Free Culture

de Lawrence Lessig

Lire en anglais n’est pas facile à tout le monde. Mais lire Larry Lessig en anglais est vite un bonheur. Cet avocat américain met toute son acuité professionnelle au service de sa cause. Résultat : un ouvrage d’une clarté et d’une pédagogie étonnante, dans lequel chaque argument est décortiqué, retourné du point de vue de l’adversaire, donnant une force redoutable à sa démonstration. Et il en faut ! Car le sujet auquel il s’attaque n’est ni plus ni mois que la manière dont les grandes industries dites de la culture utilisent les technologies et le droit pour empêcher l’émergence de nouvelles formes de créativité qui menacent leurs positions hégémoniques.

Remontant jusqu’à la création du droit d’auteur en Angleterre au début du 18ème siècle, il nous rappelle que l’histoire de la propriété intellectuelle a toujours été celle de la recherche d’un équilibre : équilibre entre la protection des créateurs, inventeurs et de leurs diffuseurs d’un côté et l’enrichissement d’un bien public de la création de l’autre. Pourquoi un bien public de la création ? Parce que l’humanité puise en elle-même pour se renouveler : comme Picasso s’est inspiré de Michel-Ange, chaque invention ou création est nourrie des précédentes qui doivent être rendues accessibles à tous, au bout d’un temps qui permette à l’auteur de recevoir une rémunération de son œuvre.

L’irruption des TIC, comme à chaque nouvelle grande rupture technologique amène une crispation des acteurs de l’ère antérieure. Déstabilisés par des technologies qui mettent à mal leur quasi monopoles - le peer to peer est à l’industrie du disque ce que la bande Fm était aux Radios ondes longues à la fin des années 30 -, ils mènent une bataille sur un double front : le front légal d’abord où depuis 30 ans, le domaine public ne fait que rétrécir, chaque nouvelle législation (en France comme aux États unis) allant dans le sens d’un renforcement du droit des propriétaires en droit d’auteur et en droit des brevets. Fait totalement nouveau dans l’histoire de la relation entre technique et société, la bataille est menée au même moment sur un front technologique, les industriel tentant d’inclure des dispositifs de protection de leurs droits dans les artefacts, à l’instar du dispositif anti-copie des CD et des DVD. C’est ce qu’on appelle les DRM - Digital Rights Managments.

Lessig va démontrer tout au long de son livre que ce déséquilibre met en danger la liberté de la culture américaine. Une culture dont la liberté est la condition sine qua non de son renouvellement et le fondement d’un État démocratique. Il finit son ouvrage par une série de préconisations très concrètes et parfaitement compréhensibles pour un non juriste (un humain comme il les appelle avec auto dérision). Il propose en particulier qu’au bout d’une période d 45 ans, l’auteur d’une œuvre doive faire un acte symbolique - payer 1 dollar - pour renouveler son droit. Une méthode qui permettrait d’élever automatiquement dans le domaine public toutes les œuvres négligées de leurs auteurs parce que n’ayant plus de valeur commerciale.

Au final « Free culture » est un livre très américain, en ce qu’il convoque les valeurs de pères fondateurs - la propriété et la liberté - pour les mettre en regard, et finir par proposer un nouvel équilibre à l’ère informationnelle entre ces deux piliers de la culture politique américaine. Et c’est aussi un livre parfaitement universel tant cette question de la propriété des biens immatériels va façonner le capitalisme et le développement humain du 21ème siècle.

Le livre, publié chez Penguin Press, est également téléchargeable à l’adresse suivante : http://www.free-culture.cc Il est en effet publié sous une licence « creative commons », c’est à dire une licence de contenu libre permettant la circulation des œuvres de l’esprit, à condition que ce soit pour une finalité non commerciale.

Une traduction collective vers le français est en cours. Si vous voulez y participer, rendez-vous sur le wiki de travail

Posté le 12 septembre 2004

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