Transversales - Lettre d’information n°5 Juin 2004

Lettre d’information n°5
juin 2004

Edito
° Valérie Peugeot

Invité
° Olivier Nérot

Repères
° Analyse  : les nouveaux pouvoirs de l’Internet de la relation
° réseaux sociétaux : le nouvel Internet
° "Souriez, on vous netspionne !"

Brèves
° Le libre accès aux résultats de la recherche bouleverse le monde des revues savantes
° Le secret anti-sida des singes est mis à découvert
° Pétition pour une Europe sociale
° Régression sanitaire
° Trois stratégies pour trois crises majeures qui s’annoncent
° Le Bip 40 repart à la hausse !

Voir / Lire
° L’empire cybernétique
° La voie humaine

 

Edito
L’utopie créatrice du droit à communiquer
par Valérie Peugeot

> Déléguée générale VECAM.

"Don’t hate the media, become the media", Biafra.

L’article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme spécifie que "tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit".
Ce texte serait-il en train de passer du statut de bonne intention à celui d’utopie réaliste ?
A observer la force avec laquelle les grands groupes médiatiques et les gouvernements à la démocratie douteuse ont combattu l’idée du "droit à communiquer" dans le cadre du SMSI - sommet mondial de la société de l’information - on pourrait commencer à y croire.
Le moment est paradoxal : alors que le mouvement capitalistique dans les grands médias traditionnels ne cesse de s’accentuer, la multiplication des outils de médias distribués et participatifs, notamment sur Internet, bouleverse la donne. Le fait que chaque citoyen dispose potentiellement de la capacité à faire entendre sa voix et à contribuer activement à enrichir l’espace public ouvre une brèche dans le monopole économique, politique et surtout symbolique de la parole.
Certains conçoivent ces nouvelles technologies coopératives comme des outils de lutte politique à part entière, au service des mouvements sociaux, à l’instar de Samizdat. Pour d’autres il s’agit plutôt de faire émerger une culture de "l’écrit public", comme s’y efforce avec persévérance la ville de Brest.
L’enjeu est clairement culturel et politique : comment accompagner nos concitoyens dans cet apprentissage, non pas uniquement des outils, mais de la prise de parole publique, individuelle ou collective  ? Comment éviter que cette formidable ouverture ne soit confisquée par quelques uns, les "diseurs" et restituée aux "faiseurs"(1) ? Comment mobiliser ces techniques au service d’une démocratie inter(cré)ative ?

Valérie Peugeot

 

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> Article de presse
> Opinion/Analyse

 

 
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  Invité
3 Question à...
> Olivier Nérot - Responsable R&D et fondateur d’Amoweba.

Doit on considérer le Social Computing comme un effet de mode, ou une évolution, ou une révolution profonde ?

Le social computing est l’analyse en tant que système du fonctionnement des réseaux relationnels pour inspirer des solutions techniques, et son application opère une transition rapide vers la véritable finalité d’Internet : le service à l’individu. Cette évolution, dans la continuité des principes qui ont fait Internet, accélère actuellement la transition vers un système d’information global recentré sur nos besoins sociaux et professionnels, au niveau de chaque individu, de chaque société, et modifie, enrichit, notre vision même de nos organisations. Il s’agit donc d’une révolution des services et des usages, d’autant plus forte qu’elle est facilitée par une simple évolution des techniques.

Que cela nous prépare-t-il ? Faut il s’inquiéter d’une telle puissance ?

L’application du Social computing est quasi universelle, et les services qui en découlent sont multiples, du nouveau renseignement à la cartographie des compétences. Lorsque l’information s’unit aux réseaux sociaux pour s’enrichir mutuellement, le réseau d’information prend son sens. Cette évolution ne semble pas être une menace car le social computing décentralise l’information vers l’individu, en le responsabilisant, ce qui limite la récupération du système par un petit nombre. Ce principe est celui d’une vision libérale de l’écologie de l’information : attaquée, elle se reconfigure. Contrainte, elle diffuse par chacun des éléments qui la constitue. Refutée, elle se repensera elle-même. Il ne faut donc pas être inquiet mais vigilant, ce qui augmente notre acuité !

Comment accompagner, à mon niveau cette évolution ? Cela implique-t-il un changement dans les mentalités ?

Il est impossible, dès qu’un réseau se constitue, de ne pas rejoindre ceux de sa communauté qui y appartiennent déjà, sans se couper d’eux (e-mail, portable, etc.). Le collaboratif a ses limites, mais la force du social computing est que sa finalité est orientée vers l’individu, et qu’elle tire sa pertinence du réseau et des usages de chacun. L’utilisateur retrouve la place qu’il pensait bien devoir toujours occuper : le centre de son univers ! Depuis l’origine, le monde construit son sens par son organisation, par la mise en relation de ses composants, via une co-évolution naturelle de ses éléments en interaction. Actuellement, notre univers informationnel vit simplement la même révolution...

>> Lire le texte intégral de Olivier Nérot (au format PDF).

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  Repères

 

les nouveaux pouvoirs de l’Internet de la relation
L’Analyse de Laurent Jacquelin
> directeur veille & prospective Mobile Internet - Sofrecom / France Télécom

L’apparition de nouvelles tendances dans le domaine des technologies de l’information transforment ou concurrencent déjà directement les structures de pouvoir (politique, économique, social) en place. Cette étape nouvelle, que nous pouvons baptiser "de l’Internet de l’information à l’Internet de la relation" est d’autant plus importante qu’elle matérialise une des mutations qui pourraient conduire à "l’ère de l’information"(1) , où la coopération notamment joue un rôle clef. Plusieurs émergences semblent le confirmer :

Nous expérimentons tous depuis plusieurs années l’extension prodigieuse de nos cercles de communication, c’est-à-dire le nombre et le volume de contacts avec d’autres individus, aussi bien dans la sphère privée que professionnelle, grâce à des outils comme l’e-mail, le SMS, le mobile. Ces cercles se transforment peu à peu en cercles de relations, conjointement à l’extension et la diffusion des nouveaux outils technologiques mis à notre disposition (messagerie insantanée, messages multimédias, visiophonie...).

Une transformation majeure intervient lorsque ces outils de communication deviennent des outils de diffusion et de partage de l’information et de la connaissance. Une "phase deux" dans laquelle nous sommes entrés depuis quelques années grâce à l’apparition des phénomènes comme les sites et pages web collaboratifs (wiki et weblog ou blogues), qui révolutionnent déjà à eux seuls le champ de la collaboration tel qu’il existait jusqu’à aujourd’hui. Un des meilleurs exemples est l’encyclopédie ouverte en ligne wikipedia ou encore PloS Biology (voir Brèves dans ce n° de Transversales), bibliothèque scientifique ouverte à tous les chercheurs.
Cette logique "Many-to-Many" qui tend à s’étendre largement se heurte à des résistances issues de l’économie traditionnelle et de sa nécessaire organisation de la rareté, défendues par les cartels des grands médias et encore beaucoup d’organes dirigeants. Le risque associé est de priver l’utilisateur de son pouvoir créatif pour ne lui laisser que celui de consommer, et conduire directement à une nécrose de l’Inter(net)créativité et du besoin de partager des contenus informationnels (2). Nécrose qui conduit également à une perte massive de revenus, encore très mal anticipée (3), pour tout un pan de l’économie.

Une troisième phase survient lorsque les individus se tournent vers une utilisation de type réseaux sociétaux (ou "social networking") : c’est-à-dire une mise en relation fiable des individus et des groupes sur la base de centres d’intérêts communs, de confiance, jusqu’à une logique de coopération et même d’action. Les signaux sont multiples :

  • les sites de "social networking", qui permettent la recherche et la mise en relation de compétences ou de nouveaux contacts selon des critères de réputation (lire "réseaux sociétaux, le nouvel Internet" ci-après de Joël de Rosnay) ;
  • des innovations logicielles d’importance comme le format "RSS", qui permet une mise en relation dynamique des contenus des weblogs (Ibid) ;
  • des outils de création de communautés en fonction des affinités et une déclinaison politique étonnante, qui propose des liens entre personnalités politiques, entreprises, agences nationales... De quoi reconstituer dynamiquement les arcanes du pouvoir.

Pour rendre possible cette nouvelle évolution du Net, il reste néanmoins à mettre en lien, à rendre compatibles de façon souple et continue, ses différentes composantes technologiques, économiques et sociales : créer une infrastructure convergente. L’intégration du mobile et des protocoles Internet favorise d’autant plus ces nouvelles pratiques sociales.

De la relation à l’action coopérative : vers de nouveaux pouvoirs

De quels types de pouvoirs parle-t-on ? Il s’agit principalement de ce que l’on pourrait baptiser "démocratie augmentée" (par analogie avec la réalité augmentée - nos sens complétés en temps réel par de l’information), incluant différentes formes de "démocratie inter(cré)a(c)tive". Nous sommes bien dans le domaine des cyber contre-pouvoirs capables de faire émerger depuis la base une compréhension décodée de la réalité. Mais pas seulement, puisque l’action organisée devient désormais possible.
Au premier rang, le pouvoir de diffusion d’information ou de contre-information qualifiée, comme l’organisation et le suivi de débats de fond (sur le site debatpublic.net par exemple), ou d’autres créés pour traquer les campagnes de désinformation de grands groupes industriels.

Ensuite, des initiatives de contre-pouvoirs échappant à tout contrôle, par l’apparition de Moblogs (sites web personnels pour la publication et les commentaires ouverts de photos prises par les mobiles). Chaque individu détient désormais potentiellement le pouvoir de devenir un reporter de terrain. Les images de torture des prisonniers irakiens ont par ce biais créé un événement ces derniers mois, échappant aux contrôles des gouvernements, éditeurs et autres censeurs. Nul ne sera surpris dès lors par le fait que Donald Rumsfeld bannisse en urgence l’usage de ce type de terminal au sein de l’armée en Irak. La question de la qualification de l’information (objectivité, utilité, éthique, canulars - ou hoax dans le langage du net) se pose, même si la révision des contenus fournie par les sites coopératifs permettent un certain contrôle.

Surveillance inversée... Steve Mann, qui se déplace en permanence avec une webcam reliée à Internet, présente l’idée de vidéo "sous-veillance" de chaque individu, en réponse à la "surveillance" exercée de la tête vers la base. Un pied de nez à Big Brother (lire aussi le repère "Souriez, on vous netspionne !", Joël de Rosnay, ci-après).

Démocratie intercréative... par Internet, dont le premier exemple provient des Etats-Unis. Face à ce que Brad de Graf nomme la "machine électorale républicaine", organisée en un système pyramidal et financièrement lourd, les démocrates bénéficient d’une réponse par l’apparition de candidats "sortis du rang" via des modèles typiquement issus de l’ère informationnelle : décentralisé, émergent, auto-organisé, adaptatif, diversifié, bottom-up... et peu coûteux. C’est le cas de Howard Dean grâce aux outils de mise en relation du site Deanspace et même de John Kerry.

Action coopérative coordonnée... cette étape commence tout juste à être franchie grâce à l’e-mail et le SMS : l’utilisation de ressources coopératives pour coordonner une action physique et massive, comme une manifestation, par exemple (les "flashmobs"). Ainsi à Madrid, trois jours après les attentats du 11 mars 2004, plus de 5000 personnes mobilisées par SMS et e-mail manifestaient devant le QG du parti populaire, pour réclamer toute la transparence sur cette affaire. On peut signaler d’autres exemples : l’utilisation du SMS par le parti Bharatiya Janata en Inde pour maintenir le contact avec la presse et les électeurs ; des millions de citoyens philippins utilisant le SMS pour organiser des manifestations de rues, qui ont permis de destituer le régime de Estrada, etc.

Là encore, ce qui est bon pour la démocratie peut toujours être utilisé d’une manière plus perverse : diffusion de propagande électoraliste ou organisation d’actions terroristes.... Se limiter à cet aspect équivaudrait cependant à passer à côté du potentiel beaucoup plus fort des NTR (nouvelles technologies de la relation) ; et risquer de les cantonner à des usages publicitaires ou de pur divertissement, par une réglementation trop stricte ou la défense d’intérêts économiques limités.

>> Lire le texte intégral de Laurent Jacquelin (au format PDF).


réseaux sociétaux : le nouvel Internet
Par Joël de Rosnay
[ techno ]
L’Internet retrouve sa vocation d’origine : il redevient un système de communication interpersonnel Autrement dit, une technologie de la relation. Une tendance forte est en train d’émerger : les réseaux d’interconnexion sociétaux (en anglais : "social networking" ou encore "P2P" : people to people networking). Cette émergence est aujourd’hui rendue possible par la convergence de plusieurs filières technologiques et de modes de communications ou de pratiques sociétales. Le sans fils, le haut débit et le multimédia facilitent de telles communications. La transformation des terminaux nomades - les "mobiles" - en hybrides entre téléphones, PC et assistants personnels numériques, s’accélère. S’ajoutent à ces évolutions la géolocalisation et des pratiques ou des nouveaux outils, tels que SMS multimédias, les téléphones avec appareil photo numérique, les tags (ou étiquettes intelligentes portées sur des badges d’identification par exemple), ou la prolifération des Weblogs (pages web coopératives) et des RSS feeds (méthode utilisée pour "fédérer" les contenus de weblogs).
De nombreuses start-ups financées par le capital risque fleurissent dans le domaine du "social networking" : Elles ont pour objectif de rapprocher des personnes par affinités, motivations, goûts ou volonté d’agir solidairement dans un domaine donné (par exemple : FOF : "friends of friends", Friendsters, Orkut, Meetic (créé par un français), B2B café...). Même les entreprises s’intéressent au "social networking", pour permettre par exemple, grâce aux Intranets, de mettre en commun des carnets d’adresses ou exploiter les réseaux de relations.
Pourtant la prudence s’impose. L’échange et la connexion de groupes à groupes favorisent l’espionnage, la traçabilité, les atteintes à la vie privée. Si l’Internet devient ainsi un système mondial de mise en relation des personnes, le vieil adage des réseaux secrets devra sans doute s’appliquer : pour vivre heureux vivons caché !..

>> Lire le texte intégral de Joël de Rosnay (au format PDF).


 

"Souriez, on vous netspionne !"
Par Joël de Rosnay
[ techno ]
Votre espace de liberté, Internet ? Ce n’est pas tout à fait exact. A votre insu, vous êtes soumis aux risques du "spyware" ou des "espiogiciels", programmes espions qui se nichent au cœur de votre disque dur pour suivre les moindres de vos activités. Par exemple, un logiciel appelé Spector permet à des responsables d’entreprise de surveiller les activités informatiques et télématiques de leurs salariés, ou à des parents d’épier leurs enfants. De tels programmes peuvent enregistrer les pressions sur les touches du clavier ou les images à l’écran. D’autres logiciels comme SubSeven vont plus loin : ils forcent l’usager à exécuter des programmes permettant d’enregistrer des mots de passe, des adresses électroniques, voire des numéros de comptes bancaires et même de "prendre la main" sur le fonctionnement d’un ordinateur pour explorer à distance le contenu d’un disque dur. Les services de renseignement et en particulier le FBI dans le cadre du National Patriot Act, font largement appel à cette catégorie de "spyware", un des plus célèbres étant appelé "Carnivore".
Même si on n’est pas une cible "sensible" de ce genre de services spéciaux, on reçoit régulièrement des "cookies" ou des "ad-wares" : ces petits logiciels espions servent principalement à suivre à la trace vos activités sur les sites visités afin de vous proposer des publicités ciblées correspondant à vos goûts ou habitudes. Alors que faire ?
On peut se protéger de ces assauts, diminuer sa traçabilité et protéger sa vie privée. Bien sûr il faut utiliser un bon "firewall", cloison étanche informatisée qui élimine les intrusions. Il en existe d’excellents, comme ZoneAlarm. Mais surtout, pour nettoyer son disque dur de tout logiciel espion et filtrer les incursions non désirées, on peut utiliser par exemple Spybot Search & Destroy. Excellents pour repérer les créateurs de virus, les truands ou les terroristes, ces logiciels espions, placés en de mauvaises mains, pourraient conduire à une société du surveillance permanente, susceptible d’entraver les libertés individuelles.

>> Lire le texte intégral de Joël de Rosnay (au format PDF).

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  Brèves

Le libre accès aux résultats de la recherche bouleverse le monde des revues savantes
[ citoyenneté ]
Le collectif "Public Library of Science" (PLoS), après la création il y a six mois de la revue "PLoSBiology" (voir brèves, Des avancées vers les archives scientifiques ouvertes, Transversales n°3) annonce la parution d’une nouvelle publication à l’automne, "PloS Medicine". Le modèle économique de ces revues est conçu sous le principe du "libr accès", gratuit, sur Internet, aux résultats de la recherche (les abonnements "version papier" eux demeurent payants). Le laboratoire auquel appartient un chercheur dont les travaux ont été acceptés doit s’acquiter d’une somme forfaitaire de 1500 dollars, et pour remédier aux institutions peu fortunées dans les pays du sud, des bourses sont attribuées à ces laboratoires.
Les résultats de "PLoS Biology" sont des plus encourageants et il est possible que prochainement, d’autres grandes revues scientifiques envisagent de basculer pour se joindre au mouvement.

Pétition pour une Europe sociale
[ citoyenneté ]
Ancien consultant, promoteur de la "semaine de quatre jours" qui, hélas, n’a pas vu le jour, Pierre Larrouturou se fait aujourd’hui le porte-parole passionné de l’instauration d’une Europe sociale. Il est à l’origine d’une pétition "pour un vrai traité de l’Europe sociale" qui réclame la mise en œuvre de cinq critères analogues à ce que furent les critères de Maastricht pour l’Europe économique. Cette proposition a aussi fait l’objet d’une tribune, co-signée avec Stéphane Hessel et Michel Rocard, dans Le Monde du 9 juin 2004. On peut aussi lire avec intérêt l’interview de Pierre Larrouturou sur le site Internet Place Publique qui consacre tout un dossier aux aspects de l’Europe dont on parle si peu.

Trois stratégies pour trois crises majeures qui s’annoncent
[ économie ]
L’Investissement Socialement Responsable (ISR) s’est développé au point de représenter une "industrie" qui pèse 2 000 milliards de dollars aux Etats-Unis et qui progresse rapidement à travers la planète. Mais malgré cette grande réussite, l’ISR n’a pas empêché un nombre important d’indicateurs sociaux et environnementaux de rester ou de passer dans le rouge : tel que pratiqué aujourd’hui, l’ISR n’est pas adapté pour répondre aux besoins du 21ème siècle. Les investisseurs SR sont presque exclusivement orientés vers les marchés secondaires des actions et obligations. Face à l’aggravation des crises environnementales et sociales, de nouvelles stratégies doivent être mises en place pour mobiliser directement les capitaux dans des activités qui catalysent un futur durable :

- la crise sociale requiert des investissements communautaires ou solidaires,

- la crise environnementale requiert de l’investissement régénérateur,

-  la crise de la prise de décision requiert de l’investissement corporate.
En savoir + :"Mythes et Réalités de l’entreprise socialement responsable", de Michel Capron et Françoise Quairel, publié aux Editions La Découverte.

 

Le secret anti-sida des singes est mis à découvert
[ vivant ]
Les singes sont insensibles au VIH qui ne se réplique pas, exception faite du chimpanzé, chez lequel l’agent infectieux se multiplie mais sans provoquer le moindre symptôme. Une équipe de chercheurs, conduite par Joseph Sodroski (Harvard, Massachusetts) vient de démontrer que cette protection est due à l’existence dans leurs cellules d’une molécule infime, une protéine jusqu’alors inconnue :TRIM5-alpha, qui travaille à faire barrage.
On peut imaginer que le développement de molécules synthétiques mimant l’action d’une telle protéine anti-virale puisse protéger également les humains.

Régression sanitaire
[ citoyenneté ]
Dans un récent communiqué, Médecins du Monde tire la sonnette d’alarme sur les effets pervers de la réforme de l’Aide médicale d’Etat (AME), engagée voilà six mois. Exemples à l’appui, l’association humanitaire montre que cette réforme aboutit déjà à exclure de l’accès aux soins des milliers de personnes. Une pétition pour la défense de l’AME a déjà recueilli 12 000 soutiens individuels et 170 signatures collectives, représentant au total près d’un million de Français.

Le Bip 40 repart à la hausse !
[ citoyenneté ]
Après une période d’embellie (2000-2001), qui a permis d’en stopper la progression, les inégalités et la pauvreté sont fortement reparties à la hausse à partir de 2002. C’est ce que montre la nouvelle édition du "Bip 40", le Baromètre des inégalités et de la pauvreté que publie désormais le Rai (Réseau d’alerte sur les inégalités). Certes la société française continue globalement à s’enrichir. Mais en même temps, la démocratisation de l’école s’est interrompue, l’impôt sur le revenu, seul impôt redistributif, est réduit chaque année, le nombre de personnes survivant grâce aux minima sociaux demeure proche de niveaux records, les loyers ne cessent de flamber et les ménages surendettés sont de plus en plus nombreux.

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L’empire cybernétique
Des machines à penser à la pensée machine - Céline Lafontaine - Seuil - février 2004.
Un livre remarquable et facile d’accès de Céline Lafontaine, professeur de sociologie à l’Université de Montréal.
A lire absolument. L’ouvrage restitue d’abord dans une large fresque la généalogie du "paradigme de la cybernétique et du modèle informationnel", dont Norbert Wiener et Claude Shannon vont se faire les principaux fondateurs dans les dernières années 1940. Le premier objectif, face au chaos de l’après-guerre, est de combattre l’entropie et le désordre. Mais la suite de l’ouvrage montre que le nouvel humanisme apparent s’avère par contre la source d’un profond anti-humanisme.
Le retentissement fut énorme en Occident. Bateson, le structuralisme, Michel Foucault, Lacan, comme le systémisme post-moderne, comme le cyberespace mais aussi Teilhard De Chardin, témoignent de l’emprise de l’empire "cybernétique" avec partout l’attrait de l’adaptation technologique et de la pensée machine. Au total avec la mise à l’écart du "sujet" humain, un post-humain de se dessine-t-il pas en mettant fin à l’intériorité humaine qui pour l’auteur reste cependant la garantie majeure de l’autonomie subjective fondant l’altérité ?

 

La voie humaine
Pour une nouvelle social-démocratie - Jacques Attali - Fayard - avril 2004.
Analyse critique
"Le marché devient chaque jour plus fort que la démocratie et il en menace même les institutions". Celui qui lance ce cri d’alarme n’est pas un altermondialiste notoire. Jacques Attali passe pour appartenir à la fraction gestionnaire de la gauche. Son dernier livre n’en est que plus intéressant. D’où vient donc cette menace sur la démocratie ? L’explication donnée par Attali est simple : "L’initiative privée avance au rythme choisi par chaque individu, alors qu’il faut une action collective complexe pour changer les cadres et les usages de la démocratie". Autrement dit, sans effort pour remettre le bien commun au premier plan, le marché continuera à progresser plus vite que la démocratie.
D’accord sur le constat, mais que faire ? Toutes les tentatives passées pour encadrer le marché ou le soumettre ont sombré dans l’impuissance ou le totalitarisme (quand ce n’était pas les deux à la fois !). Le mérite de l’ancien conseiller de François Mitterrand est de chercher à défendre les vertus du marché (et même d’en améliorer l’efficacité) tout en tentant de réduire son emprise. Et ce, de trois manières : en étendant le champ de la gratuité ; en opposant le savoir au spectacle ; en renforçant la démocratie par la mise en œuvre de la responsabilité de tous.
Sans doute, l’ancien conseiller de François Mitterrand recycle-t-il ici des idées déjà véhiculées dans d’autres sphères (1). Sans doute son dernier chapitre, "Les dix chantiers d’une nouvelle social-démocratie", est-il trop fait de bric et de broc pour espérer susciter l’adhésion de ses anciens camarades de Parti, pourtant en quête de projet. Mais Attali a cette judicieuse intuition de rappeler la prééminence du temps sur l’argent.

(1) Et notamment dans notre livre collectif Sortir de l’économisme, Editions de l’Atelier, 2003.


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Posté le 18 juin 2004

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