La révolution numérique

En partant des caractéristiques des documents numériques, l’exposé, présenté le 4 novembre 2005 lors des Rencontres des ECM (Espaces Culture Numériques) à La Cité des Sciences, propose de mettre en perspective une caractéristique commune des mouvements alternatifs de l’ére du numérique : une capacité d’innovation juridique. C’est principalement autour de la création de "biens communs de l’information", et dans la défense du "domaine public consenti" ainsi créé que ces mouvement proposent une nouvelle architecture d’organisation de la société.

Rencontes ECM 4 novembre 2005 Cité des Sciences La Villette - Paris

Pour comprendre les enjeux de la nouvelle situation qui s’installe autour de nous, et pouvoir caractériser les actions juridiques et techniques émanant de nouveaux acteurs de la société civile dont la pratique émerge de l’usage du numérique et des réseaux, il convient de préciser en introduction quelques caractéristiques principales des biens numériques :

- du point de vue économique, les biens numériques réalisent une baisse drastique du coût marginal (coût de reproduction d’un exemplaire supplémentaire) qui tend même vers zéro une fois installée l’infrastructure (réseau et ordinateurs). Ceci impose une transformation de l’économie des biens immatériels, qui connaissent dorénavant une forme spécifique d’abondance. Et de prendre en compte le fait que nous passons vers une “économie de prototypes” d’une part (financer la réalisation du “master”) et une économie d’infrastructures d’autre part (développer le réseau).

- du point de vue sociétal, les biens numériques sont des objets qui incorporent “en eux mêmes” des outils et des modèles destinés à :

  • lire l’objet lui-même (le “format de données”) ;
  • faire connaître l’objet (les “métadonnées”) ;
  • gérer les droits d’usage sur l’objet (les MTP - Mesures techniques de Protection - et les DRM - Digital Rights Management systems -), et cela soit globalement au moment de l’achat de l’objet numérique ("shinkwrap licence", système copy control des CD audios, ...) soit à chaque usage de l’objet numérique (contrats privés dépendant d’un cryptage des données que l’on appelle des DRM) ;
  • identifier l’objet, non seulement sa “série”, mais en projet la capacité à identifier chaque objet numérique ( associer le numéro spécifique du microprocesseur à chaque objet numérique - projet platinum) et chaque lecteur (IPv6), donc capter avec précision les traces de lecture (et les utiliser : marketing one to one ou analyse de données).
Ces caractéristiques propres des biens numériques engendrent de nouvelles contraintes pour l’application des Droits de l’Homme, notamment le droit à la vie privée, qu’il faut intégrer dans les réflexions [1].

- du point de vue culturel, les objets numériques prennent tout leur sens avec le réseau de partage mondial qu’est l’internet. Les créations numériques peuvent devenir “ouvertes” (modifiables), “diffusables” (en raison même de la baisse du coût marginal évoquée plus haut), “mixables” (culture de l’appropriaton créatrice)... ou au contraire soumises à des contraintes juridiques et juridico-techniques (les DRM) pour bloquer cette nature. Cette seconde voie, qui verra chaque usage surdéterminé par des contrats obligatoires va empêcher les “usages légitimes” qui sont le propre des oeuvres de création et qui finalement favorisent l’expansion de la culture : prêt, don, échange, copie privée, usage en bibliothèque et dans les institutions éducatives, usages par les catégories défavorisées ou handicapées, usage à des fins de recherche, droit de citation, de caricature, ...

- du point de vue “auctorial”, les biens numériques font émerger sous nos yeux un “nouvel auteur”, qui utilise la technologie et le réseau pour diffuser immédiatement et indépendamment de toute décision externe ses créations et travaux (les blogs) et, ce faisant, préfère travailler sa “notoriété” avant ses revenus immédiats. Ce “nouvel auteur” se transforme de plus en plus en “auteur collectif anonyme” (cf. Wikipedia). On peut aussi s’interroger sur la façon dont ce “nouvel auteur” est soumis au format et aux règles des logiciels de création (de Flash au “mode plan” des traitements de texte ; de la facilité du mixage aux difficultés de l’écran blanc, ...). Comment ce “tiers-acteur” technique s’immisce-t-il dans la création et quelles en sont les conséquences ? Comment les pratiques sociales de l’écriture-publication, qui dans le même mouvement place tout travail sous les yeux des lecteurs, ont-elles des répercussions sur les oeuvres elles-mêmes ?

Ces caractérisques du document numérique en réseau accompagnent la redéfinition dans le passage au numérique de plusieurs “industries” aux projets différents, souvent complémentaires, parfois antagonistes

- une nouvelle “industrie des médias”. Le rôle des médias est de faire passer certaines oeuvres au stade de l’audience, et ce faisant, vendre les auditeurs agglomérés et partageant des goûts communs aux commanditaires (en général des annonceurs commerciaux, dans certains pays des dirigeants politiques). Ce “modèle médiatique”, qui a fait ses preuves économiques dans la situation broadcast (de un vers plusieurs), trouve un ressourcement majeur en devenant capable d’exploiter nos traces collectives afin de créer la hiérarchie des oeuvres adaptées à chacun. Un modèle dont l’épitomé est Google, mais qui est talonné de près par Yahoo, eBay, Amazon, MSN ou AOL. Ces grandes entreprises doivent être analysées comme les “médias” de l’ère numérique [2].

- une “industrie du contrôle”, qui est devenue capable de vendre vidéosurveillance, analyse de comportements, analyse des visages, traçage généralisé, protection automatique des biens et des personnes.... et le suivi pas à pas des pratiques sur les réseaux informatiques. Son marché : une société traumatisée par les montages médiatiques (l’entente des industries des médias, de la publicité et du contrôle peut être appelée "industrie du formatage mental”), et les glissements imperceptibles d’une “démocratie” (le “peuple” aux manettes de commande, au moins dans la théorie au travers du suffrage unniversel) vers une aristocratie éclairée (le pouvoir central des “experts”). Ou pire encore, une société libérale-autoritaire, dont les documents numériques seraient le moyen industriel de mettre sous pression les populations, notamment les plus remuantes, celles qui ont le moins à gagner au renouvellement technique et industriel en cours. Les milieux du travail intellectuel, de la création et des services, sont à leur tour touchés par les phénomènes du chômage massif, de la délocalisation des emplois, du précariat généralisé, du refus de reconnâitre le travail auctorial et créatif (cf les “intermittents du spectacle”, ou l’usage abusif des “stagiaires” au sein des industries des médias et de la production culturelle).

- une “industrie du réseau”, qui n’a de cesse de mettre la main sur l’internet, de plier à ses intérêts les potentialités proprement révolutionnaires du réseau : sa capacité coopérative qui fait que chaque nouveau routeur élargit la bande passante de tous, et sa dynamique d’élargissement par les franges qui permet à chaque usager de devenir créateur et inscrire ses propres travaux, mais aussi techniquement ses propres protocoles, dans le canevas existant [3]. L’industrie du réseau, qui tire sa source dans les modèles économiques et techniques des industries des télécommunications, cherchent à faire entrer les usages coopératifs dans le rang du “comptable”, du “mesurable”, et donc susceptible de connaître une “économie des compteurs”. Quelques exemples du retour en arrière : QoS sur Ipv6 (Quality of Service par réservation de bande passante... seuls ceux qui peuvent payer en auront réellement le bénéfice) ; taxation des téléchargements (i.e. faire passer les industries “technologiquement neutres” du transport de données vers de nouvelles “industries médiatiques”) ; ATM (comptage de “cellules” et donc possiblité de faire payer les flux de données par un intermédiaire obligé) ; et finalement gestion, à l’intérieur même du réseau, de grandes quantités de données, nouveau filon économique au service des médias, des utilisateurs “professionnels”... Mais aussi du public, pour “gérer” ses propres données (albums photos en réseau, musique en ligne, systèmes d’archivage personnels “en ligne”, web services,...) et renforcer la nécesité d’une connexion permanente, en tout point, par de multiples objets techniques (ubiquité des accès) .

Le réseau est une figure de Janus : il participe de la construction d’une nouvelle alternative

Mais ce qui suscite de l’espoir, c’est de mesurer combien, dans le même mouvement, le réseau et la numérisation travaillent l’ensemble de la société en lui redonnant une énergie et une force de renouvellement susceptible de faire face aux grands défis du proche avenir : refuser la montée des stratégies guerrières ; repenser la déshumanisation liées aux chimères technologiques mortifères, des biotech aux nanotech ; conserver les définitions de l’humain comme élément central des sociétés, depuis son intimité jusqu’à sa disponibilité (en amplifiant sa “résistance” à l’art de l’emprise et de la manipulation). Et les défis toujours actuels : l’accès de tous à la connaissance, notamment à une école qui diffuse de réels savoirs, et non des savoirs dits “élémentaires”, comme on le propose en France, mais aussi comme on l’impose dans les négociations commerciales internationales envers les pays en développement ; le droit à la santé, au travail, au logement, à la sécurité et l’autonomie alimentaire,....

Car c’est ce statut ambivalent des réseaux numériques qui fait son intérêt principal. Avec le réseau, disparaissent les stratégies politiques dites de “l’affrontement central” [4] : il n’y a plus de centres de décisions. Même le Pentagone peut être la cible des attaques...dont les conséquences principales sont dans l’intériorisation partout dans le monde d’un “danger”, que l’on nomme “terroriste”, mais qui est en fait un danger de “précarisation” : après notre travail, nos conditions d’existence, c’est notre vie elle-même qui est prise dans un arc de forces qui “nous dépassent”, nous “entourent”, et qui seraient pourtant présentes au plus près de chacun d’entre nous.

Seattle : la phrase magique “un autre monde est possible” est venue à éclore alors même que les médias dominants, et nos hommes politiques eux-mêmes n’avaient pas vu venir les dangers de société qui se profilaient derrières des décisions apparamment techniques, négociées secrétement dans des cénacles fermés. On songe ici évidemment à l’AMI (Accord Multilatéral sur les Investissements), qui fut coulé le jour où le Monde diplomatique a mis au grand jour, mis à la lumière, sur le réseau internet, le texte même de l’accord. Pas des commentaires, le texte... ce qui a conduit M. Dominique Strauss-Kahn, alors Ministre de l’Economie, à reconnaître la réalité des critiques et l’aspect pour le moins anti-démocratiques de ces négociations.

Quand les manifestants de Seattle scandent leur devise, ils sont déjà des milliers a savoir ce qu’il en est, à être devenus plus “experts” que les “experts auto-proclammés des médias”, à avoir évalué les risques, les pièges, les directions dangereuses que peuvent prendre les négociations commerciales mondiales. Leur arme : la circulation des connaissances. Et donc l’internet. C’est par le réseau que cette mobilisation s’est construite (capacité organisationnelle), mais surtout, c’est par le réseau que les savoirs issus de cette mobilisation se sont développés et renforcés (capacité cognitive).

Quand les dirigeants et les médias sont “pris au dépourvu”, une nouvelle génération militante mondiale émerge de ces pratiques coopératives, de ces réseaux où l’expression la plus libre (pas souvent pour le meilleur, mais qui remet de l’humain dans la machine) va de pair avec le travail d’analyse et de “conscientisation” le plus abouti (notamment en raison de son caractère d’emblée mondial et multiculturel).

Comment utiliser ce souffle nouveau pour créer cet autre monde possible

Les technologies ne suffisent pas, elle “rendent possible”.

De nouveaux mouvements sociaux, centrés sur la création, la circulation et l’usage des biens numériques ont vu le jour ces dix dernières années. Ces mouvements (celui des “logiciels libres”, celui des “Creatives commons”, le mouvement des chercheurs pour le libre-accès à la science,...) ont une caractéristique étonnante : ils sont basés sur des propositions juridiques nouvelles, qui s’inscrivent dans les droits dits de “propriété intellectuelle” pour mieux garantir le caractère pluriel, coopératif et public de la connaissance.

On peut reprérer trois dimensions à ces mouvements :

- donner le pouvoir aux gens sur leurs propres actes : étendre la “liberté de coopérer”, celle qui est inscrite dans la “philosophie du logiciel libre”. Pointons ici le terme “liberté” utilisé par les rédacteurs des textes de la Free Software Foundation [5] : ce n’est pas un “droit” que nous pourrions demander à d’autres, c’est une “liberté” que nous nous accordons et que nous accordons aux autres. C’est cela le fondement des techniques juridiques de la GPL (General public licence, le cadre juridique principal des logiciel libres) ou de Creative Commons (pour le mouvement des créateurs) ;

- travailler à limiter les “effets de bord”, les “récupérations”, les “détournements” : c’est l’apport du caractère viral des règles juridiques que fixent ces individus sur leur participation à la société (GPL, mais aussi, dans d’autres registres, les chercheurs pour le libre-accès à la science, les défenseurs des droits des peuples indigènes sur leurs propres connaissances ancestrales, les paysans qui partagent et sélectionnent les graines et les semences, ...). Si je donne des droits, celui qui en use doit redonner les mêmes droits aux autres. C’est un réel cadre juridique à la coopération, envisagée comme un nouveau modèle de société, et mis en actes dès maintenant ;

- modifier les perceptions sur les places respectives des uns et des autres dans l’architecture d’un monde complexe et globalisé. Un premier exemple concerne la relation entre l’individuel et le social, que l’on voit notamment dans les usages des technologies et du réseau par les femmes, qui utilisent le partage et l’échange autour des TIC comme moyen d’empowerment au niveau personnel, villageois ou de l’ensemble de la société (notamment après les conflits comme en Afrique). On le voit aussi dans la coordination entre les mouvements de libération juridique (du type de ceux cités ci-dessus, qui agissent principalement à l’échelle individuelle) et les propositions politiques et diplomatiques des pays du Sud pour que se mette en place une nouvelle architecture du développement. Ainsi, les propositions des “Pays qui pensent de la même manière” (Like-minded countries) auprès de l’OMPI (Organisation mondiale de la Propriété intellectuelle) sur une “initiative pour le développement” [6] s’appuient sur, et renforcent, le travail de la société civile pour écrire un nouveau Traité mondial dit “a2k : Access to knowledge ; Libre-accès aux connaissances” [7].

Dans ce cadre, les “biens communs de l’information”, le “domaine public” deviennent des symboles reflétant le fait qu’une société ne vit pas simplement de “marché”, de “comptabilité”, de “monétarisation”, et de tout ce qui peut représenter une capacité à “calculer” les échanges. Nous retrouvons des trajectoires qui existent depuis toujours : l’entraide, les associations, les syndicats, les bourses du travail, les coopératives, la résistance, et l’éducation populaire,...

Cette constance de l’activité non-marchande [8] trouve un nouveau terrain d’application dans les nouvelles propositions de la révolution douce, appuyée sur l’empowerment des usagers, leur offrant un cadre juridique alternatif afin de leur laisser décider ce qu’ils veulent laisser d’eux-mêmes à la société. Ceci constitue une force de revitalisation dont les acteurs eux-mêmes ont souvent peu conscience. Si “cela ne va pas plus mal”, comme le pose Patrick Viveret [9], c’est que fondamentalement, la majeure partie des échanges, des relations, des créations se font en réalité, d’ores et déjà, et certainement depuis toujours, en dehors du monde marchand. Pas loin, souvent en symbiose (cf l’industrie de la “révolte musicale”), mais toujours pour leur propre compte, hors de tout PIB et place boursière.

Ça ne se compte pas... et alors, est-ce que ça ne compte pas ?

Voilà le véritable “paradoxe des communs”. Ils sont créés par la communauté, protégés par la communauté, et doivent finalement bénéficier à la communauté. Dans la tradition politique, c’est au travers des capacités de l’État et des corps constitués à défendre ce qui est propriété collective que ce bénéfice s’étend à tous pour construire de l’égalité. Or les États ont aujourd’hui d’autres règles de valorisation de leur propre utilité : ils ne jugent plus que la “croissance” (des échanges marchands) et renvoient le prix à payer sur les générations futures. On l’a souvent expliqué à propos de la crise écologique.

Dans le cadre des biens numériques, nous devons aussi regarder ce phénomène. Si les règles proposées par les méga-industries des médias finissent par voir le jour, nous verrons inévitablement se développer un véritable malthusianisme envers la connaissance. Ce qui aura d’évidence des effets particulièrement inégalitaires alors même que c’est la capacité à traiter la connaissance qui devient un instrument essentiel de la richesse dans les sociétés dites “de l’information”.

Les puissances publiques jouent aujourd’hui à contre-jeu : au lieu d’aider la société à fluidifier les relations et à valoriser ce non-marchand qui organise réellement la vie en commun, elles cherchent au contraire à focaliser toutes les activités vers de nouveaux usages marchands. La “marchandisation de l’école”, dans le monde entier, en est certainement le symbole le plus inquiétant.

Ce que les mouvements de l’ére de l’information mettent à nu, c’est ce phénomène de retrait de l’État et plus généralement des puissances publiques, dans la gestion des “communs”, du “domaine public”.

Mais ce qu’ils montrent aussi, c’est que les usagers eux-mêmes peuvent “reprendre la main”, en construisant, dès maintenant, en symbiose/parasitisme, les alternatives qu’ils et elles souhaitent pour eux-mêmes, pour les autres, et pour leurs enfants. Simplement, mais radicalement, en développant des “communs” par leurs “dons”.

Et ce faisant, ces mouvements montrent que c’est aussi à la société civile, ses formes de coopération et d’auto-organisation, y compris quand elles se retrouvent dans des propositions juridiques nouvelles, qu’il revient de protéger les communs. A la suite des mouvements sociétaux des années soixante-dix, notamment le mouvement des femmes, les nouveaux mouvements de l’ére de l’information ouvrent des perspectives radicales pour repenser les relations sociales. Et cela parce qu’ils relient dans une même démarche les besoins de la vie immédiate et des choix personnels, avec l’incrustation sur tous les écrans du monde d’un futur déjà possible et déjà présent, qui devient un outil de critique radicale des tentatives de remise en ordre.

L’internet des origines a longtemps été considéré par ses animateurs comme un “terrain d’expérience”, principalement sur le plan technique ; un terrain d’autant plus valable qu’il engrangeait une large panoplie de données sous les formes les plus diverses, et aussi des “liens” entre ces données et documents. Eh bien nous découvrons que l’internet est aussi un terrain expérimental pour la nouvelle révolution qui est en marche.

Grâce à la plasticité du numérique, des acteurs de plus en plus nombreux font des propositions d’organisation du monde, en mettant à disposition de tous leur propre expérience et leur subjectivité, tout en utilisant des techniques juridiques pour garantir l’ouverture des usages. Les mouvements qui découlent de ces pratiques cherchent en marchant, proposent, testent, mettent en pratique dès maintenant, et ouvrent de nouvelles perspectives.

En particulier, les mouvements de l’ère de la connaissance mettent en lumière les dangers des stratégies d’appropriation du monde immatériel qui animent les principaux groupes et acteurs du monde de la marchandise. Que se soit la question des brevets sur la connaissance (logiciel, méthodes) ou sur le vivant ; que se soient les volontés de tracer et faire payer chaque activité de lecture et d’échange culturel ; que se soient les tentatives politiques de renouvellement des relations entre pays développés et pays en développement (le “néo-colonialisme numérique”), les nouveaux mouvements sociaux du numérique posent à la fois les outils d’une critique nécessaire et font émerger dans le concret les propositions alternatives.

Il tarde de retrouver les traces de cette vague de fond dans les propositions politiques et les nouvelles formes de démocratie participative qui doivent et peuvent se lever dans le monde pour éviter la guerre et assurer l’expansion de la connaissance et de la citoyenneté.

Hervé Le Crosnier

4 novembre 2005

Notes et références

[1] Groupe de Travail “article 29” sur la protection des données, groupe dépendant de la Commission européenne. Document de travail sur les questions de protection des données liées aux droits de propriété intellectuelle. http://europa.eu.int/comm/justice_home/fsj/pr­ivacy/docs/wpdocs/2005/wp104_fr.pdf

[2] John Battelle. The Search : How Google and Its Rivals Rewrote the Rules of Business and Transformed Our Culture. Portfolio, 2005. 311p.

[3] Larry Lessig. L’avenir des idées : le sort des biens communs à l’heure des réseaux numériques. Presses de l’Université de Lyon, 2005.

[4] Isabelle Stengers, Philippe Pignarre. La sorcellerie capitaliste. La Découverte, 2005.

[5] “I started the free software movement in 1983 to stand for software users’ freedom to cooperate in a community.” Richard Stallmann, in The Guardian, 6 octobre 2005, letter section. http://technology.guardian.co.uk/opinion/stor­y/0,16541,1585477,00.htmlVoir aussi : http://gnu.org/philosophy

[6] Proposition de l’Argentine et du Brésil en vue de l’établissement d’un plan d’action de l’OMPI pour le développement. 26 août 2004 http://www.wipo.int/documents/fr/document/gov­body/wo_gb_ga/pdf/wo_ga_31_11.pdf

[7] Martin Khor. Offsetting IPRs’ adverse effects on access to knowledge 02 février 2005 http://lists.essential.org/pipermail/a2k/2005­-February/000083.html

[8] Charles Leadbeater, Paul Miller. The Pro-Am Revolution : How enthusiasts are changing our economy and society. 07 novembre 2004 http://www.demos.co.uk/catalogue/proameconomy­/

[9] Patrick Viveret. Pourquoi ça ne va pas plus mal ? Fayard, 2004.

Posté le 2 décembre 2005

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