Pour l’intégrité du travail scientifique : renouveler les politiques publiques

Parmi les luttes qui s’imposent, il y a celles qui concernent les politiques publiques. La FQPPU réclame des gouvernements québécois et canadiens de revoir leurs politiques afin de préserver l’intégrité de la recherche publique.

Présentation dans le cadre de la table ronde : Formes émergentes de luttes pour la démocratisation de la science

Forum mondial « sciences et démocratie » Belèm, 26-27 janvier 2009

Parmi les luttes qui s’imposent, il y a celles qui concernent les politiques publiques. Depuis la publication de L’économie fondée sur le savoir par l’OCDE (1996) et en réaction, entres autres, aux pressions du secteur privé, les gouvernements québécois et canadiens, comme dans plusieurs pays, ont donné priorité aux connaissances instrumentales dans leurs objectifs de financement de la recherche universitaire. La mise en œuvre de la Nouvelle gestion publique (NGP) a contribué à instaurer dans les universités les changements qui rendaient possibles l’application des orientations politiques en matière de recherche. Sous la responsabilité de ministères à vocation économique, l’innovation et les retombées commerciales à court terme remplacent dans les politiques la conception « traditionnelle » de la recherche universitaire valorisant une diversité d’approches et de pratiques et en particulier la recherche libre, fondamentale, individuelle.

En particulier les modes d’attribution des fonds contribuent à développer et à consolider une culture universitaire compatible avec le modèle dominant : recherche orientée en fonction de cibles, grandes équipes (internationales de préférence), structures hiérarchiques, compétition, modèle productiviste plus quantitatif que qualitatif et « formatage » des jeunes dès le début de leurs études. Les politiques en matière de recherche transforment la tâche professorale, les programmes d’enseignement et l’université dans son ensemble. L’éducation est dans l’ensemble dévalorisée au profit de la formation utilitaire.

Avec l’application des politiques en matière de recherche et la transformation des cultures universitaires et scientifiques, on voit se diversifier la communauté scientifique et le corps professoral et croître la difficulté d’assurer le dialogue entre les chercheurs et professeurs de différentes disciplines à l’intérieur des universités. En outre, ceux-ci sont quotidiennement confrontés à des dilemmes quotidiens au regard de leurs travaux et activités de recherche :

 se conformer ou faire ses propres choix au risque de perdre des fonds  s’engager dans des actions peu reconnues (dénoncer les politiques, défendre la liberté académique, faire de la vulgarisation scientifique, de la recherche non subventionnées, etc.)  maintenir un haut niveau d’intégrité scientifique vs se laisser aller à un certain laxisme

Les plus jeunes dans la profession, en particulier, sont de moins en moins en mesure de résister aux pressions et ne perçoivent parfois d’autre choix que celui de se conformer.

Notre proposition comme organisation (FQPPU), c’est d’abord de nous donner les moyens de connaître la situation et de faciliter une reprise du dialogue, d’exprimer publiquement les analyses et points de vue de ses membres et de faire des représentations afin de susciter un changement dans les orientations politiques.

Prendre ses responsabilités comme chercheure, chercheur, comme professeure, professeur

Comme professeur ou chercheur à l’université, chacun a des responsabilités :

 défendre les valeurs essentielles de l’université (examen de nos pratiques, se donner des normes et principes éthiques – processus à mettre en œuvre p.c.q. la collectivité scientifique est fragmentée …Insister sur (valoriser) l’intégrité des chercheurs et professeurs. On sait que pour la quête de fonds, la notoriété et conserver leurs liens et réputation auprès de pourvoyeurs, certains tournent les coins ronds, cachent des données, falsifient, acceptent de se taire.  Sortir du modèle hiérarchique qui convie à être compétitif  Arrêter une certaine complicité – acteurs au sein du modèle  Capacité d’expression critique, libre. Des actions concrètes pour résister et proposer : on peut donner des exemples de diffusion de connaissances, de préservation de la liberté de livrer des résultats de recherche et surtout d’actions pour limiter cette liberté  collégialité  Valorisation de la réflexivité par rapport au son travail Développer la prise de conscience chez les chercheurs – en particulier des professeurs des universités - de leur rôle et de leurs responsabilités comme enseignant, formateurs de futurs chercheurs et dans leurs propres orientations de recherche. Valoriser un engagement personnel à rendre accessibles et à construire la connaissance pour le développement humain et celui de la planète.

Les scientifiques, comme les universités, vivent dans une société et ont un rôle spécifique à remplir. On attend des universités et des scientifiques qu’ils assurent la formation du personnel hautement qualifié mais aussi qu’ils contribuent au développement global de la société et des personnes. Cela suppose au plan de la recherche de pouvoir maintenir une diversité des pratiques de recherche ; fondamentale, appliquée, participative, libre, en équipe ou seul selon la pertinence. En dépit des constats et des problèmes actuels, il faut résister à la tentation de rechercher « un » autre modèle mais veiller à préserver la diversité des modèles et pratiques et exiger des moyes et des conditions pour la liberté de recherche et de diffusion des résultats. Préserver cette diversité constitue un pré requis pour des connaissances et des sciences favorisant une société juste, responsable, solidaire, pacifique. Avant tout, cela suppose de valoriser l’éducation pour tous, pour l’exercice de la liberté de pensée critique et la démocratie

Cécile Sabourin, présidente de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU), janvier 2009

Posté le 30 avril 2009

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