Science, pouvoir et société dans les pays du Sud

Mohamed Larbi Bouguerra est ancien directeur de l’Institut National de la recherche Scientifique et Technique de Tunisie. Ancien directeur de recherche associé au CNRS. Professeur associé à l’Université Internationale Senghor d’Alexandrie. Consultant à l’OMS.

« Cette Terre qui est la nôtre est habitée par deux types distincts d’êtres humains... Ce qui les distingue, ce sont l’ambition, la puissance et l’élan qui découlent fondamentalement de leur maîtrise et de leur utilisation différentes de la Science et de la Technologie d’aujourd’hui. Ceux qui décident (principalement dans le Sud) des destinées de l’Humanité devraient se prononcer pour prendre graduellement des mesures permettant aux Misérables* (mustazeffins) de créer, de maîtriser et d’utiliser la Science et la Technologie modernes : il s’agit là, de leur part, d’une décision politique** ».

(Abdus Salam, Prix Nobel de Physique 1979).

* en français dans le texte, **c’est l’auteur qui souligne.

Dans les pays du Sud et spécialement dans le monde arabo-musulman, l’obsesssion et la propension insensées à la possession des produits de la technologie (armes et avions sophistiqués1, voitures rutilantes, téléphones portables, DVD…) et l’absolue confiance accordée à la science occidentale –et la médecine notamment– n’ont d’égal que le quasi désert scientifique dans lequel vivent et la société et les États de cette partie du monde. Dans le même temps, comme pour prouver que « la Science et ses applications sont la forme ultime du pouvoir », ces États ont doté leur police, avec la bienveillante coopération technique de l’étranger, des moyens les plus évolués pour contrôler illégalement la population (écoutes téléphoniques, contrôle d’Internet, vaste réseau de télécommunication aux mains de la sécurité et des organes officiels2, fichage informatique de la population…). La technologie et les progrès scientifiques pour contrôler les gens, oui mais peu est fait en faveur d’un enseignement efficient des sciences ou pour - la promotion d’une culture scientifique de bon aloi, d’où les attitudes aberrantes qui ont accompagné, par exemple, dans certains de nos pays comme la Tunisie et l’Egypte, l’éclipse solaire de Juillet 1999.

Demeure le fait qu’il existe une dépendance nette et totale vis-à-vis de l’étranger de la part d’États qui n’ont –ad nauseum – que la souveraineté nationale et l’indépendance à la bouche et qui apparaissent tellement chatouilleux sur ce chapitre qu’on les brocarde volontiers dans les médias étrangers en montant en épingle le fait que si l’Egypte ne recevait plus de blé américain, il y aurait des disettes ou que si l’Arabie Saoudite ou le Koweît manquaient de médicaments allemands ou suisses, la santé des gens serait gravement menacée et on pourrait multiplier les exemples.

Pourtant, les scientifiques de ces pays, dès qu’on leur offre les conditions de travail adéquates sont capables du meilleur. Preuve entre mille : le prix Nobel de chimie raflé en 1999, par l’Américain d’origine égyptienne Ahmed Zuwaïl qui travaille au California Institute of Technology (Caltech).

Analyser les causes de cette dépendance et l’absence d’une culture arabo-musulmane contemporaine capable de faire progresser les peuples, de leur permettre de faire irruption dans la modernité et de se mesurer aux défis de l’heure avec –et sur un pied d’égalité – le reste de l’humanité est présentement une tâche qui doit mobiliser les penseurs.

Ainsi, Salama Ahmed Salama3, évoquant précisément le Prix Nobel de Zuwaïl, après avoir déploré « l’absence du primat de l’esprit scientifique tant dans les affaires générales que privées dans nos sociétés » et « l’absence de la pensée - scientifique dans les niveaux les plus élévés de la société », écrit : « Nous voilà faisant la cour à nos compatriotes dont nous nous sommes si peu occupés dans le passé et que nous avions contraints à l’exil dans des sociétés et des cultures autres qui leur ont largement ouvert les bras et offert toutes les opportunités pour faire de la recherche, remporter des succès et exceller dans le champ scientifique… en Occident… Et quand nous leur demandons de revenir au bercail, nous oublions que la patrie, dans le monde contemporain, est, comme l’a dit Bernard Shaw, l’endroit où s’affirme la dignité et où sont respectés les Droits de l’Homme… Hormis cela, vaste est la Terre ! »

Un autre commentateur, Abdallah Hilal, s’exprime quasiment dans les mêmes termes quand il écrit : « Nous sommes d’avis que notre pays est riche en esprits novateurs mais ils sont enchaînés et humiliés, incapables de prendre leur envol et assiégés par tout ce qui a contraint Zuwaïl et ses semblables à exporter leur cerveau vers une société étrangère autre. Là, ils ont joui de la liberté et du respect car cette société ne lésine pas sur les moyens de nature à permettre l’affirmation de soi et du génie4 ». On ne peut s’empêcher de noter, concernant Zuwaïl, que ce chimiste –chaud partisan de la normalisation avec l’État hébreu– a accepté le Grand Prix Scientifique d’Israël et qu’il a passé une année, dans ce pays, pour initier les spécialistes à la femtochimie, branche de la chimie qu’il a développée ; de plus, il s’est s’adressé aux députés israéliens à la Knesset5. Dans ces conditions, on peut difficilement élever cet homme au rang de parangon du scientifique arabo-musulman quoique puissent dire les médias officiels, Rabelais ne disait-il pas : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » ?

Absence de liberté, contrôle des esprits, moyens matériels insuffisants6 voire inexistants dans certains cas, dédain du Politique pour les questions de la Science, tels semblent être, à première vue, les handicaps sur la route du progrès scientifiques au Sud. Il faut aussi que les scientifiques, de leur côté, admettent la nécesité d’une orientation de la science par la société et ses besoins. Il faut qu’ils mettent fin à l’illusion que la recherche est simplement guidée par le désir de savoir et qu’il n’y a pas de priorités sociales dans cette quête, car la Science doit s’adresser d’abord aux maux qui pèsent sur les gens : l’âge de « l’Art pour l’Art » des Parnassiens est bel et bien révolu et faut-il rappeler ce hadîth de nos lointains exercices de calligraphie arabe : « Maudite soit la Science qui n’est pas utile aux hommes » ? Ou les propos d’Ibn El Moukaffa sur les « Deux Sciences7 » ?

Disant ceci, nous ne voulons nullement occulter le fait que la Science est connaissance et recherche vivante issue, en dernière instance, de l’activité libre de l’esprit humain ; la dimension utilitaire et les retombées pratiques de la somme des connaissances recueillies grâce à l’activité scientifique, pour importantes qu’elles soient pour sortir du sous-développement, ne seraient que de bien piètres remèdes si en même temps, les esprits n’intégraient pas les réalisations intellectuelles de la Science, qui est création et invention. Il est tout aussi clair que la technologie, donc les applications de la Science, agit à l’intérieur d’un système économique axé sur la production, lié au profit et à la compétition commerciale8. De même, nous ne voulons nullement occulter le fait que la Science est comme la langue d’Esope. Elle est ce que les hommes en font : aux antibiotiques répondent les armes chimiques et à la radiothérapie les retombées de césium de Tchernobyl9. Ou bien - l’eau « potable » qui tue à profusion hélas ! en Inde et au Pakistan versus la bombe atomique réalisée par chacun de ces deux pays du Sud qui ont démenti un ancien ministre français – ancien polytechnicien de surcroît – qui tenait pour vrai que les pays où les chasses (des toilettes) fuient ne sauraient faire des recherches sophistiquées !

La Science est la mère du développement

Quand, en 1979, s’est tenue à Vienne une conférence mondiale sur la politique scientifique pour venir en aide aux pays en développement et y encourager la Science et la Technologie, Internet, la Toile, les autoroutes de l’information ou le génie génétique faisaient alors leurs premiers pas. Or, en Juin 1999, s’est tenue à Budapest, une conférence mondiale sur la Science. Mais, entre ces deux manifestations, en vingt ans, le monde a terriblement changé tant sur le plan politique que sur le plan scientifique puisque la brebis Dolly est parmi nous et a inauguré « l’âge du génome » via le clonage, que la médecine régénératrice, le génie génétique, les nanotechnologies et la robotique (regroupés sous le sigle GNR) sont des réalités et que la Toile relie des millions de personnes à travers le globe.

Hélas, les choses n’ont guère changé pour les pays pauvres et Mohamed Hassan, mathématicien soudanais et Président de l’Académie Africaine des Sciences affirme : « Depuis 1979, le fossé s’est creusé dans le domaine de la recherche entre pays en développement et pays industrialisés… La qualité de la recherche et le soutien qu’on lui consent dans les pays en développement demeurent loin derrière, comparativement à ce qui se passe dans les pays riches... Les frontières de la Science ont si vite avancé et les - coûts de la recherche ont tellement cru ces dernières années qu’il est devenu difficile pour certains pays de maintenir leurs efforts10 ». Et de fait, l’UNESCO rapporte qu’en 1998, les PVD n’ont dépensé que 50 millions de dollars pour la R&D soit à peine le dixième des sommes investies dans cette activité par les pays industrialisés.

Conséquence « naturelle » : les scientifiques de la triade Europe Occidentale, États-Unis et Japon ont signé, en 1995, 84% de toutes les publications parues dans des journaux à comité de lecture (referees). À l’exception de la Chine, du Brésil, de la Corée du Sud dont les économies se sont bien développées, en phase avec une recherche scientifique bien active qui en est souvent le catalyseur de choix, la plupart des pays en développement sont à la traîne dans ce domaine, y compris l’Inde qui a des centres réputés et des scientifiques de premier plan tel Chandrasekhara Raman (Prix Nobel de Physique, 1930) et à l’origine de l’actuel et prestigieux Nehru Center for Advanced Scientific Research de Bangalore. Pour ce qui est des pays arabes, la Conférence de Budapest a confirmé l’aggravation de la situation puisque la production scientifique y a baissé de 10% comparativement à 199011. Outre le mépris des politiques pour la Science et ses hommes, la fuite des cerveaux commence à se faire sentir sans que les États ne lèvent le petit doigt, trop heureux peut-être qu’une classe de scientifiques compétents n’émerge pas at home et ne constitue un bien « mauvais exemple » : dans des pays où le clanisme, le régionalisme, la langue de bois et les génuflexions devant le chef sont le meilleur sinon l’unique moyen de « réussir », se faire une place au soleil par son savoir et sa compétence est passablement subversif aux yeux de l’establishment.

Jean-Jacques Salomon soutient que l’État contemporain se trouve dans une situation de dépendance à l’égard des scientifiques et dit « Aucun État ne peut aujourd’hui se dispenser ni de l’avis ni du concours ni des contributions des scientifiques12 ». À notre avis, cette constatation ne s’applique pas à la majorité des pays en développement, qui sont pour la plupart sous la dépendance technologique du Nord. On doit les considérer comme des États pré-industriels préoccupés surtout par l’affirmation de leur autorité vis-à-vis de leurs ressortissants essentiellement. Et, de fait, le pouvoir politique, pour se maintenir en place, n’a pas grand besoin des scientifiques car les armes et les munitions de l’armée et de la police, les moyens de télécommunication, de transport et l’informatique proviennent de l’étranger et des instructeurs des pays fournisseurs les accompagnent. David Dickson, ancien correspondant à Washington de Nature, la plus vielle revue scientifique du monde, montre que la Science et ses applications sont en fait devenues une marchandise et un instrument de l’impérialisme13.

On ne peut que déplorer, bien évidemment, cet état de chose et se remémorer toutes les occasions perdues. La Révolution Industrielle a été ratée, tous les pays producteurs de pétrole étant alors colonisés. Mais elle a permis l’essor de la Ruhr, de la sidérurgie et de la chimie allemandes (colorants, gaz de synthèse, médicaments, explosifs…) pour ne citer que cet exemple. Cependant, l’essor scientifique et économique majeur que le monde a vécu après la Deuxième Guerre Mondiale était essentiellement bâti sur le pétrole, qui a détrôné la houille par ses qualités intrinsèques : exploitation et transport plus aisés, extrême versatilité chimique et applications innombrables de l’éthylène - qui en dérive et a avantageusement remplacé l’acétylène provenant du coke… Résultats : le pétrole extrait des pays arabes leur revient, avec une énorme valeur ajoutée, sous forme de plastiques divers, de voitures, de médicaments, de téléviseurs, de textiles (nylon, polyesters, dacron, polyuréthanes…) grèvant lourdement les budgets et contribuant ainsi à l’essor d’économies dont le pétrole est le moteur dans toutes les acceptions du terme. Ce ne sont pas les tardives réalisations pétrochimiques de la SABIC au nord de Jeddah qui donneront le change, puisque les procédés qui y sont utilisés sont protégés par des brevets appartenant aux multinationales et qu’aucune structure de recherche ne les accompagne et qu’aucune planification à long terme n’est faite pour la formation de cadres locaux.

Il est grand temps de réaliser que « le savoir est un facteur critique du développement » comme a fini par l’admettre aujourd’hui la Banque Mondiale elle-même qui, il n’y a pas si longtemps, incitait à la construction de routes et de barrages en vue d’aider les pays en développement à acquérir les moyens nécessaires à leur croissance.

Mettre fin au vide social dans les Universités

Dans bien des pays du Sud, les universités ne sont pas des centres de recherche. Bien entendu, on trouve de-ci, de-là quelques groupes de recherche créatifs, mais ils opèrent dans un vide social quasi total : leurs résultats et leurs activités n’intéressent personne dans le pays, même s’il arrive qu’elles soient utiles ailleurs. Souvent du reste, ces groupes ne travaillent qu’en vue de la « reproduction » des universitaires si bien décrite par Bourdieu : afin d’accéder à tel ou tel grade, il faut justifier de travaux et de publications - devant des commisssions ad hoc. Une fois la publication parue ou le parchemin en poche, la recherche est rarement poursuivie.

Dans les pays du Maghreb, il arrive de plus en plus que le chercheur parte à l’étranger et s’investisse dans un travail qui n’a d’intérêt que pour son patron de thèse et qu’il est impossible de poursuivre en Tunisie ou au Maroc par exemple. Mais l’essentiel pour l’expatrié est de rentrer avec le parchemin pour décrocher un poste à l’Université nationale. Souvent du reste, le travail de recherche accompli n’a pas d’attrait pour les thésards autochtones, français, belges ou canadiens, car il n’ouvre pas de perspectives de recherche stimulantes ou parce que, confié par une entreprise, son financement a une durée limitée dans le temps. Le chercheur maghrébin aura fourni sa force de travail pour l’essentiel.

Dans de nombreuses universités du Sud, arabes notamment, l’accent est mis sur le conformisme, la mémoire et la docilité. Ainsi, la revue égyptienne Littérature et Critique rapporte, dans un article signé du Dr Chabl Badran, paru dans son numéro 80 d’avril 1992 (p. 140-143), les tribulations de la thèse de Saïd El Chérihi, de la Faculté de langue arabe de l’Université Om El Khoura en Arabie Saoudite14, thèse qui portait sur « Le renouveau linguistique de la poésie à l’époque abbasside » mais comme son directeur de thèse, le Pr Lotfi Abd-el-Badi est étiqueté « structuraliste et réaliste », le rapporteur a jugé que le travail d’El Chérihi constituait « un danger autrement plus grave, pour l’islam, que le marxisme, le communisme et la laïcité » et y a relevé « des idées et des expressions obscures, non conformes avec les principes et l’enseignement de - la religion musulmane ». Après s’être étonné que l’on puisse affirmer que « des idées obscures » soient conformes ou non à la religion, le Dr Chabl Badran de s’exclamer : « Y a-t-il une méthode scientifique musulmane et une autre chrétienne ou juive ou bouddhiste ou américaine ? » Mais rien n’y fit ! Le Conseil de l’Université demanda à El Chérihi de « faire amende honorable et de revenir à Dieu » et, magnanime, lui accorda, à titre exceptionnel, d’aborder une nouvelle voie de recherche avec un directeur dont « les idées, les méthodes et la science » soient orthodoxes et conformes à l’islam.

La discrimination et l’ostracisme politiques, la perte des libertés académiques affaiblissent les universités du Sud. En Tunisie, dans les années 60, un centre de recherches économiques et sociales a été menacé et marginalisé parce que ses travaux n’avaient pas l’heur de plaire à un tout puissant ministre dont ils démontraient les erreurs. De même, et plus récemment, un poète a été écarté, par le Recteur, d’un colloque parce qu’il était l’intime d’un Premier ministre tombé en disgrâce.

Evoquant la situation de l’enseignement supérieur algérien face à la montée de l’intolérance, le regretté Rachid Mimouni écrivait : « Les sciences humaines restent globalement suspectes […] et sont transformées en cours de propagande islamique. Les étudiants […] n’entendent jamais parler de Darwin, Freud, Auguste Comte et encore moins Marx […] Ibn Khaldoun lui-même n’y est guère en odeur de sainteté. La biologie, la médecine et surtout la chirurgie suscitent des réticences [pour leur matérialisme][…]Restent les sciences exactes supposées neutres […] L’informatique est très prisée. Lorsqu’ils voient sur l’écran de l’ordinateur - s’inscrire nos lettres arabes, ils sont convaincus que la langue du Coran est entrée dans la modernité, ignorant que ce n’est que l’effet du logiciel conçu aux États-Unis avec la collaboration d’émigrés libanais15. » Puis Mimouni évoque la sanction des études : « Dans certaines facultés, les islamistes sont assurés de leur réussite aux examens quelles que soient les notes obtenues. Tout enseignant qui s’aviserait de les recaler se verrait aussitôt taxé de mécréant, car il aurait fait prévaloir les calculs de résistance des matériaux sur l’omnipotence divine qui peut faire tenir un immeuble dont les piliers ont été sous-dimensionnés ou provoquer l’écroulement d’un pont construit selon les normes requises ». Et notre auteur de conclure : « La religion a fini par investir tous les lieux de l’espace social, du culturel au scientifique. En ce cas, la barbarie n’est jamais loin. Ni l’Inquisition et les bûchers. Les hommes de culture auraient été les premières victimes de ses souffles ravageurs16 ». Mohamed Arkoun renchérit de son côté : « L’avènement d’une “raison ” des Lumières demeure jusqu’à nos jours l’impensé de la pensée islamique17 ».

La crise de la Science et celle des Universités dans les pays du Sud sont indissociables de la situation politique et sociale. Impérialisme et multinationales ont leur part de responsabilité dans cette situation, mais l’autoritarisme et la mainmise de l’État sur la culture et l’information ont favorisé le nanisme scientifique actuel du Sud.

Cependant, ici comme ailleurs, la démocratie, le dialogue et la participation de citoyens libres et informés à la prise de décision, leur implication dans les affaires de la Cité, sont seuls en mesure d’améliorer les choses. Nos pays, nos peuples et notre intelligentia devraient méditer ces paroles - d’Alfred North Whitehead que cite Abdus Salam en ouverture à un de ses livres18 :« Dans les conditions de la vie moderne, la règle est absolue : la race qui ne donne pas son dû à l’intelligence est perdue. […] Demain, la Science fera encore un nouveau pas, il n’y aura aucune possibilité d’appel au jugement qui sera prononcé […] contre les non- instruits et les ignorants. »

1 L’Arabie Saoudite consacre 36% de son budget –soit 13,8 milliards de dollars– aux forces armées (Libération, 11 août 1990) Voir aussi notre ouvrage La recherche contre le Tiers Monde. Multinationales et illusions du développement, Presses Universitaires de France, Paris, 1993.

2 Constrastant avec l’indigence du réseau famélique à la disposition des citoyens ordinaires, de Beyrouth à Casablanca et de Caire à Nouakchott, les agents de police arborent avec ostentation des talkies-walkies dernier cri.

3 Salama Ahmed Salama, Weghat Nazar (Le Caire), nº10, Novembre 1999, p. 82. On notera aussi que le journal gouvernemental « La Presse de Tunisie » (21 mars 1999) consacre un supplément aux « chercheurs tunisiens en France » et après en avoir fait le décompte affiche sa satisfaction : « C’est dire que le nombre de chercheurs tunisiens dans le secteur de la vie est vraiment très satisfaisant ». Le journal note que tous ces chercheurs travaillant en France « ont effectué leurs études primaires et secondaires en Tunisie. » mais ne se donne pas la peine de s’interroger sur les raisons de leur départ et de leur succès de l’autre côté de la Méditerranée.

4 Abdallah Hilal, Al Châab (Le Caire), 08 février 2000.

5 Jalèl Amin, El Ahali (Le Caire), nº 949, 24 novembre 1999, p. 7. Pour cet auteur, le pouvoir en Egypte a instrumentalisé Zuwaïl - pour donner une respectabilité à ses efforts de rapprochement avec Israël. Zuwaïl, par exemple, n’a pas hésité à parrainer Madame Moubarak nommée docteur honoris causa par l’Université américaine du Caire (Voir la première page du « Le Progrès d’Égypte » du 05 février 2000).

6 Au cours d’un colloque consacré à l’enseignement de la chimie dans le monde arabe à Rabat dans les années 80, un ministre a demandé la suppression des travaux pratiques de chimie ! Manque de moyens ou peur d’un savoir dangereux à ne pas mettre entre les mains d’une jeunesse contestataire ? Le même ministre n’a jamais mesuré les moyens de l’État chérifien à la police !

7 Ibn El Moukaffa, El adabou essaghir wa’l adabou elkabir, Dar Sadar, Beyrouth (année d’édition non indiquée), p. 111.

8 Michel Paty, L’Aventure Humaine, nº 10, 2000.

9 Mohamed Larbi Bouguerra, La pollution invisible, Pressses Universitaires de France, Paris, 1997.

10 Robert Koenig, Science (Washington), vol. 284, p. 1760- 61, 11 Juin 1999.

11 Réf. 9.

12 Jean-jacques Salomon, Le destin technologique, Ed. Balland, Paris, 1992.

13 David Dickson, The new politics of Science, University of Chicago Press, Chicago, 1988.

14 Cette même Université rompit le contrat du Pr Mahmoud Abou Zeïd coupable d’avoir traduit le livre de Paulo Freire Pédagogie des opprimés.

15 Rachid Mimouni, De la barbarie en général et de l’intégrisme en particulier, Le Pré-aux-Clercs édit, Paris, 1992.

16 Ce que dit Mimouni dépasse largement le cadre de son pays et se voit –hélas !– ailleurs aussi voir M. L. Bouguerra Indépendances. Souvenirs d’un scientifique tunisien, Descartes & Cie, édit, Paris, 1998.

17 Le Monde, 05 mai 1992.

18 Abdus Salam, Notes on Science, Technology and Science education in the development of the South, The Third World Academy of Sciences, Trieste, 1988.

Posté le 16 avril 2008

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