Ressources phytogénétiques : la fin du libre-accès ?

Anne Chetaille est représentante du GRET, Groupe de recherches et d’échanges technologiques.

L’essor des biotechnologies dans les années 80 a cristallisé les conflits sur les ressources génétiques, devenues le nouvel « or vert ». Il a favorisé l’émergence de plusieurs traités internationaux portant sur la conservation, l’utilisation et l’échange des ressources génétiques. Le Traité international de la FAO [1] sur les ressources phytogénétiques pour l’agriculture et l’alimentation (TI), la Convention sur la Diversité biologique (CDB) et l’Accord de l’OMC sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC) constituent les accords majeurs signés dans ce domaine. À l’exception du Traité international de la FAO, ces accords sont basés sur une approche bilatérale et sur l’appropriation privée des ressources génétiques, longtemps considérées comme patrimoine commun de l’humanité. Ils tendent ainsi à restreindre l’accès aux ressources génétiques. Aucune distinction claire n’est faite dans la CDB entre les ressources génétiques qui peuvent être utilisées à des fins industrielles et celles utilisées à des fins agricoles. Or la nature de l’utilisation finale est un déterminant important quant à la régulation de l’accès et du partage des avantages. En effet, le patrimoine génétique végétal constitue le premier maillon de la production agricole et de la chaîne alimentaire. Depuis des centaines d’années, le libre-accès aux ressources phytogénétiques a permis la création de nouvelles variétés pour l’agriculture et l’alimentation.

Étant donné la spécificité des ressources phytogénétiques, la transposition de ces accords au niveau national soulève des enjeux importants pour la sécurité alimentaire et la préservation de la diversité biologique.

l’architecture juridique internationale

En vingt ans, le paysage juridique international sur les ressources génétiques a radicalement changé. L’avènement des biotechnologies en est une des raisons majeures. La Convention sur la Diversité biologique (1992) ainsi que l’Accord sur les ADPIC de l’OMC (1994) viennent remettre en cause le principe du libre-accès aux ressources génétiques acquis dans le cadre de l’Engagement international de la FAO adopté en 1983 et transformé en Traité en 2001.

Le Traité international de la FAO sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture

En novembre 2001, les États ont adopté le TI2. Ce Traité remplace l’Engagement international de la FAO adopté en 1983. Il est entré en vigueur en septembre 2003. Un de ses objectifs est de faciliter l’accès aux semences et de sauvegarder les collections mondiales de semences (banques de gènes gérées par le Groupe consultatif des Centres internationaux de Recherche agricole). Les millions d’échantillons donnés aux agriculteurs du monde entier constituent la base actuelle des échanges agricoles. Garantir que ce patrimoine reste dans le domaine public face à une privatisation rampante est l’enjeu majeur du Traité international.

En effet, ce Traité a pour objectif « la conservation et l’utilisation durable des ressources phytogénétiques pour l’agriculture et l’alimentation et le partage juste et équitable des bénéfices liés à leur exploitation ». À travers l’article 12, les États conviennent d’établir un système multilatéral pour faciliter l’accès aux ressources génétiques et le partage des - avantages pour une liste de 64 espèces cultivées et plantes fourragères importantes. Cependant cette liste pourra être élargie dans le futur. Les conditions d’accès et de partage seront fixées dans le cadre d’un accord de transfert de matériel. Des ressources génétiques pourront être obtenues auprès du système multilatéral en vue d’être conservées et utilisées à des fins de recherche, de sélection et de formation. Le principe sous-jacent est que l’ensemble des agriculteurs du monde entier puissent bénéficier des avancées en recherche en sélection variétale sans être contraints par le paiement de licences de droits de propriété intellectuelle.

En outre, le TI souligne la contribution ancestrale des agriculteurs et des communautés locales à la conservation et à la mise en valeur des ressources phytogénétiques. Ainsi, il invite les États à prendre des mesures pour « protéger et promouvoir le droit des agriculteurs, y compris la protection des connaissances traditionnelles, le droit de participer au partage des avantages, et le droit de participer à la prise de décisions sur les questions relatives aux ressources phytogénétiques » (article 9, TI).

De cette façon, le TI reconnaît le statut de patrimoine commun de l’humanité pour ces ressources et donc le libre- accès : les ressources phytogénétiques ne peuvent faire l’objet d’un monopole ; au contraire elles doivent pouvoir circuler et être utilisées librement afin d’éviter l’érosion de la diversité génétique agricole.

La Convention sur la Diversité biologique

L’essor des biotechnologies va contribuer à la remise en cause du libre-accès aux ressources génétiques, défendu - dans l’Engagement international de la FAO. Grâce aux progrès réalisés en biologie moléculaire, le monde industriel prend conscience de la valeur des gènes, éléments de base de la biodiversité. Les gènes, véritable support d’informations génétiques représentent un « capital vert » appréciable pour l’industrie des biotechnologies. Dès lors, les activités de bioprospection se multiplient. On assiste à une vague importante d’innovations biotechnologiques en matière d’agriculture et de santé. Cependant les innovations biotechnologiques restent l’apanage des pays à haute technologie. Les pays en développement, principaux fournisseurs de ressources génétiques, dénoncent les pratiques de biopiratage menées par les pays industrialisés : ceux-ci exploitent les ressources librement sans leur verser de contreparties. Les pays en développement revendiquent le contrôle de l’accès aux ressources génétiques et le partage équitable des avantagés tirés de l’exploitation des ressources génétiques. Ils utilisent alors les négociations de la Convention sur la Diversité biologique qui se déroulent à la fin des années 80 sous l’égide du Programme des Nations Unies afin de l’Environnement pour défendre le principe de souveraineté nationale.

Prenant acte des revendications des pays en développement, la CDB signée en 1992 reconnaît le droit souverain des États sur leurs ressources. Afin de rétablir de l’équité entre les pays fournisseurs et utilisateurs de matériel génétique, la CDB prévoit des modalités relatives à l’accès et au partage des avantages issus de l’exploitation des ressources génétiques (article 15.2). L’accès doit se faire désormais dans le cadre des législations nationales. Les États peuvent désormais négocier directement avec les utilisateurs. Les Parties s’engagent alors à définir un type de contrat dans - lequel le consentement préalable informé3 et la reconnaissance mutuelle des termes de l’accord sont les deux principes fondamentaux. Le partage des avantages peut ensuite s’effectuer soit par des transferts financiers dans des cadres contractuels bi- ou multilatéraux entre pays fournisseurs (ou communautés locales) et utilisateurs de ressources (entreprises ou instituts de recherche), soit par un accès préférentiel aux technologies, en particulier aux biotechnologies. Cet accès aux technologies est régulé par l’article 16 de la Convention. C’est une condition essentielle du partage des avantages. Cependant la Convention sur la diversité biologique n’établit pas de distinction claire entre les ressources génétiques utilisées à des fins pharmaceutiques et celles utilisées à des fins agricoles. Or le type d’utilisation va être un élément déterminant dans le choix des outils à mettre en oeuvre en termes d’accès et de partage des avantages. La Convention reconnaît également l’apport des communautés locales en matière de conservation et d’utilisation durable de la biodiversité. Leurs pratiques et savoirs traditionnels doivent être préservés.

En avril 2002, lors de la 6e conférence des Parties à la CDB, les États adoptent des lignes directrices volontaires sur l’accès aux ressources génétiques et le partage définissant les droits et obligations des fournisseurs et utilisateurs de ressources génétiques. Ces lignes directrices doivent être mises en oeuvre de façon cohérente avec les autres instruments internationaux, y compris le TI, et dans le cadre d’une stratégie nationale globale. En février 2005, des discussions ont été lancées en vue de l’élaboration d’un régime international devant régir l’accès aux ressources génétiques et le partage des avantages. Il convient de souligner que la CDB porte également sur les ressources - phytogénétiques car elle couvre l’ensemble des collections internationales de gènes (détenues par les Centres internationaux de Recherche agricole) acquises après 1994 – date de l’entrée en vigueur de la Convention.

Si le Traité international de la FAO et la CDB sont supposées être compatibles, des questions pratiques se posent lorsqu’il s’agit de les transposer au niveau national. En outre, l’Accord de l’OMC sur les ADPIC ajoute une touche de complexité.

La Convention UPOV

La convention de l’Union internationale pour la Protection des Obtentions végétales (UPOV) a été signée en 1961 et modifiée deux fois, en 1978 et 1991. L’objectif initial de ce système était de protéger le travail de l’obtenteur, tout en laissant libre l’accès à la variété. La Convention UPOV instaure pour la protection des obtentions végétales, des certificats d’obtention végétale (COV). Dans la version de 1978, une variété peut être protégée par un COV à condition qu’elle soit distincte, homogène et stable. Une fois ces critères pris en compte, une variété reçoit une dénomination qui garantit sa désignation. Le titulaire bénéficie d’un droit d’exploitation exclusif de sa variété. Tout utilisateur doit verser un droit d’utilisation (royalties) à l’obtenteur, à deux exceptions près : – L’utilisation à des fins de recherche : tout sélectionneur peut utiliser librement une variété protégée par un COV pour créer une nouvelle variété, sans verser de royalties. – Le « privilège de l’agriculteur » : un agriculteur peut utiliser une partie de sa récolte pour ré-ensemencer ses propres champs.

La durée de protection varie selon les espèces (20 ans pour les espèces annuelles et 25 ans pour les espèces ligneuses). Le COV n’est valable que sur les territoires désignés dans le dossier de demande. Le titulaire du titre a le droit de vendre ce matériel produit, identifié, étiqueté et purifié. En couplant l’approche de qualité (catalogue de certification, organisation des circuits de collecte et de distribution) et les opérations de sélection-traitement des semences, les obtenteurs maîtrisent l’ensemble de la chaîne.

Dans la Convention UPOV de 1978, le « privilège de l’agriculteur » était obligatoire ; dans la version de 1991, il devient facultatif (au choix des pays signataires) et doit être exercé « dans la sauvegarde des intérêts légitimes de l’obtenteur ». Les termes « intérêts légitimes » peuvent être interprétés de façon très variable. Ainsi les pays sont libres d’appliquer cette exception. En théorie, le privilège de l’agriculteur permet donc à un agriculteur de faire ses propres semences de ferme sans restriction (la seule obligation étant de ne pas les vendre). Mais en pratique, lorsque cette exception est appliquée, l’agriculteur doit souvent verser des redevances sur les semences de ferme.

La dernière version (1991) introduit un nouveau critère pour qu’une plante puisse bénéficier d’une protection par COV. En plus d’être distincte, stable et homogène, la variété doit être nouvelle. Cette version conduit également à rémunérer l’obtenteur si sa variété est utilisée pour créer une variété « essentiellement dérivée ». Elle implique que pour créer une nouvelle variété à partir d’une variété protégée par un COV, un obtenteur doit verser une partie des royalties à l’obtenteur initial. Plus proches des licences de dépendance qui caractérisent le brevet, ce système - répond aux besoins des semenciers positionnés sur le marché mais s’éloigne des besoins des petits et moyens sélectionneurs. Jusqu’à présent, cette disposition n’a jamais été appliquée. Enfin, l’UPOV 91, contrairement aux précédentes versions, permet la double protection (brevet et COV). Il légitime ainsi les pratiques des États- Unis en matière de protection variétale.

En 2002, cinquante pays sont signataires de l’UPOV. Il s’agit surtout des pays industrialisés européens et américains et des pays émergents d’Amérique latine tournés vers l’exportation (Argentine, Brésil…).

Le certificat d’obtention végétale, le brevet et le libre accès.

Tout en étant compatible avec le brevet, le Certificat d’Obtention végétale est fondé sur le principe du libre-accès. Il ne s’applique qu’aux variétés végétales et confère un droit exclusif à produire, introduire ou vendre tout ou partie de la plante. Toute variété protégée reste librement utilisable comme source de variation génétique pour la création de nouvelles variétés. Les variétés doivent pouvoir se multiplier sans liens déterministes. La clause du libre-accès, connue comme exemption de recherche, stipule que l’autorisation de l’obtenteur n’est pas nécessaire pour l’emploi de la variété en vue de la création d’autres variétés. Cet élément différencie fondamentalement le COV du brevet. Plus particulièrement, la possibilité de déposer des brevets sur les variétés végétales est préoccupante pour les pays dépendant des ressources génétiques pour leur agriculture et leur alimentation. La généralisation des brevets sur les variétés pourrait remettre en cause le libre-accès et la - circulation des ressources génétiques au détriment du maintien de la diversité génétique agricole et de la sécurité alimentaire.

L’accord de l’OMC sur les ADPIC

Étant donnée l’importance des moyens financiers en Recherche et Développement qu’impliquent les innovations biotechnologiques, le recours au brevet, qui apporte une protection forte, se répand. Dans le domaine agricole, les brevets cohabitent avec les Certificats d’Obtention végétale (COV) comme aux États-Unis. Cette multiplication de droits pose des problèmes de commerce international. Les États-Unis, via le secteur privé, font alors pression pour que les négociations commerciales du GATT4, engagées en 1986, incluent un Accord sur les Aspect des Droits de Propriété intellectuelle qui touchent au Commerce, qui permettrait une harmonisation des régimes de protection des inventions biotechnologiques, en particulier des brevets.

En 1994, la signature de l’Accord sur les ADPIC constitue le point de rencontre entre le champ de la biodiversité et celui les droits de propriété intellectuelle. L’article 27.3 (b) impose la brevetabilité des micro-organismes et rend optionnelle celle des plantes et des animaux. Il offre néanmoins la possibilité pour les États de mettre en place un système sui generis5 pour la protection des obtentions végétales. Bien qu’il ne soit pas explicitement mentionné comme tel dans l’article 27.3 (b), le système l’Union internationale pour la Protection des Obtentions végétales (UPOV) qui instaure des certificats d’obtention végétale, est souvent considéré comme système sui generis au sens de l’Accord sur les ADPIC.

Les États membres de l’OMC doivent définir ce qui est protégé et les conditions dans lesquelles la protection est accordée, notamment pour les variétés végétales. Les informations et fragments d’information portant sur tout type de matériau, quelle que soit la technique employée, doivent ainsi être protégées. Les variétés et les espèces ne sont pas brevetables en tant que telles, mais leurs composants le sont. D’ici 2006, tous les pays, sauf dérogation, devront appliquer l’Accord sur les ADPIC.

Depuis la signature de l’Accord sur les ADPIC, les pays en développement, en particulier les pays africains, ne cessent de souligner l’ambiguïté du langage adopté dans l’article 27.3 (b). Selon ces pays, l’article 27.3 (b), tel que formulé, remet en cause les principes et dispositions fondamentales de la Convention sur le Diversité biologique et du Traité international de la FAO concernant l’accès aux ressources génétiques et le partage des avantages, notamment le principe de souveraineté nationale et le droit des agriculteurs.

Enjeux pour la sécurité alimentaire et la préservation de la diversité biologique

Le patrimoine génétique végétal est le premier maillon de la chaîne alimentaire. Depuis des millénaires, les hommes ont conservé, utilisé et échangé les ressources phytogénétiques pour l’agriculture et l’alimentation. Aujourd’hui, l’agriculture de la majeure partie des pays, même pour ceux qui sont les plus riches en biodiversité, repose sur l’apport en ressources génétiques d’autres parties du monde. En d’autres termes, aucun pays n’est indépendant en termes de ressources phytogénétiques. De nombreux - pays cultivent des plantes dont le centre d’origine se trouve sur d’autres continents (par exemple, le maïs, le riz). La dépendance est sensiblement plus élevée pour les pays riches que pour les pays en développement. Cependant, on estime par exemple, que l’Afrique Sub-saharienne dépend à 87% des ressources venant d’autres régions pour satisfaire ses besoins.

Le libre-accès aux ressources phytogénétiques est fondamental aussi bien pour les programmes d’amélioration variétale nationaux et internationaux, que pour les paysans qui conservent, utilisent et multiplient leurs propres semences ou qui utilisent les variétés améliorées. D’après la FAO, environ 1,5 milliard de personnes vivant dans des familles agricoles s’approvisionnent elles-mêmes en semences. Aujourd’hui, deux types de semences coexistent dans le monde : les semences de ferme et les semences certifiées.

Préserver l’autonomie des agriculteurs en semence et en matériel végétal est indispensable pour la sécurité alimentaire, c’est-à-dire l’accès de tous à une alimentation saine et suffisante.

La plupart des lois nationales existantes sur l’accès aux ressources génétiques et le partage des avantages sont basées sur une approche bilatérale, sans aucune disposition spécifique concernant les ressources phytogénétiques. L’expérience montre que ces lois, et de façon générale les incertitudes actuelles sur les dispositions à appliquer sur l’accès aux ressources génétiques, ont ralenti le taux d’utilisation des ressources phytogénétiques venant des collections des Centres internationaux de Recherche agricole6.

Cela souligne la nécessité de règles sur l’accès aux ressources génétiques impliquant des coûts de transaction faibles afin de ne pas ralentir les programmes d’amélioration variétale.

De même, les droits de propriété intellectuelle sur les variétés végétales tels qu’encouragés par l’Accord sur les ADPIC ont des conséquences en termes d’accès aux semences puisqu’ils restreignent la possibilité pour les agriculteurs de faire leurs propres semences. Les redevances ou royalties versées en contrepartie de l’utilisation d’une variété protégée par un COV ou un brevet, représentent un certain coût économique et peuvent dans certains cas dissuader l’agriculteur de faire ses propres semences. Ce type de protection renforce la dépendance du paysan vis-à-vis des firmes multinationales. En outre, les brevets et COV remettent ainsi en cause le droit des agriculteurs tel que le reconnaît la FAO. Cependant la protection par les brevets reste la forme de propriété intellectuelle la plus contraignante dans ce domaine : elle interdit le recours aux semences de ferme, puisqu’avec les brevets on ne peut reproduire une variété librement.

Conclusion

En l’espace d’une vingtaine d’années, l’architecture juridique internationale portant sur les ressources génétiques a profondément changé. L’abandon de la notion de patrimoine commun de l’humanité au profit du principe de souveraineté nationale en atteste. L’essor des biotechnologies a joué un rôle majeur dans cette évolution, démultipliant les revendications de contrôle et de propriété sur le matériel génétique. Aujourd’hui, l’accès aux ressources - phytogénétiques tend à être limité par certaines dispositions de la CDB et de l’Accord sur les ADPIC, ce qui soulève des enjeux majeurs en termes de sécurité alimentaire et de préservation de la biodiversité. Dès lors, comment concilier ces objectifs et dispositions parfois contradictoires ? Des pistes de conciliation peuvent être envisagées, au niveau international et national.

Au niveau international, plusieurs leviers d’action sont possibles :

Dans le cadre de l’OMC.

Dans le cadre du réexamen de l’article 27.3 (b) prévu dans l’Accord sur les ADPIC, de nombreux pays, essentiellement les pays en développement, souhaitent aborder les dispositions de fond de l’article afin de lever certaines ambiguïtés, notamment en ce qui concerne la protection par système sui generis. Les systèmes sui generis se constituent par défaut en tant qu’alternative au brevet. Comme tels, ils sont au croisement des questions de rémunération des innovations (objectif de l’Accord sur les ADPIC), d’accès aux ressources génétiques et de protection des savoirs traditionnels et du droit de l’agriculteur (objectifs de la Convention sur la Diversité biologique et du Traité international de la FAO). Il s’agit d’un cadre de protection des variétés qui, tel qu’il est formulé dans l’Accord sur les ADPIC donne une certaine latitude pour la reconnaissance des savoirs et savoir-faire existants et pour la mise en place de réglementations les protégeant. Cette flexibilité témoigne de la reconnaissance par les États membres de l’OMC de la diversité des situations et donc d’une pluralité de solutions. Pratiquement, la Convention sur la - Diversité biologique comme le Traité international de la FAO inspirent l’élaboration de systèmes sui generis, en reconnaissant les droits des communautés autochtones et des agriculteurs sur leurs ressources génétiques et le savoir- faire de ces communautés.

Dans le cadre de la CDB.

Le plus souvent, les négociateurs de la CDB viennent d’autres ministères que ceux représentés dans le cadre du Traité international de la FAO. Ils revendiquent généralement une approche bilatérale restrictive indépendamment de l’utilisation finale des ressources génétiques. Ils ne sont pas forcément conscients des implications en termes d’environnement, de développement et de sécurité alimentaire lorsqu’ils optent en faveur d’une approche bilatérale. Par conséquent, il est important d’informer les négociateurs sur la spécificité des ressources phytogénétiques pour l’agriculture et l’alimentation, notamment dans la perspective des discussions sur l’élaboration d’un régime sur l’accès aux ressources génétiques et le partage des avantages lancées récemment dans le cadre de la Convention. En outre, on pourrait imaginer que les ressources phytogénétiques soient spécifiquement couvertes par le Traité international de la FAO et exclues de du régime de la CDB.

Au niveau national, l’enjeu repose sur la définition de stratégies cohérentes sur les droits de propriété intellectuelle et les biotechnologies d’une part, et sur l’accès et le partage des ressources génétiques, d’autre part. De nombreux pays en développement sont contraints d’adopter des régimes sur les droits de propriété intellectuelle, notamment pour la protection des obtentions végétales, sans avoir au - préalable pu définir des stratégies sur les biotechnologies et l’accès aux ressources génétiques. En outre, la définition de stratégie nationale sur l’accès aux ressources génétiques et le partage des avantages nécessite de pouvoir évaluer les enjeux économiques, environnementaux et sociaux d’une option politique et juridique (approche bilatérale ou multilatérale) en fonction de l’utilisation finale des ressources génétiques (industrielle, pharmaceutique, agricole, etc.).

1 FAO : Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation

2 Nous noterons ce Traité TI. Son intitulé complet est en français : Traité International sur les Ressources Phytogénétique pour l’Alimentation et l’Agriculture. Il est souvent représenté par son acronyme en anglais : ITPGR International Treaty on Plant Genetic Resources for Food and Agriculture.

3 L’accord du fournisseur de ressources génétiques doit être obtenu par l’utilisateur avant toute exploitation de ces ressources.

4 GATT : Accord général sur les Tarifs douanier et le Commerce

5 Un droit est dit sui generis quand il repose sur un système original efficace, adapté à un domaine et à un contexte particulier

6 Cf., Fowler, Smale and Gaiji, Germplasm flows between developing countries and the CGIAR : an initial assessment, http://www.egfar.org/special/grfa_d....

[1] FAO : Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation

Posté le 16 avril 2008

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