Panel E : Responsabilité sociale : quelle coopération entre sciences et société ?

Notes sur les interventions des plénières

Vinod Raina, All Indian People Science Network, Inde, Modérateur du panel

Nous avons besoin de créer des alliances, des relations entre mouvements sociaux et chercheurs, et ceci ne peut pas se faire uniquement sur une approche en termes de risques. Il faut différencier les relations entre société et sciences et société et technologie. Pensons d’abord les manières de produire du savoir, plutôt que des outils.

André Jeaglé, Fédération mondiale des Travailleurs scientifiques, France

Je suis cartographe, je me place du point de vue de la Fédération mondiale des Travailleurs scientifiques.

Cela ne sert à rien de vouloir engager ce dialogue, si la société ne s’intéresse pas aux conditions dans lesquelles les chercheurs exercent leur travail, conditions politiques et scientifiques. On parle de nouvelle alliance, mais alliance avec qui, pour qui ?

J’attends de ce Forum une volonté d’écoute réciproque. Que veut on entendre par responsabilité ? La responsabilité des travailleurs scientifiques peut s’entendre de diverses manières. Nous devons nous garder de démontrer a posteriori des postulats posés à l’origine.

Nous avons des objectifs ambitieux : amener des chercheurs qui ne se reconnaissent pas dans l’alter mondialisme à s’engager dans nos débats. Notre fédération essaye d’amener les syndicats à s’engager, ce qui n’est pas facile car ils n’ont pas forcément les mêmes visions sur le rôle de la science.

La science sans se substituer au politique devrait essayer de résoudre des problèmes comme la pauvreté, la pollution... Ce qui conduit à une impasse. Ne pas confondre ce qui relève de l’ordre scientifique et politique.

Autre question, celle du contrôle social de la science : de nombreux directeurs le subissent en étant sans cesse à la recherche de nouveaux contrats.

Les scientifiques doivent être considérés comme des citoyens comme les autres, et on doit les interpeller en tant que tel, à titre individuel et au titre de leurs organisations. Plutôt que de demander aux scientifique d’arrêter les recherches sur les OGM nous devrions leur demander de se mobiliser sur le contrôle des semences.

Conclusion pour ceux qui donneront une suite au forum : rassembler dans un document unique des mots clés comme « liberté de la recherche », « monopole du savoir », « expertise citoyenne »... Il serait bon de débattre sur un glossaire avec des définitions qui peuvent être contradictoires. C’est une des conditions d’un dialogue fructueux.

Gangadharan et K.K. Krisnakumar, All Indian People Science Network, Inde

AISPN compte 500 000 membres. Après 35 années de travail, notre mouvement a évolué et s’est investi dans de nouveaux thèmes, comme les questions de genre, de développement durable, de financement...

A ceux qui s’interrogent pour savoir comment amener la science vers la société, j’évoque, le programme que nous avons commencé en 1991. Au Kerala, cela nous a permis d’atteindre 1,4 millions de volontaires. C’est un programme simple qui repère les ressources naturelles du territoire : les personnes observent les ressources naturelles, les recensent, et ceci permet de construire un lien avec les scientifiques. Ceci permet d’apporter la cartographie au peuple. Les cartes que nous avons réalisées sont disponibles, elles sont variées, nous avons essayé de diversifier la notion de carte.

Le gouvernement local du Kerala a endossé la campagne, après le mouvement populaire. Les volontaires ont joué un rôle essentiel au delà de la conception des cartes mais aussi dans le développement local. C’est une démarche éminemment participative.

Nous avons réussi à inclure des scientifiques dans le programme, et à rendre des citoyens experts de ces domaines.

Un autre exemple est lié à la conservation énergétique.

Nous avons également de nombreuses institutions qui se mobilisent sur ces programmes. De 5 à 10 scientifiques sont sortis transformés de ces programmes et cela a influencé profondément nos programmes de recherche.

Andrew Feenberg, Simon Fraser University, Canada

Andrew FeenbergJe souhaite intervenir rapidement sur les modes de collaboration entre scientifiques et citoyens.

Des scientifiques se sont mobilisés pendant et après la seconde guerre mondiale et ont contribué à façonner le monde sur des sujets comme la non prolifération. Ceci a été une première prise de responsabilité des scientifiques dans la formation du public.

Mais nous avons aussi des situations plus conflictuelles. Par exemple quand une population entière a été logée sur des déchets toxiques et que les scientifiques les ont aidé à être relogés.

L’expérience du Sida est aussi intéressante : nous sommes passés d’une opposition entre chercheurs et malades à une collaboration.

Les conséquences de ces collaborations :

La technologie implique une organisation industrielle, mais ici nous parlons plutôt des sciences, de production de savoirs. Les personnes ordinaires sont impliquées dans la production d’outils techniques mais leur implication n’est pas la même dans la science fondamentale, dont ils subissent plutôt les effets.

Parlons nous de l’économie de la recherche pour laquelle nous voulons une indépendance des chercheurs ? Nous devons qualifier ce que nous entendons par économie de la recherche. Nous ne voulons pas que les gouvernements décident ce qui est « vrai » à la place des sciences.

La technologie est différente par nature ; elle est hétérogène. Il y a plein de manières de produire les mêmes artefacts. Et ceci peut s’appuyer sur des choix sociaux qui ne sont pas liés à la science.

On peut voter sur le niveau de pollution que nous attendons de nos voitures, mais pas de l’orientation de la science fondamentale.

La recherche peut impliquer des formes de collaboration mais au final nous voulons que les scientifiques prennent des décisions sur ce qui est « vrai ». Nous pouvons nous reposer sur la démocratie pour protéger l’économie de la recherche.

Attention aussi, quand on emploie le mot science, à ne pas faire la confusion avec le savoir en général ni avec les technologies.

(notes prises en direct par Hervé Le Crosnier et Valérie Peugeot, seuls responsables des erreurs qui se seraient glissées)

Posté le 12 février 2009

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