SMSI-81 Quand la solidarité numérique creuse la division

Bonjour,

Difficile d’écrire sur un événement en cours. Je ne suis pas journaliste, juste vinaigrier...

Un sommet est un lieu de négociation, de bras de fer, suivi de compromis, de séances de rattrapages,... Pas évident de garder le cap. Encore moins quand il faut tenir compte des consensus et des expériences très diverses, comme c’est le cas au sein de la société civile mondiale.

Ce matin, le représentant du Sénégal est venu dans l’assemblée plénière de la société civile pour lancer un appel : le sommet achopperait sur la création d’un fonds pour gérer la nécessaire solidarité numérique. (le verbatim de son intervention à la fin de message)

Je vous avais écrit un "petit papier" la semaine passée sur ce sujet

Le voici qui rebondit : comment assurer que les paroles deviennent des actes ; quel mécanisme de financement mettre en place.

La délégation sénégalaise, qui a su gagner de nombreux pays du Sud, propose un système basé sur la solidarité des citoyens : le fonds serait nourri par chaque acheteur d’un outil de communication et d’information, qui sur une base volontaire accepterait de verser 1 dollar en complément pour alimenter ce fonds.

D’autre part, les pays du Nord, Union européenne en tête, considèrent que la ré-orientation des fonds existants est suffisante.

C’est la matière d’un clash, dont l’effet de souffle court dans la réunion.

La Société civile cherche à trouver une position commune pour prendre place dans ce débat. Là encore, c’est très instructif de voir les approches très différentes selon les pays et les expériences. Une déclaration est en discussion. En substance, les positions sont les suivantes :

- comment garantir que les financements atteindront bien les projets directements concernés ;
- les citoyens ne peuvent être les seuls à participer à ce fonds. Le secteur privé et les Etats doivent aussi l’abonder et il convient de trouver des mécanismes pour cela ;
- la transparence dans la distribution est essentielle... et les technologies de l’information peuvent le permettre ;
- ce fonds ne doit pas conduire à une extension de la privatisation des réseaux de communication et il ne doit pas conduire à alourdir plus encore la dette(on sent l’expérience de celles et ceux qui ont subit les injonctions des bailleurs de fonds du FMI) ;
- il faut élargir au delà de l’internet à tous les outils permettant l’expression des plus démunis. Les médias communautaires doivent aussi pouvoir candidater.
- le fonds doit être administré par le Sud, avec des coûts administratifs minimum et des procédures de contrôle, une "gouvernance" qui devrait être exemplaire.

Pour la société civile, la solidarité sociale doit être liée à la solidarité numérique. Et la réduction de la dette du Tiers-Monde pourrait aussi être un mécanisme de financement.

D’un côté un mécanisme de rapport de force politique et diplomatique, de l’autre une volonté d’obtenir des garanties afin de faire réellement avancer les projets. Comment assurer la convergence.. alors que le secteur privé refuse toute idée de taxe nouvelle, ou de limitation de l’influence du commerce (l’urgence technologique).

On le voit, une situation complexe... et deux jours pour trouver les compromis, les solutions,... Ou deux jours pour jeter de l’huile sur le feu, du vinaigre sur la plaie ouverte.

Comme le disait la philippine Susanna Georges, "on ne peut pas parler de la fracture numérique en oubliant les autres fractures sociales et économiques".

Hervé Le Crosnier


Verbatim de l’intervention du Représentant de la délégation sénégalaise Amadou Top lors de la plénière de la société civile jeudi 25 septembre


Je suis venu vous informer de l’évolution de la situation au niveau du groupe des Etats dans la perspective de savoir où est-ce que nous en sommes sur la question cruciale de ce qu’il faut faire de toutes les grandes déclarations et principes.

A la prepCom 2, Le Prsident du Sénégal A. Wade avait proposé une idée baptise "solidarité numérique". Elle partait du constat que l’écart s’agrandissait entre le Nord et le Sud sur les usages des TIC, et aussi en matière d’infrastrucutre, de construction des capacités de base,... Il a constaté aussi que dans les pays du nord, cette fracture numérique existait aussi. Considérant que le SMSI a l’objectif de créer une société inclusive, il avait proposé un fond de solidarité numérique.

Les mécanismes de financement existants, y compris ceux mis en place après les grandes conférences internationales sont restés orientés vers le développement en général, et peu sur les TIC.

Ces fonds eux-mêmes fonctionnent sur une base compliquée, bureaucratique et ne favorisent pas leur utilisation. Les volets NTIC n’ont pas une priorité importante.

Un fonds de solidarité numérique aurait cette particularité de tenir compte des objectifs même de ce sommet, en partenariat entre les etats, la société civile et le secteur privé.

Un fonds qui releverait de nouveaux mécanismes de collectes qui impliqueraient les citoyens à la base. C’est une cotisation volontaire. On avait imaginé un mécanisme pour que quelque’un qui achète un appareil de communication pourrait cocher la case "je donne 1 dollar".

Bref, c’est un fonds qui fait intervenir de façon volontaire la participation de la communauté internationale, les citoyens, sur cette problématique.

Ce fonds de solidarité numérique était un des élément essentiel qui sortirait de ce sommet. C’était une idée très précise, avec une volonté de tous les acteurs.

C’est un partenariat pour mettre en place.

Et nous arrivons au prepcom 3 et les acteurs (l’Union Européenne principalement) ne veulent pas entendre parler d’un fonds, ni de mécanismes nouveaux. Leur préoccuation est de ré-organiser les fonds existants.

Or l’expérience que nous avons sur le terrain est qu’ils viennent d’origines différentes, de l’UE, du japon, des Etats Unis,...). Chacun vient avec ses objectifs, ses priorités, ses intentions et sur le terrain nous n’arrivons pas à les coordonner.

On bloque sur ce sujet en relation avec l’essentiel des pays du Sud. Ils ontdécidés de ne pas reculer.

On ne sait pas ce qui va se passer ce matin. et nous tenions à vous en informer.

[applaudissements] fin de la transcription.

Posté le 25 septembre 2003

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