SMSI-82 Des remous dans les couloirs du SMSI

Bonjour,

Les réticences de la société civile dont je vous entretenais hier ont suscité beaucoup d’émoi dans les couloirs du Centre des Congrès de Genève.

Ce matin, M. Adama Samassekou est venu à la réunion plénière des représentants de la Société civile pour essayer de désamorcer la mèche allumée par le texte que je vous ai fait suivre hier.

Vous trouverez ci-après le verbatim de son intervention, d’après les notes que j’ai pu prendre en direct.

Mais auparavant quelques remarques. Je crois M. Samassekou quand il dit souhaiter reprendre dans le texte final les volontés de la société civile de placer les orientation utiles aux peuples et aux citoyens... mais il nous dit aussi en filigrane que d’autres acteurs, d’autres intérêts sont en opposition.

Et comme toujours, c’est à la société civile qu’on demande de ravaler ses ambitions...

En tout cas, si on a demandé cela à d’autres, par exemple, au hasard, aux représentants du secteur privé... le résultat n’a pas été flagrant dans le contenu du document qui a été rédigé le 19 septembre.

De même, si on a demandé aux Etats, par exemple, au hasard, à la Tunisie, d’éviter les provocations en retirant de la tête du comité d’organisation de Tunis 2005 l’ancien tortionnaire qui vient d’y être nommé, cela n’a guère fait trembler les feuilles, et hier la tenue sans condition de Tunis 2005 a été validée.

Pourquoi est-ce toujours à la Société civile que l’on demande "de la patience", "des efforts", des "concessions"... Pensez-donc !!!

La légitimité du secteur privé se mesure simplement à deux critères : gagner de l’argent, et "faire quand même" L’argent reste le référent général, mais la capacité "à faire quand même" doit être mesurée. Prenez les récents procès anti-trust du domaine de l’informatique : malgré les recomandations des juges étatsuniens, notre "trusteur number one" a fait exactement ce qui avait provoqué l’intervention de la justice et de certains Etats : intégrer Internet Explorer à Windows. "Faire quand même", c’est l’installation d’un wildcard sur le DNS racine, confié à la société prive Verisign... et qui renvoit à un serveur de Vérisign.(je vous reparle de tout ça hors actualité)

La légitimité des représentants des Etats, au moins des Etats démocratiques, c’est d’être élus (vous me direz, les autres sont pour la plupart élus quand même, parfois avec des pourcentages avantageux). Certes les processus démocratiques sont imparfaits, mais ils confèrent une légitimité.

Quelle est la légitimité de la Société civile ?

Voilà une véritable question que soulève ce processus du SMMSI (comme avant lui les processus des sommets onusiens depuis le Sommets de la Terre à Rio).

On peut avancer quelques éléments de réponses :

- la Société civile et ses organisations sont là, partout, pour assurer le lien social, pour expérimenter, pour organiser la vie au quotidien.

- la société civile tire sa légitimité de ses capacités de parole, d’échange, d’écoute des autres représentants de la société civile (la constitution d’un réseau mondial partant des expériences à la base et connectant les volontés, d’où qu’elles viennent).

- elle procède aussi de sa capacité d’innovation, de diffusion de l’innovation dans les secteurs les plus marginalisés par le monde commercial.

- elle procède enfin de sa capacité à théoriser à partir des pratiques et des critiques : regarder le monde sans chercher ni la légitimité de l’argent (qui rend insensible... l’argent n’a pas d’odeur, c’est bien connu), ni celle du pouvoir (qui aveugle). Rien ne la conduit, globalement, à raboter ses critiques sur la marche du monde.

C’est ce qu’exprime clairement Adama Samassekou quand il rend hommage à l’action de la Société civile. Mais c’est peut être ce qu’il manque à reconnaître quand il ne peut rien proposer dans la Déclaration de Principes qui soit réellement une reprise de cette légitimité sociale et critique, basée sur l’expérience avec celles et ceux qui subissent, faute de pouvoir organiser le monde.

Laissons de côté l’incartade verbale de M. Samassekou sur l’analyse "psychologisante" de l’opposition ("dans toute communauté, il y a des gens qui ont une propension à créer le drame, qui ne peuvent se satisfaire que lorsqu’il y a des grandes dificultés. C’est ce qui les fait mouvoir"). Nous l’avons tant et tant entendue depuis Seattle en 99 que cela finit par glisser. Depuis des années les dirigeants n’arrivent pas à diviser la Société civile avec ce genre de discours. Malgré les divergences, malgré souvent les intérêts différents, les pratiques parfois opposées, le réseau des associations qui s’opposent à un monde entièrement dirigé par le commerce, par un commerce qui s’étend à toutes les activités humaines, ne fait que s’élargir.

Et c’est aussi ce réseau qui s’exprime ici, dans le contexte particulier d’un Sommet spécifique sur la Société de l’Information, avec un type particulier de participants... mais avec le même regard critique sur l’évolution récente du monde, avec le même espoir d’un changement, et en conséquence avec la même capacité à bousculer les institutions.

De la patience, la Société civile en a à revendre, qui depuis des siècles propose, innove, crée et maintien le lien social... Mais dans un contexte particulier et limité, il faut que la patience soit récompensée... Or ce n’est pas le cas ici et maintenant. Il reste donc quatre jours pour retourner les choses.

Des Etats commencent à l’entendre (on le voit sur la question des logiciels libres). Comment cela sera-t-il rédigé dans le texte ?

En attendant, la Société civile se prépare. En écrivant une "Déclaration alternative", tout en maintenant en interne la pression par la proposition d’amendements pour que le "méta-langage" qui se constitue dans les "principes" du SMSI n’oublie pas les intérêts des peuples et des citoyens.

Marcher sur deux jambes, et revenir inlassablement aux oppositions essentielles.

Hervé Le Crosnier


Verbatim de l’intervention de M. Adama Samassekou Président du PrepCom lors de la séance plénière des représentants dela Société civile mardi 23 septembre


[Note : il n’y a pas de traduction simultanée. M. Samassekou commence en anglais]

Of course mmy english is not so fluent as my french

I try to speak i english

[note : une déléguée de la Société civile se propose pour faire une traduction en résumé en alternance. M. Samassekou reprend en français]

Je ne veux pas perdre votre temps. J’ai souhaité vous rendre visite ce matin car depuis hier hj’ai senti, vu et appris qu’il y a un fort mécontement au sein de la société civile.

I felt, i heard and they knew

Ca se sent, ça s’entend et ça s’apprend. J’ai intégré que ça ne va pas.

Je venais vous dire simplement que vous êtes de toute façon entendus et compris. Je vous comprends et je ne suis pas le seul à vous comprendre.

Je voulais vous dire qu’en lisant votre compte-rendu de la façon dont la choses se passent et votre analyse, aujourd’hui, je peux comprendre et je suis d’accord avec votre frustration. Et je le dis pas pour faire plaisir. Je le dis parce que je le crois profondément.

I heard that i am considered as the personn who use to spreak good words just to keep in touch, politically correct. Iwant to say to people that don’t know me, I use to say what I think and to do what I say. In my country, when i was minister i alway do : "parler vrai et agir en vérité".

Je ne dis pas ça pour dire que je peux le faire tout le temps. Mais au moins j’essaie. Et je sais que si chacun d’entre nous le fais vraiment, il n’y a ps de raisons que nous n’arrivions pas à le faire.

Le partenariat n’est pas un vain mot. Je n’ai pas appris le partenariat dans cette fonction du PrepCom. Je ne pratique pas une mode. Je me considère comme un vieux militant des causes les plus fondamentales de cette terre, c’est à dire la sauvegarde de la dignité humaine.

Quand, à Paris, j’ai eu l’occasion de vous parler de la valeur du partenariat, j’y crois sérieusement.

Et pour moi l’un des aspects fondamentaux est la confiance. Si la confiance est rompue, il y a de grandes chances que le partenariat n’ait pas une longue vie.

Pour cela il faut une condition centrale : maintenir le dialogue entre les différents acteurs. Nous avons souhaité que ce PrepCom soit un véritable espace de parole, pour que des gens qui n’ont pas l’habitude de se parler vraiement apprennent à la faire durant ce processus.

Je crois que nous sommes arrivés à un moment crucial de notre processus préparatoire. Chacun des acteurs a le sentiment que nous sommes en train d’aller vers la production finale du document qui sera proposé lors du sommet. Et c’est là où deviennent vraiment extrêmement importante les positionnements et les capacités d’écoute des préoccupations de chaque acteur.

C’est à la fois le point fort et aussi le point faible de la tentative de construction de notre partenariat.

Alors, j’ai simplement un appel à vous faire dans ce cas là : ne gâchez pas le bénéfice de votre propre combat. Vous avez tenu depuis le début jusqu’ici à marquer votre présence auprès des autres partenanires dans une approche constructive. Ceux des partenaires qui en doutaient ont compris non seulement votre importance, mais aussi votre productivité. Specifically those who didn’t attach importance ;

On peut dialoguer entre acteurs.

Evidemment, dans toute communauté, il y a des gens qui ont une propension à créer le drame, qui ne peuvent se satisfaire que lorsqu’il y a des grandes dificultés. C’est ce qui les fait mouvoir. Malheureusement pour eux, je ne suis pas de ceux là. Et je souhaite que nous soyons nombreux à bâtir quelque chose de grand et de durable sans que la violence s’exprime. Sans crier au scandale, sans provoquer de situation de chantage.

Je voudrais là que je sois bien compris. C’est un appel que je lance pour que cette affaire ne prenne pas le pas sur ce que nous avons fait jusque là.

Je salue le travail de votre équipe pour essayer de passer de la participation à des contributions.

Vous savez, comme nous sommes tous attachés et concentrés à la tâche. Alors nous ne pouvons pas tout voir. Il est bon de prendre du recul et de voir où nous en sommes.

Dans le processus, je souhaiterais multiplier les espaces de dialogue.

Ca permet simplement de confronter le discours à la pratique. Et si les gens sont honnêtes, s’il y a un décalage, nous sommmes capables de revoir la copie, de discuter, de retouver les vrais liens de concertation.

Il s’agit de voir dans tout ce qui existe ce qui est essentiel pour la société civile nt tenant compte de ce qui est essentiel pour les autres.

J’ai besoin de montrer à chaque acteur que l’essentiel de ce qu’il porte peut être pris en compte. Quand vous mettez les peuples et l’être humain au centre, je suis d’accord avec vous. Et si cela n’est pas dans le document, je souhaite que vous nous le disiez pour que cela soit intégré.

Voilà ce que je voulais vous dire. Nous aurons une réunion à 10h30. Pour la forme, c’est toujours un peu dommage de donner le sentiment qu’on réagit à une situation de crise. Cette réunion est programmée depuis février. Je parle au nom de la vision que nous avons du partenariat. Je voudrais simplement vous demander d’avoir de la patience, qui n’estcertainement pas une patience inutile. Quelles que soient les difficultés.

Posté le 23 septembre 2003

©© Vecam, article sous licence creative common