SMSI-91 Un voyage en résumé

Bonjour,

Un peu de retard hier, pas le temps d’écrire... Il devrait y avoir deux petits papiers aujourd’hui.

Hier donc, je cheminais de Caen à la FNAC Digitale du Boulevard Saint-Germain à Paris pour entendre un débat sur la musique et l’internet, organisé par le Forum des Droits de l’Internet. Le prochain message parlera de ce débat, mais je voudrais ici évoquer le voyage...

O, pas tout le voyage, simplement le passage en métro qui mène de Saint-Lazare à Odéon.... et qui me fait chaque fois passer par les stations "Concorde" et "Assemblée Nationale". Tout un programme.

Un programme qui se décline sur les murs de ces deux stations.

A Concorde, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen est affichée sur les murs, dans des carreaux de faience. Une lettre par carreau, la ponctuation étant reléguée en frise au bas du mur.

Au bilan, nous avons bien la lettre, les lettres, toutes les lettres, mais l’esprit est parti. Le texte est rendu illisible. Loin de rappeler à chaque voyageur les engagements forts qui président à la République et à son projet, nous avons un usage décoratif des lettres qui obère le texte.

Assemblée Nationale, c’est le peuple qui nous accueille. Reconnaissable à sa casquette d’ouvrier. Un peuple tout en ombre, stylisé, de grandes oreilles écartées pour mieux entendre, pour recevoir la "communication" qui tient maintenant lieu de politique. Un peuple spectateur de ce basculement répété à l’envie par les commentateurs, chargés de débusquer les "fautes de communication" derrière les décisions politiques mal acceptées.

Mais ce peuple affiché sur les murs de la station "Assemblée Nationale" est aveugle et muet. Ni yeux, ni bouche, l’ouvrier à casquette, c’est le citoyen qui vient de perdre l’esprit de ses droits à la station précédente.

Je ne dirais rien des gouvernements qui ont choisi ces symboles forts pour fêter le deux centième anniversaire de la Révolution. Il se sont succédés sans que nul n’ait a redire à part moi... enfin, si l’on met de côté des changements radicalement cosmétiques : auparavant, l’ouvrier aveugle et muet vivait sur des a-plats de toutes les couleurs... maintenant on a droit au bleu-blanc-rouge. Le monde change.

Quel rapport avec le SMSI ?

Et bien ce voyage dans la "dépolitisation" de la vie des citoyens est aussi une métaphore de notre Sommet.

D’abord, au SMSI, nous assistons à une stratégie pour noyer les Droits de l’Homme sous la référence à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948. Belle paroles, mais refus de se préoccuper de la mise à jour des droits compte-tenu des changements provoqués par les technologies de l’information et de la communication. Et refus de se référer aux autres textes qui implémentent réellement les Droits de l’Homme, depuis les Pactes sur les droits économiques et sociaux et les droits culturels, jusqu’à l’émergence d’un véritable droit mondial avec le Tribunal Pénal International.

Ensuite, il s’agit de convoquer la "société civile" pour ne guère tenir compte de ses avis, de ses propositions, de ses orientations. Une capacité d’action réduite, une place dans le spectacle sans reconnaître ses capacités critiques parce qu’elle ne dispose pas des moyens de lobbying du secteur privé.

Oui, un résumé que j’avais envie de souligner avec vous.

Parce qu’il est aussi un résumé de la marche du temps, de la "dépolitisation" de la vie collective, remplacée par les logiques du commerce et du monopole. Des logiques que l’on demande simplement aux Etats d’avaliser et aux citoyens d’avaler.

La bouche fermée, c’est difficile. C’est certainement pour ça que les citoyens du monde relèvent la tête. Et disent haut et fort que la "Société de l’information" doit avant tout être une société où l’on respecte les Droits de l’Homme, dans toutes leurs implications, et avec tous les moyens, pactes, traités et tribunaux qui existent dans le droit international. Que nous ne nous laisserons pas berner par les lettres alors que nous voulons l’esprit des lois.

Hervé Le Crosnier

Posté le 11 septembre 2003

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