Dépasser le débat sur le vote en ligne, expérimenter des procédures participatives.

Piste de proposition :

Penser le vote à l’heure de l’électronique implique d’abord de dissocier le vote de l’élection des représentants, et de diversifier les outils de vote en ligne (ex : le vote coloré…) ainsi que les procédures sur lesquels ils reposent (ex : vote de condorcet, plutôt que le vote majoritaire…)

Ceci permet d’ouvrir la réflexion sur l’utilisation du vote dans d’autres espaces (ex : l’entreprise, l’association…), d’autres temporalités (le vote peut devenir un processus continu) et avec d’autres objectifs : favoriser la piste de proposition (à l’instar de l’initiative populaire utilisée en Allemagne), mettre en débat des décisions, favoriser la construction du jugement…

Contexte :

Si le vote électronique ne semble pas poser de difficulté fondamentale, sa valeur ajoutée démocratique reste à démontrer. Quant au vote en ligne, il continue de soulever de vives controverses. La commission européenne a décidé de financer de coûteuses expérimentations de vote en ligne, sans débat démocratique en amont. A défaut de disposer du recul nécessaire pour en évaluer l’impact et les risques éventuels, on constate que le vote électronique fait figure de bouée de sauvetage dans le discours de responsables politiques, en manque d’imagination face au désarroi démocratique des sociétés européennes.

Aussi, avant d’être généralisée, la mise en pratique d’élections en ligne devrait faire l’objet d’expériences pilotes de portée limitée pour éviter l’exclusion d’une partie importante de la population, l’absence de débats réels, et autres obstacles à la participation dus à une mauvaise évaluation des potentialités de la technologie.

Des observatoires spécialisés en cyber-démocratie devraient être créés.

Les expériences pilotes de participation citoyenne par les TIC devraient s’inspirer d’exemples probants comme la ville de Porto Alegre au Brésil.

Le débat autour du vote en ligne peut se résumer de la façon suivante : Arguments en faveur du vote en ligne :
-  inciter les personnes inscrites sur les listes électorales à aller voter et donc lutter contre l’abstentionnisme ;
-  rapprocher l’électeur des candidats, développer le débat démocratique, encourager un vote réfléchit et informé (par les liens avec les sites des candidats, les informations légales, les sondages etc.) et lutter ainsi contre des formes de crise de la représentation ;
-  garantir la confidentialité et la transparence, puisque aucune relation ne peut être établie entre l’électeur et le vote et que le dépouillement devient un calcul automatisé. Arguments contre le vote en ligne :
-  Elle n’offre pas à l’électeur les garanties de l’isoloir ; nul ne sait quelles sont les pressions (familiales par exemple) exercées le cas échéant devant l’ordinateur.
-  Elle rajoute une inégalité civique à une inégalité économique : les citoyens dotés d’un ordinateur connecté disposent ainsi d’une facilité supplémentaire pour voter.
-  Surtout, elle réduit le temps fort de la démocratie représentative que sont les élections à un acte « presse-bouton », oubliant que l’essentiel du processus se situe en amont, dans le débat public, la confrontation des piste de propositions et positions, l’élaboration du choix du citoyen. Cette méthode ramène le citoyen à un « consommateur » politique qui, après avoir commandé une nouvelle montre sur le Net, choisira son candidat favori sur les sites Web des candidats. Alors que les élus se voient trop souvent dicter leurs choix par les opinions tirées des sondages, ils auront désormais à répondre au dictat du vote en ligne, rendant leur tâche encore plus démagogique et de courte vue que jamais.

Au delà de ce débat, la question plus fondamentale est celle du passage d’une démocratie représentative ou délégative à une démocratie participative : la citoyenneté politique, au lieu de se réduire au temps de l’élection, devient un processus continue dans lequel le pouvoir est plus diffus, mieux partagé, avec la possibilité pour tout un chacun de devenir acteur de la « cité », que celle-ci soit le quartier, la ville, la nation ou le continent.

Posté le 4 octobre 2002

©© Vecam, article sous licence creative common