Retour du Forum Social Mondial......

Droits à la communication, logiciels libres et manifeste de Porto Alegre !

La force du soleil et des slogans, la musique des langues, la mosaïque des visages, les couleurs des bannières et des tissus, la chaleur étouffante et toutes ces voix unies dans un même lieu pour construire ensemble, au-delà de leurs diversités, un monde meilleur ! Difficile de trouver les mots pour « dire » Porto Alegre.

Pour donner à voir cette réalité, le mieux est peut-être d’aller naviguer au gré de vos curiosités sur les multiples sites qui tentent courageusement de « couvrir » Porto Alegre ! Cette année encore, de nombreux journalistes et agence de presse ont uni leurs plumes pour nous transmettre toute la richesse de l’événement. Parmi eux :
- Les pénélopes : regards et mots de femmes sur le forum social
- l’AMARC, le site de l’Association mondiale des radiodiffuseurs communautaires sur sa page spéciale FSM regroupant différents médias (écrits, radio et vidéo),
- CIRANDA, un des sites le plus complet et parmi les plus anciens qui regroupe la plupart des articles et reportages produits en les organisant par thématique !
- l’agence Carta Maior
- l’agence Inter Press Service - IPS et son journal Terraviva
- et bien sur le site du FSM et sa rubrique « presse »

Déjà 5 ans ! Cinq ans que le premier Forum mondial s’est tenu à Porto Alegre... un autre monde est-il devenu possible ? Les 160 000 participants au Forum 2005 soutenus par tous ceux qui n’ont pu faire le voyage mais qui contribuent à distance et participent des mêmes mouvements en sont convaincus. Et le penser et le dire, c’est déjà le faire exister un peu, le rendre réel même si il reste en devenir...

Cette année, le Forum social mondial avait choisi de s’organiser autour de onze axes thématiques et de regrouper les évènements proposés par les organisations participantes dans des « villages » de tentes correspondant à ces thématiques, installés tout au long de la lagune. Un lourd travail méthodologique avait été organisé préalablement à l’ouverture du Forum, tentant d’« agglutiner » les évènements épars des organisations et d’orienter les travaux vers la production de propositions et d’alternatives.

Il serait bien évidemment illusoire de vouloir tout dire du travail des 6588 organisations présentes à Porto Alegre et représentants 135 pays. Nous avons donc choisi ici de mettre l’accent sur deux évènements qui s’inscrivent dans une dynamique au-delà du FSM et qui en quelque sorte le prolongent : le premier entend mobiliser les mouvements sociaux et les militants des droits à la communication vers le sommet mondial de l’information et de la communication à Tunis ; le deuxième reconnaît les enjeux du logiciel libre et de la propriété intellectuelle comme élément central d’une logique alter mondialiste.

La communication, thème central du Forum

Nous avons tout particulièrement suivi les travaux de la thématique « D », « communication : pratiques anti-hégémoniques, droits et alternatives ». Dans le champ de la communication, des médias et de l’information, le message semblait avoir été reçu et la priorité était de faire constructif ! Traditionnellement au Forum social Mondial, les médias traditionnels axent leurs travaux sur l’information, la presse et les journalistes et les dangers de la concentration marchande sur la liberté d’expression ; Dans d’autres enceintes et séminaires, les médias communautaires et acteurs de la société de l’information se penchent sur les droits de la communication et les enjeux de la société de l’information. Cette année ces deux « familles » ont tenté de rapprocher leurs réflexions en ouvrant mutuellement leurs propres évènements.

Les premiers menés par l’Inter Press Service et le Monde diplomatique ont organisé leur propre « Premier forum mondial sur l’information et la communication » deux jours avant l’ouverture officielle du FSM ; toutefois, ils avaient pris soin d’ouvrir une de leur table ronde aux mouvements regroupés au sein de la campagne CRIS, pour les droits à la communication dans la société de l’information ! Ces derniers avait annoncé un débat sur « démocratiser la communication et les médias » en collaboration avec l’IPS, Le Monde Diplomatique et l’Observatoire international des medias, mais l’intervenant prévu ne s’est pas présenté ! Ce qui n’a pas empêché des interventions d’une grande force et d’une rare émotion autour des propos de la journaliste tunisienne Sihem Bensedrine, rédactrice en chef du journal en ligne Kalima interdit en Tunisie, qui avec calme et pudeur a expliqué l’impossible et dangereux travail des journalistes dans une dictature.

Pour poursuivre cette volonté constructive, les coordinateurs de CRIS, ont rédigé et proposé une déclaration, disponible également en français pour l’assemblée générale des mouvements sociaux, en clôture du Forum. Cette déclaration met l’accent sur les inégalités qui divisent le monde en matière d’accès à l’information et de liberté d’expression. Elle reconnaît les droits à la communication comme un droit de l’homme fondamental et appelle à une mobilisation de tous les mouvements dans le cadre du sommet mondial de la société de l’information de Tunis.

La reconnaissance du « libre » au Forum social mondial !

Un autre événement marquant du Forum social mondial 2005 a été l’inscription dans la programmation de la problématique du libre et des droits de la propriété intellectuelle ! Remarquée et remarquable, car notre ami Marcelo D’Elia Branco, acteur clef de la promotion du libre au Brésil, avait organisé une table ronde d’une très grande qualité : on y retrouvait Gilberto Gil, ministre de la culture du gouvernement brésilien de Lula, John Perry Barlow, de l’Electronic Frontier Fondation, Lawrence Lessig, l’avocat de la licence libre « creative commons » et enfin, Manuel Castells, sociologue bien connu de la société en réseaux.

Dans un hangar étouffant, face à une foule surchauffée, les intervenants ont chacun à leur façon fait comprendre l’enjeu du libre et le lien qui peut et doit se construire entre ces questions apparemment techniques et juridiques des droits de la propriété intellectuelle et la construction de sociétés en réseaux plus solidaires et équitables.

Quelques articles en français sur cette table ronde et ces enjeux :
- Sur le site des Pénélopes, Le logiciel libre, "un logiciel de partage"
- De Christian LOSSON de Libération, Le copyright, cible de Porto Alegre
- De Thierry Noisette, les alter mondialistes célèbrent le logiciel libre
- Et l’intervention de Manuel Castells, en espagnol ! "Innovacion, libertad y poder en la era de la informacion”

En conclusion.....le « manifeste de Porto Alegre »

Le manifeste en 12 points lancé pour 19 intellectuels du forum social mondial - téléchargeable sur le site IPS a provoqué la polémique à la veille de la clôture du Forum. Comme le soulignait Candido Grzybowski, un des membres fondateur du FSM et du comité international du FSM, « le contenu du document est parfait et je crois que 80% des participants au Forum l’approuverait » mais « ce qui tue cette proposition est la méthode avec laquelle elle a été crée et présentée. Ici toutes les propositions sont d’une égale importance et pas seulement celle d’un groupe d’intellectuels, quelque soit leur notoriété ». Cette polémique pose toute la question du fonctionnement et du rôle du Forum social mondial. On le voit, il n’est pas facile de vouloir à tout prix « faire de la proposition » pour changer le monde ! Mais le Forum est avant tout un processus et les échanges se poursuivront intensément en 2006. Le FSM se déroulera dans plusieurs pays en 2006, dont le Maroc et c’est à un des pays d’Afrique non encore choisi qu’il reviendra d’organiser le Forum social mondial 2007... C’était donc le dernier FSM à Porto Alegre.....tout au moins jusqu’en 2008 !

Posté le 3 février 2005

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