Saluons le courage de la toute nouvelle revue belge « Enjeux internationaux » qui a choisi de consacrer son deuxième numéro à la société de l’information, au moment du Sommet de Genève. Du courage, il en faut quand on voit à quel point les medias, grands et petits, de toute tendance politique, ont boudé ce sommet, le traitant comme un phénomène anecdotique ou technique.

Le numéro s’ouvre sur une très belle tribune, signé Andrews Simms de la New Economy Foundation, intitulé « et si on repensait la propriété ? », une question centrale si ce n’est « La question » de la société de l’information. Où du moins celle qui aurait du être traitée au cours du Sommet de Genève et qui a été soigneusement évitée. Il est juste curieux que la revue n’ait mentionné aucune relation entre son édito et le sujet central de son dossier, comme si ce n’était pas lié...

Dans le dossier, complet, on notera plusieurs articles à lire en priorité :
 Lettre des peuples des 8 saisons, par Aanta Forsgren, qui décrit l’usage des TIC dans la communauté des Saamis en Laponie
 Un défi pour l’Afrique, par Annie Chéneau-Loquay (adhérente de Vecam), qui à son habitude, secoue quelques idées reçues sur les usages des TIC en matière de développement
 Les claviers de la liberté contre les ciseaux de la censure, par Jean-Paul Marthoz, qui analyse l’usage d’Internet dans les luttes pour la liberté.

En revanche, concernant la diversité linguistique sur le Net, Enjeux internationaux semble avoir arrêté ses recherches à des données statistiques vieilles de plusieurs années et a choisi de donner la parole au sein de la francophonie à une personne qui visiblement ne maîtrise pas le dossier et préfère véhiculer des clichés. Nous renverrons nos lecteurs à l’observatoire des langues et des cultures porté par Funredes, en partenariat avec l’INTIF.

Plus choquant, le parti pris d’Enjeux internationaux sur la question du droit à communiquer, l’un des sujets les plus controversés à Genève. Même si James Deane de l’institut Panos tente de façon assez peu audible de donner un contre point, la revue fait la part belle au point de vue des détracteurs du droit à communiquer, en ouvrant entre autres ses colonnes à l’ultra-réactionnaire Ronald Koven du World Press freedom Committee. Il est surprenant qu’une toute jeune revue, loin de se solidariser avec ceux qui tentent à travers le monde de défendre la diversité de la presse, les médias locaux, associatifs et alternatifs, et luttent contre les mouvements de concentration des médias, choisissent le camp des « medias dominants ». Et relaye dans ses colonnes des arguments aussi faibles que les soi-disant errements des militants tiers-mondistes bien intentionnés des années 80... S’il ne s’agit pas d’éviter le débat autour du droit à communiquer (la voie normative est-elle la meilleure ?...), évitons de laisser à croire que la concentration des médias n’est soudain plus un problème à l’heure d’Internet !