Notes et réflexions sur le panel : la connaissance comme « bien commun »

Ce texte est composé à partir des notes prises lors du second panel du Forum mondial Sciences & Démocratie.

Valérie Peugeot, VECAM, France

Second atelier consacré à l’accès à la connaissance et aux biens communs. Présentation Vecam. Atelier organisé avec le concours de l’association APC et KEI.

La connaissance est au cœur de la culture et de l’économie, que ce soit dans les pays en voie de développement ou dans les pays développés. La circulation de la connaissance passe par l’innovation technique.

La connaissance circule aujourd’hui sans limite et introduit un autre paradigme dans notre modèle économique. Le pouvoir économique utilise la propriété intellectuelle. Le néolibéralisme n’a pas introduit d’égalité, de bien être, ni de société soutenable.

Mais la connaissance n’appartient pas au marché. Elle appartient à la communauté des usagers. Les droits permettent de maintenir des inventions des sociétés traditionnelles. La connaissance des biens communs peut être développé par les communautés elle-mêmes et permettent de changer les perspectives de la démocratie.

La connaissance se situe dans le domaine opérationnelle. Exemple du mouvement du logiciel libre qui s’est construit de manière autonome comme un « bien commun »

Amit Sengupta (AIPSN, All Indian People Science Network), Inde

C’est très important de comprendre pourquoi nous sommes ici à cette table. Il est nécessaire de se parler pour se comprendre et l’on est ici pour cela.

Le capital global appartient aujourd’hui à ceux qui dirigent la science. Je voudrais mentionner ici l’impact de ce contrôle : la science est produite dans des institutions qui ne sont pas autonomes, ni du marché, ni des gouvernements. La science est aujourd’hui contrôlée parce qu’elle est financée et qu’elle joue le jeu des corporations. Les conditions de production sociales de la science font que ce système est fermé aux biens communs. On produit aujourd’hui des artéfacts pour le marché et ces artéfacts dépendent des demandes du marché. Les avancées en matière d’ ingénierie génétique peuvent être utilisées comme source de profit pour les marchés. Tout cela est contrôlé par le capital global de façon directe et indirecte.

La science est incapable de penser aujourd’hui à la mutualisation et à la coopération. Sur le continent africain par exemple des millions de personnes sont mortes du sida. Est-ce qu’il y a une réponse ? Non. Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de médicament mais bien parce que la connaissance n’est pas sur l’agenda des marchés. Il y a longtemps que l’on a assisté à la privatisation de l’eau, de la forêt, bref des ressources naturelles.

Aujourd’hui on remarque une appropriation des biens communs car les plus grandes connaissances sont privatisées. Alors il faut trouver des solutions. Il faut que ce mouvement parviennent à faire advenir le partage de la connaissance. Comme pour le mouvement du logiciel libre.

Dans le domaine de la biologie, il y a beaucoup à faire. Dans le domaine de l’écologie, les choses sont plus avancées et les connaissances commencent à devenir des biens communs. Il faut maintenir l’écologie dans le domaine public car les ressources naturelles doivent être utilisées différemment.

La connaissance ne peut pas s’arrêter d’avancer. Pour favoriser l’appropriation des biens communs, on doit reformuler les mouvements de la science. Faire pousser le mouvement du cosmos de la connaissance et ne pas les laisser dans des amins privées.

Viviana Muñoz Tellez, South Centre, Organisation multilatérale du G77 basée à Genève.

J’aimerai parler de la possibilité de créer le « commun » de la connaissance. Tout d’abord, je voudrais reconnaître la valeur de la connaissance de la tradition.

La connaissance des traditions n’a pas été reconnue par la communauté internationale dans le système légal où nous vivons. Or, le développement durable est complètement soutenue par la connaissance traditionnelle. Les connaissances traditionnelles forgent la connaissance formelle.

On considère généralement qu’il existerait une supériorité de la connaissance occidentale. Au niveau international, il n’y a pas cette reconnaissance des savoirs traditionnels. Au contraire, la connaissance traditionnelle est transformée en marchandise : plusieurs brevets ont été créés à partir de la connaissance traditionnelle. On a privatisé cette connaissance.

C’est très complexe de regarder toutes les organisations qui ont un lien avec la connaissance traditionnelle. Dans l’agriculture par exemple, le système de bio-diversité reconnaît la connaissance traditionnelle mais il n’existe pas de protection de cette connaissance.

Les pays doivent donner le brevet à ceux qui possède la connaissance traditionnelle. Pour cela, il faut reconnaître les droits des indigènes. Lors de la convention sur la diversité biologique, beaucoup n’ont pas participé car le débat est centré sur la propriété intellectuelle. Les communautés traditionnelles devraient aller chercher les brevets.

Les logique des corporations qui bénéficient de la connaissance ne permettent pas de protéger les communautés. Au niveau local, la seule possibilité est la discussion. La connaissance traditionnelle a besoin de prévoir des règles qui sont à l’œuvre au niveau local au sein des communautés.

Une loi, dans le sud de l’Inde a essayé de mettre en place une protection par rapport à la connaissance traditionnelle. Mais comment faire pour partager cette connaissance au niveau scientifique ? Ceux qui détiennent une licence pourrait recevoir une licence « commun » et celui qui détient cette licence obtiendrait le droit de commercialiser sa connaissance. Ainsi, il n’y aurait pas de brevet sur cette connaissance.

Cette tendance est nouvelle et il y a maintenant une possibilité de la reconnaître au niveau international.

Pascale de Roberts, Institut de Recherche pour le Développement, France

La « corbeille de la femme étoile » est un mythe de la diversité agricole.

Cette intervention est tirée d’une étude de terrain réalisée avec des chercheurs du musée MNHN. Au Para, on fait de la recherche sur le savoir local. Comment les instruments légaux peuvent protéger la diversité culturelle et biologique élaborée par les populations locales ?

Récit sur les Cayapos en Amazonie. Sur leur territoire, il co-existe deux modèles de développement, l’un est porté vers l’agro-business, l’autre est agro-environnemental.

Les ressources de la forêt et la connaissance traditionnelle sont une ressource pour ceux qui pratiquent la biologie. Ainsi, les chercheurs ont élaboré plusieurs projets qui possèdent les deux modèles. Mais ici, il est difficile de faire de la recherche sans faire de politique. Il y a eu une recherche sur la pomme de terre sucrée avec des scientifiques et des ONG mais pour cette recherche puisse avoir lieu, cela a mis deux ans car il y avait des intérêts financiers.

Une fois l’autorisation de la communauté des Capayos obtenue, il y a eu plusieurs complications bureaucratiques. Il y avait un consensus entre la communauté et les chercheurs : il fallait prendre en compte la diversité locale. La connaissance agricole des plantes doit faire partie du domaine du commun.

Il y a eu en 1988 une déclaration à Belèm permettant aux institutions d’enregistrer le patrimoine culturel. Cela pourrait être un préalable pour l’appropriation des biens communs.

Pablo Ortellado, GPOPAI, Université de Saõ Paulo, Brésil

Les découvertes et les résultats de la sciences doivent être publiés. On doit partager les résultats de la sciences pour que la science puisse être partagée. L’éditorial de la revue Nature précise qu’il faut communiquer au public en général et servir les scientifiques en particulier : rendre les résultats scientifiques public fait partie des valeurs de la science.

À partir des années 1980, il y a eu une crise des périodiques et le prix des abonnements a augmenté de plus en plus. En 2003, 60% des revues et magazines étaient incorporés par 3 institutions. Dans les années 1980, cette équilibre a été perturbé par le besoin des gens d’avoir accès aux publications. Quelques chercheurs et quelques groupes scientifiques ont conduit une série d’expérimentation sur Internet en y mettant des thèses et des articles en libre accès. Autour de ces expérimentations, il était important de déterminer quelques principes pour que les nouvelles pratiques puissent avoir un sens.

En 2001, à Budapest, un appel a été signé par les chercheurs, fondant ce que l’on appelle aujourd’hui le mouvement de l’accès ouvert. Celui-ci a été prolongé par quelques expériences qui ont conduit à l’apparition de quelques ressources éducatives en ligne. Cela a aboutit à la déclaration de Cap Town en 2008.

Internet a joué un rôle perturbateur sur le marché. Il fallait faire en sorte que les articles soient accessibles. Aujourd’hui, 2/3 des journaux et revues scientifiques autorisent une copie électronique pour les auteurs. On peut mettre une copie digitale sur un site institutionnel et personnel par exemple. Le problème est que le grand public a du mal à atteindre ces sources d’information, comme les thèses électroniques.

En Allemagne et au Brésil, on dispose d’une loi pour obliger à publier sur Internet (2007). On a pu observer qu’après une année, on avait 50 000 articles disponibles mais seulement 30 000 avaient été déposés. On devrait centrer nos efforts pour que tous les livres scientifiques soient en ligne. Au Brésil, 86% des auteurs travaillent dans le secteur public. Il paraît logique que les travaux publiés le soient sur Internet.

James Love, Knowledge Ecology International, États-Unis

Je travaille sur une autre manière de financer les projets scientifiques qui posent les questions de l’accès à la connaissance et de l’accès à l’innovation.

Pour faire de nouveaux médicaments il existe un système qui créé un monopole temporaire, avec quelques brevets qui dure un temps déterminés. La personne qui développe ce brevet doit faire du profit avec sa recherche. Le résultat de bien un monopole. Je voudrais poser la question de la licence. Grâce à elle, la question du monopole pourraient être remplacée par un système fixant les prix à l’investissement.

Ceux qui produisent les médicaments pourraient alors voir les impacts de cette bourse dès la production. Cela revient à dire que le prix est défini en amont de la production des médicaments. Le prix n’aurait pas un lien avec la valeur du produit, mais avec une valeur sociale qui concerne les perspectives de cette recherche.

On pourrait aussi créer un système pour partager la connaissance. L’OMS a donné appui a une recherche qui pourrait aller dans ce sens là. Le débat sur les prix concerne aussi la propriété intellectuelle. La valeur du prix doit être déterminé par tous. Internet nous a apporté des connaissances et cela peut être importé sur le marché des médicaments.

Ma deuxième proposition pour un financement alternatif de la construction des biens communs concerne l’OMC. Il s’agit de « pirater » l’OMC. Qui a envie de travailler sur le paludisme par exemple doit pouvoir en faire bénéficier les populations touchées. Il existe un groupe hétérogène à l’OMC qui essaie de trouver une autre alternative pour la propriété intellectuelle. Les offres des recherches ne sont pas unifiées dans tous les pays. Il est nécessaire d’intégrer ces changements dans les textes et de déterminer les produits qui sont les plus importants pour le définition de leur « bien commun ». Car on ne peut pas avoir de mesures uniformes pour tous les produits. L’hétérogénéité des biens qui sont proposés comme "biens publics" commence à bouleverser les projets. En théorie, ce genre d’accord pourrait exister aussi sans l’OMC. L’OMC doit penser à transformer la valeur sociale en valeur d’échange.

Notes sur les débats avec la salle

On pourrait produire dans ce forum un texte d’une page sur les biens communs. Produire collectivement le manifeste.

Pour ce qui concerne l’archivage, seules les revues volontaires renseignent. En sciences sociales, HAL est robot ouvert, produit en France aux chercheurs du monde entier. Il y a des problèmes avec les éditeurs. Référence à l’appel de Berlin.

Nous devons défier le système globalement. L’âge du commun est le meilleur façon de contrer le capitalisme. Pour cela, nous devons entrer dans les schémas des différents secteurs pour proposer politique des biens communs.

Travaille dans le domaine des phytothérapies. Le plus grand impact est le manque d’autorisation de la connaissance scientifique. La politique est faite par le marché pour que les résultats de recherche reviennent à tout le monde. Promotion du bio-culturel et de la bio diversité.

Comment on met les informations sur Internet ? La connaissance produite doivent être traduite.

Le collectif « Richesse » a pour but de concrétiser la critique par des expérimentations. Exemple des paradis fiscaux pour mobiliser et être porteur d’alliances larges. La mutualisation d’expériences et de connaissances est bénéfique pour trouver d’autres modes d’accès au savoir. Attention : la critique de la marchandisation et la vision de la diversité culturelle peut déboucher sur plusieurs idéalisme concernant le secteur public ou le communautarisme. Le secteur public a un rapport au savoir critiquable. Le communautarisme aussi. Soyons vigilants contre les visions binaires !

La connaissance traditionnelle doit être relativisée car le seul enjeu de la connaissance n’est pas le seul moyen de légitimer les sociétés traditionnelles. Il faut aborder davantage la question des politiques publiques plus que le volontariat. Les logiques institutionnelles de la recherche font que l’on ne publie pas sur des archives ouvertes.

Les « bien communs » sont une façon de déprivatiser. Les gens ont une capacité à récréer toujours de la connaissance. Il faut changer la façon d’envisager les rapports aux mouvements sociaux et aux pouvoirs public. Il existe une tension entre le droit et la liberté.

La question du « commun » est un bon fil directeur entre les mouvements sociaux et les scientifiques. Opportunité de la crise. La faillite du système néo-libérale pose la question de la régulation publique. En quoi la production scientifique correspond à un intérêt supérieur à l’intérêt privé. Besoin d’associer les citoyens à la production des biens communs. Comment faire reculer les catégories marchandes ? La propriété intellectuelle est une des dimensions de la propriété. Il s’agit de repenser la question de la propriété au l’aune de la propriété intellectuelle.

Posté le 31 janvier 2009

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