SMSI-95 L’information est un "bien public global"

Bonjour,

Mon message d’hier était long et touffu... trop long et trop touffu. Je me suis lancé dans ce projet sans réfléchir vraiment aux contraintes... donc sans petits papiers d’avance, sans garder le temps de reprendre les textes.... Va falloir jouer serré.

Je voudrais donc revenir aujourd’hui sur une caractéristique économique de l’information, qui pourrait justifier que l’on prenne vraiment au sérieux les basculements qui sont rendus possibles par le développement des "technologies de l’information et de la communication".

Selon l’économiste Samuelson, un "bien public" est une marchandise étrange, qui est "non-rivale" (si je consomme une information, cela ne prive pas pour autant mon voisin de cette même information) et "non exclusive" (chacun peut y avoir aisément accès, comme l’air qu’on respire, ou la lumière des phares maritimes). Dès lors, Samuelson pense que ce type de marchandise ne peut être géré que par des décisions d’ordre politique. Un "débat démocratique" est plus efficace que des mesures économiques pour maintenir la qualité et la quantité de ces biens économiques paradoxaux. C’est un choix collectif de protéger la "qualité de l’air", la mer, la couche d’ozone, la justice ou encore la santé publique.... pas une décision strictement économique.

L’information rentre bien dans ce cadre économique des "Biens publics globaux". D’autant que les développements des TIC (technologies de l’information et de la communication) permettent la reproduction à coût presque nul de l’information.

Dès qu’une connaissance ou un document culturel existe et se trouve stocké sous forme numérique, elle (ou il) peut sans frais spécifiques (hormis la construction même du réseau, des serveurs et les postes de travail,...) être dupliquée à l’identique et circuler à la vitesse des électrons. Le coût marginal devient nul, ce qui est complètement différent de nombreux biens économiques.

J’ai mis de côté l’infrastructure, qui est effectivement une production de l’ordre du matériel, et donc coûte, et coûte même très cher, ce qui justifie des projets politiques de financement pour assurer le maillage équitable de la planète. Mais les raisons qui rendent nécesaire (ou non, on peut aussi en débattre) ce maillage n’ont pas vraiment à voir avec les informations elles-mêmes.

Pour l’information, il devient difficile de construire une économie avec un bien dont la duplication se fait à coût marginal nul. Il devient aussi très ardu de retrouver, par la vente de multiples artefacts semblables qui incorporent chacun une part de l’investissement, les coûts très importants de la création de l’information.

C’est à ce problème qu’est confrontée l’industrie de la musique.

Face à ce changement radical de perspective économique liée à la généralisation de l’information numérique et des réseaux, on peut imaginer de nombreuses réponses, donc un véritable débat démocratique.

Or, au lieu d’envisager les opportunités de changer de modèle d’organisation du monde au fur et à mesure que la part des biens immatériels dans l’économie et les consommations augmente, la tendance lourde est à trouver le moyen dériger des barrages qui permettent de conserver l’ordre ancien.

Dans le domaine de l’information, il s’agit de trouver des processus juridiques pour limiter cette reproduction-diffusion à coût quasi-nul de l’information. D’où l’enjeu de la "Propriété intellectuelle" dans le débat sur l’organisation d’une "société de l’information".

Un débat que nous aurons au long de ces 100 petits papiers.

Mais que les grandes puissances (les Etats dominants et le secteur privé et ses transnationales de l’information et de l’entertainment) souhaitent extraire du SMSI.... pour le renvoyer à l’OMPI (Organisation mondiale de la Propriété intellectuelle) ou à l’OMC (Organisation mondiale du Commerce).

Dès lors, que reste-t-il à dire sur la société de l’information qui justifierait un grand débat mondial ? C’est peut être dans ce refus d’aborder les véritables questions que les technologies de l’information posent au monde économique qu’il faut chercher le caractère ronflant mais creux de la majeure partie des belles phrases de la déclaration des Etats.

Hervé Le Crosnier

Posté le 9 septembre 2003

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