SMSI-89 Projets ronflants, maigres bilans

Bonjour,

Les collectivités locales investissent dans les Technologies de l’Information et de la Communication. C’est bien.

Toutefois, il nous faut regarder les réalisations en regard des promesses. Pourquoi, comment et avec quelles exigences de résultat les collectivités locales investissent-elles dans les TIC ? Avec quels acteurs en ligne de mire ?

Prenons ainsi le résumé des activités de Lille Métropole tel qu’il est présenté dans l’annuaire du "Journal du net" http://www.journaldunet.com/dossier...


- Développer la vocation industrielle numérique de Lille Métropole et sa compétitivité internationale
- Créer 10.000 emplois dans les TIC dans les dix prochaines années
- Favoriser l’appropriation des TIC par tous et l’accès aux services et aux réseaux de télécommunication


Des objectifs que l’on retrouve sur le site Digiport http://www.digiport.org/


Lille Métropole relève aujourd’hui le défi de l’immatériel en créant les conditions d’un nouveau développement fondé sur les activités de la net économie et l’intégration réussie des TIC dans les entreprises des secteurs traditionnels de l’économie à travers un projet d’ambition internationale : DIGIPORT.


Bref, l’économie numérique a besoin d’un coup de pouce des pouvoirs publics pour développer la compétitivité (l’attractivité d’une région ou d’une ville). Et ce coup de pouce passe par des mesures visant d’un côté à offrir une infrastructure technique (des réseaux toujours plus puissants) de l’autre à créer, suggérer des usages en formant et incitant les populations.

Entre les deux, il y a 10 000 emplois en dix ans. 1000 emplois par an, 100 emplois par mois, 3 emplois par jour.

Aujourd’hui, j’ai regardé le site des offres d’emplois de Lille Métropole : D0109 DigiPort Chargé d’études Nord Stage

Bon, ce doit être un mauvais jour. L’emploi est devenu stage et l’offreur est celui-là même qui promet 10 000 emplois pour obtenir les subsides des fonds FEDER (Europe), de la communauté urbaine, de la Caisse des Dépôts et consignations...

Mais attention, c’est un stage de chargé d’étude, certainement pour trouver les futurs offreurs d’emplois qui permettront de valider le stage et d’offrir un emploi au stagiaire.

Bon, j’ai rien à reprocher à Lille Métropole. J’ai préféré choisir au hasard dans l’annuaire du JDNet, au hasard voulant dire en dehors de ma propre ville. Je ne tiens pas à me faire accueillir avec le fusil à tirer dans les coins (penser à marquer "éviter Lille pendant quelques temps" sur mon agenda).

Et si on revenait à un peu plus de modestie, de réalisme.

Et si dans tous ces merveilleux projets, on arrêtait de faire dans le ronflant, le grandiloquent, les promesses de petit bras et les diners en ville pour reprendre une véritable réflexion citoyenne sur les intérêts et les inconvénients de cette émergence d’une "société de l’information".

Et si l’argent public, qui est absolument nécessaire pour l’implantation de tout secteur indutriel, n’était plus dispersé pour des missions de soutien direct à des entreprises, mais était utilisé à des objectifs réellement "public" : formation, découverte, lutte contre les inégalités, utilisation pour améliorer la vie publique et développer un nouveau type de lien social et de participation des citoyens à la vie de la cité.

Et si le regard critique, la capacité à développer l’indépendance de choix et de savoir-faire des utilisateurs était au centre de ces stratégies citoyennes. Si les compétences commençaient par le savoir-lire, savoir écrire, savoir-compter, savoir-chanter, savoir-courir et savoir-aimer. Dans un cadre nouveau, certes, mais avant tout dans un objectif d’épanouissement des personnes et pas de support à des stratégies commerciales.

Dans le temps, ça s’appelait l’école, l’université, l’aide au associations de l’éducation populaire, les bibliothèques, la recherche, la parole qui courrait entre les habitants.

Et si au fond c’était ça le rôle de la puissance publique.

Et si sur cette base là, libre, éclairée, citoyenne, contradictoire, visant à l’autonomie des gens,... des entreprises pouvaient s’appuyer sur l’élévation générale des compétences d’une ville, d’une région, d’un pays, ou du monde entier pour créer un marché compatible avec les règles du droit du travail (et pas un marché du stage) et les règles du droit de l’environnement... alors tant mieux. Viva.

Sais pas pourquoi, j’ai l’impression que l’on fait l’inverse. Que l’argent public ne sert pas à améliorer la formation, la réflexion et la conscience, mais à formater des personnes et des villes autour des intérêts à court terme d’un secteur industriel... à qui l’on offre de surcroît des aides, dégrèvements, terrains, soutiens, publicité, accords signés en grande pompe, déclarations creuses... et aucune exigence sur la réalisations des promesses (emploi, connaissance, lien, belles paroles jamais confrontées à la réalité).

Depuis le temps que les promesses d’emploi, de 10 000 emplois, servent de paravent, de cache-sexe, d’écran de fumée... il serait temps de reposer le problème à la racine. Etre radical ou changer les stratégie de communication... tiens, qu’est-ce qu’en pense le lobby ? Et les responsables locaux, nationaux et même internationaux ?

Hervé Le Crosnier

Posté le 12 septembre 2003

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