Mise en place des infrastructures : le besoin d’une responsabilisation de la puissance publique

Piste de proposition

La mise en place des infrastructures ne peut être laissée au simple jeu du marché. Elles doivent être intégrées dans une vision globale de la mission de service public, ce qui implique :
-  que la mise en place des infrastructures au Sud permettent à ces pays d’en garder le contrôle. On peut imaginer qu’une partie des gains réalisés par les pays du nord sur la vente de licences soit versée dans un « fonds de développement solidaire » des TIC qui permettent au pays du Sud de financer leurs besoins en infrastructures de façon autonome.
-  que la mise en place des infrastructures au Nord répondent à un cahier des charges de missions de service publique très serré, incluant le maillage des zones a priori exclues de ces infrastructures ;
- qu’une partie des gains réalisés par ces entreprises soit reversé via l’État, à des acteurs porteurs de développements non marchands des TIC.

Contexte

Derrière la construction des infrastructures réseaux, on voit se profiler des enjeux fondamentaux en termes de gouvernance.

Au Sud, alors que le besoin de connectivité est si important, cette construction peut être l’occasion d’une main-mise supplémentaire des entreprises du Nord sur leurs économies. On sait que la main-mise sur les « tuyaux » induit un contrôle possible des contenus qui y circuleront. Pour le moins, elle ouvre des autoroutes commerciales aux développeurs de logiciels, sites et portails commerciaux, ce qui explique en partie leur récent enthousiasme à résoudre la fracture numérique « Nord-Sud ». À terme, loin de résoudre la fracture numérique, on risque d’accentuer encore la dépendance des pays du Sud à l’égard des entreprises du Nord et de renforcer le cercle vicieux développement/ endettement/dépendance.

Au Nord, on observe déjà le phénomène suivant : certains gouvernements locaux ou nationaux ont vendu aux enchères les licences (téléphones 3e génération, ABLR) ou sous-traitent sans contrôle les marchés (câblage, fibre optique, etc.). Cette approche purement marchande et déresponsabilisée de la part de l’État - le marché règlera le problème, tirons-en le maximum de bénéfice - par vente au mieux offrant, n’est pas sans conséquences pour le consommateur qui au bout du compte paye le prix de la ponction étatique. Mais cette ponction ne serait pas un problème si, d’une part, la vente ou la cession de marchés s’accompagnait d’un cahier des charges incluant des missions d’intérêt général ambitieuses (exemple : obligation de câbler des quartiers ou des zones sans rentabilité) et, d’autre part, l’argent prélevé ainsi sur le marché était pour partie réinvesti dans le secteur « social et civique » des technologies de l’information. Or, il n’en est rien. L’Italie est le seul pays européen à avoir prévu explicitement que 10 % des bénéfices des ventes de licences de téléphonie mobile seraient reversée à la recherche scientifique, au plan d’action pour le e-gouvernement et les TIC. Preuve que cela est faisable.

Au Canada, la loi prévoit déjà que les câblo-opérateurs doivent reverser 5 % des marges dégagées aux organisation de la société civile, mais cette loi n’est, dans les faits, pas ou peu appliquée car elle va à contresens d’autres mesures de déresponsabilisation de la puissance publique. Dans certaines villes italiennes, les municipalités qui sont dans un bon rapport de force à l’égard des entreprises, imposent à celles-ci de soutenir financièrement des acteurs du tiers secteur, en leur faisant valoir le gain en termesd’image qu’elles peuvent en retirer.

Posté le 3 octobre 2002

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