiale dans les établissements publics d’enseignement supérieur".

Il ne doit pourtant pas échapper au Ministre de l’Education nationale que la Formation permanente et continue est une des missions de l’Université. Et que plus encore, les projets européens d’"apprentissage tout au long de la vie", d’"école de la deuxième chance"... insistent sur le rôle fondateur de la formation continue pour la "société de la connaissance".

A moins qu’il ne réduise cette mission des Universités à un simple "marché de la formation" ?

2 - Les sociétés de perception des droits auront le droit de venir perquisitionner les universités et leurs réseaux informatiques

Du jamais vu. Alors que même la police nationale ne peut entrer dans les Universités qu’à des conditions extrêmement graves, les détectives des sociétés de perception de droits pourront venir jouer les pinkertons sur les campus !!!

Il faut que la conception de l’Education nationale comme principe fondateur de la République ait été sacrément écornée pour qu’un Ministre puisse signer un tel accord.

Les enseignants qui chaque jour tentent de forger la culture et la réflexion pour demain deviennent l’enjeu d’un soupcon tel que leurs pratiques pédagogiques doivent être surveillées par l’industrie culturelle et médiatique.

On peut espérer que les députés, qui ont maintenant ce document entre les mains, vont réagir. Nous sommes loin de l’esprit d’une inscription dans la Loi d’une exception d’usage des oeuvres protégées à des fins pédagogiques et de recherche.

Les Présidents d’Université et les Directeurs de Bibliothèques universitaires ont eu bien raison de pétitionner pour que les pratiques pédagogiques restent dans l’ordre du Droit et de la Loi et ne soient pas soumises à un "Contrat".

D’autant que rien ne leur permet d’avance de maîtriser ce qui est autorisé et ce qui est interdit. Par exemple, une oeuvre sur DVD ne peut pas ête projetée en classe dans le cadre de cet accord. Comment faire ? Comment l’enseignant qui veut ouvrir ses élèves au questions modernes doit-il s’y prendre ?

Globalement, ces contrats sont une marque de défiance envers l’enseignement et les enseignants. Au lieu de faire confiance à ceux-ci pour intégrer l’audiovisuel et les arts visuels ou écrits contemporains dans le but d’éveiller les élèves et de créer les conditions d’un marché culturel dynamique quand ceux-ci seront sortis du système scolaire, on fait peser des soupcons sur eux.

C’est une politique à courte vue, au profit de quelques sociétés de répartition et d’une industrie qui hésite à se renouveller pour s’intégrer pleinement au monde du numérique. Ce sont des accords rétrogrades.

L’inscription de l’exception pédagogique et de recherche dans la Loi reste indispensable pour éviter ces dérives et cet irrespect du monde enseignant.

Hervé Le Crosnier 9 mars 2006

Posté le 9 mars 2006

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