Peut-on critiquer le logiciel libre ?

La mésaventure des « 5 objections au logiciel libre »

« Peut-on critiquer le logiciel libre ? »

En posant une telle question, je suggère évidemment que cela n’est guère encouragé. J’en veux pour preuve le mauvais sort qui a été fait sur Vecam à l’article du 15 juin 2005 intitulé « 5 objections au logiciel libre ».

Ce titre est le passage le plus virulent d’un article très anodin. Dans le texte, l’auteur se contente de douter de la réalisation de quelques promesses peu soutenues. Un tel texte - ou serait-ce le titre ? - déclenche pourtant dans la communauté des spasmes dont la page de forum porte les épanchements.

Déploiement d’intelligence collective

Le 15 juin, Valérie Peugeot intervient au nom de l’association Vecam pour décider que l’article est « … en complète contradiction avec les positions de l’association qui s’engage depuis plusieurs années aux côtés des défenseurs du logiciel libre et du rééquilibrage des droits de propriété intellectuelle. »
Ainsi, avis est donné aux camarades tentés par la déviance : Il y a « complète contradiction » entre les objections et l’engagement. Heureusement, elle ajoute que « … le débat est libre et ouvert ! » à l’intention de ceux qui en auraient douté l’instant d’avant.

Le 15 juin, on suppose que l’auteur est vendu à Microsoft Corp. Ce n’est peut-être pas de la diffamation puisque « Les logiciels libres ne dénoncent pas Microsoft » (Benoit, le 9 août).

Le 15 toujours, quelqu’un qui se sait plus savant que l’auteur constate une « ineptie » dans l’article puisqu’ils sont tous deux, sa science et lui, d’un autre avis.

Le 16 pikapika a trouvé la faille : « logiciel libre ne s’oppose pas à logiciel payant mais à logiciel propriétaire », ce qui lui permet de conclure catégoriquement que « visiblement vous ne maîtrisez pas le sujet que vous abordez. »

Le 16, alors que le clou semblait bien rivé, Hervé Le Crosnier en enfonce un deuxième. Par son édifiante formule, il révèle la tentative sournoise pour accabler la classe ouvrière que les précédents n’avaient pas vue. Le Peuple l’a échappé belle.

Le 17, après une réponse pertinente, Rodolphe Quiédeville sert à l’auteur quelques tendres taquineries pour le gourmander de l’avoir « interloqué » au point de le forcer à lire son article deux fois. J’en résume la substance : « vous vous en prenez au libre », « vous n’avez d’autre mobile que d’augmenter votre audience », « vous trahissez vos engagements par vos gestes » et « on ne compte plus vos contradictions ». À par ça, on vous aime bien.

Bien sûr, il y a autre chose

Je serai injuste si je ne mentionnais pas les répliques courtoises de Sebastien Maniglier, de Jul et de Benoit. PhiX est sévère, mais sans injure. Preuve que ce n’est pas si difficile. Et lorsque Philippe Aigrain s’étonne le 17 juin des « Etranges réactions au texte de Deun », j’ai l’impression qu’il partage ma tristesse.

Celà ne change rien. Les « 5 objections au logiciel libre » n’ont pas eu de postérité sur Vecam. Les malotrus ont réussi à chasser l’intrus.

Moralité

Les malfaisances doivent être corrigées. Une discipline personnelle ne suffit pas à défendre le logiciel libre. Les gens intègres doivent prendre le courage de juger le comportement de ceux qui se prétendent des leurs et agir en conséquence.
Entre informaticiens, lorsque le comportement d’un programme déçoit, nous appellons ça un bug et nous nous devons de le détruire, sans charité pour l’œuvre du cher confrère.

Sans honorer la critique qu’on nous fait, on trahit son propre idéal. Personne ne reçoit la critique avec plaisir, mais comme il est facile de prétendre le contraire ! Il suffit de prétexter qu’il n’y a pas eu de critique, qu’il n’y a là que des sottises proférées par un crétin ou par un salaud vendu au camp d’en face.
Ainsi, l’imbécillité menace toute communauté partisane. Le doute étant le seul frein à cette malédiction, c’est un devoir impérieux pour les honnêtes gens de protéger quiconque vient le leur offrir et s’expose ainsi aux injures. C’est un devoir envers sa propre intelligence, mais aussi pour l’honneur de sa troupe. Un millier de gens desquels s’échappe une seule injure sont un millier de misérables s’ils ne condamnent pas le coupable.

Posté le 21 février 2006

©© Vecam, article sous licence creative common

1 commentaire(s)
Peut-on critiquer le logiciel libre ? - 12 avril 2006, par ambigus

Bravo pour cette mise au point !
Pourtant défenseur inconditionnel du libre, j’ai beaucoup aimé ce texte de Deun qui a le mérite d’élargir le problème, et de prendre du recul. Comme beaucoup de monde, j’avais quelques objections à lui faire, (sur son discours et son fondement), mais j’arrive sur une vieille rixe et pas un débat.
Mais maintenant que je connais votre site. :-)