Contrat première embauche : la bataille du Net

Depuis l’annonce du Contrat nouvelle embauche par le Premier ministre, l’investissement militant et institutionnel tire les enseignements du rôle d’internet lors du référendum sur la constitution européenne. Si la distribution des cartes a changé au sein des différents camps, une part des anciens partisans du oui, aujourd’hui mobilisée contre le CPE, investit fortement internet. Il est d’ailleurs remarquable de voir les organisations politiques prendre la part la plus active sur internet. En effet, jeunes socialistes, jeunes communistes, jeunes chrétiens, leurs partis, et de nombreuses organisations locales, élus ou internautes s’expriment sur le CPE via des sites, ou au moyen de blogs existants ou créés pour l’occasion.

Les organisations lycéennes et étudiantes comme l’UNL ou l’UNEF ont développé des outils simples mais efficaces, et savent recourir aux blogs pour un congrès en cas de besoin. Le poadcast, encore très amateur, fait également son entrée dans la campagne avec ce blog de Valério Motta. Un peu confus pour nous, mais sans aucun doute en résonnance avec les jeunes.

Les organisations syndicales de salariés Cgt, Cfdt (quand on clique sur le lien de l’appel unitaire, on trouve le tract CFDT...), Fo (qui publie un argumentaire), Unsa, FSU, Sud, Cftc ont toutes pris la mesure des enjeux du CPE, mais internet reste très institutionnel et paradoxalement peut informatif sur le contenu du projet. L’énonciation est plus déclarative et en appel à l’action, valorisant le texte des 26 organisations opposées au CPE..

Les partisans du CPE se retrouvent avec une forte réactivité. L’UMP occupe une place de choix, en particulier en aidant ses collectifs locaux des "jeunes populaires" à créer leurs sites, blogs et listes de diffusion. Ce qui leur permet une forte présence dans les moteurs de recherche sur la toile. Une pétition en ligne a également été lancée en recourant aux liens commerciaux pour la faire connaître. L’UNI, le syndicat étudiant qui se nomme lui-même "la droite universitaire" est en pointe de la campagne sur le Net, avec un savoir-faire évident : bannière de une, dossier qui se veut informatif (vrai/faux) et texte de loi, mise en place d’une chaîne d’information, de liens, possibilité de poser des questions en ligne,...et même de la publicité sur les moteurs de recherche comme google pour apparaître en tête des requêtes sur le CPE. Par contre aucun forum de discussion n’est ouvert (par crainte ?). Une vraie maîtrise du réseau et de ses potentialités.

La presse poursuit sa stratégie de promotion autour d’articles sur le sujet avec des liens sponsorisés : l’express, le Nouvel Observateur. Le Monde évoque la mobilisation sur le Net dans un article.

Par ailleurs, les blogs poursuivent leur impressionnante ascension. Il s’agit avant tout de blogs existants auparavant et mobilisés pour ou contre le CPE. Les hommes politiques comme Jean-Philippe Monteil, utilisent la tribune d’actualité du CPE, d’autres se font soutenir "spontanément (Dominique de Villepin) mais il se crée aussi de nombreux blogs pour l’occasion.

En conclusion, la bataille autour du CPE montre une certaine maturité dans l’usage d’internet. Les grandes institutions n’investissent pas encore beaucoup les capacités propres d’internet (réseau, feed-back, hypertexte, interactivité,..), mais la génération du "pronétariat", comme la qualifie Joël de Rosnay, bouge les curseurs des engagements militants. Si la reproduction des inégalités de moyens (financiers, humains, culturels) entre les acteurs existe, internet et les blogs, modifient sensiblement les conditions d’une bataille à armes plus égales. Les frontières entre institution, individu, collectif sont, elles aussi en train de bouger. Internet est un terrain majeur de ce mouvement à grande échelle.