Une concertation de l’agence du numérique sur le développement des usages et des services dans les territoires

Si des budgets considérables sont mis en œuvre pour l’accès au très haut débit (2 milliards par exemple en Bretagne sur 15 ans), la question de l’appropriation des usages, des médiations numériques, des innovations sociales restaient jusqu’à présent à l’écart des plans d’actions régionaux ou départementaux.

Vecam s’est fait l’écho des inquiétudes des acteurs de la médiation confrontés à une diminution de l’implication des collectivités (voir par exemple : Quelle surprise ! Une réduction des financements des EPN… à Paris) ou du transfert vers des financements privés (Le numérique public : cache-sexe du déni des droits ou levier de solidarité ?).

En application de l’article 69 de la loi pour une République numérique, le lancement par l’agence du numérique du projet de concertation qui interroge les territoires ne peut que nous réjouir. Trop souvent les élus portent leur attention aux infrastructures en négligeant les enjeux des transformations sociales en cours.

Le développement de l’administration électronique demande une politique volontariste de médiation comme l’exprime cette tribune du Conseil National du Numérique - CNNum en amont des assises de la médiation numérique cet automne.

L’Etat se doit de donner l’exemple. Les nouvelles technologies sont de formidables outils pour créer des services publics plus efficaces, plus réactifs, plus personnalisés, mieux adaptés. Mais les services publics numériques sont encore trop souvent conçus par rapport à un profil d’utilisateur moyen qui n’existe pas. Trop souvent, l’accessibilité n’est greffée qu’ex-post comme une surcouche, et la médiation humaine pensée après coup – ou pas du tout. Parce que les systèmes ne prévoient jamais toutes les situations, ceux qui les utilisent – individus, associations, agents d’accueil, réseaux de proximité, etc. – doivent pouvoir participer à définir leur fonctionnement et les faire évoluer

Nous avons besoin comme l’avait souligné le rapport du CNNum "Citoyens d’une société numérique – Accès, Littératie, Médiations, Pouvoir d’agir : pour une nouvelle politique d’inclusion" de définir une médiation impliquant les acteurs du service public à chaque fois qu’un service dématérialisé est envisagé. Ce qui est loin d’être la cas, lorsque l’on voit par exemple les difficultés des demandeurs d’emploi obligés de passer par des formulaires numériques

Et ce n’est pas parce que nous sommes de plus en plus nombreux à être équipés et connectés que le besoin d’accompagnement est derrière nous : "dans un environnement technologique en évolution incessante, l’inclus numérique d’aujourd’hui peut devenir exclu demain".

Le renouvellement permanent des technologies demande un effort d’apprentissage et de remise en question continu auquel nous sommes tous confrontés, quel que soit notre capital de départ. Et il serait illusoire d’espérer que ce besoin s’efface avec le renouvellement démographique et l’entrée dans une ère « digital native ». On peut être hyper-connecté au quotidien sans pour autant savoir agir sur les systèmes, ou savoir s’en servir pour s’émanciper sur le plan personnel, professionnel, culturel, ou dans ses relations sociales.

Il est essentiel d’établir aujourd’hui un état des lieux des médiations numériques des territoires. Cette connaissance de l’existant est le point de départ de la définition d’une politique publique qui ne laisse personne de côté qu’il s’agisse de territoires ruraux isolés ou de personnes en fragilité sociale. Une politique publique qui n’est que rarement énoncée et mise en œuvre aujourd’hui.

Troisième axe de ce diagnostic en amont de possibles plan d’actions, le recensement des initiatives, des lieux et animations de l’innovation sociale et du pouvoir d’agir.

Certaines villes telle Barcelone avec son projet de Fabcity font de l’’appropriation du numérique et des innovations créatives un axe de développement.

Accompagner les transformation des métiers et des services, favoriser les initiatives tels les Tiers lieux, encourager l’apprentissage du code et, organiser la formation aux outils et à la coopération, développer les communs numériques, favoriser l’innovation sociale, de nouvelles formes de démocratie, d’éducation ouverte...
ce ne sont pas les projets facilités par nos usages du numérique qui manquent dans les territoires, encore faut il que les collectivités se mettent "en attention à" et développent des espaces de possibles qui accompagnent l’innovation.

Nous souhaitons que les acteurs des médiations, des services publics et collectivités réagissent à ces propositions de l’agence du numérique, étape vers l’élaboration de véritables politiques publiques du numérique sur les territoires

Michel Briand


- La présentation de la concertation : https://article69.agencedunumerique.gouv.fr/
- Les thématiques de la concertation :